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AFRIQUE

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Afrique

ta tiare solaire à coups de crosse enfoncée jusqu'au cou

ils l'ont transformée en carcan; ta voyance

ils l'ont crevée aux yeux ; prostitué ta face pudique ;

emmuselé, hurlant qu'elle était gutturale,

ta voix, qui parlait dans le silence des ombres.

Afrique,

ne tremble pas le combat est nouveau,

le flot vif de ton sang élabore sans faillir

constante une saison; la nuit c'est aujourd'hui au fond

des mares

le formidable dos instable d'un astre mal endormi,

et poursuis et combats - n'eusses-tu pour conjurer

l'espace que l'espace de ton nom irrité de sécheresse.

Boutis boutis

terre trouée de boutis sacquée

tatouée

grand corps massive défigure où le dur groin fouilla

Afrique les jours oubliés qui cheminent toujours

aux coquilles recourbées dans les doutes du regard

jailliront à la face publique parmi d'heureuses ruines,

dans la plaine

l'arbre blanc aux secourables mains ce sera chaque arbre

une tempête d'arbres parmi l'écume non pareille et les

sables,

les choses cachées remonteront la pente des musiques

endormies,

une plaie d'aujourd'hui est caverne d'orient,

un frissonnement qui sort des noirs feux oubliés, c'est,

des flétrissures jailli de la cendre des paroles amères

de cicatrices, tout lisse et nouveau, un visage

de jadis, caché oiseau craché, oiseau frère du soleil.

 

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AIME  CESAIRE

 

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l-afrique-en-1602,,

Carte de l'Afrique datant de 1602

 

 


L'ÂME...Extrait

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L'âme

c'est la rosée où se dissout la nuit,

une écharpe de laine sur les épaules du froid,

les mots et la musique,

du latin de Virgile au gospel des Noirs,

les parenthèses ouvertes sur le monde,

la respiration des virgules,

la magie dont on fait les baguettes,

de pain, de fée ou bien d'orchestre,

une rivière inventée au milieu du réel,

c'est l'énergie d'une poire,

un ours mangeant du miel,

un léger souffle sur la paille,

le premier pas du jour quand il quitte la nuit,

la terre pleine de temps,

les perles perdues de la rosée

comme des flammes dans du verre,

les plantes survivant à l'hiver,

les maisons, les collines, les fleurs,

une cartouche de sang dans la culasse des veines,

peu de chose enfin de compte en face du cosmos,

c'est ce qui agrandit ce que les yeux perçoivent

et donne un sens au monde

 

comme si écrivant sein on disait lait,

comme si écrivant plante on disait sève,

comme si écrivant cœur on disait sang,

comme si écrivant homme on disait vie.

 

L'âme

c'est continuer de vivre malgré la mort,

continuer d'aimer.

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JEAN-MARC LA FRENIERE

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âme

 

DEFENESTRATION DES ANGES ...Extrait

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Avant de l'écrire
va voir ton poème
il t'attend sur le seuil

pourquoi es-tu venu
il ne le sait pas
mets-le en confiance

lisez-vous sans hâte
face à face
ton poème et toi
lisez-vous
les yeux dans les yeux

ainsi font
au hasard des puits
les gens du désert
quand ils se croisent
sans avoir marché
longtemps

qu'il épelle bien
chacun de ses mots
pour la première lecture

car elle est l'inévitable
par quoi tu sauras
si les yeux de ton poème fuient
c'est qu'il est félon
égorge-le

si au contraire
tu sens une grande joie
parce que tu as reconnu
ton enfant
prends-le dans tes bras
étreins-le
promène tes doigts
sur son corps délicat
qu'il s'enchante jusqu'à l'extase
de découvrir
son propre poème

s'il tremble enfin
réjouis-toi
c'est un bon poème

 

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CHRISTIAN ERWIN ANDERSEN

 

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christian Arjonilla

Oeuvre  Christian Arjonilla

 

 

LES MOULINS DE MON COEUR

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 Comme une pierre que l´on jette

Dans l´eau vive d´un ruisseau
Et qui laisse derrière elle
Des milliers de ronds dans l´eau
Comme un manège de lune
Avec ses chevaux d´étoiles

