LE TEMPS QU'IL FAIT...Extrait
L'ART ROMANTIQUE...Extrait
« C’est cet admirable, cet immortel instinct du Beau qui nous fait considérer la Terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du Ciel. La soif insatiable de tout ce qui est au delà, et que révèle la vie, est la preuve la plus vivante de notre immortalité. C’est à la fois par la poésie et à travers la poésie, par et à travers la musique, que l’âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau ; et quand un poème exquis amène les larmes au bord des yeux, ces larmes ne sont pas la preuve d’un excès de jouissance, elles sont bien plutôt le témoignage d’une mélancolie irritée, d’une postulation des nerfs, d’une nature exilée dans l’imparfait et qui voudrait s’emparer immédiatement, sur cette terre même, d’un paradis révélé. »
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CHARLES BAUDELAIRE
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EXTRAIT DU DISCOURS AU NOBEL - NAGUIB MAHFOUZ
Vous vous demandez peut-être comment cet homme venant du tiers monde peut-il être suffisamment en paix avec son esprit pour écrire des histoires ? Vous avez parfaitement raison. Je viens d’un monde laborieux qui croule sous le fardeau des dettes dont le remboursement l’expose à la famine ou presque. Certains des habitants de ce monde périssent en Asie des inondations, d’autres périssent en Afrique de la famine. En Afrique du Sud, des millions d’hommes sont rejetés et sont privés de tous les droits humains à l’ère des droits de l’homme, comme s’ils ne comptaient pas parmi les hommes. En Cisjordanie et à Gaza, des gens sont perdus, en dépit du fait qu’ils vivent sur leurs propres terres, les terres de leurs pères, de leurs grands-pères et arrière-grands-pères. En échange de leur départ fier et noble — hommes, femmes, jeunes et enfants confondus — on leur a rompu les os, on les a tués avec des balles, on a détruit leurs maisons et les a torturés dans les prisons et les camps. Autour d’eux vivent 150 millions d’Arabes qui suivent ce qui se passe dans la colère et le chagrin. Une catastrophe menace la région si elle n’est pas sauvée par la sagesse de ceux qui désirent une paix juste et globale. (…)
Ne soyez pas spectateurs de nos misères. Vous avez à jouer un rôle noble qui sied à votre statut. De par votre position de supériorité, vous êtes responsables de toute dérive du monde animal ou végétal — pour ne pas parler de l’homme, et ce, où qu’il se trouve aux quatre coins du monde. Nous en avons assez des mots. Il est maintenant temps d’agir. Il est temps de mettre fin à l’âge des brigands et des usuriers. Nous sommes à l’âge où les dirigeants doivent être responsables de l’ensemble du monde. Sauvez les esclaves du sud de l’Afrique ! Sauvez les affamés en Afrique ! Sauvez les Palestiniens des balles et de la torture ! Sauvez les Israéliens qui profanent leur grand patrimoine spirituel ! Sauvez ceux qui sont endettés pas les lois rigides de l’économie ! (…)
Il se pourrait que le Mal soit plus faible que nous ne l’imaginons. En face de nous se tient une preuve indélébile : si la victoire n’était pas toujours du côté du Bien, des hordes d’humains errants n’auraient pas été capables de faire face aux bêtes et aux insectes, aux catastrophes naturelles, à la peur et à l’égoïsme, et n’auraient pu croître et se multiplier. Elles n’auraient pas été en mesure de former des nations, et d’exceller dans la créativité et l’invention, de se lancer à la conquête de l’espace et de déclarer les droits de l’homme. La vérité de la matière est que le Mal n’est qu’une débauche bruyante et turbulente, et que l’homme se souvient plus de ce qui le blesse que de ce qui lui plaît.
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NAGUIB MAHFOUZ
1988
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Naguib Mahfouz
L'OMBILIC DES LIMBES....Extrait
Là où d’autres proposent des œuvres je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit.
La vie est de brûler des questions.
Je ne conçois pas d’œuvre comme détachée de la vie.
Je n’aime pas la création détachée. Je ne conçois pas non plus l’esprit comme détaché de lui-même. Chacune de mes œuvres, chacun des plans de moi-même, chacune des floraisons glacières de mon âme intérieure bave sur moi.
