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LE BÂTIMENT DE PIERRE...Extrait

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Tandis que les jours passaient,

que les saisons se succédaient, il a tracé dans
l’orbite du bâtiment de pierre des cercles qui,
tour à tour, s’élargissaient et se rétrécissaient. Il
a marché, marché, marché sans relâche, jusqu’à
tomber sur les dalles, épuisé de fatigue. Sur les
chemins de la vie et les rivages de la mort. Il
est resté, tel un rouleau de parchemin froissé,
devant les portes qu’il n’a jamais été autoriséà
franchir, tout tremblant de froid, dans la boue
et les traces d’urine... Il a raconté... En riant
à tout propos, de plus en plus... Il n’a trouvé
personne pour l’écouter. C’est ainsi qu’il a
appris à bavarder avec les mots, les oiseaux et
les vents...
La dernière fois que je l’ai vu, il baissait sa
tête alourdie. Ses cheveux cachaient son front
et ses yeux. Ce que je craignais le plus, c’était
qu’il levât soudain ses yeux sur moi. C’est aussi
ce que je désirais le plus, qu’il me regarde, qu’il
me voie, qu’il murmure un mot. Un signe, un
reproche, un adieu. Il n’a rien fait de tout cela.
Et il m’a laissé ses yeux. Il n’avait personne à
me laisser.
Et puis j’ai reconnu ta voix, ma propre voix
qui avait pris vie en toi. Curieusement, ce que
je redoutais le plus, c’était que tu pleures, que
tu supplies, que tu t’effondres. Tu n’as rien fait
de tout cela. Comme si la mort, la fin dramatique
que je me réservais, était un point d’éternité.
Toi, tu es resté au beau milieu d’une phrase
que l’aube n’a pas pu t’arracher. Avec dans tes
yeux un scintillement cendré... Tu as allumé la
dernière bougie de ta résistance et tu l’as offerte
à l’aube.
Ta tête s’est affaissée. Comme si, curieusement,
tu avais réussi à faire pousser des fleurs
parmi les bouts de papier qu’on avait collés
sur tes blessures. Tes yeux étaient comme deux
étoiles humides cachées dans les branches. Je me
suis dit que tu les avais oubliés. J’ai écarté une
à une les branches. J’ai cherché, des jours, des
nuits, des années durant. Quand j’ai eu fini, tu
étais parti depuis longtemps.
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ASLI ERDOGAN
Traduction Jean Descat
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La prison à vie requise en Turquie contre la romancière Asli Erdogan

Des procureurs turcs ont réclamé la prison à vie pour la célèbre romancière turque Asli Erdogan, 49 ans, accusée avec huit autres personnes d'avoir collaboré avec un journal pro kurde, Ozgür Gündem, selon l'acte d'accusation préliminaire dévoilé jeudi par des agences de presse locales. On leur reproche d'être «membres d'une organisation terroriste armée», d'«atteinte à l'unité de l'Etat et à l'intégrité territoriale du pays» et de «propagande en faveur d'une organisation terroriste».


Asli Erdogan est traduite dans plusieurs langues. Son dernier roman paru traduit en français, le Bâtiment de pierre (Actes Sud, 2013), dénonce la torture et les conditions de détention en Turquie.

 

 Une pétition exigeant la libération immédiate d’Asli Erdogan circule, vous pouvez la signer ici.

 

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asli,,,,


RENE CREVEL...Extrait

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Ce soir, comme tous les soirs, j'ai moins peur de la nuit que du réveil. Le petit jour met trop
d'obstination à ramener les incertitudes, toujours les mêmes. Au moment de dormir, je m'acharne a trouver quelque sécurité qui m'aide à reprendre avec plus de courage la suite de mes jours. Comme on a besoin de manger et de boire, oui, j'ai besoin d'être sûr. Sûr de n'importe quoi...
Notre sommeil coupé en deux, nous nous apercevons que l'esprit libéré ne s'enchaîne point toujours à ces prétendues merveilles qu'il plaît à nos minutes lucides d'amonceler. Bien plus que des dragons ou les éruptions des volcans de porcelaine, m'épouvante ce nettoyage par le vide qui me vaut par exemple de rêver que je ne rêve point. De même une combinaison des plus stricts et plus lucides raisonnements...

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RENE CREVEL

 

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INSOMNIE

 

LETTRE D'ASLI ERDOGAN

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"Chères amies, chers amis, collègues, journalistes, et membres de la presse,

Je vous écris cette lettre depuis la prison de Bakırköy, au lendemain de l’opération policière à l’encontre du journal Cumhuriyet, un des journaux les plus anciens et voix des sociaux démocrates. Actuellement plus de 10 auteurs de ce journal sont en garde-à-vue. Quatre personnes dont Can Dündar (ex) rédacteur en chef, sont recherchées par la police. Même moi, je suis sous le choc.
Ceci démontre clairement que la Turquie a décidé de ne respecter aucune de ses lois, ni le droit. En ce moment, plus de 130 journalistes sont en prison. C’est un record mondial. En deux mois, 170 journaux, magazines, radios et télés ont été fermés. Notre gouvernement actuel veut monopoliser la “vérité” et la “réalité”, et toute opinion un tant soit peu différente de celle du pouvoir est réprimée avec violence : la violence policière, des jours et des nuits de garde-à-vue (jusqu’à 30 jours)…
Moi, j’ai été arrêtée seulement parce que j’étais une des conseillères d’Özgür Gündem“, journal kurde”. Malgré le fait que les conseillères, n’ont aucune responsabilité sur le journal, selon l’article n°11 de la Loi de la presse qui le notifie clairement, je n’ai pas été emmenée encore devant un tribunal qui écoutera mon histoire.
Dans ce procès kafkaïen, Necmiye Alpay, scientifique linguiste de 70 ans, est également arrêtée avec moi et jugée pour terrorisme.
Cette lettre est un appel d’urgence !
La situation est très grave, terrifiante et extrêmement inquiétante. Je suis convaincue que l’existence d’un régime totalitaire en Turquie, secouerait inévitablement, d’une façon ou d’une autre, aussi l’Europe entière. L’Europe est actuellement focalisée sur la “crise de réfugiés” et semble ne pas se rendre compte des dangers de la disparition de la démocratie en Turquie. Actuellement, nous, -auteurEs, journalistes, Kurdes, AléviEs, et bien sûr les femmes- payons le prix lourd de la “crise de démocratie”. L’Europe doit prendre ses responsabilités, en revenant vers les valeurs qu’elle avait définies, après des siècles de sang versé, et qui font que “l’Europe est l’Europe” : La démocratie, les droits humains, la liberté d’opinion et d’expression…
Nous avons besoin de votre soutien et de solidarité. Nous vous remercions pour tout ce que vous avez fait pour nous, jusqu’à maintenant.
Cordialement."
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ASLI ERDOGAN
-1.11.2016, Bakırköy Cezaevi, C-9
Traduit du turc par Kedistan
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asli-erdogan-

Asli Erdogan

ECCE HOMO...Extrait de PREFACE

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« Je ne suis nullement, par exemple, un croquemitaine, un monstre moral, - je suis même, de par nature, à l'antipode du genre d'hommes qu'on a vénérés jusqu'ici comme vertueux. Il me semble, entre nous, que c'est justement ce qui me fait honneur. Je suis un disciple du philosophe Dionysos ; j'aimerais mieux, à la rigueur, être un satyre qu'être un saint. Mais on n'a qu'à lire cet écrit. Peut-être ai-je réussi à y exprimer cette opposition de façon sereine et philanthropique, peut-être n'a-t-il pas d'autre but. « Améliorer » l'humanité serait la dernière des choses que j'irais jamais promettre. Je n'érige pas de nouvelles « idoles » ; que les anciennes apprennent d'abord ce qu'il en coûte d'avoir des pieds d'argile. Les renverser (et j'appelle idole tout idéal), voilà bien plutôt mon affaire. On a dépouillé la réalité de sa valeur, de son sens et de sa véracité en forgeant un monde idéal à coups de mensonge... Le « monde de la vérité» et le « monde de l'apparence »... je les appelle en bon allemand le monde du mensonge et la réalité... L'idéal n'a cessé de mentir en jetant l'anathème sur la réalité, et l'humanité elle-même, pénétrée de ce mensonge jusqu'aux moelles s'en est trouvée faussée et falsifiée dans ses plus profonds instincts, elle en est allée jusqu'à adorer les valeurs opposées aux seules qui lui eussent garanti la prospérité, l'avenir, le droit suprême au lendemain. »