Comme un anneau de Saturne
Un ballon de carnaval

Comme le chemin de ronde
Que font sans cesse les heures
Le voyage autour du monde
D´un tournesol dans sa fleur
Tu fais tourner de ton nom
Tous les moulins de mon cœur

Comme un écheveau de laine
Entre les mains d´un enfant
Ou les mots d´une rengaine
Pris dans les harpes du vent
Comme un tourbillon de neige

Comme un vol de goélands
Sur des forêts de Norvège
Sur des moutons d´océan

Comme le chemin de ronde
Que font sans cesse les heures
Le voyage autour du monde
D´un tournesol dans sa fleur
Tu fais tourner de ton nom
Tous les moulins de mon cœur

Ce jour-là près de la source
Dieu sait ce que tu m´as dit
Mais l´été finit sa course
L´oiseau tomba de son nid
Et voila que sur le sable
Nos pas s´effacent déjà
Et je suis seul à la table
Qui résonne sous mes doigts
Comme un tambourin qui pleure
Sous les gouttes de la pluie

Comme les chansons qui meurent
Aussitôt qu´on les oublie
Et les feuilles de l´automne
Rencontre des ciels moins bleus
Et ton absence leur donne
La couleur de tes cheveux

Une pierre que l´on jette
Dans l´eau vive d´un ruisseau
Et qui laisse derrière elle
Des milliers de ronds dans l´eau
Au vent des quatre saisons
Tu fais tourner de ton nom
Tous les moulins de mon cœur

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MICHEL LEGRAND
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SALAH STETIE

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À coups de marguerites et de doigts enlacés, de saveur de lumière,

Ce long silence qui s'installe sur les choses, sur chaque objet,

sur la peau heureuse des lèvres,

Quand tout semble couler de source comme rivière

Dans un monde qui n'est pas bloqué, qui est même un peu ivre,

qui va et vient, et qui respire...

 

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SALAH STETIE

 

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MARGUERITES

 

 

SALAH STETIE...Extrait

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Ô monde... Avec la beauté de tes mers,

Tes latitudes, tes longitudes, tes continents

Tes hommes noirs, tes hommes blancs, tes hommes rouges,

tes hommes jaunes, tes hommes bleus

Et la splendeur vivace de tes femmes pleines d'yeux et de seins,

d'ombres délicieuses et de jambes

Ô monde, avec tant de neige à tes sommets et tant de fruits

dans tes vallées et dans tes plaines

Tant de blé, tant de riz précieux, si seulement on voulait

laisser faire Gaïa la généreuse

Tant d'enfants, tant d'enfants et, pour des millions

d'entre eux, tant de mouches

Ô monde, si tu voulais seulement épouiller le crâne chauve

de ces pouilleux, ces dépouilleurs

Et leur glisser à l'oreille, comme dictée de libellule,

un peu de ta si vieille sagesse

 

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SALAH STETIE

 

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hubert duprilot,

Oeuvre Hubert Duprilot

www.duprilot-hubert.fr

A MOTS OUVERTS

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 à André Chenet et Tristan Cabral