Je me retrouve autant dans une lettre écrite pour expliquer le rétrécissement intime de mon être et le châtrage insensé de ma vie, que dans un essai extérieur à moi-même, et qui m’apparaît comme une grossesse indifférente de mon esprit.
Je souffre que l’Esprit ne soit pas dans la vie et que la vie ne soit pas dans l’Esprit, je souffre de l’Esprit-organe, de l’Esprit-traduction, ou de l’Esprit-intimidation-des-choses pour les faire entrer dans l’Esprit.
Ce livre je le mets en suspension dans la vie, je veux qu’il soit mordu par les choses extérieures, et d’abord par tous les soubresauts en cisaille, toutes les cillations de mon moi à venir.
Toutes ces pages traînent comme des glaçons dans l’esprit. Qu’on excuse ma liberté absolue. Je me refuse de faire la différence entre aucune des minutes de moi-même. Je ne reconnais pas dans l’esprit de plan.
Il faut en finir avec l’Esprit comme avec la littérature. Je dis que l’Esprit et la vie communiquent à tous les degrés. Je voudrais faire un livre qui dérange les hommes, qui soit comme une porte ouverte et qui les mène où ils n’auraient jamais consenti à aller, une porte simplement abouchée avec la réalité.
Et ceci n’est pas plus une préface à un livre, que les poèmes par exemple qui le jalonnent ou le dénombrement de toutes les rages du mal-être.
Ceci n’est qu’un glaçon aussi mal avalé.
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ANTONIN ARTAUD
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ECRITS POETIQUES...Extrait
je m’agite.
de la décision de ne plus être de la matière que je suis.
de la matière dont je suis fait.
de cette matière-là.
de cette colle-là.
de cette glu-là.
de cette peau-là.
de ce cœur-là.
si je ne veux plus être de cette façon-là.
je n’ai pas d’autre solution que de repartir.
que de rejoindre une autre matière.
que de revenir en arrière.
que de tout faire cesser.
ce qui ne pourrait pas continuer avec cette matière-là.
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CHRISTOPHE TARKOS
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L'ESPERANCE
Dans l’obscurité pressentir la joie,
Savoir susciter la fraîcheur des roses,
Leur jeune parfum qui vient sous vos doigts
Comme une douceur cherche un autre corps.
Le coeur précédé d’antennes agiles,
Avancer en soi, et grâce à quels yeux,
Eclairer ceci, déceler cela,
Rien qu’en approchant des mains lumineuses.
Mais dans quel jardin erre-t-on ainsi
Qui ne serait clos que par la pensée ?
Ah pensons tout bas, n’effarouchons rien,
Je sens que se forme un secret soleil.
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JULES SUPERVIELLE
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JOEL GRENIER...Extrait
J'ai goûté tous les vents qui agitent la Terre
J'en ai vu des piquants qui trouaient ma mémoire
Mes souvenirs fuyaient, tristes et solitaires.
J'aurais dû les ranger au fond de mon armoire.
J'en ai connu du nord qui m'ont glacé la veine
A m'en faire trembler comme si j'avais peur.
Je gardais mon sang froid mais j'avais de la peine :
Près des feux de l'amour, je partais en vapeur.
J'en ai mangé des doux qui disaient l'avenir
Aux brillants de la lune et de la bague au doigt
Ils me soufflaient tant de promesses à tenir
Que j'ai mis les voiles bientôt comme il se doit
J'ai bu à l'aquilon, dégusté le zéphyr,
Je me suis enivré des vents forts du noroît.
J'ai vidé le mistral de tout son élixir
Et j'ai fini la burle à la table d'un roi.
Mais j'ai surtout aimé le souffle de ta bouche
Sur le bout de mon nez, sur le bord de mon coeur
Quand il se faisait bise pour réchauffer ma couche,
Quand il savait siffler les refrains du bonheur.