 

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FRIEDRICH NIETZSCHE

 

 

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D R A G A N • T O D O R O V I Ć

Photographie Dragan Todorovic

 

 

 

ECUME DES JOURS

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Dans le ciel un oiseau 
une tache blanche 
pétale à l’horizon    étoile première 
les dents du ciel mordent l’air 
et récurent les griffures 
solitudes   os blanchis 
chair des jours nouveaux 

au commencement 
la fin du monde et l’autre encore 
le blanc    le noir et la couture de l’histoire 
écume des jours 
silence blond 
ronde des fleurs 
la pluie ruisselle sur le visage 
de la marelle 
roulis et danse du grand fleuve 

ventre de pierre 
flanc de montagne   poche de neige 
un souffle s’installe sur le divan 
il dit   ose révéler    il s’abandonne 
pleure et fredonne ses mots d’automne 
la voix dépose 
ses maux de rose   rouges et souffrants 

lune de miel pour les passants 
et dans le ciel une plume reste 
oiseau absent

 

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MARIA-DOLORES CANO

http://reveusedemots.blogspot.fr

 

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mahmoud al- Kurd

Photographie Mahmoud Al-Kurd

 

 

A MA TERRE MEURTRIE

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À ma terre meurtrie de sang et de souffrances 
Berceau d’Humanité, berceau de mon enfance 
Pour que cesse l’horreur des combats et des armes 
  Je dédie mes mots, ma révolte, mes larmes…. 

D’avoir ployé longtemps sous le poids du silence, 
D’avoir courbé le dos sous le joug des violences, 
D’avoir tremblé longtemps dans l’effroi, la terreur 
 Nous avons tous grandi à l’ombre de la peur… 

 Pour avoir réprimé dans la honte notre orgueil, 
Ravalé l’amour-propre, de nos droits fait le deuil, 
Refoulé la colère quand nos gorges se nouent 
 Nous avons enterré la dignité en nous…. 

Dignité retrouvée ! O rêve d’espérance ! 
C’est bien dans la douleur qu’a lieu ta renaissance ! 
 N’est-il de liberté qu’au prix de barbaries ? 
 Et n’est-il de justice acquise sans tyrannie ? 

 Par le rouge des flots qui coule dans nos veines, 
Et par la fulgurance des révoltes soudaines, 
 Par la force du peuple qui relève le front 
Qui se relève enfin pour essuyer l’affront : 

J’en appelle à l’amour qui fleurit dans nos cœurs 
J’en appelle aux rivières de sanglots et de pleurs 
 J’en appelle à ces voix qui scandent levant la paume 
A celles qui psalmodient des versets ou des psaumes 
J’en appelle au printemps, à l’odeur du jasmin 
Pour que la LIBERTE éclaire ton chemin ….
SYRIE !  "

 

 

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Poétesse anonyme ICI

Glané sur

http://reveusedemots.blogspot.fr

 

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SUHAIR SIBAI,

Oeuvre Suhair Sibai

Peintre Syrienne

 

APPRENTISSAGE

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Merci Nedjma...

 

Après quelque temps,
Tu apprendras la différence entre tendre la main et secourir une âme.
Et tu apprendras qu'aimer ne signifie pas se coucher, et que compagnie ne signifie pas toujours sécurité.Tu commences à comprendre.
Tu commenceras à apprendre que les baisers ne sont pas des contrats, ni des cadeaux, ni des promesses…
Tu commenceras à accepter tes échecs la tête haute, comme un adulte, et non avec la tristesse d’un enfant.
Et tu apprendras à construire aujourd’hui tes chemins, parce que le terrain de demain est incertain, et ne garantit pas la réalisation des projets, et que le futur a l’habitude de ne pas tenir ses promesses.

Après un certain temps,
Tu apprendras que même le soleil brûle .
Chacun doit planter son propre jardin et décorer son âme, au lieu d'attendre qu'on lui apporte des fleurs.
Tu apprendras que tu peux résister, que tu es fort, tu découvriras ta valeur, tu apprendras et apprendras encore...
Tu accepteras le fait que même les meilleurs peuvent te blesser parfois, et que tu auras à leur pardonner.
Tu apprendras que parler peut alléger les douleurs de l’âme.
Tu apprendras qu’il faut beaucoup d’années pour bâtir la confiance, et à peine quelques secondes pour la détruire, et que, toi aussi, tu pourrais faire des choses dont tu te repentiras le reste de ta vie.
Tu apprendras que les vraies amitiés continuent à grandir malgré la séparation. Et que ce qui compte, ce n’est pas ce que tu possèdes, mais qui compte dans ta vie.
Et que les bons amis sont la famille qu’il nous est permis de choisir.
Tu apprendras que nous n’avons pas à changer d’amis, si nous acceptons que nos amis changent et évoluent.
Tu expérimenteras que tu peux passer de bons moments avec ton meilleur ami en faisant n’importe quoi, ou en ne rien faisant, seulement pour le plaisir de jouir de sa compagnie.
Tu découvriras que souvent nous prenons à la légère les personnes qui nous importent le plus ; et pour cela nous devons toujours dire à ces personnes que nous les aimons, car nous ne savons jamais si c’est la dernière fois que nous les voyons…
Tu apprendras que les circonstances, et l’ambiance qui nous entoure, ont une influence sur nous, mais que nous sommes les uniques responsables de ce que nous faisons.
Tu commenceras à comprendre que nous ne devons pas nous comparer aux autres, sauf si nous désirons les imiter pour nous améliorer.
Tu découvriras qu’il te faut beaucoup de temps pour être enfin la personne que tu désires être, et que le temps est court…
Tu apprendras que si tu ne contrôles pas tes actes, eux te contrôleront.
Et qu’être souple ne signifie pas être mou ou ne pas avoir de personnalité : car peu importe à quel point une situation est délicate ou complexe, il y a toujours deux manières de l’aborder.
Tu apprendras que les héros sont des personnes qui ont fait ce qu’il était nécessaire de faire, en assumant les conséquences.
Tu apprendras que la patience requiert une longue pratique.
Tu découvriras que parfois, la personne dont tu crois qu’elle te piétinera si tu tombes, est l’une des rares qui t’aidera à te relever.
Mûrir dépend davantage de ce que t’apprennent tes expériences que des années que tu as vécues.
Tu apprendras que tu tiens beaucoup plus de tes parents que tu veux bien le croire.
Tu apprendras qu’il ne faut jamais dire à un enfant que ses rêves sont des bêtises, car peu de choses sont aussi humiliantes ; et ce serait une tragédie s’il te croyait, car cela lui enlèverait l’espérance!
Tu apprendras que, lorsque tu sens de la colère et de la rage en toi, tu en as le droit, mais cela ne te donne pas le droit d’être cruel.
Tu découvriras que, simplement parce que telle personne ne t’aime pas comme tu le désires, cela ne signifie pas qu’elle ne t’aime pas autant qu’elle en est capable : car il y a des personnes qui nous aiment, mais qui ne savent pas comment nous le prouver…

Il ne suffit pas toujours d’être pardonné par les autres, parfois tu auras à apprendre à te pardonner à toi-même…
Tu apprendras que, avec la même sévérité que tu juges les autres, toi aussi tu seras jugé et parfois condamné…
Tu apprendras que, peu importe que tu aies le cœur brisé, le monde ne s’arrête pas de tourner.
Tu apprendras que le temps ne peut revenir en arrière.
Tu dois cultiver ton propre jardin et décorer ton âme, au lieu d’attendre que les autres te portent des fleurs…
Alors, et alors seulement, tu sauras ce que tu peux réellement endurer ; que tu es fort, et que tu pourrais aller bien plus loin que tu le pensais quand tu t’imaginais ne plus pouvoir avancer !
Mais malheureusement , seulement avec le temps !

