ABDULLAH IBRAHIM - DESERT AIR
LES SENTIERS DU MONDE...Extrait
L’ombre ne s’enfuit ne s’enfuit jamais
(Sauf au zénith un instant bref)
Jamais autant présente
Que par un soleil clair.
JARDINS SECRETS
LEXIQUE
Je ne trouve pas le verbe
Correspondant à dérision
Juste l’adjectif, dérisoire, je triture
Dérisoire des rasoirs désiroir
Invente des désirs à tiroirs rasoirs
Tranchants comme des lèvres qui se pincent
Où se coupent les mots
Est-ce que la dérision
C’est le rire
Quand il finit
Ou l’inverse de
Désirions
.
ALEXO XENIDIS
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Photographie Chris Maher
JEAN LAVOUE...Extrait
Désormais nous marcherons
Au pas des battements du cœur.
Nous ferons face à l’ennemi
Avec tranquillité et force.
Nous ne nous laisserons pas voler
Cela que nous avons frôlé de plus haut.
Nos rêves ne sont pas à prendre.
Nous n’éclairerons pas ce monde
Aux torches de la haine,
Mais nous protégerons la flamme de nos tendresses,
Nous ne tiendrons pas nos lampes
Sous le boisseau.
.
JEAN LAVOUE
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Oeuvre Mark Briscoe
DONNEZ-MOI DES MOTS D'HOMME
L'OISEAU
L’oiseau
deux oiseaux de Georges BRAQUE
MANDELA
ELECTIONS PRESIDENTIELLES FRANCAISES 2017
CAROLE DAWSON
Poème pour Patrig
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Je bois goutte à goutte à la pluie du silence
J'écoute les bruits qui se sont tus
J'entends les mots qui ne sont plus
Immuable cadence
Qui danse qui danse
Et je glisse au-delà du paysage
Là où la clarté repose
Amarrée à mon rivage
Au frôlement d'un murmure qui s'impose
Au coeur du silence
L'invisible frémit d'abondance
Quand tout s'est tu quand tout se tait
Plus rien n'y paraît
Suspendu est le temps
Et juste là
Germe une lueur s'inspirant
D'une parcelle d'un ciel rougissant
Juste là
De l'immensité
Naît toute l'intensité
Et la source ressurgit
Grouillante de vie
Bouillonnante de magie
Qu'on ressent à chaque pas
Qu'on voit et qu'on ne voit pas
Sur les vagues de l'infini, j'ai balbutié
Au vent de mon propre souffle...envolée
Alors peu m'importe
Que viennent maintenant les bruits
Peu m'importe
J'ai entendu le silence de tous les puits
J'ai frissonné aux portes secrètes de toutes les nuits
Je fus de connivence
Avec l'essence dans toute sa transparence
Déposée en ces lieux
J'ai marché les chemins silencieux
En pleine conscience
Que là est l'origine de toute naissance
Où chaque instant est renaissance
.
REINVENTEZ-VOUS...
Pas de meneurs, s’il vous plaît
Inventez-vous puis réinventez-vous,
ne nagez pas dans le même bourbier
inventez-vous puis réinventez-vous
et
libérez-vous des griffes de la médiocrité.
Inventez-vous puis réinventez-vous,
changez de ton et de forme si souvent qu'on ne pourra
jamais
vous
cataloguer.
Ressourcez-vous et
acceptez ce qui est
mais uniquement selon les termes que vous avez inventés
et réinventés
apprenez par vous-même.
Et réinventez votre vie parce qu'il le faut ;
c'est votre vie et
son histoire
et le présent
n'appartiennent
qu'à vous.
.
CHARLES BUKOWSKI
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Photographie Gilbert Garcin
DERNIER POEME
" Mon dernier poème au Peuple Haïtien avant de quitter le sol qui m’a vu naître écrit le 29 novembre 2016.
Ce Peuple en gestation d’une nouvelle victoire contre l’obscurantisme." Gérald Bloncourt
.
La colère
est en moi
je hume l’existence
je me heurte
aux fils de fer barbelés
de la désespérance
je franchis les ruisseaux
boueux de l’inquiétude
Martissant, Carreour-feuille,
Bizoton, Jérémie, Jacmel,
Pétionville, Port-au-prince,
l‘Ile de la Gonave,
bruissants de misère
L’azur est en folie
Tout se mêle
S’entrecroise
Et se noue
Je sonde l’espace séculaire
Ce brassage de peuples
Qui fil sonner le glas
Du sordide esclavage
Je dis à la jeunesse
Aux yeux-diamants
luisants d’espoir
Aux cohortes affamées
des bidonvilles
aux créateurs
peintres
poètes
écrivains
L‘heure est venue
De dire NON
aux embroglios
des politiciens véreux
aux corrompus
aux assassins
Le jour se lève
en ma mémoire
Les « CINQ GLORIEUSES » de Janvier 1946
Ont offert au Monde
Un sursaut salutaire
Haiti d’infortune
des tremblements de terre
tes enfants sont là
Kampé ! Debout !