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JOËL GRENIER
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CONCERT ORANGE BLOSSOM LIVE 2014
UN OISEAU CHANTE
Un oiseau chante ne sais où
C'est je crois ton âme qui veille
Parmi tous les soldats d'un sou
Et l'oiseau charme mon oreille
Écoute il chante tendrement
Je ne sais pas sur quelle branche
Et partout il va me charmant
Nuit et jour semaine et dimanche
Mais que dire de cet oiseau
Que dire des métamorphoses
De l'âme en chant dans l'arbrisseau
Du cœur en ciel du ciel en roses
L'oiseau des soldats c'est l'amour
Et mon amour c'est une fille
La rose est moins parfaite et pour
Moi seul l'oiseau bleu s'égosille
Oiseau bleu comme le cœur bleu
De mon amour au cœur céleste
Ton chant si doux répète-le
À la mitrailleuse funeste
Qui claque à l'horizon et puis
Sont-ce les astres que l'on sème
Ainsi vont les jours et les nuits
Amour bleu comme est le cœur même
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GUILLAUME APOLLINAIRE
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Musée archéologique d'Héraklion
CHEVAUX DE FRISE
Pendant le blanc et nocturne novembre
Alors que les arbres déchiquetés par l’artillerie
Vieillissaient encore sous la neige
Et semblaient à peine des chevaux de frise
Entourés de vagues de fils de fer
Mon cœur renaissait comme un arbre au printemps
Un arbre fruitier sur lequel s’épanouissent
Les fleurs de l’amour
Pendant le blanc et nocturne novembre
Tandis que chantaient épouvantablement les obus
Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient
Leurs mortelles odeurs
Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine
La neige met de pâles fleurs sur les arbres
Et toisonne d’hermine les chevaux de frise
Que l’on voit partout
Abandonnés et sinistres
Chevaux muets
Non chevaux barbes mais barbelés
Et je les anime tout soudain
En troupeau de jolis chevaux pies
Qui vont vers toi comme de blanches vagues
Sur la Méditerranée
Et t’apportent mon amour
Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue
Ô Madeleine
Je t’aime avec délices
Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches
Si je pense à ta bouche les roses m’apparaissent
Si je songe à tes seins le Paraclet descend
Ô double colombe de ta poitrine
Et vient délier ma langue de poète
Pour te redire
Je t’aime
Ton visage est un bouquet de fleurs
Aujourd’hui je te vois non Panthère
Mais Toutefleur
Et je te respire ô ma Toutefleur
Tous les lys montent en toi comme des cantiques d’amour et d’allégresse
Et ces chants qui s’envolent vers toi
M’emportent à ton côté
Dans ton bel Orient où les lys
Se changent en palmiers qui de leurs belles mains
Me font signe de venir
La fusée s’épanouit fleur nocturne
Quand il fait noir
Et elle retombe comme une pluie de larmes amoureuses
De larmes heureuses que la joie fait couler
Et je t’aime comme tu m’aimes
Madeleine
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GUILLAUME APOLLINAIRE
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Madeleine Pagès
http://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_Pag%C3%A8s
FEMININS
Appel féminin et peines peintes
Et ce passage comme un pays de toi
Encore perdu l’esprit à voir
Solitude à l’obscurité allaitante
Les chairs dans les gris pâles
Des tendres atouts au bon sourire muet
Un ruban de tissu à ton épaule brodé
J’ai de toi les navires et les vents puissants
Et tant le parfum et le temps et l’effroi
Devant toi, bègue, moi, une partie de toi
Sur tes grains tes rosées et perlée au loin
Ton mystère sentier dans le vent pleine face
Face au soleil farceur, féminin l’appel en vain
Le vent vain qui frotte mes oreilles
Appel féminin aux peines à peindre
J’ai de ton corps les rimes entières
En filant ma mort le long des rues
Puis mourir pour toi, et ton corps
Et encore dire et redire tes pertes et rires
Et encore tes sentes et raccourcis
Les pentes brutes de tes corps blancs
Comme l’aube en toi j’aurais souffert
Mille visages mille paysages mille caresses
Au bout encore l’incertitude d’aimer
Et les morts les morts en tas noirs
Féminin, l’autre, encore, altérité souffrante
Morceaux de toi, de moi, d’encore nous