 

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JORGE LUIS BORGES

 

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galets

 

 

APRENDIENDO

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"Después de un tiempo, uno aprende la sutil diferencia entre sostener una
mano y encadenar un alma.

Y uno aprende que el AMOR no significa acostarse.

Y que una compañía no significa seguridad, y uno empieza a aprender ....

Que los besos no son contratos y los regalos no son promesas, y uno empieza
a aceptar sus derrotas con la cabeza alta y los ojos abiertos, y uno aprende
a construir todos sus caminos en el hoy, porque el terreno del mañana es
demasiado inseguro para planes ... y los futuros tienen su forma de caerse
por la mitad.

Y después de un tiempo uno aprende que, si es demasiado, hasta el calor del
Sol puede quemar.

Así que uno planta su propio jardín y decora su propia alma, en lugar de
esperar a que alguien le traiga flores.

Y uno aprende que realmente puede aguantar, que uno es realmente fuerte, que
uno realmente vale, y uno aprende y aprende ... y así cada día.

Con el tiempo aprendes que estar con alguien, porque te ofrece un buen
futuro, significa que tarde o temprano querrás volver a tu pasado.

Con el tiempo comprendes que sólo quien es capaz de amarte con tus defectos
sin pretender cambiarte, puede brindarte toda la felicidad.

Con el tiempo te das cuenta de que si estás con una persona sólo por
acompañar tu soledad, irremediablemente acabarás no deseando volver a verla.

Con el tiempo aprendes que los verdaderos amigos son contados y que quien no
lucha por ellos tarde o temprano se verá rodeado sólo de falsas amistades.

Con el tiempo aprendes que las palabras dichas en momentos de ira siguen
hiriendo durante toda la vida.

Con el tiempo aprendes que disculpar cualquiera lo hace, pero perdonar es
atributo sólo de almas grandes.

Con el tiempo comprendes que si has herido a un amigo duramente, es muy
probable que la amistad jamás sea igual.

Con el tiempo te das cuenta que aun siendo feliz con tus amigos, lloras por
aquellos que dejaste ir.

Con el tiempo te das cuenta de que cada experiencia vivida con cada persona
es irrepetible.

Con el tiempo te das cuenta de que el que humilla o desprecia a un ser
humano, tarde o temprano sufrirá multiplicadas las mismas humillaciones o
desprecios.

Con el tiempo aprendes a construir todos tus caminos en el hoy, porque el
sendero del mañana no existe.

Con el tiempo comprendes que apresurar las cosas y forzarlas a que pasen,
ocasiona que al final no sean como esperabas.

Con el tiempo te das cuenta de que en realidad lo mejor no era el futuro,
sino el momento que estabas viviendo justo en ese instante.

Con el tiempo verás que aunque seas feliz con los que están a tu lado,
añorarás a los que se marcharon.

Con el tiempo aprenderás a perdonar o pedir perdón, decir que amas, decir
que extrañas, decir que necesitas, decir que quieres ser amigo, pues ante
una tumba ya no tiene sentido.

Pero desafortunadamente, sólo con el tiempo..."

 

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JORGE LUIS BORGES

 

