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CLAUDE SAGUET...Extrait

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Toute la terre

dans un éclat de siècles,

de racines mises à nu

et serrées dans l'amour,

à grands pas

s'approche du poète.

Et les murs,

le rempart qui sommeille

abattu sur lui-même,

tous

mêlés d'oiseaux, de patience

ou de larmes,

la poitrine rouge

à cause des peines,

tournent leurs yeux de pluie

du côté de son coeur.

 

 

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CLAUDE SAGUET

 

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© Hengki Koentjoro2

 Photographie © Hengki Koentjoro

 


L'OEIL DÉSERTÉ II....Extrait

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Belle, pour quel désert suis-je promis, pour quel autre

désert s'il faut, à chaque instant, retrouver sa solitude dans tous les yeux qui passent ?

Lorsque les routes se dédoublent et s'amoncellent les

fleuves ; lorsque lentement, dans le matin, s'élève

l'haleine rouge des heures, je voudrais m'ouvrir comme une parole privée d'air depuis longtemps.

La mer, de tous ces plis, m'apporte des chants sans

mémoire qui vont, avec l'entêtement obscur de l'oiseau, pour retrouver un goût de terre et d'orage.

Désert, désert partout ! dans les cercles criants de

la sève, dans l'arbre qui se tord pour ne plus exister

Et j'ai peine à croire à notre langage immobile sous

les pierres, à ce reflet dans le miroir briséà l'aube

des cascades.

 

 

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CLAUDE SAGUET

 

 

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claude

Photographie ?

MINERAI NOIR

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Quand la sueur de l'Indien se trouva brusquement tarie par le soleil

Quand la frénésie de l'or draina au marché la dernière goutte de sang indien 

De sorte qu'il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d'or

On se tourna vers le fleuve musculaire de l'Afrique

Pour assurer la relève du désespoir

Alors commença la ruée vers l'inépuisable

Trésorerie de la chair noire

Alors commença la bousculade échevelée

Vers le rayonnant midi du corps noir

Et toute la terre retentit du vacarme des pioches

Dans l'épaisseur du minerai noir

Et tout juste si des chimistes ne pensèrent

Aux moyens d'obtenir quelque alliage précieux

Avec le métal noir tout juste si des dames ne

Rêvèrent d'une batterie de cuisine

En nègre du Sénégal d'un service à thé  

En massif négrillon des Antilles

Tout juste si quelque curé

Ne promit à sa paroisse

Une cloche coulée dans la sonorité du sang noir

Ou encore si un brave Père Noël ne songea

Pour sa visite annuelle

A des petits soldats de plomb noir  

Ou si quelque vaillant capitaine

Ne tailla son épée dans l'ébène minéral

Toute la terre retentit de la secousse des foreuses

Dans les entrailles de ma race

Dans le gisement musculaire de l'homme noir

Voilà de nombreux siècles que dure l'extraction

Des merveilles de cette race

O couches métalliques de mon peuple

Minerai inépuisable de rosée humaine

Combien de pirates ont exploré de leurs armes

Les profondeurs obscures de ta chair

Combien de flibustiers se sont frayé leur chemin

A travers la riche végétation de clartés de ton corps

Jonchant tes années de tiges mortes

Et de flaques de larmes 

Peuple dévalisé peuple de fond en comble retourné

Comme une terre en labours

Peuple défriché pour l'enrichissement

Des grandes foires du monde

Mûris ton grisou dans le secret de ta nuit corporelle

Nul n'osera plus couler des canons et des pièces d'or

Dans le noir métal de ta colère en crues

 

 

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RENE DEPESTRE

 

 

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MINERAI

CHRONIQUE DE MAX POL FOUCHET SUR ALBERT CAMUS

AMAL MURKUS - FILASTINA NAKBA 1948-2018 -LA AHADA YALAM (NO ONE KNOWS)

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Personne ne sait ce que sera demain.

Les cieux au-dessus du camp de réfugiés sont gris.

Des rêves gribouillés à la hâte sur les murs.

Sous les slogans les enfants de la ville jouent au jeu

 de la Mort.

Personne sait, personne sait.