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Une pluie folle arrache la chemise des arbres. Les feuilles volent au vent comme des boutons qui pètent. Je vois les mots sortir des choses. Je les attrape au vol. Je ne joue pas aux mots comme on joue au soldat. J’en fais des parapluies, des bottines, et quelques fois des vers. Pour qu’une phrase se tienne, il faut placer les mots à la bonne place. Un semblant d’équilibre met la phrase en mouvement. La phrase n’est qu’un fil traversant le néant. Un mot mal placé suffit pour que le fil se casse. Je mets le temps debout, libéré de sa montre, et je couche l’espace sur un lit de voyelles.
Si la route finit au milieu des maisons, pour nous, errants, nomades, pérégrins, notre maison commence au départ des routes. Je cherche l’étincelle au milieu des ratures, des images oubliées, des bouts de phrases perdues au milieu des affiches. Le verbe «aimer» s’égare dans la boite à silence. Je dois le réparer pour qu’il serve à nouveau. L’invisible est partout. Je l’entends grelotter sans mitaines et sans bras. Je cueille pour le rêve une fleur de lait blanc, un fétu d’espérance, un pétale de vent. Le ciel sans étoiles ne cligne pas des yeux. Il dort sans lumière en attendant le jour. J’ai le cerveau qui crisse comme un grincement de porte.
Il y a des gens dont le cœur bat à peine, aux gestes si minimes qu’on les remarque à peine. Personne ne pleure quand ils meurent, sauf l’épicier du coin pour une facture non payée. On ne sait pas s’ils ont eu des enfants ou une peine d’amour. Pourtant, ils cachent une fortune dans une boite à souliers, de longues lettres d’amour qui sont resté cachetées, un livre de poèmes paru sous pseudonyme, un squelette dans le placard. C’est alors qu’ils commencent à vivre pour les voisins d’en face. Tout regard est un leurre. Quand on commence une phrase, c’est un autre qui parle.
Un jour ou l’autre, dans l’enclos carcéral que forment les écrans, nous resterons sans langue, sans corde vocale, sans voyelles, sans mots. Nous resterons sans voix comme on encaisse un chèque, porteur du sida. Le capital nous plie aux rêves des statues. Je cherche l’herbe folle, l’écume la plus verte, la table fraternelle, la langue maternelle, le partage du pain. Je cherche le ruisseau loin des brouilleurs de pistes, le soleil loin des brouillards de smog, les anges de clarté au cœur du labyrinthe. Il faut renaître à la magie des eaux et remuer la boue dans le corps ensablé. Il n’est jamais trop tard pour se remettre à vivre sans se rendre aux abois.
Une lampe de fleurs parfume la lumière. Je ne sais plus trop bien si je touche la pierre ou si la pierre me touche. C’est un matin où rien ne bouge, hormis les nuages. J’entends une voix de porte qui referme ses mots. Il me faudra chanter plus fort que le temps, creuser un peu plus creux, tartiner des voyelles sur un pain de papier, retrouver sous la cendre l’étincelle première. Il me faudra croquer dans la soif et la faim, caresser les épines jusqu’à trouver la sève, repeindre l’arc-en-ciel au pinceau du soleil. Je répondrai aux chiens, aux nuages et aux pierres. Il me faudra tirer la ligne d’horizon avec un filet d’encre, conjuguer les rivières avec l’herbe verte, la neige avec le feu, la tendresse des hommes avec l’absence de Dieu. La peau seule parfois nous sépare de la mort.
Il y a tant de vie dans le vide. Le corps doit s’ajuster à cette immensité. Des atomes se cherchent. Des notes de flûtes peuvent s’aimer. Des feuilles d’arbre se suicident. Il y a tant de vie partout. J’écris comme je peux. Je remue le dépôt dans l’encre de l’eau-forte. J’agite les voyelles dans le cornet des phrases. Avec ce qui fut sève, j’écris le mot thuya, érable ou acacia. Avec ce qui fut l’eau, je dessine le fleuve. Des fleurs de nuage au potager solaire, j’arpente l’infini. Tous les arbres se parlent dans des langues diverses mais le silence des pierres reste toujours le même.
Où sommes-nous ? Où allons-nous ? Marchant. Observant. Écoutant. L’esprit tâtonne dans une flaque de mots. En ces temps de mots creux, laissant les hommes discuter, j’en reviens au granit, aux traces sur le sable, au reflux des marées. J’atteins la terre des métaphores, la pure gnose du monde. Je cherche quelque chose qui n’aurait pas de nom, une pensée sans tête, une idée sans personne, une phrase sans mots.
J’écoute la musique autour de moi: masse de sons végétaux, turbulences aquatiques, craquements célestes, ki-koua, ki-koua, cris stridents des oiseaux, lancinement des cigales. La forêt me devient un horizon mental, un livre d’heures relié de lichen, une oraison païenne. On trouvera des pierres au milieu de ces pages. Ligne après ligne, pas à pas, une pensée vagit. S’il faut tout partager, je donne mes voyelles, mon pain blanc, mes raquettes mais je garde pour moi la beauté des érables, l’infini bleu du ciel, le vert des collines, le silence de l’aube. Je ne ferai rien d’autre que regarder la terre et le souffle du vent. Je ne vois plus les mots sur les affiches mais j’entends les oiseaux: tcha-ka-tchak, tcha-ka-tchac, le son des roches creuses, le blues du grésil, le cri rauque d’un geai, le vol d’une buse. Le vent souffle. Les feuilles tombent. Les saisons se succèdent sans compter les années, sûres de l’éternité. Je sors de mes livres pour respirer la vie. Je voudrais créer comme la nature crée, respirer comme l’eau. Il y a si longtemps qu’une pierre médite sans en faire une église. Il y a des plumes, des arêtes, des gouttes de pluie inscrites dans la craie depuis des millénaires. Je marche et je m’arrête pour regarder le monde. Je ne fais que marcher, un crayon à la main. J’ai oublié la mer mais je garde en mémoire un petit creux d’eau vive au milieu d’un rocher, cette lumière blanche qui montait de la terre, la voix douce d’un ami. Chaque visage qui souffre est aussi mon visage. Chaque rire est le mien. Ce chevreuil surgi au détour du chemin, c’est un peu de mon sang. La neige se referme sur les traces d’un loup. L’espoir se replie comme une feuille au feu. Chaque instant est parfait. Il ne faut pas en faire un mauvais souvenir.
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JEAN-MARC LA FRENIERE
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JEAN MARC