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MONOLOGUE DE LA STATUE

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Agis, visiteur

Agis sur le monde et sur les vivants.
Pense.
Pense qu’il te faut vivre avec un bandeau sur l’œil de ta nuit.
L’univers n’est rien de plus qu’un désastre de l’ombre, un escalier d’étoiles, et tes métaphores seront toujours faibles dans la poussière.
Le temps te lie à ta peine, sans clarté.
Il neige sur ton revolver.
Sous la géométrie de l’infini, il y a la rigueur de tes filtres et ta rumeur peut bâtir des oasis inconnues.
Reste, visiteur.
Reste au chevet de ce monde, le tien, lent comme le rescapé aux portes de l’épouvante.
Entend, visiteur.
Entend jusqu’au bout le ressac des plaintes profondes de l’arbre, l’aboiement du mystère, la source sous la pierre.
Ecris, visiteur.
Ecris en attendant, pour celui qui te lira.
Même tes vieilles injures à la dérobée, si ta plume s’use trop.
Fonde ton théâtre d’ombres, donne des preuves de l’indicible.
Il n’y a pas de lieu pour mourir.
Dis-le, visiteur.
Dis le parfum de ce qui va renaître.
Insensible insensé, lis l’envers des livres.
Chante le fruit qui tombe sur les suaires, le bonheur sans masque, chante, sauvage ruisseau de clarté si souvent gémissant de l’étreinte première, la beauté du vent, aime l’adulte douleur.
Sur les plages, il y a le son des femmes, voix de gorge où les gardiennes, assises, égratignent les morts et les vivants.
Le sang aussi.
Les voix d’enfants.
Ecoute la plainte de ces anges enflés par le courroux des lionnes, brûle tes étendards, accepte le tournoiement de tes ailes.
Oh ! Langues de vie, qui donc s’écroule et sépare le chant dans la veine qui bat ?
Chevelure du cœur au front de la terre, couleur de toutes les consciences, cri de la brûlante nourriture, plonge dans l’abîme de miel de ta nuit mortelle.
Sonne l’heure pour l’étoile abandonnée, sans gouvernail, pour ta reine qui dort.
Dans les sèves rangées, dans les chairs bouleversantes, dans tes zéniths de bleuissure.
Vois, visiteur, les secrets du frisson de la pluie sur les joues qui dansent en ce monde, pour la folie des iris dans les fuites d’acanthes et le parfum des mousses, sur les pierres tombales où glissent, vers la rivière, tes racines.
Sous les toits, j’entends les loups.
Je n’ai aucune peur, aucune douleur.
Au loin l’irréversible bateau des heures me déserte.
Verdure de tes arbres, le voyage de tes lunes et du vent m’ignore dans les foudres.
Savon des mots, va-et-vient des mâchoires, douleur du temps, le désarroi de l’été ne trouble jamais mon allure.
Et ta ville, l’entends-tu ?
C’est une cargaison de rythmes où la magie du hasard se boucle à ton cheminement, dénouant les cordes du chaos, la migration joyeuse des rêves vers la maison familiale où s’ouvre ton jardin.
La danse des tumulus, pâtures de liesse et de musiques, abysses rayonnantes où rien de l’âme ni du cœur ne se résigne, un empire qui pleure sans yeux, des ventres baignés de vérité dans le souffle sans haine des orchestres, des cirques de guirlandes qui s’en vont plus loin, portés par l’énigme de la nuit suivante.
Ici est ta terre.
Un coin de ciel dans chaque marche qu’il te faudra poursuivre, vaille que vaille, dans les ferveurs du petit jour, malgré les cris et les peines de ceux qui restent, de ceux qui ne peuvent plus aller plus loin.
Oui.
Oui, comme un espoir incroyable, inespéré.
Oui pour que les hommes cessent de s’entre-tuer, simplement, pour que les hommes cessent de se battre.
Et là, au regard de ces images qui te touchent, dans la force de tes actes, lappant la vie jusqu’à l’ultime goutte de sang, comme une plaie à jamais refermée sur la tenace barbarie, sois la preuve animale.
Sois jamais, plus que demain, ce jour de terre et de pluie, parfum jeté sur la jeunesse, sois le mouvement de l’amour.
Que la lumière éclaire l’or de tes méthodes.
Que ton corps se réaccorde, dans la symphonie d’un nouveau monde qui t’arrime.
Spasme sans écho, absurde mesure de l’ombre, noie tes paroles vautrées, avec tes regrets de miroir, cette mort lancinante.
Etre, voilà ton aventure.
Comme un regard sur les vieux sourires, le souffle singulier de l’existence, l’illusion précieuse des bouées.
Vole aujourd’hui, visiteur.
Avec de grands gestes.
La première fois que je suis née, c’était la dernière.
Le sculpteur cherchait un corps, comme l’eau cherche le puits.
Il était alors si hésitant, si fragile.
Il est mort le jour de ma naissance, seul, un soir, avec ses mains.
Oiseau du silence, il a ouvert le ciel avec sa terre.
Il est fort désormais.
Reconnu.
Il t’aide si tu le veux.
Il est utile.
Il nous ressemble.
Il nous ressemble, visiteur.
Vole , à présent.
L’art est une réponse.
Relis-moi, aussi, sans cesse.
L’oiseau mort n’écoute pas les murs : il est lui même l’horizon.
Vole de ma provisoire immortalité, à hauteur de tes yeux, avec ta fatigue, tes muscles dans le cresson des ténèbres.
Déparalyse.
Aime cette eau fraîche, illusion d’étoiles.
Ne tue pas ton ennemi : la vie le fait pour toi.
Elle est ta naissance.
Tu n’as ici-bas qu’un rôle d’oubli et de mémoire.
Ne te prend plus au jeu des équivalences.
Pense demain, cet indiscret.
Souffre de ta vitrine, de l’horreur du mensonge.
Les héros sont sans valeur.
Le pouvoir est inutile.
Abolis tes boucheries de paroles.
Le devoir des hommes de marbre n’éclaire pas les départs.
La langue appartient à celui qui ose entrer dans l’œil de l’autre.
Edifie des lumières.
Met l’idée en danger.
Glisse sans bruit, captif de l’humanité.
Car tu seras toujours seul, visiteur.
Entre l’éther et la substance.
Et moi j’ai si froid d’être nue sur mon socle.
Aveugle.
Absente du sens.
Les temps nouveaux vont te mettrent à l’épreuve.
Aujourd’hui tu cherches le soleil.
Sois demain sa lumière.
Tu étais né pour être quitté.
Puisque tu le sais, désormais, sois plus fort que la séparation.
Car il existe en toi d’autres masses, la matière d’un autre univers.
Apprivoise l’ivresse, rassemble-toi hors de l’hystérie.
Dans la substance de tes vaisseaux, traverse les nouvelles logiques du néant, trouve d’autres mots pour les nommer, revendique le droit au doute.
Demain peut-être sera ta nouvelle existence, tes pensées sauterelles, tes pensées cahotantes, tes fictions déchaînées.
Regarde autour de toi comme déjà les destinées se rassemblent, dispersant leurs résidus d’ignorances.
Tu vas courir maintenant.
Dans les senteurs d’une nature nouvelle, le long des eaux caressantes.
Tu vas plonger dans l’or des aériens muséums, regarder tomber des tours les stèles agonisantes.
Tu vas blanchir tes pensées, tes rides, tes rébellions.
Etreindre l’avenir de leurs forces primitives.
Tu vas délasser les chalands des ondes trop collantes, saigner Sisyphe pour abreuver tes nouveaux enfants.
Toutes tes alarmes seront enfouies dans l’océan, avec les vieilles idées nouées aux corps des tyrans désormais ridicules.
Tu vas tracer des routes verticales au-dessus de ces plâtres immobiles, construire des ponts au-dessus des encriers enfin vides, parce que tout est ici-même, dans le goutte à goutte des flots bleus, les discontinuités enfin dissoutes, l’oubli dans la haine dépassée par la souveraine mémoire.
La souveraine mémoire.
Ecoute.
J’entends l’hymne d’une fraternité animale.
J’entends un nouveau verbe.
Regarde.
Je vois de nouveaux actes.
L’éblouissant exercice d’une autre vie.
C’est parce que tu es né, visiteur, que je suis vivante.

 

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BRUNO RUIZ

 Extrait de Muséum (1998)

https://brunoruiz.wordpress.com/

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guardian angel Stefano Rosa2

Oeuvre Stefano Rosa

JEAN-MARIE BERTHIER...Extrait

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Tu es née pour vivre aussi longtemps

que j'aurai la force

de te porter dans mes bras

jusqu'au berceau lointain

des lumières fossiles

Tu es née de la première neige

et tu marches sur les étoiles

en prenant bien soin d'éviter

la lourde pierre des nuages

Tu es née de la terre

avec laquelle tu as joué autrefois

en refermant sur elle tes mains d'enfant

avant qu'elle ne les referme sur toi

en toute innocence

et te fasse cortège

à en perdre haleine

 

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JEAN-MARIE BERTHIER

 

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mina et mila 2008,

QUID ?

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Nous sommes dans cet ailleurs hors espace et hors du temps
où ne nous est consentie aucune place réelle ;
que point ne soit d’amour sans le vœu de se transformer,
à de minces esprits paraît chose inintelligible,
laisse au-devant des affres notre conscience éveillée,
montrant à tous l’importance sans borne de notre tâche
d’ouvreurs de neuves étoiles, tueurs du Mythe ancien.

Nous n’œuvrons pas, depuis le re façonnage de l’homme,
à sa désintégration ou son éparpillement,
conscrits du point d’honneur à jaillir du commun silence,
tenaces pour pointer l’index sur ses anomalies ;
nous avons ses lâchetés à détruire et prendre en compte,
ses failles à réparer, son esprit à dessiller,
son bras à retenir devant les nouvelles menaces.

Nous avançons vers lui, inlassables provocateurs
de ce qu’il cèle de beau pour le mettre en  évidence
à son propre profit, fût-ce contre sa volition,
pour contrebalancer ses ancestrales habitudes ;
la guerre à ses bas instincts restant seule à déclarer,
nos arts promeuvent de lui tout ce qui le surélève,
pour cerner sa vraie place dans le bal des vanités.

 

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HENRI-LOUIS PALLEN

www.lierreentravail.com

 

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samantha,2

Oeuvre Samantha Keely Smith

REGAIN DU SANG...Extrait

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 C'est notre sang d'impatience

Recueilli à toutes sources où l'ombre dure

Notre sang passé au crible

Palpitation de rivière et course joyeuse

Le pouls à nos chevilles balbutie ses terres tendres

Ses échos de cymbales

 

Oui nous inventons le sel dans notre sang

Et nos pas pèsent patience avec l'été

Dormir nous accroit l'un dans l'autre

Nus d'air et de peur

L'acier est notre faim nos pleurs

A moissonner le jour dans nos draps nous aurons vertige de batailles

 

Tonnent les heures dans nos veines!

Nous voici debout

A goûter la croissance des herbes

Glaner ce que le fleuve égare

Sur nos mains

Les débris de l'amont prodigue feront le bois de nos flammes

Nous faucherons encore dans la friche lente de l"été.