Les héros d'aujourd'hui sont annoncés mort sur les nouvelles du soir.

Les gens ordinaires font les gros titres pendant quelques secondes

  Ils disparaîssent sans laisser de trace au fil des jours.

Personne ne sait, personne ne sait.

Mais je sais que les victimes de demain

apporteront une nouvelle aube plus proche.

Personne ne sait.

 

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SOUS LE FEU LA CENDRE ...Extrait

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L’heure vient peu à peu
Parmi les heures toutes pareilles
L’heure unique, l’instant
Le Pont imperceptible entre le Temps et l'Éternité
Parmi les Sœurs qui passent devant toi
Si transparentes, pareillement silencieuse 
A quoi la reconnaîtras-tu,
Quel signe dans ses yeux vers tes yeux dirigé…

Quand ton enfant sera devenu lui-même
Tu ne reconnaîtras pas ton enfant

Quand mon poème sera devenu lui- même
Tu ne reconnaîtras pas mon poème

Tu chercheras dans ses yeux étrangers
tous les regards que tu avais semés,
dans ses larmes celles que tu as versées sur lui
dans son cœur le battement de ton cœur
dans ses bras la chaleur que tes bras lui ont donnée,
Et chaque jour tu diras
Voici que mon fils est un étranger pour sa mère
Voici que je lui suis devenue étrangère.

Je chercherai mes paroles dans les paroles qui naîtront de lui,
Parmi les murmures, les silences, les cris,
Qu’il fera naître dans ceux qui le liront 
Les murmures ineffables de mes ramures
Et le silence des plaines à l’infini de mon silence,

Et je dirai, fermant les paupières comme une dalle sur ma tombe,
Voici que je ne reconnais pas ces paroles
Voici que mon poème est étranger pour son père
Voici que de lui à moi, de moi à lui,
Le silence des étrangers règne en maître s’étend comme un champ de mort.

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JEAN EL MOUHOUB AMROUCHE

 

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jean amrouche

PAUL CELAN...Extrait

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Parle, toi aussi
parle le dernier à parler
Dis ton dire.

Parle.

Cependant ne sépare pas du Oui
le Non.
Donne à ta parole aussi le sens 
lui donnant l'ombre.
Donne-lui assez d'ombre,
donne-lui autant d'ombre
qu'autour de toi
tu en sais répandue
entre minuit midi minuit.

Regarde tout autour,
vois comme celà devient vivant
à la ronde,
dans la mort! Vivant!
Dis vrai, qui parle d'ombre.

Vois comme se rétrécit le lieu où 
tu te tiens.
Où veux-tu aller, à présent, toi en
défaut d'ombre, où aller?
Monte, en tatonnant, monte
plus mince, plus méconnaissable,
plus fin.
C'est ce que tu deviens: un fil
le long duquel
elle veut descendre,
l'étoile,
pour, en bas, nager tout en bas
là où elle se voit
scintiller
dans le mouvement
de houle
des mots qui toujours vont.

 

 

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PAUL CELAN

 

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CELAN

APPROCHE DE LA PAROLE...Extrait

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Langue natale.

Les contraires qui sont battement au cœur du monde, la

parole les porte à déchirure.

Dans la dislocation que plus rien ne guérit, la ferveur d'une

langue dévore son avenir.

Fouet d'une phrase sans équivoque.

Ici s'est tenue la lumière d'un arbre, là s'est dissoute la venue

d'un pas.

Dans le buisson des cris le dieu se creuse de mutisme.

Quelque flamme que tu portes - si peu cette eau qui s'évapore.

Fraîche amertume du sel dans les plis de lumière.

 

 

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LORAND GASPAR

 

 

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Geo Abtran Dorléans2

Géo Abtran Dorleans

 

 


PATMOS ET AUTRES POEMES

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...

le blé des corps dans la meule des ans

farines que mélangent les lois éternelles

pour d'autres pains et d'autres dents

la nuit tu tâtes soudain sans comprendre

la peur qui fouille au ventre des images

cherchant à clore sur soi le mouvement

et ces eaux nues de l'ardeur d'aller

encore et encore plus loin dans l'ouvert?

