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Channel: EMMILA GITANA
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RENE TAVERNIER...Extrait

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Il y en a qui prient, il y en a qui fuient,
Il y en a qui maudissent et d'autres réfléchissent,
Courbés sur le silence, pour entendre le vide,
Il y en a qui confient leur panique à l'espoir,
Il y en a qui s'en foutent et s'endorment le soir
Le sourire aux lèvres.

Et d'autres qui haïssent, d'autres qui font du mal
Pour venger leur propre dénuement.
Et s'abusant eux-mêmes se figurent chanter.
Il y a tous ceux qui s'étourdissent...

Il y en a qui souffrent, silence sur leur silence,
Il en est trop qui vivent de cette souffrance.
Pardonnez-nous, mon Dieu, leur absence.
Il y en a qui tuent, il y en a tant qui meurent.

Et moi, devant cette table tranquille,
Écoutant la mort de la ville,
Écoutant le monde mourir en moi.

 

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RENE TAVERNIER

(1915~1989)

 

 

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jaya suberg2

Oeuvre Jaya Suberg


A PEINE UN SOUFFLE, OEUVRE POETIQUE COMPLETE...Extrait

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Un livre va s'écrire
sur une feuille de porphyre
Pourquoi la colère qui monte
adoucit les mots et les chante

Pourquoi le sourire
sur le visage qui va mourir
métamorphose en soleil
un dernier râle

La vie vécue recommence
le destin d'une autre vie
Elle ensemence son cresson
sur un lit de tessons

Un livre est un ramier
au plumage de papier
Mais dans ce lieu providentiel
l'abeille ne reconnaît pas son miel

 

.

 

 

ABDELAZIZ  MANSOURI

 

 

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tham55,

Photographie Thami Benkirane

https://benkiranet.aminus3.com

 

 

ANTI PROCES-VERBAL

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Je constate,

je n'en bâtis pas un système au sommet duquel je NOUS place

je constate,

 mais qu'un chat me prenne pour un chat,

pis encore une chatte.

Qu'un chien veuille pour mon bien m'imposer sa vue de chien,

qu'une grenouille me reproche mes poils,

qu'un corbeau me vante la charogne ou un lion

les entrailles chaudes d'une antilope.

NON

Et pourtant voilà où nous en sommes

dans les manuels scolaires, les cénacles, les tables rondes,

les programmes de n'importe quel parti.

Il n'y eut jamais que la prise du pouvoir

par une certaine façon d'éprouver

par une certaine espèce dans cette physiologique,

espèce qu'on dit "humaine".

Il n'y eut, il n'y a pas d'humanisme"

qui ne soit ce despotisme

Alors ?

eh bien alors c'est la sauvage sauvegarde contre toute emprise

                    de ce "je ne sais quoi" ou "...pas",

c'est pareil - qui donnerait à tous les révolutionnaires raison

s'il était accompagné de la force native sans quoi il avorte.

Je ne reproche rien aux avortés

sont-ils des avortés ou des victimes d'un modèle,

des séparés d'eux-mêmes des fragmentés des engloutis ?

je ne suis pas une compagnie de sauvetage,

je reproche de moins en moins,

je plains de moins en moins,

ne verse pas une larme

sur les dominicaux morts de Pâques ou du mois d'Août,

je ne suis pas chargé de l'ours ni du ténia,

je ne suis pas chargé de l'air que je respire,

mais je suis pour le changement

car il peut réveiller ceux qui seulement dorment

ce sont les seules victimes !

Il y a des coriaces, des forces congénitales inavortables,

des vies, elles sont rares, elles viennent dans n'importe

quelle race, clan, secte, langue

elles absorbent tout cela contiennent tout cela,

ne sont pas contenues, ne sont explicables, imitables

des vies

J'ai salué les doux

Me faut-il un interlocuteur?

Je n'ai pas le vertige, même différents, même opposés

nous nous reconnaissons en quelque chose,

un influx comme d'un même feuillage,

mais ce serait d'un arbre aux mille millions

milliards de racines , de troncs,

nous nous reconnaissons

nous négligeons l'absence et le monde est peuplé

mais sans aucun pardon pour intégrer les restes

cette fraternité de mousse et d'aloès,

de chenilles et de ciel de cascade et de poux

nous lâchons les béquilles des vies

elles contiennent tout ce qui sur Terre vit.

 

Il y a cependant les affiches qui gueulent,

qu'on ne voit même plus,

qu'on ne veut même plus arracher.

Il y a, la longue pompe aspirante des routes à grand tirage

qui font qu'on ne sait plus s'arrêter,

sauf dans des vapeurs d'huile et de gaz brûlés.

Il y a l'horreur à la terrasse des monuments aux morts

qu'on ne veut même plus voir sauter.

Il y a l'arrêt fixe au poteau des vacances,

panorama prévu et masque à oxygène donné pour de l'air pur.

Il y a la donzelle en short monoprix,

étendue dans les champs en gueulant transistor.

Il y a en hiver le cinéma qu'on prend, le disque qu'on rabache,

le sourire chewing-gum de l'idole, neuve icône pendue au front du lit.

Il y a ces cervelles bourrées dès les 6 ans de fausses certitudes.