 

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 EMMANUEL DAMON



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NATH MAGREZ

Nathalie Magrez

 

 

D'AMOUR ET DE DESOLATION...Extrait

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Chair pétrifiée de l’Amérique,
hallali de pierre éboulée,
rêve de pierre, notre rêve,
pierres du monde avec leurs pâtres ;
pierres qui se dressent d’un coup
afin de s’unir à leurs âmes !
Dans la vallée close d’Elqui,
par pleine lune de fantôme,
nous doutons : sommes-nous des hommes
ou bien des rochers en extase !
Les temps reviennent, fleuve sourd,
et on les entend aborder
du Cuzco la meseta, marches
grimpant à l’autel de la grâce.
Sous la terre tu as sifflé
pour le peuple à la peau ambrée;
ton message, nous le dénouons
enveloppé de salamandre;
et dans tes brèches, par bouffées,
nous recueillons notre destin.
Nous avons marché tels les fils
qui ont perdu signe et parole
le Bédouin ou l’Ismaélite
ou les blocs lancés par la fronde,
vagabonds de la déchéance,
grains piétinés de vigne sainte,
jusqu’au jour où nous revenons
à nous, comme amants se retrouvent.

 

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GABRIELA MISTRAL

 

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GITANS

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(...)

Je n'ai jamais vu de film sur le massacre des Gitans. Ils furent des milliers, ces hommes aux semelles de vent, à prendre, eux aussi, le chemin des crématoires. Leur dernier chemin...Ils étaient sans lieu : Hitler leur en trouva. Ils étaient sans feu, il les alluma. A Dachau, à Ravensbrück ! C'est que ces nomades d'incertaine race, libres comme l'air, teint cuivré, yeux noirs, n'étaient point de la famille allemande. Haro sur le gitan, adieu Tzigane !

Sur quel air de violon ceux-là sont-ils morts ? Où, en quel pays, s'élève une stèle à leur mémoire ? Sur ces sacrifiés, avez-vous jamais entendu un requiem ? Malheur à ceux qui n'ont pas d’état, voire de statut ! On leur a flanqué les chiens aux jambes. On a tué leurs chevaux. On a détruit leurs tribus. Ils avaient Dieu pour maître et le vent pour royaume ; Voilà qui était trop : on ouvrit les fosses et ils ne chantèrent plus...

Je pense souvent à cet holocauste-là quand je vois dans l'été, les roulottes gitanes ramer sur nos routes. Et je me dis alors que ces autres errants ont trop payé de larmes et de sang leur amour du voyage pour que je ne les salue pas. C'est un peu de la liberté qui passe . Et le silence. Et contre tous les tueurs, et contre tous les gardes, champêtres ou pas, moi je leur tire mon chapeau...

 

Il est vrai qu'il ne s'agissait peut-être, à Marseille, que de Roms et non de Gitans ou de Tziganes, ils n'étaient, direz-vous, que des gens de race incertaine et sans statut, - allez savoir quand ils ont juste un camping-car -, mais ceux qui se sont chargé d'y mettre le feu n'ont certainement pas pris le temps de les saluer et n'ont jamais lu les billets du défunt Xavier Grall.

 

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ROSELYNE FRITEL

 

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lucien_clergue

Photographie Lucien Clergue

 

 

 

LA PIROGUE ET LA PETITE AMULETTE

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L'amulette aura été fabriquée alors que nous parcourions,
l'Ami et moi,
les pistes et les rivages somptueux du Gabon,
il y a si peu de temps, quelques quarante cinq années !...
Signes d'un poisson qui se retrouve enfin,  après tant
de cauchemars, de péripéties, d'écueils, avec lui-même  ?

Je vous réponds donc depuis ma deuxième naissance,
très africaine ; la toute première fut marocaine.
Là-bas, vers l'Equateur géographique, le Gabon !
Qui l'eût un jour imaginé, entrevu ? Hasard ou nécessité ?
Une pièce rare de l'immense puzzle continental africain ;
j'y vécus autant d'aventures extrêmes que de folies
éminemment justifiées, incontournables. Paris sur l'existence !
Âme oscillant entre deux hémisphères,
qui planerait encore volontiers
vers la terrible ligne de convergence intertropicale
où naissent les tempêtes. Les  grains interpellent
l'histoire, la Traite infâme, l'esclavage en route
vers les Amériques qui bâtit le nouveau monde
en saignant, en versant toutes les larmes
du chant noir de la désespérance, des racines tranchées...
Et le Vendée Globe fuse, sans se retourner sur les forfaitures 
 qui jalonnent la douleur des mondes vrais  à jamais séparés  !

Les vents tirent fort au large. Les pirogues évitent
sur leurs amarres, pointent une dernière fois
le rivage perpétuel de leur étrave colorée.
Craintes sur les petits bancs de l'esquif ancestral
redoutant toujours le Pot au Noir dont on tait
le funeste sort réservé aux captifs rebelles
que l'on embarquait de gré ou de force,
à fond de cales, enchaînés puis malades ou de trop,
jetés par-dessus bord suivant les conditions du périple
à destination des îles du Golfe du Mexique.
L'Océan garde, insondable mémoire, le goût amer
des inhumanités  et du parjure, de toutes les trahisons.

Et pourtant !  Étranges appels que ceux des grands espaces, du sacré. 
A la rencontre des peuples de l'eau, du feu 
et de la forêt, d'une nature subjuguant l'illusion,
le mirage. Par les étendues infinies de la côte et des bois dérivants,
nous allions à perdre haleine, confondus, tandis que  nous
longions, l'Ami Jean-Pierre et moi,
une infime partie des rivages africains, tant de splendeurs
ainsi révélées, à bout de bras, de détermination ...!

Je demeurais à Libreville de l'âge de 14 à 19 ans,
grandissant entre l'émerveillement et la découverte.
C'est aussi sous ces latitudes que je devins citoyen
des Mondes, auxquels je voue un profond respect.
Je fus  conquis par une diversité qui
n'aurait d'égales que la vérité et la liberté réunies
autour d'un noble et même dessein de vie, de faits
remarquables, là-bas,
tellement prégnants, vitaux, parfaitement aboutis ...

Plus encore qu'une pensée, la vôtre, comme un geste
qui côtoie et ravive ce quelque chose réfugié en moi,
il y aurait déjà si longtemps,  qui demeure, tout autant immédiat.
Une attention qui inspire cette prose, pour un exil
un tantinet poétique, un tout tourmenté
bien souvent par ces questions sans âge
qui éclairent en définitive les chemins de l'existence.
Du fond des solitudes azurées
qu'il m'arrive d'emprunter avec émois,
tout en prenant de l'âge, renouer avec le passé
importe peu. Mais de recouvrer
les dimensions de l'instant numineux dont je fis
vers ces contrées d'exceptions,
le seul credo qui vaille nos détours et les risques
encourus de l'oser mettre en pratique...
Aucunement nostalgique, j'écris ce texte, comme il importe
de s'abreuver à la source du réel faisceau de la récompense,
non évaluable, juste tangible,
jamais quantifiable ou éphémère, qui nous gratifiait !

Quête d'inconnu, rejet du conformisme, du dressage primaire,
fascination de l’imprévu,
goût de l'improvisation maîtrisée, toujours est-il que ces élans
bien ancrés me définissent. Ils me ramènent
sur les berges lointaines de l'estuaire, du fleuve Kango,
vers la pointe Pongara et, plus au sud, le phare de Gombé.
Une pointe, un cap mythique où nous nous affranchissions,
l'Ami et moi entre audaces et aventures
initiatiques totalement irraisonnées .
Terres de désolation ou de dive complétude qui nous eussent
tellement fascinés et rapprochés de l'essentiel,
des habitants de ces contrées uniques et merveilleuseusement adaptées.

Vers le Nord - Ouest de Libreville, les Caps Esterias
et Santa-Clara. Destinations vers lesquelles deux intrépides
faisaient leurs armes d'apprentis-marins-pêcheurs. Ils y
délimitaient un terrain de jeux résolument dangereux,
dont les dérives relevaient de l'insolence et de l'impudence
juvéniles ... Mais aujourd'hui, je sais combien tout ce qui
échappait à la conscience se réfugiait à l'intime inexpugnable
de la personnalité, en esprit, unitivement ...