(et même et surtout quand la nuit se referme)

...

 

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LORAND GASPAR

 

 

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LORAND

YASMINE AMMARI - LA HISTORIA DE UN AMOR

LA FRAÎCHE EVIDENCE...Extrait

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Tu dis « n'écris jamais une phrase dans sa

fatigue, sache te taire quand cela commence,

aime ta maladresse, laisse-la t'accomplir.

Les pages de soleil aveuglent, brûlent les

lèvres. Endors-toi, confie ta vigilance, les

mots connaissent le chemin sous le ciel. Par le

trou de ta mort, une langue ouvre les paupières. Écoute la fin de tout, la mesure dérobée.

L'espace de nouveau s'unit à la salive.

Le livre n'a plus besoin de mots. »

 

Tu dis « apprends-moi » et je ne peux

t'apprendre qu'à franchir, à t'abandonner à la patience, à l'endormi, à la

véranda de la parole. Je ne peux t'apprendre que l'immense plateau et ses

très hautes voix, la montagne de la brebis qui parle, le rythme chaud. Peu de choses en

somme, mais venues

de très loin.

 

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DOMINIQUE SAMPIERO

 

 

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claude monet3

Oeuvre Claude Monet

 

 

 

 

 

LE MONDE D'HIER, SOUVENIR D'UN EUROPEEN

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« Et de fait, rien ne rend peut-être plus palpable l’énorme régression dans laquelle est entrée l’humanité depuis la première guerre mondiale que les restrictions apportées à la liberté de mouvement des hommes et à leurs libertés. Avant 1914, la terre appartenait à tous ses habitants. Chacun allait où il voulait et y restait aussi longtemps qu’il voulait. Il n’y avait pas de permissions, pas d’autorisations, et cela m’amuse toujours de voir l’étonnement des jeunes lorsque je leur raconte qu’avant 1914, je voyageais en Inde et en Amérique sans avoir de passeport et même n’en avais jamais vu aucun. On montait dans le train et on en descendait sans rien demander, sans qu’on vous demandât rien, on n’avait pas à remplir un seul de ces centaines de papiers qu’on réclame aujourd’hui. Il n’y avait ni permis, ni visas, ni tracasseries ; ces mêmes frontières qui, avec leurs douaniers, leur police, leurs postes de gendarmerie, sont aujourd’hui transformées en réseau de barbelés en raison de la méfiance pathologique de tous envers tous, n’étaient rien d’autre que des lignes symboliques qu’on traversait avec autant d’insouciance que le méridien de Greenwich. C’est seulement après la guerre que le monde se vit bouleversé par le national-socialisme, et le premier phénomène qu’engendra cette épidémie spirituelle de notre siècle fut la xénophobie : la haine ou du moins la peur de l’autre. On se défendait partout contre l’étranger, partout on l’excluait. Toutes les humiliations qu’autrefois on avait inventées exclusivement contre les criminels, on les infligeait maintenant à tous les voyageurs avant et pendant le voyage. Il fallait se faire photographier de droite et de gauche, de profil et de face, les cheveux coupés assez court pour que l’oreille fût visible, il fallait donner ses empreintes digitales, d’abord le pouce seul, puis les dix doigts, il fallait en plus présenter des certificats : de santé, de vaccination, de police, de bonne vie et mœurs, des recommandations, il fallait pouvoir présenter des invitations et des adresses de parents, il fallait fournir des garanties morales et financières, remplir des formulaires et les signer en trois, quatre exemplaires, et s’il manquait ne fût-ce qu’une feuille de ce tas de paperasses, on était perdu. »

 

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STEFAN SWEIG

 

 

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mark briscoe

Oeuvre Mark Briscoe

BALADES...Extrait

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Il Y A QUELQUE CHOSE DE SERVILE dans l’habitude de nous mettre en quête d’une loi à laquelle obéir. Il nous est permis d’étudier les lois de la nature à notre convenance et pour notre convenance, mais une vie qui a bien tourné ne reconnaît pas de loi. C’est une découverte certes déplorable que celle d’une loi qui nous astreint là où auparavant nous ne savions pas que nous étions liés. Vis librement, enfant des brumes… et, par rapport au savoir, nous sommes tous enfants des brumes. L’homme qui prend la liberté de vivre est supérieur à toutes les lois, en vertu de sa parenté avec le législateur. « Est devoir effectif », dit le Vishnou Pourana, « celui-là qui point ne nous asservit ; est savoir celui-là qui nous affranchit ; tout autre devoir n’est bon qu’à nous lasser ; tout autre savoir n’est qu’habileté d’artiste. »