Il y a ces regards par millions, satisfaits, fascinés, avalant sans en rien rejeter

la voix sortie des lèvres de mannequins payés.

C'est à vous que je parle,

vous que j'ai coudoyés dans l'anonymité usante,

sous l'uniforme, l'informe, la masse accélérée en descente d'objets.

Je vous ai vus ramper, je détournais les yeux,

je vous voyais vous mettre en boule dans votre coin,

n'être plus qu'un manche de balai une manivelle,

un tout ce qu'on voudra,

pourvu qu'on ne perde pas ce qu'a pas le voisin.

Vous,

atrocement plats devant l'autorité des hommes et "d'un état des choses".

Je n'avais rien à perdre

la preuve est que la vie m'a emmené au lieu

où jouir et donner s'unissent en un seul mot.

Nous n'avons rien à perdre,

vous haussez les épaules,

vous craignez de laisser paillasse pour bois dur et haricots pour fèves.

Vous comptez votre paie, votre tendresse,

vos joies les voilà enterrées verrouillées,

empêchées de nuire, n'est-ce-pas de changer quelque chose ?   

Vous,

mis hors-course, dévalués et qui nous expulsez.

S'il en est parmi nous échappés par la drogue,

s'il en est parmi nous fous à lier,

s'il en est revenus comme vous, résignés,

c'est que vous nous manquez.


C'est que toute richesse non risquée en plein jour, atrocement nous manque.

Une harmonie se nomme, elle est très exigeante,

elle n'est pas encore née, elle vous demande.

 

 

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BERNARD JACOBIAK

 

 

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JAMES PORTO,,

Photographie James Porto

UN CHEMIN VERS LA LUMIERE...Extrait

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« Le chemin vers la lumière c’est à quoi tend le poème quand il existe. Et réaliser que le poème existe est une illumination. Cette réalité n’a plus besoin de se mettre au service d’un projet prométhéen car ce n’est pas Dieu qui est mort mais bien Prométhée dans les villes bombardées jusqu’à Hiroshima, dans les camps de travail ou d’extermination et dans les goulags. Les ténèbres sont partout et les interdits ont seulement changé de sens. Le prophète Albert Camus dans « la chute » dont on parle peu quand on pense au panthéon, avait pourtant dévoilé l’interdit le plus enfoui, l’interdit majeur, l’obscénité la plus universellement condamnée , le mot proscrit au-delà de toute limite, quand il fait s’exclamer à un des ses personnages « Mon Dieu ! » et que tous les assistants du cabaret branché s’enfuient effarés. La révélation du poème - il existe ! - m’est venue du « Voyage » de Baudelaire que j’avais lu bien sûr mais sans l’entendre. La quête du poème permet dès lors de résister jusqu’à la révélation de la lumière la plus intime, la plus personnelle. Le poème permet peu à peu le regard sur l’enfoui, l’enfermé, l’enterré. Peu à peu, car les résistances sont multiples et le plus souvent sans nom. L’écoute aussi est rare. Et il est tellement facile et confortable d’étiqueter l’autre. Avoir la possibilité de parcourir de poème en poème, des années de recherche et de témoignages inattendus est la rare joie d’une communion possible entre le singulier le plus intime et tout l’humain en son devenir aux multiples facettes. Nul ne serait plus exclu. Et les myriades d’étoiles des galaxies pourraient bien être la pâle image de la diversité des visages et des vraies prénoms qui germent. Ce « chemin » peut commencer par la révolte quand elle est nécessaire : ce sera « Fulgurante ascèse » puis « Argent » pour survivre en caserne, prison, idéologie ou maladie de toute sorte. Le poème permet-il à l’homme d’être l’orpailleur du torrent tumultueux de ses voyages ou de ses fuites ? Où est le fondement de la soif que révèle un poème ? Pourquoi cette exigence parfaitement inutile et qui persiste ? Quelle est la valeur de ce parcours en poèmes, vers la guérison jugée impossible d’une cécité annoncée ? D’où est venue l’inadaptation constante et souvent agaçante pour les proches à tous les prosaïsmes sentis comme autant de résignation ? Quand le poème témoigne, donne-t-il une émotion, un horizon, un peu plus de regard et d’écoute, une palpitation de l’indicible enfoui ? Le choix des poèmes lus sera fait dans le sens de ces questions. »

 

 

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BERNARD JACOBIAK

 

 

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Hengki Koentjoro42

Photographie Hengki Koentjoro

LE CARNET DES METAMORPHOSES...Extrait

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Le vertige suffocant
du mystère de la vie
bat dans mes veines
 
Mon corps entier
n'est plus qu'attente.
 
 
    Je porte la graine 
    dans mes racines
Je soumets ma substance
à l'ordre
qu'elle instaure
 
Ces instants de fusion
suscitent la métamorphose.
 
