Le beau songe qui s’éparpille
Dans l’arc-en-ciel des ans
A tire d’aile s’envole en reliant nos vies
Et nous voilà
Archet et violon d’un orchestre sublime
Qu’on appelle l’amour
Quand nous frôle la douceur
Des souvenirs endormis
Sous nos paupières fragiles
D’avoir pu exister et entrevoir
Cette lumière bénie par le temps
Et qui nous gratifie de blessures inconsolées
Nous voilà
Ecorce des choses neuves
Fiers d’offrir au jour
Sa part de tendresse
Cri muet d’un éclair
Que le toujours du toujours foudroie
Au point de chavirer nos chairs
ERNEST PEPIN...EXTRAIT
LA RETRAITE SENTIMENTALE...Extrait
« Amoureuse, piètre mot pour exprimer tant de choses ! Imprégnée, voilà qui exprime mieux… Imprégnée, c’est cela tout à fait, imprégnée depuis la peau jusqu’à l’âme, car l’amour définitif m’est si entré partout que je m’attendais presque à voir mes cheveux et ma peau en changer de couleur. »
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COLETTE
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NOCES A TIPASA
QUI VIVE...Extrait
...
ton haleine chaude sur le cou de la nuit
ou le petit matin naissant entre nos doigts
nous voici tout vivants plongés dans l'éphémère
d'une foudre sans lieu ni point d'impact au sol
hors chair de passage mais quelle voix appelle
inaudible aux entours et de sève gorgée
à toutes les saisons c'est dire d'où tu viens
beau fantôme perdu mais quel chant traduis-tu
le pays est désert et le cœur dévasté
car je n'existe pas tu restes sa demeure
.
ANNE MARGUERITE MILLELIRI...Extrait
C'était un chemin de traverse
dans l'enclos du rêve --
un message enclos
dans une bouteille jetée
aux vagues grises
de la mer
LA HONTE...
"Je crois qu'un des motifs de l'art et de la pensée c'est une certaine "honte d'être un homme".
L'homme, l'artiste, l'écrivain, qui l'a dit le plus profondément c'est Primo Levi : "Quand j'ai été libéré, ce qui dominait, c'était la honte d'être un homme."
C'est une phrase à la fois très splendide, très belle, mais ce n'est pas abstrait, c'est très concret, la honte d'être un homme.
Mais elle ne veut pas dire les bêtises qu'on risque de lui faire dire. Ça ne veut pas dire que nous sommes tous des assassins, ça ne veut pas dire que nous sommes tous coupables face au nazisme. Primo Levi le dit admirablement, cela ne veut pas dire que les bourreaux et les victimes soient les mêmes. On ne nous fera pas croire ça. Beaucoup de gens racontent que nous sommes tous coupables, non, non, non, rien du tout. On ne me fera pas confondre le bourreau et la victime.
Moi, je crois que, à la base de l'art, il y a cette idée ou ce sentiment très vif : une certaine honte d'être un homme qui fait que l'art consiste à libérer la vie que l'homme a emprisonnée.
L'homme ne cesse pas d'emprisonner la vie, il ne cesse pas de tuer la vie. La honte d'être un homme.
L'artiste c'est celui qui libère une vie, une vie puissante, une vie plus que personnelle. Ce n'est pas "sa" vie. Libérer la vie, libérer la vie des prisons de l'homme. C'est ça, résister.
On le voit bien avec ce que les artistes font. Il n'y a pas d'art qui ne soit une libération d'une puissance de vie. Il n'y a pas d'art de la mort d'abord.
De plus, quand je parle de la honte d'être un homme, ce n'est même pas au sens grandiose de Primo Levi. Pour chacun de nous, dans notre vie quotidienne, il y a des événements minuscules qui nous inspirent la honte d'être un homme. On assiste à une scène où quelqu'un est vraiment un peu trop vulgaire, on ne va pas faire une scène, on est gêné. Gêné pour lui, gêné pour soi puisqu'on a l'air de le supporter. Là aussi on passe une espèce de compromis. Et si on protestait en disant "mais c'est ignoble ce que tu dis" ? On en ferait un drame. On est piégé. Alors ça ne se compare pas avec Auschwitz mais même à ce niveau minuscule, il y a une petite… honte d'être un homme. Si on n'éprouve pas cette honte, il n'y a pas de raison de faire de l'art."