 

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HENRY DAVID THOREAU

1817~1862

 

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lumiere2

 

 

 

MEMOIRE DES SUDS

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A Dom Gabrielli

 

 

De l'oignon cru de l'huile d'olive

du pain et une pincée de sel 
tel est ton repas aujourd'hui 
succulent en ces jours de disette 
et tu te souviens
d'une colline devant Jérusalem
où un petit chevrier te souriait
assis sur un rocher 
sous le ciel radieux de Palestine
tu te souviens 
du paysan crétois aux yeux bleu clair
qui remplissait ton verre de raki
un jour de Pâque inondé de lumière
avec la mer éblouissante à perte de vue
tu te souviens 
au bord d'un chemin de cailloux
sous un soleil ardent 
des jeunes femmes berbères rieuses
s'en revenant du puits 
et du goût de l'eau froide des jarres
qu'elles versaient entre tes lèvres desséchées
tu te souviens d'une nuit d'été
sur un trottoir parisien 
d'amis libanais qui chantaient 
au son d'un luth fêlé
la nostalgie de Beyrouth assiégée 
autour de petites tables garnies de mezzes
tu te souviens à Istanbul
d'un poète au visage creusé de larmes
torturé dans les prisons turques 
qui pensait à haute voix
dans un café sous le pont de Galata
à la beauté des années perdues
tu te souviens du Vallon des Fleurs 
à Nice dans le sud-est de la France 
de ce vieux veuf à l'haleine anisée
qui te racontait sa jeunesse intrépide
en épluchant des fèves tendres
tu te souviens des citronniers au printemps 
du vent du sud et de la poussière dorée 
sur les blessures d'amour
Tu te souviens du miracle 
d'une poignée d'olives
et de quelques mots d'exil
pour savourer la vie.

 

 

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ANDRE CHENET

Buenos Aires, le 19 mai 2018

 

 

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pain-et-l-huile-d-olive2

 

LE PASSANT D'ARGILE...Extrait

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Je ne sais pas devenir. Je ne sais pas réussir. 
Je suis depuis toujours cette même question posée à la vie et ce que le poème répond.
Je cherche au travers du bruit froissé des mots le chemin d'un silence. 
Mais je ne suis pas écrivain, ni bavard, je suis inquiet. 
Je suis de l'inquiétude des pauvres gens, de leurs cités et pour sûr maintenant 
Je ne serai plus jamais poli 
J'ai tant de temps d'enfance à rattraper. 
Je ne sais pas devenir, je suis des passants 
Et nous arpentons le même décor grotesque et fonctionnel 
Avec tout juste le talent du désespoir. 
L'inutile est notre nécessaire et le poids de nos vies 
Bien souvent dépend de celui de la mort. 
Nous sommes de saisons blêmes et du petit matin 
Du peu de vie qu'on nous laisse. 
Nous rejetons par avance toutes les tentatives d’équilibrage de la misère libérale avancée. 
Nous préférons le déséquilibre lucide. 
Nous préférons parler aux arbres écorce contre écorce 
Suivre la course du soleil sans pronostic 
Marcher pieds nus dans l'herbe. 
Nous avons le désir d'une vie entière, phénoménale, 
Le désir d'une trajectoire d'étoile vibrante et marrante 
En plein jour avec en plus la patience des pierres 
Et les amours cycliques de l'eau. 
Mais nous n'existons pas vraiment. 
Nous sommes des passants indéterminés 
Infiniment fragiles 
Des passants d'argile

 

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© PATRICK CHEMIN

1979

 

 