 
L'inconnu
qu'il me faudra déchiffer
arrondit en moi
le silence de sa sphère
 
Cette aube à l'affût
accueille une autre lumière
où conduit
toute naissance.
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 MARIE-JOSEE CHRISTIEN

 

 

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naissance

LETTRE OUVERTE DE SHLOMO SAND - HISTORIEN ISRAËLIEN - A EMMANUEL MACRON

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En commençant à lire votre discours sur la commémoration de la rafle du Vel’d’hiv, j’ai éprouvé de la reconnaissance envers vous. En effet, au regard d’une longue tradition de dirigeants politiques, de droite, comme de gauche, qui, au passé et au présent, se sont défaussés quant à la participation et à la responsabilité de la France dans la déportation des personnes d’origine juive vers les camps de la mort, vous avez pris une position claire et dénuée d’ambiguïté : oui la France est responsable de la déportation, oui il y a bien eu un antisémitisme, en France, avant et après la seconde guerre mondiale. Oui, il faut continuer à combattre toutes les formes de racisme. J’ai vu ces positions comme étant en continuité avec votre courageuse déclaration faite en Algérie, selon laquelle le colonialisme constitue un crime contre l’humanité.

Pour être tout à fait franc, j’ai été plutôt agacé par le fait que vous ayez invité Benjamin Netanyahou, qui est incontestablement à ranger dans la catégorie des oppresseurs, et ne saurait donc s’afficher en représentant des victimes d’hier. Certes, je connais depuis longtemps l’impossibilité de séparer la mémoire de la politique. Peut-être déployez-vous une stratégie sophistiquée, encore non révélée, visant à contribuer à la réalisation d’un compromis équitable, au Proche-Orient ?

J’ai cessé de vous comprendre lorsqu’au cours de votre discours, vous avez déclaré que :

« L’antisionisme… est la forme réinventée de l’antisémitisme ». Cette déclaration avait-elle pour but de complaire à votre invité, ou bien est-ce purement et simplement une marque d’inculture politique ? L’ancien étudiant en philosophie, l’assistant de Paul Ricœur a-t-il si peu lu de livres d’histoire, au point d’ignorer que nombre de juifs, ou de descendants de filiation juive se sont toujours opposés au sionisme sans, pour autant, être antisémites ? Je fais ici référence à presque tous les anciens grands rabbins, mais aussi, aux prises de position d’une partie du judaïsme orthodoxe contemporain. J’ai également en mémoire des personnalités telles Marek Edelman, l’un des dirigeants rescapé de l’insurrection du ghetto de Varsovie, ou encore les communistes d’origine juive, résistants du groupe Manouchian, qui ont péri. Je pense aussi à mon ami et professeur : Pierre Vidal-Naquet, et à d’autres grands historiens ou sociologues comme Eric Hobsbawm et Maxime Rodinson dont les écrits et le souvenir me sont chers, ou encore à Edgar Morin.

Enfin, je me demande si, sincèrement, vous attendez des Palestiniens qu’ils ne soient pas antisionistes !

Je suppose, toutefois, que vous n’appréciez pas particulièrement les gens de gauche, ni, peut-être, les Palestiniens ; aussi, sachant que vous avez travailléà la banque Rothschild, je livre ici une citation de Nathan Rothschild, président de l’union des synagogues en Grande-Bretagne, et premier juif à avoir été nommé Lord au Royaume Uni, dont il devint également la gouverneur de la banque. Dans une lettre adressée, en 1903, à Théodore Herzl, le talentueux banquier écrit : « Je vous le dis en toute franchise : je tremble à l’idée de la fondation d’une colonie juive au plein sens du terme. Une telle colonie deviendrait un ghetto, avec tous les préjugés d’un ghetto. Un petit, tout petit, Etat juif, dévot et non libéral, qui rejettera le Chrétien et l’étranger. » Rothschild s’est, peut-être, trompé dans sa prophétie, mais une chose est sûre, cependant : il n’était pas antisémite !

Il y a eu, et il y a, bien sûr, des antisionistes qui sont aussi des antisémites, mais je suis également certain que l’on trouve des antisémites parmi les thuriféraires du sionisme. Je puis aussi vous assurer que nombre de sionistes sont des racistes dont la structure mentale ne diffère pas de celle de parfaits judéophobes : ils recherchent sans relâche un ADN juif (ce, jusqu’à l’université où j’enseigne).

Pour clarifier ce qu’est un point de vue antisioniste, il importe, cependant, de commencer par convenir de la définition, ou, à tout le moins, d’une série de caractéristiques du concept : « sionisme » ; ce à quoi, je vais m’employer le plus brièvement possible.

Tout d’abord, le sionisme n’est pas le judaïsme, contre lequel il constitue même une révolte radicale. Tout au long des siècles, les juifs pieux ont nourri une profonde ferveur envers leur terre sainte, plus particulièrement pour Jérusalem, mais ils s’en sont tenus au précepte talmudique qui leur intimait de ne pas y émigrer collectivement, avant la venue du Messie. En effet, la terre n’appartient pas aux juifs mais à Dieu. Dieu a donné et Dieu a repris, et lorsqu’il le voudra, il enverra le Messie pour restituer. Quand le sionisme est apparu, il a enlevé de son siège le « Tout Puissant », pour lui substituer le sujet humain actif.

Chacun de nous peut se prononcer sur le point de savoir si le projet de créer un Etat juif exclusif sur un morceau de territoire ultra-majoritairement peuplé d’Arabes, est une idée morale. En 1917, la Palestine comptait 700.000 musulmans et chrétiens arabes et environ 60.000 juifs dont la moitiéétaient opposés au sionisme. Jusqu’alors, les masses du peuple yiddish, voulant fuir les pogroms de l’empire Russe, avaient préféréémigrer vers le continent américain, que deux millions atteignirent effectivement, échappant ainsi aux persécutions nazies (et à celles du régime de Vichy).

