"Il y a dans l’air un exploit impalpable qu’on appelle des anges et qu’on ne verra pas."
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GABRIELLE ALTHEN
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Photographie Magnificent_Entropy
"Il y a dans l’air un exploit impalpable qu’on appelle des anges et qu’on ne verra pas."
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GABRIELLE ALTHEN
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Photographie Magnificent_Entropy
Où es-tu maintenant
Syrie, à une lettre près de la Liberté,
Souria Houria, ma bien – aimée,
Disparue des discours
Rayée des cartes
Dévorée par les chiens couronnés
Qui se disputent ses derniers os
Les dernières dentelles faites de peaux humaines
Où es-tu le danseur des ruines
L’homme au phonographe devant le mur béant
L’enfant qui demande
Madame, est-ce que je vais mourir ?
Et qu’a-t on fait des tombes de mes Anciens
Fleuries de sang et de poussière et de la bave noire des civilisés
Où sont les corps des supplices, les preuves
Où est la honte
Où es-tu maintenant
La mode, c’est ce qui se démode,
Personne ne crie plus
Le défilé est terminé
On travaille déjàà la prochaine collection
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ALEXO XENIDIS
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Photographie Magnificent_ Entropy
Nous portons nos enfances jusqu’aux bords ruisselants de nos frontières. Des bouts de fils et de laine blanche tricotent ensemble des longs cordages extravagants. Nos candeurs exhalées dévisagent le monde et tirent la langue aux passants incongrus. Nous portons nos enfances comme le charretier conduit son attelage, se frayant un chemin parmi les ombres et les ravins. Nous détenons dans le regard toute la source de nos magnificences et c’est de ce reflux d’images, tantôt normales, tantôt subliminales, que nous extirpons des vagues mélangées à nos sables vierges pour pacifier nos humeurs.
Pardonne-moi le givre coulant des feuilles, l’aube renâclant avant de s’apprêter et la nuit accrochée à d’immobiles objets de désir. Pardonne-moi le soleil tantôt devant, tantôt derrière la lune opiacée et puis la voix que je t’ai donné, la mitre posée sur ton regard et la fuite de mon corps dans l’espace douillet de la fraternité parentale. Pardonne-moi cette absence dilettante que je n’ai su dessaisir en moi, cet espace à combler quand bien même je l’aurais englouti. Pardonne-moi enfin, ma bouche remplie de galops, de roulements démembrés, de ce lien qui ne meurt pas malgré l’orage et la foudre, malgré la mémoire fragile et le cristal des convenances.
Mon enfance noyée sur le bout du chemin, je m’accroche à la tienne comme à un sabre jouant dans le vent. Oui, les chuchotements ont perdu leur venin, ils distribuent à présent un échange léger et dénué d'attentes ou de réponses. Qui pourrait troubler l’enchantement qui nous berce, nous sommes si loin du confort des hommes ? Et pourtant, nous ne sommes que cela : des hommes, deux enfants oubliés dans un coin, de la chair vive prétendument comestible. Nous grimpons à l’arbre de vie et dans les oliviers aux cernes allongées où retentissent les bruits des troupeaux de passage. Nous allons patiner à la source de nos racines, à la sève d’une fourberie tenace. Dans le noueux des plaies séculaires, l’ultime floraison revendique l’huile fruitière s’écoulant sur le rameau de nos cœurs émasculés.
Je crois à l’opacité des courses, aux chemins solitaires, aux purs instants d’enchantement nous délivrant de la morsure primitive. Lorsque dans mes bras, tu fermais les yeux pour rejoindre je ne sais quel rêve grandissant, je sentais ton corps tout entier fondre comme un pli de neige entre deux sources. Le sommeil de l’enfant a ceci de particulier qu’il s’étoffe de rêves affolants et de doux cauchemars. La nuit n’est plus aussi noire et le jour n’éclaire pas vraiment les sentiers qui se perdent dans la colline. Ta tête posée sur mon épaule, j’entendais chanter la mer du cosmos berçant les étoiles dans ton ciel illuminé.
Mon existence est un voyage accompli. L’éphémère diapason de la clarté attise le calme, le refuge providentiel et l’oubli. Pour conserver cette paix faite de lueurs douces, je soutiens mon refuge à bras portant et les portes closes. Une fleur, toute entière, dans sa graine germinale vient déposer ses espérances au présent. Un peu de soleil et d’eau croisent les lignes de l’infini et je reconnais bien là mes origines embryonnaires. La mémoire nue frissonne dans une vie calculée, aux erreurs oubliées et, cependant, qui va de l’avant vers l’inconnu.