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Eva Czaplicki3,

Oeuvre Eva Czaplicki


ODES RETROUVEES...Extrait

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" Nombreux sont ceux qui vivent en nous ;
Si je pense, si je ressens, j'ignore
Qui est celui qui pense, qui ressent.
Je suis seulement le lieu
Où l'on pense, où l'on ressent. "

 

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" Nous habitons la vie en hôtes, nous usons
Pour un temps de son cours,
D'un amour douteux, d'un bref sommeil, et d'un jour
En mal de tous les jours. "

 

 

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RICARDO REIS

Héteronyme de Fernando Pessoa 

Traduction du portugais par Michel Chandeigne, Patrick Quillier et Maria Antonia Câmara Manuel

 

 

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Christian Arjonillia

Oeuvre Christian Arjonilla

 

COMME UN AUTOMNE

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 La sente s'accôte sans tarder au flanc du versant.

Pierreuse, parcourue de minces filet d'eau, aux bordures 
jonchées de fleurs et de plantes grasses des rocailles.
Majestueuse, dans toute sa longueur lovée sur la pierre 
réfringente et humide, une couleuvre se dore au soleil.
Le bruit des pas la dérange. Elle s'y dérobe, sans bruit,
furtivement, puis nous abandonne, n'en finissant plus 
d'onduler avec une grâce lascive.
Quelques minutes d'ascension distancent de la voie, 
commune et du tumulte ferré. Le tracé disparaît 
sous un dais de ciste blanc et de cistes de Crète froissés ;
le ton de l'évasion est donné, ponctué 
par quelques cairns chancelants, aux issues aléatoires...

 

De la route monte la rumeur des chevaux vapeurs qui, 
peu à peu, s'étiole, se perd dans les horizons brumeux 
de la mer tyrrhénienne. Le sentier chemine, élonge 
un petit cours d'eau dont le chant à la brise se mêle. 
Le gazouillis des passereaux emplit la combe. Subreptice, 
le trille d'un oiseau inconnu retentit. Les blocs erratiques
lancent de terribles oeillades, depuis l'aube des temps et leurs grottes 
aux ocres oxydés. Présence imperceptible dont quelques
marches usées révèlent le passage, en silence, à toujours.
Le chuintement de l'eau monte de l'abrupt en chutant 
comme un lointain appel.

 

La curiosité  vire à  la récompense 
lorsque la voie ombreuse, sinuant sous la fraîche ramée,  
imperceptiblement décroche et s'échappe 
vers le ruisseau. Apparaît un havre de paix 
et de trous d'eau translucides. 
La frondaison des arbres à baies en berce la monodie.
La terre rouge effeuille aux ciels sans nuage
les pages d'une transhumance sans fin.
Halte providentielle où ensemencer la pensée,
s'impreigner de l'instant sans nom ni montre 
qui eussent cadré la course du temps ou l'époque. 
La ville n'est pourtant point distante
et, déjà, l'ascension revêt tous les agréments 
de la grande randonnée en moyenne montagne.

 

A hauteur d'un petit plateau herbeux, enchâsséà souhait, 
l'itinéraire offre deux options opposées. Vers la droite, 
un champ couvert  de vipérines vaut sublime invitation. 
Nous la déclinons !
Les abeilles butinent, l'essaim volette au comble 
des cieux  retissus du printemps.
Harmonies pastorales désormais réfugiées 
quand elles ne se meurent pas  à la porte du progrès, 
de l'évolution forcenée,  de la chimie et ses engrais.

 

L'olivier sauvage, ses rejets vivaces effacent 
le genévrier thurifère, se font plus présents, au diapason 
des murets et des enclos à bétails. 
De gros murs éboulés traversent un épais maquis
et se perdent en grisonnant dans un fouillis inextricable.
Vie pastorale suggérée que l'on espère recouvrer
à l'orée du vestige, de la ruine, touchant au but probable 
de l'investigation, en pleine nature, à l'intime 
des mondes oubliés et en sursis, un jour,
quand ils furent privés de source et de bras !