Je crois en tes vertus
En vous
Nouvelle générations
Je crois en ce renouveau cosmique
De Liberté, d’Égalité et de Fraternité
Je dis Merde à l’Espace
Je crie mon mot d’ordre
« Kembe fèm ! pa lagé ! »
Salut à vous
mes racines profondes
mon doux parlé créole
mes cassaves, boborits
rapadou, mes rorolis,
mes pisquettes grillées
mon choux palmiste
Salut à vous Furcy
Kenscoff, le Morne Bourrette
Le Massif de la Selle
Salut à vous
Dessalines, Toussaint Louverture,
Héros de l’Indépendance
Salut à vous Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis,
Gérard Chenet, René Depestre
Et tous les autres
Je m’incruste dans les rues démembrées
Je soude espoir et certitude
pour bannir l’obscurité.
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GERALD BLONCOURT 90 ANS
NATIF-NATAL
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Gérald Bloncourt 2016
THE SWAN - SAINT-SAËNS/GODOWSKY
NOUS AUTRES MEURTRIERS
...
Parce qu’il est plus facile de faire son travail quotidien et d’attendre dans une paix aveugle que la mort
vienne un jour, les gens croient qu’ils ont assez fait pour le bien de l’homme en ne tuant personne directement.
Mais, en vérité, aucun homme ne peut mourir en paix s’il n’a pas fait tout ce qu’il faut pour que les autres vivent et s’il n’a pas cherché ou dit quel est le chemin d’une mort pacifiée. Et d’autres encore, qui n’ont pas envie de penser trop longtemps à la misère humaine, préfèrent en parler d’une façon très générale et dire que cette crise de l’homme est de tous les temps. Mais ce n’est pas une sagesse qui vaut pour le prisonnier ou le condamné. Et, en vérité, nous continuons d’être dans la prison, attendant les mots de l’espoir.
Les mots d’espoir sont le courage, la parole claire et l’amitié. Qu’un seul homme puisse envisager aujourd’hui une nouvelle guerre sans le tremblement de l’indignation et la guerre devient possible. Qu’un seul homme puisse justifier les principes qui conduisent à la guerre et à la terreur et il y aura guerre et terreur. Il faut donc bien que nous disions clairement que nous vivons dans la terreur parce que nous vivons selon la puissance et que nous ne sortirons de la terreur que lorsque nous aurons remplacé les valeurs de puissance par les valeurs
d’exemple. Il y a terreur parce que les gens croient ou bien que rien n’a de sens, ou bien que seule la réussite historique en a. Il y a terreur parce que les valeurs humaines ont été remplacées par les valeurs du mépris et de l’efficacité, la volonté de liberté par la volonté de domination. On n’a plus raison parce qu’on a la justice et la générosité avec soi. On a raison parce qu’on réussit. A la limite, c’est la justification du meurtre .
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ALBERT CAMUS
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Photographie Thami Benkirane
https://benkiranet.aminus3.com
L'HOMME REVOLTE...Extrait
L’homme ne peut que se proposer de diminuer arithmétiquement la douleur du monde. Mais l’injustice et la souffrance demeureront et, si limitées soient elles, elles ne cesseront pas d’être le scandale .
Prométhée, coincé entre le mal humain et le destin, n’a plus que sa force de révolte.
(Mais ) la révolte ne peut se passer d’un étrange amour.
Ceux qui ne trouvent de repos, ni en Dieu, ni en l’histoire, se condamnent à vivre pour ceux qui, comme eux, ne peuvent pas vivre : pour les humiliés.
Cette folle générosité est celle de la révolte, qui donne sans tarder sa force d’amour, et refuse sans délai l’injustice Son honneur est de ne rien calculer, de tout distribuer à la vie présente et à ses frères vivants
La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent
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ALBERT CAMUS
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Sculpture Robert Lerivrain
LE TEMPS RETROUVE....Extrait
La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c’est la
littérature ; cette vie qui, en un sens, habite à chaque instant chez tous les hommes aussi bien chez l’artiste. Mais ils ne la voient pas, parce qu’ils ne cherchent pas à l’éclaircir. Et ainsi leur passé est encombré
d’innombrables clichés qui restent inutiles parce que l’intelligence ne les a pas "développés" . Notre vie, et aussi la vie des autres. Le style pour l’écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre, est une question non de technique mais de vision. Il est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients, de la différence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparaît le monde, différence qui, s’il n’y avait pas l’art, resterait le secret éternel de chacun. Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu’il peut y avoir dans la lune. Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et, autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini et, bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Ver Meer, nous envoient encore leur rayon spécial."