Bel oiseau, envolé de l’amour, tu es le cintre à mes pieds, l’horloge à mon cou et la recomposition de mon alchimie. Fais comme bon te semble, je suis là seulement pour tinter la cloche sous tes paupières tendres. Tu entends ma déchirure et elle commence à te parler du destin chaotique et de la fatalité comme une prescription de l’éclair. Ne te laisses pas faire ! Quoi qu’elle te dise : vas sur ton chemin cueillir les mimosas et les lavandes ne poussant que pour toi. N’écoute pas, non plus, les bacchanales de la vérité, elles ne savent rien de tes précipices. Aie le regard droit, transperçant toute chose et conduis-toi avec pour seule rigueur celle de l’épanouissement du désir envahissant tout. Ecime les bonnes intentions et dérobe-toi aux cheminements d’une pensée castratrice et revancharde. Ta vie, c’est toi !
La beauté des signes réside de cet attachement qui s’effile, de cette ressemblance qui nous a réunis un instant et du sort solitaire embrassant tes pas. Je n’ai jamais aimé les obligations de ce monde. Je survis dans la mitoyenneté des peurs et des chutes providentielles. Je suis au fond de la durée comme un arbrisseau sur le bord d’un ravin. Le vertige n’a pas lieu, mes racines m’encâblent aux éléments nourriciers et je papillonne d’une enfance à l’autre sans jamais me fixer. Au loin, je regarde le banc de bois et de pierre sur lequel nous étions assis et où peut-être nos fantômes demeurent. Dans la mousse du temps, nous participons à la cohésion éphémère de la rixe grippant nos veines et chalutant nos devenirs.
Laissons, si tu veux bien, courir l’eau vive et les cascades sauvageonnes. L’air que nous respirons est un défilé de mémoire invisible. Du haut de nos mémoires, nous contemplons nos ignorances et aucune tempête ne verse de larmes sur la hauteur des tombes lacustres. Il ne sert à rien de vouloir s’embrocher aux émeutes hurlantes à travers les mélancolies de la nuit. La vie t’a pris, elle t’a concédé le droit de poursuivre la route aux rythmes des phrases et des mots récités en chapelet sur l’horizon que tu enfourches comme une bête de somme. Tu vas et tu te déplaces dans l’analogie des danses lyriques t’invitant à aimer. Un instant, je t’ai cru incrusté aux lignes de mes mains, mais il n’en est rien. Tu voles et tu piailles comme une grive les soirs d’été et le ciel tout entier t’appartient.
Le rejet n’est pas une épreuve. Il claque dans le noir et s’évanouit dans la lumière. Tes mains sont devenues les notes du piano sur lesquelles, enfant, tu jouais de grandes symphonies luxuriantes. Quelques oiseaux blottis dans les broussailles se serrent contre tes rêves fraîchement dissipés. Je reste le père sur qui tu peux compter, l’homme bienveillant, l’être sûr et le confident approprié. Mon cœur lié au vivant ne désire rien d’autre qu’un alliage informel entre le passé et l’avenir. Et, tu t’arraches de moi, tu files et tu ne te retournes pas. Sans illusion, je m’accroche à la résonnance de tes pas. Dans l’évidence d’une solitude résolument calme, ma chair cède aux écorchures et mes rêves se fossilisent doucement.
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BRUNO ODILE
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"Moi, j'aime. J'aime tant tout ce que j'aime ! Si tu savais comme j'embellis tout ce que j'aime, et quel plaisir je me donne en aimant ! Si tu pouvais comprendre de quelle force et de quelle défaillance m'emplit ce que j'aime... C'est cela que je nomme le frôlement du bonheur. Le frôlement du bonheur... caresse impalpable... frisson mystérieux près de se fondre en larmes, angoisse légère que je cherche et qui m'atteint devant un cher paysage argenté de brouillard, devant un ciel où fleurit l'aube, sous le bois où l'automne souffle une haleine mûre et musquée... Tristesse voluptueuse des fins de jour, bondissement sans cause d'un cœur plus mobile que celui du chevreuil, tu es frôlement même du bonheur..."
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COLETTE
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Un jour sur terre, le swing de la misère
Dégoulinant de l’étagère à ampères
Illuminera les dernières miettes
Les restes d’un festin et les verres vides
De la clémence enlacée en paupiettes
Sur la table « nostre » dépitée de lipides
Le flux du pain chaud aux rizières du pauvre
Le combat du ventre chez le concierge du cri
Des images flottent entre les dents du loup
Ce n’est pas chez toi, mais chez les autres
Ce n’est pas du blé, cela ne fait pas un pli
Des images flottent encore où l’hostie n’est plus
La souffrance efface la bouche à la morgue de l’élu
J’ai peur du crouton rassis posé sur la braise du rêve
Et s’achèvent les souffles mal éteints dans cette trêve
Où plus rien ne jaillit où plus rien n’est une maladie
Je brandis le cercle de feu où jadis s’allumait la vie.
Rien, il n’y a rien. Ce qui manque est confiné dans l’oubli et ce qui est présent s’oublie parmi le monde qui peuple l’univers. Rétréci à l’extrême, une part de nous-mêmes reste emballé dans les surprises du jour à venir. Et personne ne les voit ni ne les entend.