ANGELIQUE KIDJO - A CHANGE IS GONNA COME


LE DON DU SENS

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J’ai donné mes chaussures au voyageur qui traversait ma vie, s’attardant à la bouche des fées, à l’immobile silence des mots. J’ai donné mes muscles à l’athlète des cimes, mes gants aux forges brisées de toutes mes entrailles, ma patience au trop lent contre-courant de mes torrents. J’ai offert mon mouchoir de rires à des inconnus sur le quai de mes gares, mon bras au vieillard dans l’escalier de mes rêves, ma bienveillance à l’enfant humilié que je fus. Je suis aujourd’hui le plus riche des hommes et la nuque tendue vers le ciel, j’attends la pluie noire du temps, plus serein que la source qui ne connaîtra jamais la mer où ses eaux descendent.

 

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BRUNO RUIZ

2017

 https://brunoruiz.wordpress.com

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veronique scaviner,

Oeuvre Véronique Scaviner

TANT DE CORPS ET TANT D'ÂME...Extrait

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Destination : arbre

Parcourir l'Arbre
Se lier aux jardins
Se mêler aux forêts
Plonger au fond des terres
Pour renaître de l'argile

Peu à peu
S'affranchir des sols et des racines
Gravir lentement le fût
Envahir la charpente
Se greffer aux branchages

Puis dans un éclat de feuilles
Embrasser l'espace
Résister aux orages
Déchiffrer les soleils
Affronter jour et nuit

[...]

Cheminer d'arbre en arbre
Explorant l'éphémère
Aller d'arbre en arbre
Dépistant la durée.

 

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ANDREE CHEDID

 

 

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ARBRE

NOIRS DANS LA NEIGE

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                                                                    « Noirs dans la neige…
                                                                    Dans un trou clair… »
                                                                    Arthur Rimbaud
                                                                    Les Effarés

                                                                    « Où le blanc trouvait avec le noir
                                                                    une substance commune »
                                                                    Maurice Blanchot
                                                                   Thomas l’obscur


                                                       Pour Emmelle et Charles Juliet

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Ce texte abandonné.
Un commencement sous.
Cette terre abandonnée.
Quelques mots.
Peu de mots, mais finissent toujours
par rester.

Un commencement sous.
Un pas.
Un autre pas.
Noir mineur dans la neige.
Sin luz y a oscuras viviendo.
Sans lumière et vivant dans l’obscur.
Noir mineur penché dans la neige.
Secret.
Mourir de ne pas.
Commencer.
Cette source de noir dans la neige.

Mas sé que todo origen de ella viene
Aunque es de noche
.

Mais je sais que toute origine en vient
Bien qu’il fasse nuit.
Commencer.
Un pas
Dans cette neige de nuit.
Cette eau de nuit
Où vient et boit
la lumière d’un pas.
Noir vif de noir.
Neige vive de neige.
Dans l’aveuglement du noir et de la neige,
Un pas.

Il y a ce mot qui se silence.
Voir ce mot.
Silence.
Dans le noir et la neige.
Ce mot d’envers.

Y attacher le noir et la neige
Aux pas.

 

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JEAN GABRIEL COSCULLUELA

inédit juin 2006

http://poezibao.typepad.com/poezibao/2006/09/anthologie_perm_2.html

 

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traces

 

POEMES A SAMUEL WOOD...Extrait

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Feindre d’ignorer les lois de la nature,
Réincarner en songe la forme abolie,
Prêter au mirage les vertus d’un miracle
Est-ce pour autant faire échec à la mort ?
Tout au plus douter qu’elle nous sépare,
Que soit un fait le fait de n’être nulle part

Irréparable cassure.