En 1948, il y avait en Palestine : 650 000 juifs et 1,3 million de musulmans et chrétiens arabes dont 700.000 devinrent des réfugiés : c’est sur ces bases démographiques qu’est né l’Etat d’Israël. Malgré cela, et dans le contexte de l’extermination des juifs d’Europe, nombre d’antisionistes sont parvenus à la conclusion que si l’on ne veut pas créer de nouvelles tragédies, il convient de considérer l’Etat d’Israël comme un fait accompli irréversible. Un enfant né d’un viol a bien le droit de vivre, mais que se passe-t-il si cet enfant marche sur les traces de son père ?

Et vint l’année 1967 : depuis lors Israël règne sur 5,5 millions de Palestiniens, privés de droits civiques, politiques et sociaux. Ils sont assujettis par Israël à un contrôle militaire : pour une partie d’entre eux, dans une sorte de « réserve d’Indiens » en Cisjordanie, tandis que d’autres sont enfermés dans un « réserve de barbelés »à Gaza (70% de ceux-ci sont des réfugiés ou des descendants de réfugiés). Israël, qui ne cesse de proclamer son désir de paix, considère les territoires conquis en 1967 comme faisant intégralement partie de « la terre d’Israël », et s’y comporte selon son bon vouloir : jusqu’à présent, 600 000 colons israéliens juifs y ont été installés….et cela n’est pas terminé !

Est-cela le sionisme d’aujourd’hui ? Non ! Répondront mes amis de la gauche sioniste qui ne cesse de se rétrécir, et ils diront qu’il faut mettre fin à la dynamique de la colonisation sioniste, qu’un petit Etat palestinien étroit doit être constituéà côté de l’Etat d’Israël, que l’objectif du sionisme était de fonder un Etat où les juifs exerceront la souveraineté sur eux-mêmes, et non pas de conquérir dans sa totalité« l’antique patrie ». Et le plus dangereux dans tout cela, à leurs yeux : l’annexion des territoires occupé constitue une menace pour Israël en tant qu’Etat juif.

Voici précisément le moment de vous expliquer pourquoi je vous écris, et pourquoi, je me définis comme non-sioniste, ou antisioniste, sans pour autant devenir antijuif. Votre parti politique inscrit, dans son intitulé : « La République », c’est pourquoi je présume que vous êtes un fervent républicain. Et dussé-je vous étonner : c’est aussi mon cas. Donc, étant démocrate et républicain, je ne puis, comme le font sans exception tous les sionistes, de droite comme de gauche, soutenir un Etat juif. Le Ministère de l’Intérieur israélien recense 75% de ses citoyens comme juifs, 21% comme musulmans et chrétiens arabes et 4% comme « autres » (sic). Or, selon l’esprit de ses lois, Israël n’appartient pas à l’ensemble des Israéliens, mais aux juifs du monde entier qui n’ont pas l’intention de venir y vivre.

Ainsi, par exemple, Israël appartient beaucoup plus à Bernard Henry-Lévy et à Alain Finkielkraut qu’à mes étudiants palestino-israéliens qui s’expriment en hébreu, parfois mieux que moi-même ! Israël espère aussi qu’un jour viendra où tous les gens du CRIF, et leurs « supporters » y émigreront ! Je connais même des français antisémites que cette perspective enchante ! En revanche, on a pu entendre deux ministres israéliens, proches de Benjamin Nétanyahou, émettre l’idée selon laquelle il faut encourager le « transfert » des Israéliens arabes, sans que personne n’ait émis la demande qu’ils démissionnent de leurs fonctions.

Voilà pourquoi, Monsieur le Président, je ne peux pas être sioniste. Je suis un citoyen désireux que l’Etat dans lequel il vit soit une République israélienne, et non pas un Etat communautaire juif. Descendant de juifs qui ont tant souffert de discriminations, je ne veux pas vivre dans un Etat, qui, par son autodéfinition, fait de moi un citoyen doté de privilèges. A votre avis, Monsieur le Président : cela fait-il de moi un antisémite ?

 

 

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SHLOMO SAND

historien israélien


(Traduit de l’hébreu par Michel Bilis)

 

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PALESTINIENNE

Vieille femme palestinienne

 

 

 