Rien, pas même le vide pour compenser une solitude forcenée et tout à la fois désuète. Les regards juxtaposés évoquent un monde perdu. Les mains tendues expriment la quête éperdue. Le corps tout entier cherche l’aptitude nécessaire à l’obtention de l’absolu. La mie de nos sens tombe du ciel comme des parachutes multicolores que les astres rejettent de leurs espaces. Nous sommes ensemble et cependant dissociés.
Nous marchons vers ceux qui n’existent plus et nous ne le savons pas. Notre ignorance est le berceau de ces remous qui nous bourlinguent à ne plus savoir ce qui est réel de ce qui ne l’est plus. L’exil sonne comme une cloche qui a perdu son tocsin. L’unité de soi résonne au fond du trou noir. Plus le rien se répand et plus notre chair ressent sa matérialité avec une intensité toute particulière.
Chalandage de l’équivoque, tout et rien se multiplient comme des tags sur les murs noirs de l’incompréhension. Nous marchandons nos âmes sur le rideau des chiffrages offensés. Des nœuds de marins enserrent nos valeurs endémiques et nos rêves se mélangent aux cordes à linge de l’improbable.
A l’ode du jour, les itinéraires désespérés laissent place à l’Avenir. Seules dans la contrition, nos mémoires affamées conservent le souvenir d’harassantes solitudes. A la croisée des larmes et des sourires de joie, la vie qui a cédé laisse place à de nouveaux horizons. Demain ne cesse d’empirer sur de larges promesses sulfureuses. Le souffle chaud de nos aventures terrestres s’évade en de larges bouffés d’espoir. Parce que demain est un autre jour. Parce que demain est l’émancipation de toute surenchères immédiates. L’Avenir tient dans ses bras l’ombre de tous nos secrets. L’Avenir s’oppose aux lâcher-prises pulsionnels et s’offre à la réjouissance d’existence. Vivre s’insurge comme les flammes de la Saint-Jean claque les portes à la brutalité de l’hiver. Chacun se cherche dans cette humanité déshumanisée. Chacun s’apitoie sur son sort avant de pouvoir rompre la chaîne qui nous boulonne à un passé qui nous ne ressemble plus.
Adieu ma terre fondatrice et mon jardin
Adieu maison brûlante et joutes controversées
J’ai jeté l’espoir par deçà la lampe d’Aladin
Pour enflammer l’horizon de son discrédit ouaté.
Tant que la haine et l’indifférence pactiseront
Pour taguer les bouquinistes de la lumière
Pour pourfendre les joies spontanées
Crédulité et innocence des jours heureux s’enfuiront
Avec les papillons et les lucioles manœuvrières.
La joie fréquente les passerelles verdoyantes et les trajets phosphorescents qui inondent nos ciels brumeux les soirs de consternation. Pas de bouderies mesquines, pas de sillages entachés de grises mines ! L’émotion précède tout penchant au désarroi. Le sentiment d’exister plus haut que le simple fil des mortels nous ôte toute équivalence. Nous sommes oiseau sur les nuages chargés de grêle, nous sommes les voltigeurs rescapés du désastre, nous sommes les anges habités par le circonflexe des états d’âme. Minéral, la rivière emporte sur son chemin, les cristaux de nos Adn. Et, nous le savons instinctivement, il nous faudra creuser, creuser mille fois avant de retrouver un centième de ces pépites. Un pied sur chaque rive, nous tendrons nos bras et nos poings pour crier notre détresse conjurant le sort. La vie a plus d’un jeu dans son sac. Elle s’arbitrera de son élan combatif. Elle perdurera, seule, comme une jeune mère bravant la déroute et protégeant l’enfant logé dans ses bras.
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BRUNO ODILE
Tous droits réservés ©
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Oeuvre Najah Albukai
Peintre Syrien
J'ai eu vingt ans et bientôt trente,
les quarante ont suivi et aussi les cinquante,
avec quelques unités pour perturber les comptes.
J'ai lu des magazines qui parlaient de mes rides,
de bouchers qui taillaient dans les bides
et remontaient des seins à la file
comme dans les usines pour les automobiles.
Rester jeune, peu importe le prix !
Info, intox, il paraît même que le botox...
Alors, là, moi, j'dis stop.
Remonter le temps? Avoir encore vingt ans ?
Ça va pas, non ? Tu sais quoi ? J'ai pas le temps !
Demain, dans un mois, dans un an,
j'irai me balader pas très loin sur la plage
et je ramasserai des galets arrondis
que je colorierai aux couleurs du bonheur.
Je lirai des légendes, écouterai des contes
et puis les offrirai à qui voudra entendre.
Je me ferai des amis, au hasard
sur la toile, dans la rue ou au bar;
on discutera jusqu'au bout de la nuit
de la vie, de l'amour et de la mort aussi.
Demain, dans un mois, dans un an,
j'aurai les bras câlins de mes petits enfants
à mon cou enroulés pour mieux me protéger.