 

Ainsi, de se laisser guider, entre l'orientation spontanée,
l'intuition et l'immémoriale évidence d'un don, d'une manne.
Les Anciens affectionnaient ces lieux où les vents dominants, 
l'ensoleillement, l'eau et la végétation concouraient 
aux meilleurs compromis qui eussent assuré l'autarcie, 
plus que la subsistance, l'abondance des nourritures terrestres.
Ils s'y sont établis, longtemps, avant de disparaître à jamais, 
sans que l'on sût vraiment la cause majeure, irrévocable. 
La végétation a tant poussé. Elle s'est refermée 
sur l'habitat n'acordant plus aux fenêtres que les pans 
d'un azur aveuglant par lesquelles les souvenirs se sont envolés.

 

Lézardant la large façade de la bastide, une fissure 
laisse échapper comme un filet de voix. Recueillement ! 
Thébaïde lénitive qui eût complu de nos jours à l'hermite, 
à l'anchorête, en quête de méditation et de prières. 
Un chêne vert plusieurs fois centenaire
accueille le nomade et le convie à sa table taillée dans le granite brut.
L'arbre, vénérable, veille. La frondaison obombre du petit jour à la nuit
la place du hameau aux  pierres safranées.
Perfection, force  des chaînages d'angles, des assemblages, dont la taille 
savante éprouvent plus d'un siècle d'érosion.

 

Pas un bruit ne trouble l'humble repas. 
Toutes les ouvertures du bâtis dévisagent l'inconnu.
Le four à pain attenant abrite une ombre amnésique.
Immersion au-delà des décennies, évocations silencieuses
dont les figurines et les santons fabulent un imaginaire improbable.
Mais le voyage mérite que l'on s'y atèle, telles ces alliances qui 
des bêtes aux hommes unissaient leurs efforts afin de figer 
les fondations de la mémoire, à toujours !

 

Il est de nos jours 
des volontés inspirées qui se lancent à la reconquête 
du patrimoine ancestral, avec tant de talents, comme s'ils eussent été 
de la lignée directe, mus par quelques allants mystérieux et communs, 
disposés à dresser à nouveau la pierre carmine de la terre ocreuse
sur fonds de Grande Mer violine et d'horizons safres. 
Ils ne sont plus très loin, qui investissent 
coteaux et adrets, en montant à l'ancienne hameaux et maisons
en s'appuyant sur les rocs des îles : un duo rebelles.

 

Puisse le maquis complice se refermer sur ces écrins,
sans les démolir, précautionneusement, secrètement.
Laissons à l'errance et à la curiosité le soin de guider le nomade
en ces lieux d'authenticité qui s'absentent des clichés, 
solennels et beaux.
N'ayons de cesse de recourir aux compositions de nos aînés en
y apportant une touche de modernité mesurée, sobrement ...
Et nous redonnerons à cette Île ses accents de vérité
qui n'ont guère de prix.

 

Linteaux, robustes jambages, clés de voûte, meurtrières, vantail disjoints
et c'est le granite qui rayonne encore comme un automne 
sur un lit dévalé de poutres, de bois de fer enchevêtrés, 
dès les premiers rayons du soleil comme ils s'embrasent
au couchant. Souvenance des amants étreints, unis pour toujours
dans les effluves asphodèles et les myrtes ...
Et si les maisons de nos aïeux ne redoutent jamais la pluie, 
les vents et les violents orages, on les sent fébriles, 
tellement désemparées devers l'oubli, l'abandon
qui inexorablement affouillent les contours 
de la mémoire, des saisons passées àéchafauder
le sens d'une vie, 
autant de lunaisons vécues sur la terre rougeoyante
qui engendrèrent de nobles métiers, de nobles savoirs.

 

Je ne dis pas l'histoire mais l'émoi et le ressenti. 
D'aucuns l'auront si bien retracée, évoquée. 
Retrouvez-en les archives qui vous parleront 
en dévoilant tant de choses et de faits étonnants. On ne peut 
croiser de tels moment sans en effleurer les récits locaux.
Nous existons si proches d'une réalité qui aura été et perdure
dans le lignage de la pierre taillée, 
sans pourtant le savoir et y penser.
Il est vrai que les beautés sauvages paraphent souvent 
le silence, la solitude, les siècles en perdition... Mais de tout 
un hameau abandonné, qui s'esseule malgré lui, dépossédé
de repères qui eussent valu témoignages, fêtes patronales, 
pèlerinages aux sources !... 
Après tout, est-ce mieux ainsi, oyant, écrivant de temps à autre
quelques élégies polyphoniques à la louange de ce qui fût
et ne sera plus qu'au souffle cristallin des vents, 
aux cordes sibylline de la Cetera, aux sonnailles lointaines, 
à la voix d'une Terre pétrée dont on révulse impunément les 
ocres précieux et safranés qui dominent la mer et la crainte.