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A LIZZIE

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  J'ai fait votre connaissance en feuilletant un de vos carnets de dessins qui en a appelé d'autres, et je trouvais une place dans chacun d'eux. C'est ainsi que je me suis assise à côté de belles provençales, sur un banc, que j'ai "fait" le marché avec quelques acheteuses éventuelles, ou simples promeneurs. Sur la pierre de vieux escaliers déformés, qui les rendaient uniques, j'ai caressé un chat dormant ou faisant semblant. Je me suis même invitée sur des bateaux, desquels j'ai pu admirer l'Ile de Beauté ou la Bretagne et me suis imprégnée de leurs  belles couleurs. Ailleurs, des gitanes m'ont fait danser, j'avais opté pour une robe bariolée , un châle noir frangé, des anneaux d'or. Une âme de tzigane m'habitait près de leur roulotte;  au son des tambourins j'ai pris part à la fête, je m'en souviens encore. Je ne me suis pas attardée près des taureaux de Camargue, j'ai préféré l'envol des grands oiseaux au dessus des étendues sauvages. Certains, plus loin, survolaient de petits villages perchés, aux toitures anciennes, qui n'ont pas manqué de vous inspirer. Si j'avais pu faire partie de leur voyage je me serais posée sur un clocher surplombant le lieu magique, j'en aurais eu le vertige. Un arbre coquin s'est mis à l'abri au milieu d'une ruine chapeautée par son feuillage. J'ai également arrosé quelques fleurs plantées dans de belles jarres en terre cuite. J'ai vu des ciels aquarellés sur la mer s'étirer et donner le frisson. Une simple couleur délavée, tendrement répartie en nuance pastel sublimait les paysages délicatement dessinés. J'ai  essayé de terminer quelques esquisses de grilles en fer forgé, sans y parvenir. Il m'aurait plu de recevoir cette lettre déposée là, entre deux fers plats artistiquement frappées par un artisan du coin, sur une minuscule fenêtre, en l'absence de son destinataire. Dans un jardin : un petit guéridon, une chaise longue en toile, un livre, m'ont accueillie pour un délicieux moment; j'avais noué sur ma nuque un carré de coton fleuri et je rêvais.

Je pourrais ainsi continuer longuement le voyage parmi vos extraordinaires aquarelles, vos dessins aux détails surprenants, je suis sûre que vous leur ressemblez. J'ai trouvé une main qui va sur vos traces et m'en régale à chaque fois, mais ce n'est pas signé"Lizzie".

 

 

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JOSIANE

 

 

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lizzie1

Oeuvre Lizzie Napoli

L'HEURE PRESENTE...Extrait

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Tu regardes vivre le soir. Le ciel, la terre
Nus, allongés sur leur couche commune.
Et lui, rien que nuées,
Il se penche sur elle, prend dans ses mains
Sa face respectée.
Dieu ? Non, mieux que cela. La voix
Qui se porte, essoufflée, au-devant d'une autre
Et riante désire son désir,
Anxieuse de donner plus que de prendre.
Ne vas-tu pas penser, ce soir encore,
Que puissent devenir un même souffle
La matière, l'esprit ? Que de leur étreinte
Apaisée, desserrée,
De la couleur, de l'or retomberait,
Quelque débris de verre, taché de boue,
Mais à briller, dans l'herbe ?
Et la mort, comme d'habitude ? Et n'avoir été
Qu'une image chacun pour l'autre, tisonnant
Un âtre, dans rien que nos mémoires, oui, je veux bien,
Mais souviens-toi
Des prairies de l'enfance : de tes pas
Pour t'allonger à regarder le ciel
Si lourd, de tant de signes, mais se faisant
Immensément en toi cette bienveillance,
Les éclairs de chaleur des nuits d'été.
Heure présente, ne renonce pas,
Reprends tes mots des mains errantes de la foudre,
Écoute-les faire du rien parole,
Risque-toi
Dans même la confiance que rien ne prouve,

Lègue-nous de ne pas mourir désespérés.

 

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YVES BONNEFOY

 

 

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Bahram Dabiri

Oeuvre Bahram Dabiri


ANDREE CHEDID...Extrait

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L'arbre tenait par ses racines
Mais les cendres asphyxiaient l'écorce
Les branches renonçaient à l'oiseau
Les feuilles se gaspillaient

Alors j'ai crié
Criéà travers choses

Les déserts par instants
Reculaient

Je m'attelais au cri

Rêvant échos
Mobilisant étoiles
Taillant passerelles
Creusant galeries



Je me rivais au cri
Ameutant l'eau qui stagne
Raccordant l'astre aux berges
Me liant aux visages
Dressant voûtes et fondement

Alors la vie

Fit plus loin dans sa réponse

Plus loin que tout l'imaginé

Des branches enfantèrent d'autres branches
Les paumes touchèrent d'autres paumes
L'écorce s'injecta de vivres
L'œil voyageait

Alors doublant le cri
La vie se livra
Verticale

Je reconnus notre espace
J'étais en mouvement
Et pourtant
Demeurais.

 

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ANDREE CHEDID

 

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arbre2,

AGNES SCHNELL...Extrait

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Brin par brin
fibre après fibre
arrache ce cordon
qui tel un corps étranger
s’indure en tes chairs.


Combien de naissances possibles ?
Combien de chants
demeurés sans écho
combien de chutes
sans envol ?

Seconde après seconde
détache-toi des images
lourdes de trop de retouches
vaines.
            Une rive nue
            où s’oublient des herbes
            anémiées
une rive
où la vie
grandit en solitude.

L’eau appelle
trouble et
retient.

 

 

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AGNES SCHNELL

 

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eau

FLORENT PAGNY - GUERIR -

L'ARMEE DU PLAISIR

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  Ne parlez pas de culpabilité, ne parlez pas de responsabilité.

Quand défile l’Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête; quand les sens frissonnent et tressaillent, insensé et impie quiconque reste à l’écart, quiconque ne se lance pas dans la belle expédition, celle qui part à la conquête des voluptés et des passions.