Mes enfants seront là et nous nous sourirons,
heureux d'avoir su traverser sans sombrer
les tempêtes, les naufrages et puis quelques orages.
Il m'arrivera encore de chanter, de danser
et de me régaler de gâteaux, de bonbons,
de p'tits plats mijotés
sans penser aux kilos ou bien à ma santé.
Demain, dans un mois, dans un an,
Je sortirai la nuit avec tous les hiboux
et verrai le soleil sur la mer se lever.
Je marcherai longtemps en goûtant le silence
J'aimerai les odeurs de la mousse en automne
et du foin en été
et le chant des cigales et le soleil brûlant.
J'écouterai toujours le malheur qui se plaint.
J'éprouverai encore les bouffées de colère
face à la bêtise et la haine étalées.
Jamais ni l'injustice ni l'infamie je n'accepterai
et lèverai en l'air, mon poing avec rage.
Demain, dans un mois, dans un an...
Et si la mort survient,
car elle survient toujours, la garce,
elle me trouvera debout, occupée et ridée.
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MIREILLE BERGES
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Le temps n’existe pas, n’existe plus. Il est une matière souple et non déterminée. L’heure humaine exauce l’espace dans lequel chacun se compte par le contenu de son énergie. Une multiplication de l’infini s’ouvre au bout de nos langues et se referme sous nos pas.
Ainsi, nous habitons, tour à tour, les hautes et lointaines étoiles où le cœur va, en une fraction de secondes, de la lune jusqu’à la lumière intersidérale. Et l’on passe son temps à essayer de réconcilier l’angélique regard de l’enfant à celui du vieillard aguerri de mille et une turpitudes.
Le vent se lève et sur la corde à linge des serviettes et des gants se balancent allégrement aux rythmes de ses vagues. Dans un recoin abrité où viennent s’asseoir quelques rayons de soleil, un rouge-gorge picore quelques friandises dans une touffe d’herbes. Tout semble plus ou moins paisible alors que le bulletin météo prévoit une pluie abondante pour l’après-midi. Comme Ulysse attaché au mât du navire, je préserve mon esprit de la tentation de croire que la journée va se dérouler telle qu’elle est annoncée. Ne serait-il pas fou de résorber la sensation immédiate en accordant plus d’importance à une prévision ? Instants de bonheur, je ne vous lâche pas, je suis tout entier à vos côtés.
Tout ce qui nous arrache au bonheur que nous voudrions définitif nous saisit d’effroi. Cependant, je sais que celui qui a connu le bonheur une seule fois dans son existence est prédestinéà le rencontrer de nouveau. Parce que le bonheur est immuable, il va et il vient au gré des événements que nous traversons sans jamais disparaître pour toujours.
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BRUNO ODILE
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Cette voix qui vient
de nulle part, comment faire, dites-moi,
pour ne pas l'entendre, toutes
les choses se sont tues,
d'abord les grandes, celles qui nous
blessaient, puis les petites,
et c'est dans le silence de la nuit
de l'âme, soudain la voix
comme un effroi puis comme une allégresse
et puis la mort, simplement
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Je ne recollerai pas les morceaux du souvenir.
Le ciel craquelé des puzzles ne ressuscite point la féerie.
Ce que je me suis rappelé ne m'a jamais donné l'impression de vie que par de nouveaux regrets suscités. Aussi, de tous les hommes, les plus tristes et les plus malheureux m'apparaissent ceux qui naquirent doués des meilleures mémoires. Ils ne triomphent point de la mort mais, par la plus inexorable fatalité, chaque transsubstantiation qu'ils essaient, au lieu de prolonger leur passé, tue leur présent. Victimes de leur insuffisance, ils vont, condamnés à ne rien voir du spectacle nouveau qu'ils négligent dans un docile espoir de recommencements, dont au reste nul ne leur saurait suffire.
Pour moi, tout ce que j'ai appris, tout ce que j'ai vu, ne travaillera qu'à mon ennui et à mon dégoût, si quelque nouvel état ne me vaut l'oubli des détails antérieurs. Dès lors comment ne point baptiser ennemie une mémoire aux rappels obstinés?
Et puis rien ne se peut exprimer de neuf ni d'heureux dans un chant déjà chanté. Les lettres, les mots, les phrases bornaient nos avenues, nos aventures. Lorsque je leur ai demandé de définir mon présent, ils l'ont martyrisé, déchiqueté.
Bien plus, je n'avais recours à eux que parce que je doutais de ce présent.
Et certes, lorsqu'il s'agit de parole ou d'écriture, l'affirmation prouve moins une certitude qu'un désir de certitude né de quelque doute au fond.