Prenons-en acte.


Nous voilà désolés la vie durant,
notre mémoire ouverte comme une blessure,
C’est en elle que nous la verrons encore
Mais captive de son image, mais recluse
Dans cette obscurité dévorante
Où, pour lier son infortune à la nôtre,
Nous rêvions d’aller nous perdre ensemble
Toute amarre tranchée, et joyeux peut-être
Si le pas eût été moins dur à franchir,
Ne faire qu’un avec elle dans la mort
Choisie comme la forme parfaite du silence.

 

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LOUIS-RENE DES FORÊTS

 

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BERNARD LIEGEOIS

Photographie Bernard Liegeois

 

 

A L'IMAGE DE L'HOMME...Extrait

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Où va le mouvement ?
où se trouve la paix
universelle des choses ?
                                 Messager,
un clair-obscur de règle divine
et de mystère
en répand un peu.
                               À son heure
il sort du contre-jour
du côté de la mer
et de l’embouchure, volant
au ras de l’eau –
ainsi remonte le fleuve
                                 avec la force
tranquille des ailes
et des hanches,
                         ainsi il s’engouffre
sous les arches de ses ponts,
vers l’orient, la pauvreté,
                                            la source.
Est-ce le sens, cela, ou un pas de l’éternelle danse ?

 

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MARIO LUZI

 

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EWAH2

Oeuvre Ewa Hauton

 

 

 

 

 

 

EMMANUELLE RIVA ...HOMMAGE

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Cheminement de tous les clochers
sur le ciel
guets-apens très doux
des aéroplanes
sur ton cœur
comme les hirondelles
que tu apprivoises
avec ton ombre
Tu peux t’éloigner
dans la magie
des fleurs nocturnes
tu peux prendre la tempête
pour amie
je serai ce lac de brume
à ton arrivée
ce lac de brume
et tu diras que tu aimes
toutes les lumières
de la ville

.

 

emmanuelle_riva-hiroshima_mon_amour,

 

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Le dernier village

-   dans les rues –

Les vieilles gens
c’est l’os du temps
de plus en plus
ils ont en moins

ils ressemblent
aux trembles
de l’hiver des jardins

le regard
est en retard
étang miroir
réservoir à la soif des bêtes

les dents espacées du sourire
hersent les souvenirs

Dieu récolte
des restes de peau fanée
plus douce que le silence.

 

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EMMANUELLE RIVA

 

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LES RENCONTRES DES JOURS...Extrait

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Une pensée sans mots pensée sur la pointe des pieds
entre sourire d’amitié caresse inachevée silence heureux
A peine l’éclair vif d’une truite au torrent
la trace  s’effaçant d’une étoile filante
ou l’esquisse du chant d’un oiseau très petit

une pensée de toi m’a effleuré
en chuchotant Je ne fais que passer

C’était ta voix
ta voix de vent léger sur les dunes
ta voix de mer qui souffle sous une lune pâle
voix de pieds nus  de feu de bois de citronnelle
de la mousse d’écume aux crêtes de la vague

ta voix traverse-temps qui tisse mon espace

 

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CLAUDE ROY

 

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claude roy

 


DIPTYQUE

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Toute de fluidité et de mouvances
de déchirures et de vibrations
impulsives,
un peu de sel
sur une plaie ouverte.
Impalpable insaisissable
houle de lumière et d 'ombre
et d'ambre au plus secret
elle n'est qu'antre primitif
bulles d'eau claire
questions et étonnement.
Farouche ailée
elle est toujours de l'autre côté
du miroir,
Alice éblouie
errant lointaine, infinie.
Le sang
coule dans ses larges veines
comme illimitées.
Elle !

Roc apparent
mais friable au dedans
empreint du vide
lignes sèches et désertiques.
Chemin cahoteux
tracéà coups de machette
bivouac hasardeux
il est en marche,
toujours.
Masque sauvage naseaux ouverts
il refuse d'être poussière
parmi le béton.
Torrent devançant
météore
immense poème épique
il semble issu de l'Apocalypse.
Le sang
coule dans ses veines fortes
comme l'éternité.
Lui !