    Toutes les lois de la morale — aussi mal conçues que mal appliquées — ne sont rien et ne résistent pas une seconde, quand défile l’Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête.

    Ne te laisse arrêter par aucune obscure vertu. Ne te crois tenu par aucune obligation. Ton devoir est de céder, de toujours céder aux Désirs qui représentent, parmi les créatures des dieux, le plus haut degré de perfection. Ton devoir est de t’engager en soldat fidèle et d’un cœur loyal, quand défile l’Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête.

    Ne t’enferme pas chez toi et ne te laisse pas égarer par les théories sur la justice, par les préjugés sur les récompenses qu’accorde une société mal faite. Ne dis pas : Mon effort vaut tant et c’est de tant que je dois profiter en retour. Tout comme la vie est un héritage que tu n’as rien fait pour mériter, le plaisir est lui aussi un héritage. Ne t’enferme pas chez toi; mais garde les fenêtres ouvertes, grandes ouvertes, pour entendre les premiers échos du passage des soldats, quand surgira l’Armée du Plaisir, musique et drapeaux en tête.

    Ne te laisse pas abuser par ceux qui disent que le service est dangereux et pénible. Ils blasphèment. Le service du plaisir procure une joie infinie. Bien sûr qu’il t’épuise, mais il t’épuise d’une ivresse divine. Et quand tu finiras par tomber sur la route, même alors ton sort restera enviable. Quand passera ton enterrement, les Figures que tes désirs auront inventées jetteront sur ton cercueil des tulipes et des roses blanches, les jeunes Dieux de l’Olympe te porteront sur leurs épaules, et ils t’enterreront au Cimetière de l’Idéal, où resplendissent les mausolées de la poésie.

 

 

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CONSTANTIN CAVAFIS

 

 

 

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Francesca Woodman2

Photographie Francesca Woodman

NOS MAINS DANS L'EAU

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Nous remuons cette eau. Nos mains s’y cherchent,

S’y effleurent parfois, formes brisées.

Plus bas, c’est un courant, c’est de l’invisible,

D’autres arbres, d’autres lumières, d’autres rêves.

 

Et vois, même ce sont d’autres couleurs.

La réfraction transfigure le rouge.

Était-ce un jour d’été, non, c’est l’orage

Qui va « changer le ciel », et jusqu’au soir.

 

Nous plongions nos mains dans le langage,

Elles y prirent des mots dont nous ne sûmes

Que faire, n’étant rien que nos désirs.

 

Nous vieillîmes. Cette eau, notre espérance.

D’autres sauront chercher à plus profond

Un nouveau ciel, une nouvelle terre.

 

 

 

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YVES BONNEFOY

 

 

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VALERI STENOV2

Oeuvre Valeri Stenov

J'AI DES RIDES

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" J'ai des rides.
Je me suis regardée dans le miroir et j'ai découvert que j'avais beaucoup de rides autour des yeux, de la bouche, du front.
J'ai des rides parce que j'ai eu des amis, et on a ri, on a ri souvent, jusqu'aux larmes, et puis j'ai rencontré l'amour, qui m'a fait essorer les yeux de joie.
J'ai des rides parce que j'ai eu des enfants, et je me suis inquiétée pour eux dès la conception, j'ai souri à toutes leurs nouvelles découvertes et j'ai passé des nuits à les attendre.

Et puis j'ai pleuré.
J'ai pleuré pour les personnes que j'ai aimées et qui sont parties, pour un peu de temps ou pour toujours, ou sans savoir pourquoi.
J'ai veillé aussi, j'ai passé des heures sans sommeil pour des beaux projets pourtant pas toujours aboutis , pour la fièvre des enfants, pour lire un livre,
j'ai veillé aussi pour me lover dans des bras aimants.
J'ai vu des endroits magnifiques, de nouveaux endroits qui ont eu tous mes sourires et mes étonnements, , et j'ai revu également d'anciens endroits qui m'ont fait pleurer.

Dans chaque sillon sur mon visage, sur mon corps, se cache mon histoire, les émotions que j'ai vécues et ma beauté plus intime, ..... et si je devais enlever tout ceci .... je m'effacerais moi-même.
Chaque ride est une anecdote de ma vie, un battement de coeur, c'est l'album photo de mes souvenirs les plus importants."

 

 

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MARINELLA CANU

 

 

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temps

 

 

 

 

MARMONNEMENT

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Pour ne pas me rendre et pour m’y retrouver, je t’offense, mais combien je suis épris de toi, loup, qu’on dit à tort funèbre, pétri des secrets de mon arrière-pays. C’est dans une masse d’amour légendaire que tu laisses la déchaussure vierge, pourchassée de ton ongle.

Loup, je t’appelle, mais tu n’as pas de réalité nommable. De plus, tu es inintelligible. Non-comparant, compensateur, que sais-je ? Derrière ta course sans crinière, je saigne, je pleure, je m’enserre de terreur, j’oublie, je rie sous les arbres. Traque impitoyable où l’on s’acharne, où tout est mis en action contre la double
proie : toi invisible et moi vivace.

Continue, va, nous durons ensemble ; et ensemble, bien que séparés, nous bondissons par-dessus le frisson de la suprême déception pour briser la glace des eaux vives et se reconnaître là.