Comme un fruit blet mûr mou mort
Appel féminin tu structures ton nom
T’habilles en rêve de nylons doux
Des perles à ton sexe tout éclairé
En femme, et moi en autrui, l’autre
L’inconnu, l’indécis, le maladroit, le malhabile
Filant ton âme au creux de mes montagnes
N’y comprenant rien de nouveau en mal
Pour parfaire mes méconnaissances de toi
L’incomplétude complète de mes manques
L’inconfort et le mépris encore pour cette vie
Plutôt ploiement et je tombe pour rien
Perdant encore mon équilibre ma soif
Mon embellissement de tes forêts en cale
On ratiboise on coupe on arrache on tue
Appel féminin enfin en faim, paisible
Peine et conforts en arrière, le passé
Le relief, tes formes, tes mots, tes lignes
Je souhaitais le guide, l’homme providentiel
L’amant qui tue, l’être de Mars, immense raffut
Seulement, gesticulateur à rien, marionnette momie
Homme de peu de valeur, homme de rien, sexe
Négatif, sexe de rien, guide en rien
Essaimage en rien, essaimage nul, essaim essoufflé
Perdu, crétin, l’éden qui s’efface ici
L’instabilité du noir, l’habillement du triste
Alors que tes gypses étaient à mes yeux offerts
Tes couleurs à la Vlaminck, ton visage sans manières
Ton pampre magnifique au soleil flambant
Appel féminin enfin que j’aurais cru comprendre
Pâmoison à vos vues si terribles de vous
Pâlir à vos corps de trop d’infinis
Rareté de ces terrassements à tâtons
Sans méthode donc, et pourtant avec sentiments
Je peux perdre enfin de vous le peu de connu
Espérer l’envers du miroir, voir l’autre décor
L’or de tous vos corps, vos âmes multiples
Vous souffrez aussi, vous ; et moi, encore, encore
Perdre aussi cette vie indécente, bue à la lie
Puis à vomir où stagne l’ennui, l’impasse de la vie
Perdu, perdant et m’excusant, je n’aurais rien connu
Tout fait faux, tout mal aimé, tout se tromper
Et puis tant espérer pour toujours trop se tromper
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NOVEMBRE
Novembre est venu et défait les arbres pour égrainer le temps. Un banc désespéré compte les souvenirs en attendant la pluie. La terre se repose, elle a tant œuvréà dire le bonheur à ceux-là qui l'attendent.
Novembre, c'est le temps où l'on chuchote aux ancêtres les mots du souvenir qui lentement s'estompe. C'est l'odeur des châtaignes dans les feux qui se ravivent à me parler de toi.
Les promesses d'un soir d'hier chevauchent les feuilles avant de faner et tendent des tapis roux en attendant l'hiver.
Des graines du printemps s'y cachent déjà, en murmures de soleil.
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JOËL GRENIER
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LES DESESPERES
Se tiennent par la main et marchent en silence
Dans ces villes éteintes que le crachin balance
Ne sonnent que leurs pas pas à pas fredonnés
Ils marchent en silence les désespérés
Ils ont brûlé leurs ailes ils ont perdu leurs branches
Tellement naufragés que la mort paraît blanche
Ils reviennent d'amour ils se sont réveillés
Ils marchent en silence les désespérés
Et je sais leur chemin pour l'avoir cheminé
Déjà plus de cent fois cent fois plus qu'à moitié
Moins vieux ou plus meurtris ils vont le terminer
Ils marchent en silence les désespérés
Et en dessous du pont l'eau est douce et profonde
Voici la bonne hôtesse voici la fin du monde
Ils pleurent leurs prénoms comme de jeunes mariés
Et fondent en silence les désespérés
Que se lève celui qui leur lance la pierre
Il ne sait de l'amour que le verbe s'aimer
Sur le pont n'est plus rien qu'une brume légère
Ça s'oublie en silence ceux qui ont espéré.
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JACQUES BREL
1966
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LA CHANSON INTRADUISIBLE
Prendre sa main pour oreiller.
Le ciel le fait avec ses nuages,
La terre avec ses mottes
Et l’arbre qui tombe
Avec son propre feuillage.
LA CANCION INTRADUCIBLE
Usar la propia mano como almohada.
El cielo lo hace con sus nubes,
la tierra con sus terrones
y el árbol que cae
con su propio follaje.
Sólo así puede escucharse
la canción sin distancia,
la canción que no entra en el oído
porque está en el oído,
la única canción que no se repite.