Ce qui en moi fut indéniable, je n'ai jamais eu la tentation d'en faire part à qui que ce soit. Au contraire l'instable, l'inquiet exigent une proclamation. La pensée en mouvement ne désire rien plus que se figer dans une forme, car, de l'arrêt marqué, naît l'illusion de ce définitif dont la recherche est notre perpétuel tourment. Ainsi l'eau de la mer recueillie dans quelque bol se cristallisera, deviendra sel. Mais ce sel comment le confondre avec l'océan? S'il est tiré d'une masse livrée au tumulte des forces obscures, il ne nous appartient pas d'oublier que seule cette intervention, qui contraignit au repos son élément originel, lui permit de devenir ce qu'il est. Pour l'océan, je puis — usant d'une métaphore à tel point usée qu'elle possède enfin le mérite de n'être plus dangereuse par quelque pittoresque — le comparer à l'homme : je prétends qu'il ne doit vouer aucune reconnaissance à ces parois qui, faisant prisonnier un peu de lui, permettent à ce peu de se transformer. Ce qui revient à dire qu'un état premier se suffit à soi-même... et ne demande secours ni à la philosophie ni à la littérature. Il se subit et n'a d'autre expression qu'un chant affectif interne et sans syllabes. Ainsi, une page écrite à plume abattue, sans contrôle apparent de ces facultés domestiques, la raison, la conscience auxquelles nous préférons les fauves, sera, malgré tout, l'aboiement argotique et roublard, mais non le cri assez inattendu pour déchirer l'espace. Les mots appris sont les agents d'une police intellectuelle, d'une Rousse dont il ne nous est point possible d'abolir les effets. Effets bons ou mauvais?
La logique, la réflexion n'existent que faute de mieux.
Parce que certaine richesse qui faisait le lourd bonheur du sang et le poids de ce qui en nous est apte à percevoir et non à dire, parce que certaine richesse fut au long des siècles dilapidée, l'homme, en vengeance, a conçu l'amour des mots et celui des idées. C'est pourquoi, ce me semble, il faut dénoncer quelle faute de mieux fut, ce qui d'ailleurs continue à sembler aux moins indulgents, sujet du plus légitime orgueil. Au reste, par l'effet d'une loi d'aller et retour, sans quoi l'humanité serait trop vite arrivée au bout de son chemin, l'intelligence parvenue à certain point ne semble avoir rien d'autre à faire que son propre procès. Débats sans indulgence. Elle-même se condamne. Et c'est une telle tragédie qui met le plus profond désespoir dans la vie des plus audacieux et des plus francs.
Spontanément spontanés, nous n'aurions aucune raison d'aimer la spontanéité, d'en faire l'éloge. Seul un être à l'instinct moribond enviera la brute. Joie des anémiques, des épuisés qui entendent expliquer les vestiges de leurs appétits par l'instinct vital. à la vérité ce qui importe, ce n'est point une explication, mais le triomphe subi de l'instinct vital lui-même.
Lys mieux vêtu que Salomon dans toute sa gloire, parmi tant de plantes répétées, que monte enfin l'orgueil d'aujourd’hui. Lys mieux vêtu que Salomon dans toute sa gloire, ou bien arum dont les bords ourlés rendent, par leur voluptueuse innocence, plus terrifiante encore la couleur marécageuse d'une tige qui a pris pour elle seule les mauvais désirs de la terre. La fleur est si belle que, grâce à la joie des yeux, les narines commettent un abus de confiance et, bien qu'aucune odeur ne soit venue les griser, pensent que le nom n'est point arum mais arôme et qu'il fut justement donné.
Arums et lys, affirmations bien présentes, luisez davantage pour exagérer votre force, votre séduction spontanées et nous faire mépriser définitivement ces petites boules d'un mimosa trop sec : nos souvenirs.
Mémoire, mimosa. Mémoire mimosa. Joli titre pour une valse à jouer lorsque la vie boite et que la fenêtre est ouverte sur un jardin triste. Mimosa. Au plein midi nous avons penséà notre hiver. Nous avons voulu faire des provisions de soleil. Une plante s'offrait qui fut mise en panier. Aujourd’hui le ciel était lourd et pourtant il faisait froid. Nous avons cherchéà rappeler la lumière absente. Nous avons ouvert le panier. Mémoire, mimosa, mémoire, mimosa. Même la couleur s'est recroquevillée. Il n'y a plus de parfum, mais cette tristesse qui se respire, les jours de janvier, dans les salons de province. Mémoire, vos fleurs, votre mimosa sent le renfermé.
Si je prends une branche, toutes les petites boules tombent, s'écrasent. Mémoires, vos lampions ne sont pas seulement lamentables mais fragiles aussi. Aucun n'éclaire, et la tige qui les assemble n'offre pas l'unité du lys ni celle de l'arum.
Les moments antérieurs ne tiennent pas à la branche. J'ai dit que toutes ces petites boules jaunes qu'on avait prétendues d'or, j'ai dit que toutes les petites boules jaunes étaient tombées à terre. Les voici écrasées. Elles ont laissé de pauvres taches à mes doigts.
Alors pourquoi sans cesse recommencer? Pourquoi vouloir — et de quel droit — habiller notre mémoire selon la mode hypocrite des autres hommes? Il ne faut pas réincarner ce que nous avons le mieux aimé.