 

 

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RENE CHAR

 

 

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loup baiser2

Photographie Agence Reuters

 

 


ANNE DUFOURMANTELLE

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En hommage à Anne, disparue le 21 juillet 2017 en tentant de sauver deux enfants de la noyade. Anne Dufourmantelle était philosophe et psychanalyste, membre du Cercle Freudien, elle écrivait souvent dans Libération. Finesse, originalité,  une psychanalyste de vive sensibilité nous quitte. Elle est l'auteur entre autres de Puissance de la douceur (2013), Éloge du risque (2011), La femme et le sacrifice : d'Antigone à la femme d'à côté (2007).

Respect pour son courage....

https://fr.wikipedia.org/wiki/Anne_Dufourmantelle

 

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PIERRE REVERDY...Extrait

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Toute la distance de vous à moi— de la vie qui tressaille à la surface de la main au sourire mortel de l'amour sur sa fin — chancelle, déchirée. La distance parcourue d'une seule traite sans arrêt, dans les jours sans clarté et les nuits sommeil. Et, ce soir, je voudrais, d'un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur de rouille—cette rouille affamée qui déforme mon cœur et me ronge les mains. Pourquoi rester si longtemps enseveli sous les décombres des jours et de la nuit, la poussière des ombres. Et pourquoi tant d'amour et pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à grandes vagues dans des vases de prix. Il court dans les fleuves du corps, donnant à la santé tout les illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué, ébloui, hypnotisé par les lueurs fascinantes des phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes magnétiques de la mort. Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds. Il n'y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les pavés de la rue. Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l'humus du malheur, reprendre l'air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les hauteurs — où la glace étincelle de tous les feux croisés de l'incendie— où la neige ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l'égoïsme et les décisions tranchantes de l'esprit.

 

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PIERRE REVERDY

 

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Igor Maikov2

Oeuvre Igor Maikov

 

LA CLARTE DES HEURES INHIBEES

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Tu es présente comme une dérobée aux vestiges du bleu. Je suis friable à la nuit qui m’ensorcelle. Tout ce qui disparaît est une clarté dans de l’eau sèche. Dans ce court-circuit de vide, la parole est une fusillade du langage. Chaque mot devient un projectile vivace. Nos adolescences nous ont chargés des fièvres qui augurent la brûlure. Sac à dos de tourments que nous n’avons pas eu le temps de défaire. Notre enfance commune siffle sur les parois de ma mémoire. Tantôt comme des étourneaux joueurs, tantôt comme des coups de rasoirs sanglants. Nos paroles sont des larmes d’eau salée : celles sauvées des mers, celles démunies de nos actes délaissés à l’outre-tombe. Nous allons, je le crois, chercher dans la mort, dans l’épuisement définitif. Nous piochons à l’horizon qui nous condamne pour lui donner le sacrement des couleurs perdues. Nous délogeons l’immobile paralysé dans nos illusions. Nous extirpons à la matière le suc de lumière qu’elle renferme. Nous tramons la parole du jaillissement à nos effondrements. Nos mots sont le délabrement reconstitué du fatras, dans la manducation indélébile, dans le masticage de notre permanence. Et nous sommes devenus son muscle. Son poumon artificiel. Sa sarbacane empoisonnée et sa surenchère la plus audacieuse et la plus folle.

Mon désir est une faim dominatrice. Ma parole est née dans le feu, c'est-à-dire dans l’air brûlant de mes chaudières à fabriquer les teintures qui ornent le dire. Insatiable, le roulis des flammes exécute leurs danses. Intarissable, cette en-vie tue la précédente. Le mot ajoute au monde sa carrure et sa vitalitéà vouloir le posséder. Te dire ma conviction : mon opinion est comme inutile et vaine. Trop d’appétits sont claustrés aux extrémités de mes fondations. Et même si le langage m’est un secours, la terreur qui habite mon sang fait brousser le lait de mes sentiments. Parce que te parler d’amour, c’est barboter avec la jouissance extrême qui déambule aux bords de mes gouffres. Parce que chaque ravin renferme mes consentis sous les mâchoires de la peur.

Ces lambeaux de mémoires étalés en charpies se sont transformés en d’inoubliables peaux d’arlequins désarticulés. Amnésiques paroles d’un autre temps. Retrouvailles taguées sur nos adieux poncés comme des pierres précieuses à jamais décaties. Notre histoire repose sous les décombres du néant et nos voix sont nues. Elles ont décortiqué la parole partagée devenue de la poussière d’argile et notre défaite flotte au-dessus des remparts de l’éternité.