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GILLES DELEUZE
(Abécédaire, entretiens avec Claire Parnet)
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Oeuvre Federico Infante
NE T'EXCUSE PAS...Extrait
Un autre jour viendra, féminin,
à la métaphore transparente, accompli,
adamantin, nuptial, ensoleillé,
fluide, sympathique. Personne n’aura
une envie de suicide ou de migration,
et tout, hors du passé, sera naturel, vrai,
conforme à ses attributs premiers.
Comme si le temps
dormait en vacances…
« Prolonge le beau temps de ta parure.
Ensoleille-toi à l’astre de tes seins de soie
et attends la bonne nouvelle. Ensuite,
nous grandirons. Nous avons du temps
pour grandir après ce jour… »
Un autre jour viendra, féminin,
au signe chantant, au salut
et au verbe azuréens.
Tout est féminin hors du passé.
L’eau coule des mamelles de la pierre.
Pas de poussière, pas de sécheresse,
pas de perte,
et les colombes font la sieste dans un char
abandonné, quand elles ne trouvent pas
un petit nid
dans le lit des amants…
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MAHMOUD DARWICH
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Oeuvre Watanabe Seitei
ANNA MARIA CARULINA CELLI
Est-ce sentir, penser, danser sur un fil
Allonger la foulée
Caressant le tranchant des falaises
Et pris par la rumeur des profondeurs qui grondent
Sauter
Toujours s'élancer dans le vide
Saisir à la volée
Le nuage qui passe
S'égrène en pluie dès qu'effleuré
Fleurir, mourir est ce cela le cri de vivre
Est ce s'oublier ou bien se souvenir
Du fil sombre dans la lumière
Du rayon de soleil au fond de la chambre noire
Est ce partir courir le monde
Les villes, les ports, les hommes,les draps
Les jouissances pareilles
Claquer la porte
Est ce rester
Faire son lit
Serrer des oreillers
Errer par les pensées
Écrire dans l'ombre
Faire luire les parquets
Lire le secret des horloges
Ne pas laisser
Mourir le feu
La vie balance
Entre les deux
Fil de fer ou corde folle
Moi je voulais un jardin suspendu à la bride
Un jardin où pousse une forêt
Avec un ruisselet d'eau douce
Qui va presque en silence
Se donner aux rivières
Et plonger dans la mer immense
Se cousant en ourlet à l'arène des plages
Je voulais un soleil
Qui brillerait dans ma poche
J'y entrerais la main
Comme en un pli secret
Avec la sensation de cajoler un coeur
Ne brûlant que pour moi
Sur son amour de sable chaud
De ce clos dérobé
Jailliraient une fontaine de colombes
Des vents, des pluies, des tombes
Les fleurs dont tu parlais
Que je n'ai jamais vues
Saisies à la volée
Nuages qui passent
S'égrènent en pluie dès qu'effleurés
Les fleurs dont tu parlais
Que je n'ai jamais respirées
.
ANNA MARIA CARULINA CELLI
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Oeuvre Célia Anahin
AVEC LA MORT, QUARTIER D'ORANGE ENTRE LES DENTS...Extraits
Oui, le temps se desquame
nous brûlons nos passeports trompeurs, nos photographies,
nous prenons possession du passage.
Sommes-nous seulement nos contemporains ?
Rebrousser jusqu’à l’orque et l’algue, s’attendre à passer hors
limites, supposer la réversibilité des organismes…
Nous nous citons à comparaître, au péril de l’échange.
...
L'oubli est sourd,
l'oubli des voix de disparus qui nous aimaient
l'oubli des vents qui délivrèrent les prisonniers d'étroites villes.