Si je prétends encore savoir, me rappeler, que restera-t-il, finalement, que restera-t-il devant la glace? Moi avec la tête lourde du point d'interrogation et sans même, entre ce moi et la glace, un halo doux pour voiler des traits que mon ennui, toujours, retrouve. Le halo doux, c'est quelque histoire, une histoire qui déjà n'est plus vraie et dont je ne puis déjà plus penser qu'elle l'ait jamais été. Mais, après la mémoire, avant l'oubli, c'est la paix et son clair brouillard, un voile à ne pas déchirer. Mes doigts saignent d'avoir compté des vertèbres, mes paumes sont meurtries d'avoir caressé des squelettes. Exactitude des os, des chairs molles, mais qui n'est pas la vérité. Les couleurs sont absentes, seules aptes à parfaire la résurrection. Il faut que la mémoire se taise, entremetteuse des jours de pluie. Elle a vendu, hypothéqué toute chair, l'humaine et celle aussi des fleurs qui furent de nos jardins secrets, tout cela pour une petite rente viagère qui ne peut rien contre l'ennui.
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RENE CREVEL
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Oeuvre Katia Chausheva
Aux gouvernements du monde...
...
Le peuple que l’on traîne
Traîne et promène et déchaîne à travers les théâtres
électoraux
Le peuple que l’on jette en pâture
Dans les champs avides de boucherie
Le peuple qui se tait
Quand il doit hurler
Qui hurle quand il doit se taire
Le peuple lourd de siècle de servitude
Sur ses épaules de bon géant
Le peuple que l’on caresse
Comme le serpent caresse sa proie
Mais le peuple qui se soulève
Se redresse
Se cabre
Le peuple qui saura se venger
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DAVID DIOP
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Oeuvre Oswaldo Guayasamin
Tu as pris le pouls de Océan
tu perçois la palpitation des mers asphyxiées
Les courants marins se diluent
dans la matière plastique qui dérive Ô Septième Continent
Les températures de l'air vicié
virent à la surchauffe planétaire
l'incendie le déluge
l'eau le feu les glaces les particules accélérées
alertent altèrent le Monde en Marche Il n' y a jamais eu d'évents aux Pôles
Les décideurs les technocrates
éminemment zélés
en ont ainsi décidé froidement
au(x) nom(s) du sacro-saint déséquilibre
des contes publics de l'atome
La dette opportunément en crise
légalise uniformise et banalise
la pauvreté la précarité
L'exode sourd durable
La civilisation signe en chiffres
le désordre totalitaire mondial
Ne laisses-tu plus aux ciels
de pointer ces étranges manifestations
qui ne sauraient tromper
le temps des rêves
les étendues ravagées inondées
les racines animistes
Combien de migrations s'annoncent
massives et climatiques
Gabegies vastes curées incuries
les maîtres argentés impudents alchimistes sans légendes
leurs valets en cols blancs depuis les hémicycles bondés
trônent sur la mort et la réclusion patentées
aiguisent l'appêtit vorace
de la richesse affriolée et ses atours affidés
Le pillage des ressources perdure naturellement
décuple les termes d'un commerce sphérique tentaculaire
depuis la nuit des temps
commande aux affaires d'états
àétats aveugles
qui se placent qui pérennisent
l'exploitation du vivant par le dominant
Quelques minorités rayonnent en boucles
à la solde du meilleur profit de la cote en bourse atavique
De la mer des Océans vernissés de lune
par les clartés sidérales de l'azur des astres
pareil au petit Prince
en orbite autour
de Planète Bleue
qui pleure grandit
le désastre le parjure le vol organisé de " Terre des Hommes "
Les sens pourtant suffisent humblement
décryptent et décèlent tout
des vents fous turpides
des horizons turbides des fumets
aux fonds cristallins déjà trépassés
comme les étoiles
Le verdict chute et tranche
La forfaiture le diktat gardent le miasme en poupe
chaque jour qui passe défolie
pille massacre chasse souille rejette
gaspille empoisonne pollue
investit une grille de Civilisation
oeuvrant et ouvrant aux soupiraux de l'enfer loin de Dante
sous couvert de l'ultime roi du parachute doré
Les bailleurs de fonds les créanciers
temporisent délaient
le mal perpétué à travers les arcanes
du sursis de la durée complaisante
prônent un calcul insane
ne lâchent rien des crocs acérés
du privilège de l' habitus
structurant le marasme
arguant sans freins
d'une légitime et souveraine tutelle
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC
http://marin56.canalblog.com/archives/2018/07/10/36551220.html
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Oeuvre Oswaldo Guayasamin
Qu'une place soit faite à celui qui approche,
Personnage ayant froid et privé de maison.
Personnage tenté par le bruit d'une lampe,
Par le seuil éclairé d'une seule maison.