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MARCEL PROUST
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LES ECORCES VIVES
Dans le verger des fées. A droite du petit chemin. Sur le toit de mousse. Deux amants reposaient là contre le ventre d’un arbre. Que dire de l’amour ? Que dire du temps ? Il est venu. Somptueusement nu. Elle attendait la vasque de son corps. Deux étoiles sont tombées. Tout près. En plein jour. Ses seins pointent vers le ciel. Sa peau est du miel. Que dire du temps qui les sépare puis les réunit. De nouveau. Et ainsi jusqu’à la fin des temps. Que dire de l’amour qui réunit un versant de l’âme, la petite chapelle. Qui réunit un buisson délicat et le roseau des écritures. Le désir se confond avec l’horizon. Il vit en paix celui qui est aimé. Elle visite le sanctuaire et les écorces vives du verbe. Celle qui est aimée. Dans le verger des fées.
VIVRE A MOITIE
Ne fréquente pas ceux qui sont à moitié amoureux,
Ne sois pas l’ami de ceux qui sont à moitié des amis..
Ne lis pas ceux qui sont à moitié inspirés.
Ne vis pas la vie à moitié
Ne meurs pas à moitié
Ne choisis pas une moitié de solution
Ne t’arrête pas au milieu de la vérité
Ne rêve pas à moitié
Ne t’attache pas à la moitié d’un espoir
Si tu te tais, garde le silence jusqu’à la fin, et si tu t’exprimes, exprime -toi jusqu’au bout aussi.
Ne choisis pas le silence pour parler, ni la parole pour être silencieux …
Si tu es satisfait, exprime pleinement ta satisfaction et ne feins pas d’être à moitié satisfait …
et si tu refuses, exprime pleinement ton refus, car refuser à moitié c’est accepter..
Vivre à moitié, c’est vivre une vie que tu n’as pas vécue…
Parler à moitié, c’est ne pas dire tout ce que tu voudrais exprimer
sourire à moitié, c’est ajourner ton sourire,
aimer à moitié, c’est ne pas atteindre ton amour
être ami à moitié c’est ne pas connaître l’amitié
Vivre à moitié, c’est ce qui te rend étranger à ceux qui te sont les plus proches, et les rend étrangers à toi….
La moitié des choses, c’est aboutir et ne pas aboutir, travailler et ne pas travailler, c’est être présent et …absent
Quand tu fais les choses à moitié, c’est toi, quand tu n’es pas toi-même, car tu n’as pas su qui tu étais
C’est ne pas savoir qui tu es…
Celui que tu aimes n’est pas ton autre moitié…c’est toi même, à un autre endroit, au même moment.
Boire à moitié n’apaisera pas ta soif, manger à moitié ne rassasiera pas ta faim…
Un chemin parcouru à moitié ne te mènera nulle part
et une idée exprimée à moitié ne donnera aucun résultat …
Vivre à moitié, c’est être dans l’incapacité et tu n’es point incapable…
Car tu n’es pas la moitié d’un être humain
Tu es un être humain…
Tu as été créé pour vivre pleinement la vie, pas pour la vivre à moitié
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KHALIL GIBRAN
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Oeuvre Berthe Morisot
ABDELWAHAD MEDDEB
Absolu perçu raison d'histoire
chez ceux qui ont vaincu
comme chez ceux qui ont perdu
Absolu que scelle le silence des pierres
face au désastre face à la victoire
au lieu de gager Absolu contre Absolu
n'est-il pas juste de céder l'Absolu
à son irrévocable silence
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ABDELWAHAD MEDDEB
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Oeuvre Thami Benkirane
https://benkiranet.aminus3.com
ANNE MOUNIC...Extrait
Le poème – une parole qui ne peut, ne veut,
prétendre coïncider.
L’erreur consisterait à vouloir effacer l’omniprésente disjonction
au cœur du temps,
de la bouche à l’oreille et du présent à sa reprise,
mais il s’agit d’une transcendance par-dessous,
qui fonde en fusant sans fonder uniformément,
et s’éprouve au fluide de l’intuition, puis de la pensée que peu à peu elle engendre, lorsque les bulles à la surface de l’eau
se mettent à former des phrases.