L'oubli est nu comme du sable receleur de malédictions de talismans enfouis profonds :
têtes de coqs, cœurs transpercés
Mais l'oubli rebelle au malheur
rajeunit les rêves lassés
justifie la douceur des arbres et s'offre à la précarité du jour.
.
MARIE-CLAIRE BANCQUART
Obsidiane, 2005
.
Oeuvre Célia Anahin
UNE SEULE MAIN NE SUFFIT PAS POUR ÉCRIRE
Une seule main ne suffit pas pour écrire
Par les temps qui courent
il en faudrait deux
Et que la deuxième apprenne vite
les métiers de l'indicible :
broder le nom de l'étoile
qui se lèvera après la prochaine apocalypse
reconnaître entre mille le fil qui ne casse pas
coudre dans l'étoffe des passions
langes, capes et linceuls
sculpter l'aube dans un tas d'immondices
Deux mains ne suffisent pas pour écrire
Par les temps qui courent
et les misères qui grondent
il en faudrait trois, quatre
pour que la vie daigne visiter
ce terrible désert blanc.
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MICHEL EKHARD ELIAL....Extrait
Quand aux vivants le cœur se rénove et la première
Amour éveille l’humain et le souvenir des âges d’or
Hölderlin
.
De tes îles en fleur aucune n'est perdue
quand toujours même dans l’abîme
la terre se tresse autour de l’errance
une côte sauve s’étend jusqu’au ciel
des mains à nouveau font fleurir l’olivier
pour renouer l’alliance des mots ouverts
où le temps rebâtit ses tentes de fidélité
dans le souffle du jour et le coeur de l’amour.
BERNARD PERROY...Extrait
Je voulais te chercher
parmi les jonquilles bleues
et d'autres rêves tout aussi beaux
dans leur façon d'éveiller
la beauté en mon coeur
et ce désir de la partager
à autrui, lui-même beau
d'être humain tout simplement,
mais rien n'est si facile
et la juste reprise
de la goutte d'eau
tombant sur la roche
seconde après seconde
pour la polir avec le temps,
me donne le tempo
pour aller à ta rencontre
et découvrir
combien tu m'aimes
à la fois dans ma nuit et mon jour,
mon obscur, mon éclat,
mes boiteries et le chant
sans cesse renouvelé
de ma gratitude...
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BERNARD PERROY
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Photographie Gregory Boratyn
JIMMY THACHERY AND THE DRIVERS - LOVE ME BABY
EDGAR MORIN...Extrait
Vivre de prose n’est que survivre. Vivre, c’est vivre poétiquement.
L’état poétique est un état de participation, communion, ferveur, amitié, amour qui embrase et transfigure la vie. Il fait vivre à grand feu dans la consumation (Bataille), et non à petit feu dans la consommation.
L’état poétique porte en lui la qualité de la vie, dont la qualité esthétique qu’il peut ressentir jusqu’à l’émerveillement devant le spectacle de la nature, un coucher de soleil, le vol d’une libellule, devant un regard, un visage, devant une œuvre d’art…
Il porte en lui l’expérience du sacré et de l’adoration, non dans le culte d’un dieu, mais dans l’amour de l’éphémère beauté.
Il porte en lui la participation au mystère du monde.
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EDGAR MORIN
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Oeuvre Peter Kertis
ADRESSE
En-deçà et au-delà
De nos identités originales
De nos appartenances communautaires,
En-deçà et au-delà
De nos langues détournées, transgressées,
De nos noms reconnus, ressourcés,
De nos terres de nos îles morcelées, archipélagées, dispersées,
En-deçà et au-delà
De nos ruptures, brisures, cassures,
Des clans guerriers, clans paroles, clans écritures,
Clan mémoire, clan histoire,
En-deçà et au-delà
Des mélopées funèbres, désespérances de nos béances,
Manques dans nos corps, de l'âme et de l'esprit en nos sociétés multiples,
En-deçà et au-delà
De tout ça qui fonde et nourrit nos interventions et écritures particulières,
Nous gardons et emporterons dans nos bagages quelque essence qui est :
Sur nos chemins de partage,
L'apport par chacun de son brin de conscience,
De réflexion, d'humanité,
Pour commencer à dire ensemble,
Avec nos mots, nos sonorités, nos musiques intérieures,
La chose à transmettre,
L'esprit de juste mémoire :
Tailler, ajouter, renouer, rénover,
Aplanir, étendre et retresser la natte humaine.