Et s'il reste recru d'angoisse et de fatigue,
Qu'on redise pour lui les mots de guérison.
Que faut-il à ce cœur qui n'était que silence ?
...
Par la brièveté de la porte, vois
Le pain brûler sur la table.
Par le bois cloué mort dans la porte,
prends Mesure de la nuit qui couvre la terre.
Par le déchirement de la couleur,
Par le gémissement des gonds de la porte, sens
Se déjointer dans l'énigme du temps
L'être de la présence et de la promesse.
La nuit est prompte et lourde à retomber.
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YVES BONNEFOY
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Anna Marta Maria Margherita !
Cris des mères sur le seuil appelant marmaille à la volée, mains mouillées essuyées vite au tablier, appellent leurs fillettes en bande sur le chemin, poissées des myrtilles écrasées par poignées dans les bouches rieuses, lèvres barbouillées retroussées sur leurs dents inégales, pointues, jeunes renardes ensauvagées courent à toutes jambes vers le giron qui sent l’âtre et le lait, vers les mères inquiètes la voix rauque d’avoir tant appelé au soir les bras lourds de la lessive soulevée ruisselante des cuves tourbillonnantes de cendre, l’œil arrêté au bout du hameau, cillant dès les premiers rires qui fusent, l’éboulis des cailloux sous les petits talons, et quand déboulent les plus véloces, robes tâchées de jus et d’herbe mouillée, prêtes à gronder avec des caresses dans la gorge attrapent au passage les bras hâlés chacune les siens ni bonsoir ni rien referment leur bouche leur porte déjà reprises par les gestes qui les gouvernent quand la nuit tombe, d’un tournemain débarbouiller les visages un enfant au sein un autre dans les jupes, les dos portent le fardeau, les pieds portent la journée et bientôt l’homme entre les jambes, cet enfant éternel qui a peur de la nuit et son cri s’abat comme un poing sur le vide quand elles ferment les yeux peut-être saoules de fatigue ou bien les tiennent grands ouverts par habitude parce que toujours elles guettent ce qui vacille, aux aguets toujours, elles qui ont couru aussi sur les sentiers… ah les premières fraises premiers baisers à l’orée du bois, vite, vite avant que mère ne les gronde, dans la peur innommée de la première fois, vite oublié tout ça, peut-être une autre vie, Anna soror ! Toutes les mêmes Marta Maria Margherita, ces noms passés comme témoins au fil des ans, des ventres, à peine le temps de savoir ce qui arrive et c’est la nuit derrière les paupières closes. Toutes pareilles lèvres tirées comme un trait sur leur silence, bouche cousue et les yeux durs qui parlent à leur place, femmes de bois sec et de cris rentrés, raides dans la robe noire où on les a couchées.
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ALBERTINE BENEDETTO
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Oeuvre William Russel Flint
On leur augmente la CSG
On leur augmente le gaz, le carburant, les cigarettes
On leur augmente leur temps de travail
On leur diminue leurs APL
On leur brade leur Sécu et leurs retraites
On leur piétine leurs droits du travail
On leur enchaîne leurs droits à l'expression
On leur dérembourse leurs médicaments
On les attaque de toute part et on les insulte
MAIS ILS SONT CONTENTS, LA FRANCE EST EN FINALE...
Finalement ils n'ont que ce qu'ils méritent...
Pauvres moutons qui exultent en allant à l'abattoir...
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NATHALIE LEIGNEL
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Ma solitude, c'est quatre lits où s'épanouissaient quatre corps d'hommes, jadis. Vides, les lits. Morts, les hommes. Ma solitude, c'est une barque blessée dans son corps , qui se dessèche au bord de la mer, barque désertée que n'accueille plus le salut des mouettes tous les petits matins de la joie du retour. Ma solitude, c'est ce nom heureux que je ne pourrai pas donner à mes petits-enfants, morts avant d'être nés. Ma solitude, c'est ce nom de grand-mère que je n'entendrai jamais, sauf dans le trou noir de mes rêves.
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La main qu'elle tend vers la charité n'est pas sa main. Caressée par les mains fortes de son mari, elle avait mis au monde trois autres paires de mains, fortes elles aussi, qui auraient su toujours porter à sa bouche le pain du travail, garnir ses poches de l'argent nécessaire pour se procurer le feu et les chaussures, le lit de la nuit et la lumière du jour. Mais la guerre a amputé ces prodigues mains d'hommes. La main qu'elle tend maintenant lui a été greffée par la guerre. La fière Ana non n'a pas une âme de mendiante. Sans cette amputation sa main aurait continué de confectionner les filets pour ses hommes de mer.
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Quatre noms à prononcer : Pedro, Juan, José, Jésus, à modeler dans sa bouche comme quatre globes terrestres, à articuler selon ses humeurs, avec amour ou colère, et d'un seul coup, plus personne à appeler, plus rien à dire. Trente ans de silence, au jour, à l'heure, à la minute près. Trente ans de nuits. Bien sûr, elle disait bonjour et au revoir, que c'est gentil à vous et merci bien. Mais ça, ce n'est pas parler. C'est aggraver le silence.