Todo hombre necesita
una canción intraducible.
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ROBERTO JUARROZ
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ALBERT CAMUS
LA FAUSSE PAROLE...Extrait
Sans parole, je suis toute parole; sans langue, je suis chaque langue. D'incessants déferlements de rumeurs tantôt m'humectent et me font onde, tantôt m'affleurent comme d'un destin de calme promenade et me font sable, tantôt me choquent et me font roc. Je m'allonge en très immense et très docile plage où de vastes êtres collectifs, nerveux et tumultueux, abordent en gémissant élémentairement.
De tous les langages mêlés, j'entends se composer une sorte de non-langage indicidiblement rumoreux; et ce non-langage, je l'écoute en ces suprêmes efforts pour tenter d'atterrir.
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J'ai besoin chaque nuit de devenir tous les hommes et tous les pays. Dès que l'ombre s'assemble, je m'absente de ma vie et ces écoutes de radio, dont je me suis fait cadeau, m'aident à conquérir des fatigues plus reposantes en vérité que tout sommeil. Chinois, Japonais, Arabes, Espagnols, Allemands, Turcs, Russes font au-dessus de moi leur petit bruit, m'encouragent à quitter mes enclos; je saute le mur de l'existence individuelle; par la parole d'autrui, je goûte à de merveilleuses bamboches nocturnes où plus rien de moi ne m'espionne.
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ARMAND ROBIN
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Oeuvre Jean-Paul Neglot Tolgen
ORPHIQUES...Extrait
Quand la musique de mes yeux se sera tue
quand mon Ombre descellera le jour de pierre
quand mes mains ne feront plus obstacle aux nuées
quand mon oreille aura son lit parmi les astres
quand les cieux oubliés ma bouche ensableront
Alors l'amère lassitude du néant
ayant quitté ce corps qu'elle avait fait pesant
et Un jusqu'à l'inanition, après des âges
d'usure contre dieu absent et de désir
de froids et résistants mouvements vers l'absurde
centre vertigineux de la douleur ignée,
ce corps qui gravitait satellite des morts
dans l'orbe rigoureux tracé en pure gloire
par Rien, et qui jamais ne fut écrit en rien
Alors la lassitude illustre d'être un moi
— appareil de somptuaire ennui et de limites
mécanisant de l'œil et du geste le Ciel —
s'évanouira dans l'aube tendre de son vide
qui l'enveloppe et la pénètre et la soutient.
Car tout est vu de l'intérieur par son absence
tout prend en se niant sa forme la plus nue
qui seule comprend dieu. Ce monde que je fus
avare, sans un vent de fraîcheur, sans un arbre
ce poids en dieu de la détresse de mes morts
jamais il n'inclina vers lui les douces larmes
jamais il ne défigura le front du ciel
Jamais : Ô nom terriblement muet du monde
que je fus qui ne fut jamais car Je est mort.
Mais que reprenne la musique d'autres yeux
qu'une autre Ombre voilée de jour mûrisse l'aube
que d'autres mains jouent de la laine des nuées
qu'une autre ouïe s'éveille au chant de nouveaux astres
que d'autres lèvres soient humectées de cieux marins
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PIERRE EMMANUEL
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PRESENT INTERIEUR...Extrait
à Josette Ségura
Du monde tu ne vois
que le verso
mais ce soir tu as rendez-vous
avec la page blanche
A cet instant
le monde
ne fait que commencer
Rien sur la table
d’écoute
hors le bruissement du papier
des feuillages ailés
à peine ce mouvement de paupières
dans le silence
et sous ta plume
l’écriture des herbes couchées par le vent
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GILLES BAUDRY
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DERRIERE LE DOS DE DIEU...Extrait
Avoir conscience de ma vie finie.
De l’infinité infinie immanente des mondes.
De la relativité de toute connaissance.
Le plaisir et le déplaisir parfois de regarder,
d’entendre de sentir de penser
les choses, humaines et non humaines,
l’obscurité et la lumière.
Trouver des mots pour essayer de dire.
Écrire ce quelque chose qu’on appelle un poème,
sachant qu’on ne sait pas
ce que c’est .
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LORAND GASPAR
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