 

Je vécus cette échappée aux confins de l'inhabituel.
Il n'est de pas qui ne fût accompagné de révélation...
D'entre la découverte et la surprise, mille fenêtres 
ouvraient aux champs des labours, des semences, des moissons.
Je cherchai obstinément l'aire de battage ; mais en vain ! 
plusieurs fours aux maisons délabrées donnaient 
une triste accolade. L'enclos déserté signait la fin 
d'un long périple qui allait de la mer vers la mer, de la mer 
vers les monts de la Terre du Commun.

Vives et nourries   furent les émotions. Terreau des îles
plus que légitime.  Et de renaître à cette fresque
éminemment pastorale, de cette terre  d'abondance
et de provende où le hameau, le village, le bourg bâtissait jadis 
chaque maison à la lueur de l'amitié, au chant de l'entraide

 

 

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CRISTIAN GEORGES CAMPAGNAC

http://marin56.canalblog.com/archives/2018/05/18/36415550.html

 

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PRUNA

 

 

 

 

ERNEST PEPIN..Extrait

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Nous ne sommes pas venus en avion
Ni en bateau de croisières
Nous sommes venus traînés par la houle
Happés par les gouffres
Nous sommes venus comme des marchandises
Du bétail ou des machines humaines
Les vagues et le vent escortaient notre douleur
Et les requins voraces festoyaient
En goûtant notre chair
Nous avons tout oublié
Les rois et les dieux
Mais nous n’avons pas oublié l’Afrique
Et depuis nous reconstruisons l’Afrique
Notre musique vient de l’Afrique
Notre cuisine vient de l’Afrique
Tout l’humain en nous rappelle l’Afrique
L’Afrique recomposée
L’Afrique métissée
Mais l’Afrique re-née
Esclaves ?
Nous ne sommes pas venus en esclaves
Même si on nous a rendus esclaves
Esclaves du Code Noir
Esclaves de la traite
Esclaves de l’arbre de l’oubli
On ne peut enchaîner le vent
Ni mettre des fers à la mémoire
C’est pourquoi nous crions à tue-tête
Nous hurlons
Nous dansons
Car nous sommes les blessés d’une guerre sans nom
Nous sommes les filles d’un voyage sans retour
Nous sommes les bâtisseurs d’un nouveau monde
Nous ne sommes jamais venus
Mais nous sommes arrivés
Sans passeport
Sans visa
Sans pièce d’identité

 

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ERNEST PEPIN
3 Décembre 2017

 

 

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Safet ZEC

Oeuvre Safet Zec

 

 

 

 

 

 

FRANKETIENNE...Extrait

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D’expérience
de corps
de silence
et de feu
je demeure le sphinx
ma terre repue de flammes
mon âme soûlée d’énigmes
et mes ténèbres massives
en prophéties fragiles
la lune mon île nocturne.

 

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FRANKETIENNE

 

 

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Jean Paul Surin ,

Oeuvre Jean-Paul Surin

POUR TES 10 ANS...

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Pensées pour Cesare

 

 

L’eau ne résiste pas.

L’eau coule.

Quand on y plonge la main, tout ce que l’on sent est une caresse.

L’eau n’est pas un mur solide, elle ne t’arrêtera pas.

Mais l’eau va toujours où elle veut aller,

et au bout du compte, rien ne peut lui résister.

L’eau est patiente.

L’eau qui goutte use une pierre.

Rappelle-toi, mon enfant.

Rappelle-toi que tu es moitié eau.

Si tu ne peux pas franchir un obstacle, contourne-le.

L’eau le fait...

 

 

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MARGARET ATWOOD

 

 

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