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La neige se remet à tomber, sereine, fidèle, enveloppant dans son suaire le cadavre d’une femme nommée Ana Paücha, soixante et quinze ans, qui fut épouse, mère et veuve de quatre hommes Paücha, fauchés par la guerre civile espagnole et ses prisons de la haine. Nulle pierre tombale ne perpétue ces cinq noms :
Ana Paücha
Pedro Paücha
Jose Paücha
Juan Paücha
Jesus Paücha dit le « petit »
Nul œil ne les pleure.
Nul mémoire n’en garde trace.
Ce ne sont que les noms de cinq saints sans église. Des anti-noms.
Des non.
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AGUSTIN GOMEZ ARCOS
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Ombres minuscules sur la blancheur du mur
labyrinthe éphémère
de l’instant
nous avons besoin de la mer
non pour laver nos oreilles
mais pour plonger dans les confins
des profondeurs
les yeux fermés sous l’eau
de notre soif
au milieu du bleu
le corps dressé par l’éphémère
le regard aiguisé par le lointain
nous avons besoin de la mer
pour renaître
sur la plage
à l’ombre d’un murmure
en fleur
la matière de nos paroles
est la lumière
la matière de notre connaissance
est le néant
la lumière du regard
habite le poème
comme la danse d’une abeille apprivoisée
l’intérieur d’une bulle
transparente
irisée
je la lève dans ma main
je la porte avec moi
vers le soleil
je prend soin de sa peur
et de son envie de s’envoler
vers
nulle part
une abeille
comme un poème
égaré
dans le coin d’un miroir maison
pont ou bateau de terre cuite creuset lumière de la parole calcinée
au milieu de la galaxie
nous sommes les dissidents de la ville disparue
à l’écoute de l’au-delà d’ici
ici et là-bas mais seulement peut-être
ici et là-bas
je m’approche du chant de la sirène
sur la pointe des pieds
je la touche avec la pointe de ma langue
je caresse la pointe de ses seins
et de ses lèvres
vous les heureux
vous les démons
je vous parle d’ un cri antérieur à la bouche d’un regard antérieur à la lumière d’un visage antérieur à la naissance de mes lèvres
modelés dans la boue du paradis je vous parle de l’amour à l’état sauvage
semblable aux cristaux
arrachés aux mines du midi
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LUIS MIZON
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Comment dire l’amour
le temps de l’amour
la fin de l’amour
comment éclairer les temps lumineux
et ne pas tricher sur les défaites les oublis
comment dire l’amour
le temps de la tempête
l’amour qui voyage
qui rend à l’enfance
comment dire ce qui rugit
ce qui rougit
ce qui cache
ce qui éclaire le visage
transperce le regard
comment dire l’amour qui se partage
qui se disloque
qui se reloque
qui s’oublie
comment dire la parole qui bégaye
l’interrogation des mains des yeux
comment nourrir la prière
comment saisir la friche sombre et les caresses inachevées
comment l’amour s’écrit-il sur la pierre
sur le lit d’amertume
sur le froissement des éponges
sur le sable trop grinçant
comment ne pas tricher avec des mots
trop faméliques trop tendres trop raides trop froids trop rêches
comment dire les corps ensevelis noués de sueurs
les effleurements des oiseaux blancs ou sombres
comment dire l’impalpable étrangeté
l’irraison continue
la terreur narquoise
comment dire l’amour dans sa langue
dans ses voix
dans ses cris
comment dire l’amour dans son ingratitude
dans sa mort
dans sa coupure
comment dire l’entaille du monde qui sépare depuis toujours
comment dire l’hantise de l’amour
le verbe muet
le graffiti fortuit et les murs d’innocence
comment dire encore
comment le dire et pourquoi
et pour qui et alors et aussi et pourtant
comment le dire et le redire le cracher le recracher
comment le marmonner
comment le susurrer le satiner
comment dire l’indicible éclat du jour que chacun un jour
comment dire le poème de tous les poèmes
de tous les jours
de toutes les vies
comment dire et le redire et pour commencer .
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GERMAIN ROESZ
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Oeuvre Mohamed Jaâmati
Des brins de paille dans les cheveux
nos cris et ceux des hirondelles
frôlant les champs de lavande
dans la lourdeur de l'air
tant de chaleur tant de secrets
les cachettes du buis
le froid de l'arrosoir sur les lèvres
et les grelots des chèvres le soir
à la même heure sur les mêmes chemins
on serre contre soi
ces images sans serrure
comme on vole
une fleur sur un talus
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Nos demeures s'attardent en nous
longtemps après notre départ
leur odeur la couleur des murs
le réconfort des lampes
jusqu'à leur manière singulière
d'accueillir les voix
qui montaient de la cour
elles gardent l'écho des cœurs
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MIREILLE FARGIER CARUSO
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