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FLORA AURIMA DEVATINE
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Oeuvre Peter Kertis
LA FOI D'ECRIRE...Extrait
Ecrire c’est ne rien oublier de ce que le monde oublie.
C’est possible qu’il y ait tout un peuple derrière moi…
J’ai toujours pensé que l’écriture était une manière de rendre quelque chose à quelqu’un à qui ça avait été volé : la parole et par la parole la vision, l’éblouissante vision de la vie, celle de chacun.
Mon travail je l’ai toujours perçu comme cela.
Surtout ne pas laisser la mort écrire le livre.
L’écriture est l’ange gardien de nos vies.
Elle garde ce que nous ne savons pas garder.
Ce qui n’est pas écrit se perd comme de l’eau qui tombe dans du sable…
Il y a un bon silence, c’est celui de la neige, c’est celui d’une bougie, c’est celui des poèmes ;
Et puis il y a un mauvais silence, c’est celui qui laisse fleurir une blessure depuis longtemps faite et qui la laisse croître.
L’écriture c’est un principe de respiration et de délivrance.
Mon enfance, c’était une cour, déjà presque la disposition d’une page…
L’écriture, c’est toujours aller chercher dans la gueule du feu la perle de fraîcheur qui s’y trouve.
L’écriture est à son zénith quand elle éclaire les sans-visages.
Ce qu’on imagine être dehors, en fait est dedans.
La solitude est le lien le plus profond aux autres.
La solitude est cette cour d’école en chacun où nous pouvons nous retrouver et jouer ensemble.
Le monde, c’est la salle de classe. Ça ne rigole pas. C’est l’ennui…
La solitude dont je vous parle, c’est le délassement, vous quittez l’argent, le savoir, même vos métiers, vous êtes dans la nudité interne qui est celle de l’âme.
Les âmes c’est juste des enfants qui jouent.
Imaginez une cour d’école où vous n’avez plus rien à craindre. Vous n’avez que des amis.
La cour d’école dont je parle, c’est une page de papier… On peut s’amuser là, on peut s’entendre, on peut se croiser et même on peut se rencontrer.
Il n’y a rien de plus beau que de se rencontrer.
Il n’y a qu’un millimètre entre le paradis et nous.
Seuls, nous n’arriverions jamais à le franchir…
Je sais exactement ce que le monde détruit avec notre concours, du moins avec notre consentement…
Le monde n’est qu’efficacité.
Lui obéir, c’est arracher cette divine maladresse que nous avons au fond de l’âme et qui est la pudeur même… tout ce qui est réellement précieux et maladroit, timide, hypersensible… Nous sortirons vainqueurs de cette épreuve.
C’est par distraction que nous n’entrons pas au paradis de notre vivant.
La vraie force, c’est notre faiblesse, c’est notre misère.
Le mal a toujours pour l’œil le plus grand prestige.
La guérison réelle de nos plaies, c’est l’amitié.
Le secret, la conversation intime, amicale, touche aux racines de la vie et les fortifie.
C’est toujours quelque chose de l’invisible qui nous soigne, qui nous répare.
C’est toujours quelque chose de spectaculaire qui nous abîme.
Restons dans cette vie et c’est dans cette vie qu’il y a des résurrections !
Il s’agit d’amour simplement, pas de religion…
C’est un secret qu’il faut garder pour soi…
Nos armures servent à nous protéger contre la vie, pas contre la mort comme nous le croyons.
Il y a une vie qui ne s’arrête jamais et elle est impossible à exprimer… Elle fuit comme l’oiseau…
Ce qui peut être expliqué ne mérite pas d’être compris.