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AGNES SCHNELL

 

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EWA HAUTON

Oeuvre Ewa Hauton

 

L 'OISEAU ENCORE ( FRAGMENT )

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(…)


Il n’apporte plus de questions,
il n’apporte plus de présages,
mais il est là, heureusement,
dans les moments où l’avenir
se dissout dans ta nostalgie,
où ton cœur affolé
cherche son ancien rythme
tandis que tes deux tempes savent
ce qu’il te reste encore de temps
pour faire des adieux discrets
à ce qu’il te reste d’amis,

à cet instant où l’aube
vient soudain effacer
ton dernier cauchemar,
ta dernière insomnie,
et qu’il jaillit du grand manguier
du jardin créole d’en-face
pour renouveler ta surprise,
ton étonnement d’être en vie.

 

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RAYMOND FARINA

Extrait de Hétéroclites, 2015, recueil inédit

http://www.terreaciel.net/Raymond-Farina#.WI050_KWfdg

 

 .

 

oiseau manguier

JE SUIS NE A OLYMPIE

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J'ai fait mes premiers pas sur la poussière millénaire sous l'ombre grandiose des ruines sacrées.

J'ai joué dans le stade antique, sur la terre foulée par les dieux et les héros.

J'ai entendu les pierres raconter au vent les mythes et les légendes.

Sous la lumière pâle et reposante du soleil couchant ou dans l'éclat du soleil de l'été,

Mes yeux innocents considéraient comme naturelle la beauté indicible des statues et des monuments.

Naturel comme le mouvement de la mer et l'odeur des pins.

L'Hermès de Praxitèle. La Victoire de Paionios. Le Temple d'Héra. L'Autel de Zeus.

Et dans mes rêves j'ai vu la Victoire me couronner d'un rameau d'olivier sauvage.

 

...

 

Je suis néà Olympie !

Et dès mes premiers pas, je me heurte à l'histoire.

Les statues m'ont appris la beauté et m'ont enseigné la sérénité.

Je perçois avec mes doigts le toucher de Praxitèle sur les pierres.

Je caresse les colonnes lézardées et vois le soleil avec des yeux nouveaux.

Un jour, ici, s'est battu Heraclès.

Un jour, ici, a marché Diagoras.

Un jour, ici, est né l'Esprit Olympique.

La flamme sacrée s'est allumée et l'humanité s'est couverte de lumière.

Et la voie qui mène à l'humanisation de l'homme s'est ouverte.

 

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GEORGES SEFERIS

 

 

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olympie2

Olympie

HOMME...Extrait

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...

On nous disait, vous vaincrez quand vous vous soumettrez.
Nous nous sommes soumis et nous avons trouvé la cendre. On nous disait vous vaincrez quand vous aurez aimé. Nous avons aimé et nous avons trouvé la cendre.
On nous disait vous vaincrez quand vous aurez abandonné votre vie.
Nous avons abandonné notre vie et nous avons trouvé la cendre.
Nous avons trouvé la cendre. Il ne nous reste qu’à retrouver notre vie maintenant que nous n’avons plus rien. J’imagine que celui qui retrouvera la vie, malgré tant de papiers, de luttes, de sentiments, d’enseignements, sera quelqu’un comme vous et moi, avec une mémoire juste un peu plus tenace. Pour nous, c’est difficile, nous nous souvenons encore de ce que nous avons donné. Lui, ne se rappellera que ce qu’il aura gagné par chacun de ses dons. Que peut se rappeler une flamme ? Si elle se rappelle un peu moins qu’il ne faut, elle s’éteint. Si elle se rappelle un peu plus qu’il ne faut, elle s’éteint. Si elle pouvait nous enseigner, tant qu’elle brûle, à nous souvenir avec justesse ! Moi j’ai fini. Il y a des moments où j’ai l’impression d’avoir atteint le but et que toutes les choses sont à leur place, prêtes à chanter en choeur. La machine sur le point de se mettre en marche. Je peux l’imaginer, vivante, en mouvement, incroyablement neuve. Mais il reste un obstacle infime, un grain de sable qui diminue, diminue sans jamais tout à fait s’anéantir. Je ne sais ce que je dois dire ni ce que je dois faire. Cet obstacle, il m’apparaît parfois comme un noyau de larmes coincé dans un engrenage de l’orchestre et qui le réduit au silence tant qu’il n’est pas dissous. Et j’ai l’intolérable sentiment que toute la vie qui me reste à vivre ne suffira pas pour abolir cette goutte dans mon âme. Et la pensée me hante que cet instant têtu sera le dernier à se rendre, si l’on me brûlait vif.