Une pirogue gabonaise taillée à l'herminette, dans la masse,
naissait sous les badamiers et les filaos du bord de mer.
Issue d'un seul tronc, comme par magie,
la sculpture prenait forme sous nos yeux ébahis.
C'était là l'ouvrage habituel d'un un vieil homme, mené
dans la parfaite égalité des heures du jour et de la nuit .
Un sage, le visage bistre foncé, buriné, véritable icône
des latitudes équatoriales, de l'Afrique dite Noire,
s'affairait, inspiré par le chant des vagues et des oiseaux !
Il tenait, pour son très jeune ami blanc, la promesse
qu'il lui avait faite, avec une touchante application.
Telle était l'expression de ces richesses que l'on aune pas
aux vues de l'éphémère, à l'argent, aux besoins futiles
d'une adolescence expatriée, plus soucieuse
de se cramponner aux modes, aux clichés en cours
et prisés de la lointaine métropole.
Aussi avions-nous accepté ce viatique avec une joie
indéfinissable !
Griller nos premières cigarettes près de lui,
s'émerveiller de la précision de ses coups portés
au bois tendre, le vol des copeaux d'okoumé sur fonds
de grandes marées, de chasses, le chant fredonné
des piroguiers valaient alors gages d'un savoir
ancestral immuable.
Voilà qui exaltait l'existence des deux " petits
blancs d'Afrique ", dès lors investis à bord
d'une embarcation très couleurs locales !

Mue par un très vieux moteur, révisé pièce par pièce
en présence de l'Ami Jean-Pierre, la pirogue devint
un merveilleux outil d'exploration du pays et de randonnées.
Nous découvrions les rivages d'une terre livrée
aux barrissements des éléphants, à l'errance bruyante des phacochères.
La litanie de la longue houle, l'Atlantique Sud
berçaient nos folies nocturnes, à quelques
milles de la côte sauvage plongée dans l'obscurité. 
Les animaux de la brousse entonnaient le chant de la canopée.
Le choc des billes de bois qui s'éperonnaient, soulevées
par les épisodes de marées, tonnait, emplissait les lointains.
Et la pêche à la daurade commençait, une fois à l'ancre,
immobilisés, suspendus que nous nous trouvions
au-dessus d'un imposant plateau sous-marin...
Quelle trace infime dans le ciel
des créatures marines se mettait alors à danser
parmi les étoiles, au clair de lune bienfaisant !
Comment l'imaginer sans craindre le pire,
lorsqu'en dessous croisaient de très gros poissons ?

Et quand  le moteur ne s'imposait pas,
les jours sans le sou, il fallait descendre l'Estuaire,
au rythme du jusant pour revenir avec le flot,
à la force d'une simple pagaie mouvant sur de longs bords
la lourde pirogue et son chargement de fortune.
Les ampoules s'en prenaient aux doigts, à la paume
des mains rendue à vif, quand ce n'était pas une crise
de paludisme ou de " Dingue " qui terrassait les braves,
tapis sous le roof, au fond de la pirogue, baignant dans le jus
d'aloses, ( grosses sardines des estuaires ),
la mèche de cheveux naturellement laquée et collée
au front par les baves poisseuses du butin,
la tête reposant entre la raie pastenague et le rouge
du Gabon dont il ne convenait pas de croiser le regard vitreux !

Une fois en mer, le vent de terre sollicitait fortement l'unique
amarre que nous observions avec inquiétude. Le filin
plongeait profondément en emportant le faisceau phosphorescent
du plancton qui l'entourait. Vertiges ondés de la cécité !
Allait-il se rompre, allions-nous chasser et ainsi
nous perdre au large ?
L'émergence de la vie sous-marine,  
dans toute sa splendeur irradiait le monde du silence.
Soudainement, des bruits étranges
surgissaient ; nos regards se croisaient, à peine visibles,
d'une extrémitéà l'autre de la pirogue,
dans la pâle lueur tremblée de la lampe à pétrole. Une masse
mouvante se signalait à la surface en abandonnant un
imposant remou, un bruissement qui écorchait la nuit.
Nous prenions conscience des profondeurs
qui distançaient du rivage, comme des dangers de la barre
qui nous eût définitivement absentés en cas de retournement...
Une redoutable zone de rencontre entre les eaux limoneuses
de l'estuaire et le flot des vagues de l'océan ; Il reprenait ses droits,
sur une mer hérissée, fantomatique, au gré des courants,
lorsque la pirogue volait et ne tenait l'équilibre et son cap
qu' en fusant de crêtes en crêtes d'écume. Elle s'appuyait  
en sautant  d'une  vague à l'autre,  souvent invisible...

Au petit jour, il fallait rentrer, naviguer au diapason
des coups de pagaies redoublés de nos compagnons
pêcheurs togolais et guinéens. Des marins aguerris
qui glissaient entre lames et rouleaux, au ras de la dune.
Nous les regardions manier avec art leur coque effilée,
pour ne pas chavirer. Leçons de choses,
sciences appliquées, dynamique des fluides !
Une joie intense allait l'amble des vagues qui
déroulaient en soulignant un épais cordon lagunaire,
au sable de lune étincelant de clarté, immaculé !
La nuit avait été vaincue, devenait un intervalle
désormais palpable,
dépossédée de toutes les peurs de l'enfant.
Mais de l'Océan, à la fois craint et fascinant,
indéfinissable, immensurable, maître de tout,
seul référent à considérer à l'orée du sacré,
qui octroyait et rendait à chaque fois la vie !
Qu'en était-il vraiment, comment, pourquoi ?

Nous en étions certes revenus, depuis la veille
au soir, après tant d' heures passées à bord, sans étoile.
L'orage équatorial accourait de si loin, avait une fois
de plus épargné le frêle esquif qui roulait.
Chaque échappée revêtait son lot d'insouciances !
Mais nous demeurions au-delà de tout, Un, unis
d'un bout à l'autre de ces aventures extrêmes,
acteurs autonomes, choisissant de n'avoir gardéà bord
que quelques paquets de biscuits ; frugal repas !
Ainsi d'opter en définitive pour le crin de pêche,
le mélange énergétique qui menaient tout droit
à la concrétisation de riches projets, réussis et
formateurs à souhait.
Concevoir dès lors le cours de nos évasions, indéfiniment,
hors du cadre et de l'habitude, devenait l'unique
possible qui eût valu autant de préparatifs et
d'engagements.
Évoquer la survie eût été impossible, gênant,
une entrave ; nous nous oubliions, impliqués
dans les méandres de l'action,
une action rétive à toutes les formes de l'angoisse...

Il importait de progresser ; dépasser l'épreuve,
tendre vers quelques harmonies que nous sentions
à portée de la main, là où la mer rejoint le ciel,
où le temps fluctue ainsi que toutes hypothétiques
visions de la naissance de l'univers, des exoplanètes.
Certes, le nôtre était comme circonscrit,
soigneusement marqué sur la carte marine de l'époque !
Un cercle d'actions qui valait tremplin
pour une acception, une interprétation des mondes
qui ne souffrait plus d'artifices. Limites et marges de
manoeuvres qui abandonnaient une profonde empreinte
au plus intime de l'âme, douloureuse et apaisante
à la fois. Voie certainement initiatique.
Une empreinte à qui je dois bien souvent le fil
de ces mots, errant, comme éperdu
par le filigrane des pensées abandonnées au sillage,
tel un corps mort qui vous rive au port de fortune,
en cours de route, un dernier accord !
Nous laissions tant de joies à la dérive,
par-devers toute appartenance, tout modèle
qui un jour allaient brider, grimer l'horizon,
grevant durablement notre imaginaire audacieux ;
Des horizons dont on se dit qu'il peuvent être devant,
derrière soi, mais jamais figés, intemporels,
à la semblance immémoriale de la mer, de l'océan.
Un océan de souvenirs, d'images, de sourires
bons et joyeux, ceux de l'Ami, des hôtes
qui nous abritaient lors des pluies
diluviennes, à la saison humide, dans leur petit village
de huttes, de toits de tôles ondulées qui défiaient
la tornade et qui exaltaient le tumulte des averses
zébrées d'éclairs.