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CHRISTIAN BOBIN
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CONTRE LA CRIMINALISATION DE L'ANTISIONISME
Voici la pétition sous forme de lettre adressée au Président de la République française, que le quotidien
« Libération » vient de rendre publique.
Je la soutiens et la signe.
Monsieur le Président, vous avez récemment déclaré votre intention de criminaliser l’antisionisme. Vous avez fait cette déclaration après en avoir discuté au téléphone avec Benyamin Netanyahu, juste avant de vous rendre au dîner du Crif.
Monsieur le Président, vous n’êtes pas sans savoir que la Constitution de la République énonce en son article 4 que « la loi garantit les expressions pluralistes des opinions ». Or, l’antisionisme est une opinion, un courant de pensée né parmi les juifs européens au moment où le nationalisme juif prenait son essor. Il s’oppose à l’idéologie sioniste qui préconisait (et préconise toujours) l’installation des juifs du monde en Palestine, aujourd’hui Israël. L’argument essentiel de l’antisionisme était (et est toujours) que la Palestine n’a jamais été une terre vide d’habitants qu’un « peuple sans terre » serait libre de coloniser du fait de la promesse divine qui lui en aurait été donnée, mais un pays peuplé par des habitants bien réels pour lesquels le sionisme allait bientôt être synonyme d’exode, de spoliation et de négation de tous leurs droits. Les antisionistes étaient, et sont toujours, des anticolonialistes. Leur interdire de s’exprimer en prenant prétexte du fait que des racistes se servent de cette appellation pour camoufler leur antisémitisme est absurde.
Monsieur le Président, nous tenons à ce que les Français juifs puissent rester en France, qu’ils s’y sentent en sécurité, et que leur liberté d’expression et de pensée y soit respectée dans sa pluralité. L’ignominie des actes antisémites qui se multiplient ravive le traumatisme et l’effroi de la violence inouïe dont leurs parents ont eu à souffrir de la part d’un État français et d’une société française qui ont largement collaboré avec leurs bourreaux. Nous attendons donc de vous que vous déployiez d’importants moyens d’éducation, et que les auteurs de ces actes soient sévèrement punis. Mais nous ne voulons certainement pas que vous livriez les juifs de France et leur mémoire à l’extrême droite israélienne, comme vous le faites en affichant ostensiblement votre proximité avec le sinistre « Bibi » et ses amis français.
C’est pourquoi nous tenons à vous faire savoir que nous sommes antisionistes, ou que certains de nos meilleurs amis se déclarent comme tels. Nous éprouvons du respect et de l’admiration pour ces militants des droits humains et du droit international qui, en France, en Israël et partout dans le monde, luttent courageusement et dénoncent les exactions intolérables que les sionistes les plus acharnés font subir aux Palestiniens. Beaucoup de ces militants se disent antisionistes car le sionisme a prouvé que lorsque sa logique colonisatrice est poussée à l’extrême, comme c’est le cas aujourd’hui, il n’est bon ni pour les juifs du monde, ni pour les Israéliens, ni pour les Palestiniens.
Monsieur le Président, nous sommes des citoyens français respectueux des lois de la République, mais si vous faites adopter une loi contre l’antisionisme, ou si vous adoptez officiellement une définition erronée de l’antisionisme qui permettrait de légiférer contre lui, sachez que nous enfreindrons cette loi inique par nos propos, par nos écrits, par nos œuvres artistiques et par nos actes de solidarité. Et si vous tenez à nous poursuivre, à nous faire taire, ou même à nous embastiller pour cela, eh bien, vous pourrez venir nous chercher.