J’ai longtemps cru qu’il fallait dire adieu à cette route morte. Les mots en double file débordaient des parenthèses qui entouraient notre nuit intérieure. Des bruits vifs comme ceux d’une hache remplaçaient le son de nos voix. Ma mémoire s’était figée et des images s’envolaient comme des confettis que l’on jette par-dessus l’épaule du temps. Dans le miroir de nos enfances, des jeux et des promenades se reflétaient par delà les manches du vide. Soudain une bouteille à la mer, un courrier plié dans le verre et notre présence retenue éclata à nouveau sur la muraille du silence. Les mouettes sur le haut de la falaise s’envolèrent d’un seul tenant, un corps d’ailes blanches traça une branche au milieu du ciel. Et la terre devenue une interminable plate-bande fiévreuse céda aux frissons mortels des ombres condamnées.
Et puis, tes yeux qui s’entendent. Tes mains décroisées comme les cordes qui annoncent le départ du navire. Tes lèvres impuissantes à délivrer le message vaincu s’offrent aux heures précaires courtisées au chagrin. Tu t’es disloquée dans la véhémence et la défilade. Tu t’es inclinée en glissant dans une aventure solitaire, dans un parcours où plus personne ne peut te suivre, telle une Eurydice et son adieu fatal. Mais, je suis venu recoudre ma vie dans ta mort. De tes doigts, des lignes de tes mains, je m’écris d’une encre tienne. Nos patiences sont crucifiées sur nos langues, comme des repentis inavoués. A l’horizon égaré, ta brèche semble être un fourreau de noir pour les commentaires que tu ne feras jamais. Dans l’enclave inhabitée, je me fuis de ton départ et tente d’aboutir en un lieu inaccessible à la vie. Au chevet de ton fantôme, mon présent malade grime l’entente complice comme si nous étions deux.
L’imaginaire accouple les mondes et ramasse l’éternité faucheuse comme le vent soulève mille fragments invisibles qui le composent. Le temps sape le sédentaire et dérate le flot des histoires, laissant courir l’inconnu jusqu’au bout des chemins sans issue. Il mesure, divise, enfante et tutoie le parcours des dilatements charnus. De larges fumées épaisses brassent l’innommable de nos promesses, de nos dénis et nos déchirures. Une collision d’étoiles et de foudre terrasse le vertige. C’est un élément du mystère de l’existence, et nous sommes intégrés au dérèglement des heures. Toute notre histoire ne tient plus qu’à un fil, fragile et vulnérable. Son balancement s’exécute inexorablement bafouant toute gravité comme les étoiles soutiennent le ciel lorsqu’il se renverse. Dans cette constance immuable, les mots flottillent dans la suspension. Te dire, c’est offrir des bribes d’instants à l’éternité décagoulée, c’est catapulter nos émotions à la bouche de l’horizon rêvé. C’est inscrire nos similitudes et nos immédiatetés sur la fougue consumant nos lèvres, nos corps et nos coeurs.
Nos mots sont des vagabonds hors de leur maison, hors des refuges qui ont accueilli leur naissance. Et, si je t’écris encore, c’est à l’échappée, à la volée des sentiments qui me tordent et me fripent. Ces marauds impénitents criant leurs brasures comme des glaives de justice, ils tranchent les voiles des combats perdus d’avance. La vérité s’augmente dans la pureté des songes. C’est une lutte sans lutteur, un ciel sans oiseaux. C’est l’impertinence lovée dans le verrouillage de nos blessures. Nul clandestin n’y survit. Le cafouillage amorce toujours la souveraineté de l’inexistence.

Tu vois, je remplis ton image des mots que j’ai amassés, conservés dans mon ventre depuis l’heure de ton départ. Ton image est fourmillante et mon sentiment s’ouvre à l’écoulement de la parole sans qu’aucune trêve ne l’embarrasse.

Des guenilles de vie, transportées malgré elles, affluent vers des contrées où l’on a oublié la langue parlée des jours lointains. Des tissus déchirés laissent dépourvus la raison percée de ses expériences les plus tragiqur oubliée et dépassée. Des étoffes transcrites à la connaissance mutilée du monde.Une terre trouée par l’explosion de nos besoins. Une terre que tu as laissée si soudainement et qui persiste à hurler sous mes pieds. Tu rôdes dans mes cellules, cachée dans le teint vermeil de la langue. Et, tu t’infiltres en parallèle à nos sens éteints. Tu es restée présente dans le chambardement. La brisure est telle, qu’espérer la saisir, l’interpréter, en disposer, est aussi vain que de vouloir retenir dans ses bras la neige d’un printemps, cet œuf mort dans l’hiver.

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 BRUNO ODILE

 

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paul ranson2

 

 

 

CHIAROSCURO...Extrait

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rien sinon si loin déjà que la nuit,

l'oubli que le jasmin et le miel

le parfum de la figue loin dérobé

et que l'aube

rien sinon si loin que le bois d'ébène

de quelques fruits au coeur encore nocturne

ouvert sur ta nuque sèche

 

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DEBORAH HEISSLER

 

 

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ARTISTE INCONNU

Oeuvre ?

 

 



TOUTE PERSONNE QUI TOMBE A DES AILES...Extrait

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Mes doutes, amers et inassouvis,
s'écoulent dans les profondeurs du soir.
La fatigue chante à mon oreille.
J'écoute...
Ce n'était pourtant qu'hier!
Cela vient et toujours repart!

Je connais les chemins du sommeil jusqu'aux contrées
  les plus tendres.
Je ne veux jamais plus y aller.
Je ne sais pas encore où le lac sombre
accomplira mon tourment.
Il y aurait là-bas un miroir,
clair et impénétrable,
désireux de nous montrer,
étincelants de douleur,
le fond et la raison des choses.

 

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INGEBORG BACHMANN

 

 

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bachmann

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