 

Lors de toute évasion, à court d'eau potable,
l'instinct guidait ses ouailles vers les tonneaux
de fers rouillés qui avaient recueilli les déluges,
les averses de la nuit équatoriale.
La chaleur était mordante et la soif obsédait, 
lancinant les papilles, gerçant déjà les lèvres.
Nous chassions alors les insectes qui nageaient
à la surface du gros fût pour y plonger la tête
toute entière, pareils à l'assoiffé au désert !
Quelle délectation que cette eau juste buvable,
un peu saumâtre, régulièrement renouvelée,
sur fond de liquides suris ! Instant de bonheur,
tourment étanché, nécessité enfin dépassée !
Vers la mer, allongée sur le banc de sable,
la pirogue rassurait, resplendissait.
Elle reposait sur deux billots de bois ;
la lumière était aveuglante, le soleil dardait
des rayons blancs aux reflets acier.
Qu'entreprendre d'autre sinon
dresser une tente improvisée aux côtés de l'esquif
providentiel, entre la lourde coque inclinée
sur son flanc galbé et les bords d'une vieille toile
de coton déchirée, maintenue par quelques bâtons
plantés dans le sable crissant, brûlant.
La nuit, une moustiquaire percée tentait de
prévenir les attaques des insectes voraces, des crabes ; espèces rares,
mutant au gré des saisons, de l'intensité des touffeurs
pesantes qu'exhalait la mangrove toute proche.
Pendant le sommeil, à la faveur d'une légère brise de terre,
les fours à poissons fumaient les chairs blanches
du dernier butin, soigneusement découpées en de larges filets,
lentement, jusqu'au lever du soleil.
Tant que la brise ne renversait pas, les senteurs
de la cuisson aiguisaient sans frein l'appétit féroce
des intrépides. Le village y  veillait, tout proche, rassurant.

Les péripéties dansent dans ma souvenance ;
où suis-je, qui suis-je, de quoi demain sera-t-il fait,
pourquoi ici, maintenant, seuls au-delà
des rivages du Gabon, vulnérables et
immortels à la fois. Nous aurions osé, risqué la mise
de l'émotion, de la mort, d'un espace-temps
dont il nous semblait parfois contrôler les flux
d'une énergie surnaturelle, indéfinissable ?
On se pose tant de questions à cet âge, en mer,
lors de cette transition primordiale qui de l'innocence
à la réalité est sensée ouvrir les bonnes portes !
Et c'est avec les années, le recul, le manque, la punition,
cette absence qui distance, que mûrit et s'organise
la frontière entre l'imaginaire et le réel, un pont qui
de l'un à l'autre permet de rêver sa vie,
avant que de la perdre un peu en se rangeant,
en se raisonnant à l'abri des lumières de la grande ville,
par trop de promesses galvaudées.

Tout est-il déjàécrit qui me vît avant, explorer les scènes
d'une autre dimension dont j'eus été le promis ?
En aurait-il été ainsi, après mon retour du Gabon,
là où j'aurai certainement laissé mon âme, suspendu
entre une histoire et sa probable genèse, le dénouement
inscrit quelque part, qui se doit d'être ou de mourir,
avec moi en quittant ces havres qui furent les nôtres ?

Un masque Mpongwé, une poupée africaine :
quintessence des arts premiers ! Mystères de la sylve
 immensurable, de la mémoire
ici encore si vivante, prépondérante !
Une pirogue, la forêt dense et sa haute canopée,
tant d'essences musquées aux grains carmins et
ocres, le bois omniprésent, les milliers d'oiseaux multicolores
dont certains parlent si bien,
que l'on capture et vend jusqu'à leur disparition !
Le regard de ces femmes et de ses hommes vêtus de toutes
les couleurs de l'arc-en-ciel,
les marchés aux poissons et les criées mémorables,
délicieusement animées, les fabuleux palabres devant les étals,
le rire intarissable des pêcheurs, je ne laisse plus
de rappeler à moi ces moments de dents blanches, de sourires  et de pagnes bigarrés 
d'une rare intensité, d'échanges, de partages.
Car il faut bien aussi vous dire que nous étions
de la grand-messe de l'Océan et de l'Estuaire
en vendant notre poisson ! Prix battant toute concurrence.

Il importait plus que tout de réamorcer le prochain
séjour en mer. Renouveler les crins épais, hameçons et
filins de bas de ligne, l'imposant lot d'aloses,
ces réserves d'appâts que nous emportions
dans une glacière remplie de pains de glace pilée,
le mélange pour le moteur et la nourriture pour
deux ou trois jours à emporter, le pétrole de la lampe
tempête, unique fanal à bord qui eût prévenu l'abordage !....
Ainsi, respectueusement de calquer les préparatifs
en fonction de l'alternance des marées,
des périodes de chaque lunaison, de la saison sèche ou des pluies.

Les réserves de carburant embarquées limitaient
le rayon d'action, épargnant la raison, le bon sens.
Nous serions-nous aventurés très loin, Port-Gentil, peut-être ?
Si la pirogue avait été plus spacieuse :  certainement ...
Pour y avoir si souvent pensé, combien étions-nous déçus de renoncer au périple,
dépassés par les contingences matérielles, les exigences
de l'aventure sans concessions ni compromis qui
pressaient le départ.

Elle s'appelait : " PONGARA ", elle était bleue et rouge,
très belle, comme les ballons, les petites voitures
des enfants. Nous l'aimions.
A l'avant, le guide avait installé un brise-lames
qui lui donnait une fière allure et l'élançait sur l'eau.
De ce poste, on observait, on scrutait l'antre obscur de l'Estuaire
sans être giflé par les embruns, durant la course folle
de la petite embarcation traditionnelle  lancé vers l'horizon brouillé des chaleurs.
Il était impérieux de prévenir toute collision
avec les grumes qui se détachaient des charrois de bois
lâchés en amont du fleuve par les forestiers,
qui dévalaient le large Kango, à la rencontre de l'Océan.
De nuit comme de jour, la vigilance était de mise, s'imposait...

Une Pirogue, une figurine gabonaise qui lui eût aussi valu
statut de mascotte, de porte-bonheur à bord !
Figuration, gri-gri Fang, sûrement, Bapounou ou Batéké,
Mpongoués ? ...
Nous étions jeunes. Âmes généreuses qui se livraient
aux fruits des rencontres, de la toute première passion,
entre une nature originelle et le socle commun
des valeurs humaines que les villageois transmettaient
sans aucune retenue. Tant d'ethnies de la mer et des îles
que les vents joignaient, regroupées autour de villages
aussi propres que beaux, adornés de filets multicolores. Tout y évoquait le labeur
et l'accomplissement de l'essentielle simplicité.
Ainsi, chaque détail avait sa place dans la complétude et l'harmonie
d'un dessein impérissable et chaleureux dont nous étions accords...