Premiers signataires :
Gilbert Achcar universitaire
Gil Anidjar professeur
Ariella Azoulay universitaire
Taysir Batniji artiste plasticien
Sophie Bessis historienne
JeanJacques Birgé compositeur
Simone Bitton cinéaste
Laurent Bloch informaticien
Rony Brauman médecin
François Burgat politologue
Jean-Louis Comolli cinéaste
Sonia Dayan Herzbrun sociologue
Ivar Ekeland universitaire
Mireille Fanon-Mendès France experte ONU
Naomi Fink professeure agrégée d’hébreu
Jean-Michel Frodon critique et enseignant
JeanLuc Godard cinéaste
Alain Gresh journaliste
Eric Hazan éditeur
Christiane Hessel militante et veuve de Stéphane Hessel
Nancy Huston écrivaine
Abdellatif Laâbi écrivain
Farouk Mardam-Bey éditeur
Gustave Massiah économiste
Anne-Marie Miéville cinéaste
Marie-José Mondzain philosophe
Ernest PignonErnest artiste plasticien
Elias Sanbar écrivain, diplomate
Michèle Sibony enseignante retraitée
Eyal Sivan cinéaste
Elia Suleiman cinéaste
Françoise Vergès politologue
Liste complète des signataires disponible sur https://bit.ly/2BTE43k
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Oeuvre Masakatsu Sashie
MICHEL ECKHARD ELIAL...Extrait
ANNA MARIA CARULINA CELLI...Extrait
Tu t'attendais à quoi
En revenant sur les pierrailles
Avec les quelques gouttes d'eau
Que ces racines à sec
Qui n'avaient offert ni feuilles ni fleurs ni fruits
Quand tu courbais l'échine
Pour les nourrir du lait opulent de tes seins
Avaient vidées à ta gorge
Ces racines hermétiques luisaient à fleur de terre
Comme des serpents d'or
Comme les flammes d'or
Ondulant de désir dans l'âtre noir
Sinueuses couleuvres
Aux promesses enchanteresses
J'ai encore dans l'oreille grisée
Ta voix grave et suave
Disait la jeune fille dont tu gardais l'image
Assise
Légèrement entrebâillée
A quoi t'attendais-tu, me dis-je
Revenant sur les lieux du crime
Là où déjà
Pas une
Pas deux
Mais d'innombrables fois
Le loup t'avait tuée
La conscience tranquille
Avant de charger ton ventre de pierres
Seule, tu as percé ta peau avec l'aiguille
Afin de te recoudre et marcher
Parce que la route est belle
Et mène aux printemps
Espérais-tu que le fauve possédait
Sous sa peau féroce
Le beau jardin secret
Dont il ne cessait te te promettre les roses ?
Tu t'attendais à quoi
Laissant aller ta main dans sa paume
Vide
Laissant danser tes pas
Un bout de chemin
C'était léger
Et presque bien
Lorsqu'il t'a vu sourire
De ta candeur d'avant
Il a montré ses dents
Les crocs par lesquels il avait arraché
Tes doigts
Ton bras
Les veines qui conduisaient au coeur
Qui couraient aux pensées
Or, roses, violettes, soucis ou pensées
Ne t'avait-il pas prévenue
Que jamais il ne se pencherait
Au-dessus de tes fleurs
Pour les respirer
Ignorais-tu vraiment que cet animal
Perdu d'impudeur
Avait tété enfant
Des mamelles de sang
Dont il n'avait pas oublié la saveur ?
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ANNA MARIA CARULINA CELLI
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Oeuvre Françoise de Felice
JAMES SACRE...Extrait
Quelqu'un s'en va tu ne sais pas
Si même il s'en va ?
Penser ou ne pas pouvoir penser
Le retient mal on n'attrape
Que du silence.
Quelqu'un peut-être reprend
Tout ce qu'il a donné
Mais dans le geste de ne plus parler
Quelque chose
Est donné.
Silence.
Il y a ce mot à creuser,
Ses lettres font du bruit quand on les prononce :
On n'y comprend rien. Le monde est ce rien
Et ne parle pas ;
Des savants le réduisent
A des résultats de mesures, d'autres
S'imaginent le nouer en poèmes
Et ce n'est
Que le bruit d'un mot : silence.
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JAMES SACRE
Revue Europe mai 2018
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Photographie Leszek Bujnowski