Qui aurait pu nous aider ? Une fois — je travaillais encore sur les bateaux — je me suis trouvé un midi de juillet tout seul sur une île, infirme sous le soleil. La brise légère de la mer faisait naître en moi de tendres pensées quand vinrent s’asseoir un peu plus loin, une jeune femme à la robe transparente qui laissait deviner son corps de biche, mince et ferme, et un homme silencieux qui la regardait sous les yeux, à quelque distance. Ils parlaient une langue que je ne comprenais pas. Elle l’appelait Jim. Mais leurs paroles étaient sans poids et leurs regards immobiles  et confondus, laissaient leurs yeux aveugles. Je pense toujours à eux : ils sont les seuls êtres rencontrés dans ma vie à n’avoir pas cette expression rapace ou traquée qu’ont tous les autres. Cette expression qui les range dans la foule des loups ou dans celle des agneaux. Je les revis le même jour dans une de ces petites chapelles des îles qu’on découvre toujours au hasard pour les perdre dès qu’on en sort. Ils se tenaient à la même distance puis ils se rapprochèrent et s’embrassèrent. La femme devint une image incertaine et s’effaça tant qu’elle était petite… Savaient-ils qu’ils étaient délivrés des filets du monde ?

Il est temps que je parte. Je connais un pin qui se penche sur la mer. À midi, il offre au corps fatigué une ombre mesurée comme notre vie, et le soir, à travers ses aiguilles, le vent entonne un chant étrange comme des âmes qui auraient aboli la mort à l’instant de redevenir peau et lèvres. Une fois, j’ai veillé toute la nuit sous cet arbre. À l’aube, j’étais neuf comme si je venais d’être taillé dans la carrière.

Si seulement l’on pouvait vivre ainsi ! Peu importe.

 

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GEORGES SEFERIS

Londres, 5 juin 1932

 

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pierre auguste renoir,

Pierre-Auguste Renoir

 

 

 

L'ENFANT N'EST PAS MORT...Extrait

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Le 21 mars 1960, un massacre eut lieu à Sharpeville. Un vent de violence secoua alors toute l’Afrique du Sud. Au Cap, un bébé noir qui se trouvait dans les bras de sa mère fut tué par des policiers blancs. Ingrid Jonker, indignée, se rendit au commissariat de Philippi pour s’incliner devant le corps ; et écrivit ce poème que le poète Mattheus Uys Krige, son mentor et confident, salua comme « l’un des meilleurs poèmes en vers libres de notre littérature ». 
Le 24 mai 1994, lors de son discours d’investiture devant le premier parlement sud-africain élu démocratiquement, Nelson Mandela lut intégralement ce poème, traduit en anglais. 

 

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L’enfant n’est pas mort  
l’enfant lève les poings contre sa mère  
qui crie Afrika ! Crie l’odeur  
de la liberté et du veld  
dans les ghettos du cœur cerné 
 
L’enfant lève les poings contre son père  
dans la marche des générations  
qui crie Afrika ! Crie l’odeur  
de la justice et du sang  
dans les rues de sa fierté armée  
 
L’enfant n’est pas mort ni à Langa ni à Nyanga  
ni à Orlando ni à Sharpeville  
ni au commissariat de Philippi  
où il gît une balle dans la tête 
 
L’enfant est l’ombre noire des soldats 
en faction avec fusils blindés et matraques  
l’enfant est de toutes les assemblées de toutes les lois  
l’enfant regarde par les fenêtres des maisons et dans le cœur des mères  
l’enfant qui voulait simplement jouer au soleil à Nyanga est partout  
l’enfant devenu homme arpente toute l’Afrique  
l’enfant devenu géant voyage dans le monde entier  
 
Sans laissez-passer

 

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INGRID JONKER

Traduction Philippe Safavi

http://poezibao.typepad.com/poezibao/2014/01/anthologie-permanente-ingrid-jonker.html

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