 


Je vous le dis encore une fois, à vous qui me lisez ici:
j'aurai écouté, aux confins de ce pays de légendes, le bois qui chante,
le murmure de la source courant sous l'humus épais
des forêts, le silence inquiétant des marigots,
la complaintes des piroguiers
traversant un bras de l'Ogooué,
à Lambaréné,
qui louaient encore les miracles d'un vieux Docteur
épris de vie, de respect de la vie,
investi entre humanisme et mystique. Révélations
d'un exil prodigue et bon à la fois.
Magie de l'Océan et des marées
que la lagune invite, au coeur de la mangrove flamboyante.
Et quand il nous était donné la chance
de croiser le quotidien des pécheurs,
leur village posés sur un croissant d'astre étincelant,
éminemment conçu et entretenu. 
Que d'émotions rejoignaient alors  les langueurs
de l' infinie beauté, tant de solennités !
Un essaim de pirogues égayaient le couchant.
L'Océan nous apparaissait derrière le filigrane des filets.
L'ombre de l'artisan  tissant encore et toujours la chaîne et la trame
de ces jours intemporels

 

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Pour vous, ce petit texte en guise de modeste nouvelle,
près de ma pirogue, sous le regard énigmatique de la forêt,
de la petite amulette, désormais fétiches !
Quant au chant de l'Océan,
il m'est encore et parfois donné la joie de le parcourir
avec les puffins, les dauphins, autant qu'il m'en prend l'envie
séduisante de croiser, de mettre le cap sur la Croix du Sud, au terme de la route.

A bord d'une enfance africaine, avec mon Ami, ce brin d'éternité, 

souvenirs

dont je vous offre l'humble et modeste évocation,
avec le coeur des petits nomades - aventuriers que nous
étions ! Deux petits objets que le destin rassemble et lie à l'âme du rêve ...

 

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CRISTIAN GEORGES CAMPAGNAC

http://milema.canalblog.com/archives/2016/11/21/34593929.html

 

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pirogue 2

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pirogue 1

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cocobeach,,

Cocobeach Gabon

 

 

 


ANNICK DE SOUZENELLE

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Merci ma Nedjma

 

" Pénétrer la pulpe, au-delà de la coque, atteindre au cœur des choses, en ouvrir le noyau pour en libérer l'énergie, cela ne peut se faire par seule voie extérieure si ce n'est en reconduisant le geste dont fait part le mythe de l'exil (appelé“chute” dans le langage religieux), alors que la voie intérieure dont seul dans la création l'Homme est capable, le conduit au cœur de lui-même et le fait alors entrer en résonance avec le cœur de l'univers.

C'est ce chemin-là que nous avons perdu."

 

 

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ANNICK DE SOUZENELLE

 

 

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agnes5

 

 

LE JOUR VIENDRA, LA NUIT AUSSI...Extraits

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 Le temps est dur comme un bourgeon.
 Il chemine sous la peau, cherche son tracé vers le ciel.
 Le temps est nuage qui glisse,
 pluie qui déchaîne et qui burine.
 Le temps nous enchaîne de ses mille fils d’Ariane.
 J’éclaterai le temps.
Je veux exploser et brûler.
J’irai jusqu’au centre du soleil et
je le projetterai en étincelles sur le monde.

....

J’ai peur, tout à coup, de ce qui gronde en moi
 comme un chacal en proie au mal de faim.
J’ai peur de toutes mes faims de vivre,
inassouvies et prêtes à me dévorer.
Je suis la proie de ma propre faim.
 Je meurs de ce manque immense de l’univers :
non désir, non échange, non transparence.
 Je meurs de froid dans le négatif du soleil.
 Il y a pourtant, quelque part, des embrasements,
des mots vibrant comme des violons,
 et des sources où boire à longs traits la lumière.


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COLETTE GIBELIN

 

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Rikka Ayasaki,1

Oeuvre Rikka Ayasaki

UN TEMPS DE RIEN

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A Léo mon chat, mon espiègle pacifique
qui vient d'être battu, mordu et amputé
ce cri de bruine
en ce temps de rien
où l'innocence porte ses douleurs
quand les haines fleuronnent au sommet de la bêtise

.

C’est un temps de rien, un temps de tout.
Un cri de baleine perdu dans des nuits d’océan
la présence indistincte d’un oiseau blessé
et le jour qui vient sur la pointe des rêves.

C’est un bleu perdu dans le chandail des brumes
une fête qui se joue dans le cri d’un amour
et Verlaine qui s’éloigne sur la pointe des pieds.

C’est une nostalgie qui cherche
ses mémoires au royaume des vivants
un cliquetis d’aiguilles qui cherche
sa route au rebours d’une montre arrêtée
et la chaussure de Rimbaud à l’orphelinat des amputés.

C’est Soutine et Chagall cherchant leurs pinceaux
l’encre du rêve et celle du cauchemar
à l’heure où le jour se dissout
et la nuit qui tombe sur le rire des enfants.

Ce sont les mains de Grand-Père s’approchant du poêle
Apollinaire et Max Jacob mourant loin de la Ruche
et cette muraille de mots qui entrave le silence.

C’est un temps de tout, un temps de rien
le jour qui passe sur le visage d’un ange
et la nuit qui se lève sur un visage de femme.


C’est une nostalgie qui croise la brume
un chien qui court comme on efface les siècles
et la mémoire qui se cherche au royaume des morts.

 

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JEAN-MICHEL SANANES

http://chevalfou.over-blog.net/

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sananes

DEDIE A LEONARD COHEN

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On a des frères, on a des sœurs, et des amis que l'on croit éternels
On a des chansons, des bruits, des rires de cours d’école
Des odeurs de quatre heures au chocolat
L'émerveillement d'un premier Noël
Des goûts de fête
Et des années mêlées à nos années

On a ces peurs au ventre des jours d’examen
Tous ces vieux rhumes et ces matins chagrins où l'on appelait maman
Ce vieux grand-père qui ronronnait dans son fauteuil
Un journal sur ses genoux mais les yeux fixés sur sa grande guerre
On a leurs voix et leurs rengaines, les ritournelles d'un temps d’ailleurs
Le souvenir amer de ces 'braves gens' qui ne nous aimaient pas
On a toutes ces misères et les galères où l'on regardait l'avenir de travers

On a ces temps d'espoir et la voix de Léonard qui nous chantait Suzanne
Et celle qui nous emmenait faire un tour avant de nous faire verser des larmes
On a les mots qui partent sans un adieu et des visages que l'on gomme d'un agenda
On a ses joies, on a ses peines, et le pas casséà chercher sa voie

On a des frères, on a des sœurs et des amis que l'on croyait éternels
On a des chansons, des bruits, des rires de cours d’école
Et des partis sans laisser d’adresse
Qui surnagent d'un naufrage mémoire où les amitiés s’oublient
On a des regrets et des amours qui ne veulent pas mourir
On a grand-père et ses cachous, cloué au lit, qui nous disait "Reviens me voir"

On a le temps qui va, Léonard et les heures qui partent
Loin des odeurs de quatre heures au chocolat
On a des petits enfants à qui l'on dit : "Reviens me voir…".

 

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JEAN-MICHEL SANANES

http://chevalfou.over-blog.net/

 

 

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PENSEE POUR VINCENT- PARIS ETE 1887

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La nature remue du négatif au positif,

puisque ce qu’en propose d’observer le pinceau libre

n’est que trace figée d’un cheminement à deux sens

que les tornades de l’intérieur agitent encore.

Dans le cadre, qui s’en trouve pour l’œil presque vrillé,

voire disparu, oublié dans l’attention extrême,

opère de façon sensible, invisiblement,

une tension si lourde entre les couleurs et les formes.

Comment sa chaise fiévreuse, avec pipe et tabac,

ses cyprès affolés, ses oliviers, ses fleurs altières

rendent-ils le mal-être face au cratère des gouffres

autrement qu’en y laissant perdurer les convulsions ?

Ses quatre heures fanées en voie de dessiccation,

qui n’abdiqueront jamais leur élan vers la lumière,

font fi de l’anecdotique, l’accessoire détail ;

elles contiennent plus de vérité que toute image.

C’est peut-être pour ne les avoir jamais aperçus

que Van Gogh n’a pas peint les tournesols noirs de septembre

où s’offre, de nos états d’âme, un autre miroir

montrant notre face outre-peinture, outre-parole.

 

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HENRI-LOUIS PALLEN

http://www.lierreentravail.com/

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