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Channel: EMMILA GITANA
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UNE DEMEURE PARMI LES ORTIES

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Songes immatures
Cueillies à la lisière des insomnies
Efflorescences d’une aube incertaine
Rêves calcinés,
Au soleil de nos errances
Sur les chemins de l’infortune

Des vergers d’ Ain- Ezzaouia saccagés
Par l’Ogre qui règne en maître sur la ville
Et du visage triste et fermé de la mère
Tu te souviendras longtemps encore

Il fallait partir
Quitter la demeure
L’enfance au goût de loukoum et des beignets de grand-mère
D’olives noires comme nos yeux
Et la course folle dans l’oliveraie
Parmi les oiseaux et les orties

Il fallait partir me disait ma mère
S’arracher à la demeure
Dire adieu aux pierres ramassées parmi les orties
Aux chardonnerets attrapés à la glu
A l’olivier qui a abrité nos premiers émois

Comme un séisme, le départ ébranla l’existence fragile des enfants
qui se perdirent
et ne se retrouvèrent plus
Et l’enfance fut saccagée
Par l’Ogre qui règne en maître sur la ville

Aujourd’hui
Avec ces mots venus d’ailleurs
Tu entreprends de rebâtir
Au creux du temps la demeure de ton enfance
Au cœur de la constellation des oiseaux aux mille et une couleurs
Parmi les orties et les songes immatures

Car nous ne connaissions pas d’autre absolu
Que cette enfance brûlée par les orties
Fascinée par les oiseaux
Jalouse du mystère des choses

 

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MONCEF KHEMIRI

 

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maroc3,

 

 

 


PHILIPPE JACCOTTET PAR JACQUES BASSE

LE BAISER

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ô vous divine discrète

réservée jusqu’à l’extrême
qui osera faire vibrer l’intime
à l’émoi dissimulé si sublime

ô vous tourterelle sur sa tige
au seuil du vertige

le baiser qui tout à coup se livre
perturbe et trouble tout équilibre
troubadour de l’espace il soupire
après cette vérité qui l’inspire

troublante envolée sensible
vers les limites du cessible

sur la margelle du cœur
là il paresse avec douceur
il tisse la pensée dans un rêve
Inattendu en se donnant à Eve

Tenter un baiser est une avancée troublante
c’est un peu comme cueillir une étoile filante

 

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JACQUES BASSE

 

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Théophile Alexander Steinlein

Oeuvre Théophile Alexander Steinlein

 

 

 

 

POINT DE VUE...Extrait

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 ...

Pour retraverser tant d’années, il suffit parfois d’une colline à redescendre : sitôt la rivière atteinte, votre pas d’homme a disparu ; un pied d’adolescent casse les roseaux secs, froisse les poésies, les feuilles mortes et dessine au sable de la rive la même empreinte jadis noyée par les grandes eaux. Quelques larmes de moins, le sentiment plus aigu d’une ignorance illimitée, les désordres du sang domptés ou mués en puissance continue – tout cela n’est que nuances et n’introduit pas de différence profonde entre la rêverie ancienne et la nouvelle, au bord de la même eau sans profondeur sous sa carapace de reflets miroitants. Qu’est ce que ce monde veut dire ? Et s’il n’a pas de réponse à nous donner, pourquoi feint-il sans trêve un discours ? Maintenant comme jadis, cette fuite et cette présence simultanées à mes pieds de l’eau perpétuelle murmurent indéfinissablement quelque chose et je sursaute quand le merle me scande (c’est bientôt la nuit) une question indubitable.


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GUSTAVE ROUD
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REFLUX

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Quand le sourire éclatant des façades déchire le décor fragile du matin ; quand l'horizon
est encore plein du sommeil qui s'attarde, les rêves murmurant dans les ruisseaux des
haies ; quand la nuit rassemble ses haillons pendus aux basses branches, je sors, je me
prépare, je suis plus pâle et plus tremblant que cette page où aucun mot du sort n'était
encore inscrit. Toute la distance de vous à moi - de la vie qui tressaille à la surface de la
main au sourire mortel de l'amour sur sa fin - chancelle, déchirée.
 
La distance parcourue d'une seule traite sans arrêt, dans les jours sans clarté et les nuits
sans sommeil. Et, ce soir, je voudrais, d'un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur
de rouille - cette rouille affamée qui déforme mon cœur et me ronge les mains. Pourquoi
rester si longtemps enseveli sous les décombres des jours et de la nuit, la poussière des
ombres.
Et pourquoi tant d'amour et pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à grandes
vagues dans des vases de prix. Il court dans les fleuves du corps, donnant à la santé
toutes les illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué, ébloui, hypnotisé par les
lueurs fascinantes des phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes magnétiques de
la mort.
 
Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds.
Il n'y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les
pavés de la rue. Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l'humus du
malheur, reprendre l'air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les
hauteurs - où la glace étincelle de tous les feux croisés de l'incendie - où la neige
ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l'égoïsme et les dérisions
tranchantes de l'esprit.

 

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PIERRE REVERDY

 

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REVERDY2

PETITS POEMES EN PROSE...Extrait

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Que les fins de journées d’automne sont pénétrantes ! Ah ! pénétrantes jusqu’à la douleur ! car il est de certaines sensations délicieuses dont le vague n’exclut pas l’intensité ; et il n’est pas de pointe plus acérée que celle de l’Infini.
Grand délice que celui de noyer son regard dans l’immensité du ciel et de la mer ! Solitude, silence, incomparable chasteté de l’azur ! une petite voile frissonnante à l’horizon, et qui par sa petitesse et son isolement imite mon irrémédiable existence, mélodie monotone de la houle, toutes ces choses pensent par moi, ou je pense par elles (car dans la grandeur de la rêverie, le moi se perd vite !) ; elles pensent, dis-je, mais musicalement et pittoresquement, sans arguties, sans syllogismes, sans déductions.
Toutefois, ces pensées, qu’elles sortent de moi ou s’élancent des choses, deviennent bientôt trop intenses. L’énergie dans la volupté crée un malaise et une souffrance positive. Mes nerfs trop tendus ne donnent plus que des vibrations criardes et douloureuses.
Et maintenant la profondeur du ciel me consterne ; sa limpidité m’exaspère. L’insensibilité de la mer, l’immuabilité du spectacle, me révoltent… Ah ! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ? Nature, enchanteresse sans pitié, rivale toujours victorieuse, laisse-moi ! Cesse de tenter mes désirs et mon orgueil ! L’étude du beau est un duel où l’artiste crie de frayeur avant d’être vaincu.

 

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CAHARLES BAUDELAIRE

 

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Souche B,

Oeuvre Serge Fiorio

http://www.sergefiorio.canalblog.com

 

 

 

DÉBRIS MORTELS ET MOZART

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Au petit jour, une seule fois, le vieux nuage rose dépeuplé survolera les yeux désormais distants, dans la majesté de sa lenteur libre; puis ce sera le froid, l'immense
occupant, puis le Temps qui n'a pas d'endroit.

Sur la longueur de ses deux lèvres, en terre commune, soudain l'allégro, défi de ce rebut sacré, perce et reflue vers les vivants, vers la totalité des hommes et des
femmes en deuil de patrie intérieure qui, errant pour n'être pas semblables, vont à travers Mozart s'éprouver en secret.

-Bien-aimée, lorsque tu rêves à haute voix, et d'aventure prononces mon nom, tendre vainqueur de nos frayeurs conjuguées, de mon décri solitaire, la nuit est claire
à traverser.

 

 .

 

 RENE CHAR

 

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partition,,

J'AI HONTE D'ÊTRE HUMAINE

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 Lejournal Depersonne
samedi 3 octobre 2015
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On se méprise... on se méprend
Et de temps en temps...
On se méprise à force de se méprendre
Car on l'a bien compris
Dans tout mépris, il y a méprise
Notamment lorsqu'on sous-estime l'autre
Ou qu'on se surestime soi-même
On se méprise, on se méprend...
Quand on n'aime pas apprendre
Quand on a du mal à se comprendre
On se distingue pour mieux se confondre
On se confond pour ne pas se morfondre
Un peu d'arrogance, beaucoup d'ignorance
Pour dissimuler l'impuissance de notre puissance
Si on savait on ne chercherait pas à le faire valoir
Si on valait on ne chercherait pas à le faire savoir
À la source de ce mal et de ces maux :
L'orgueil, Monsieur
La vanité, Madame
Ces deux là n'ont jamais fait bon ménage
Ils ont juste eu le temps de mettre au monde un beau monstre
Il s'appelle comment déjà ?
America ! America !
Qui a vu ses enfants se faire tirer comme des lapins
Et qui n'a pas levé le petit doigt
Pour bannir l'usage des armes à feu
Je le sais... je le sais
Je ne fais que prouver
Ce que je suis censée réprouver
Mais je crois être l'exception
Qui peut se mépriser sans se méprendre.
Non, l'Amérique n'a pas honte d'être américaine
Mais moi, j'ai honte d'être humaine...
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PERSONNE

 

 

 


LIRE, ECRIRE, VIVRE...Extrait

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La voix ne recule pas sans livrer combat, elle ne se tait pas sans avoir protesté, elle n’est pas résignée quand elle quitte le champ de bataille. Prendre conscience de ce qui est, réaliser ce qui doit être. La littérature n’a jamais pu se fixer objectif plus ambitieux.

Elle porte plainte ? Pas contre ce qui est insignifiant, et jamais dans la lamentation. Contre le mutisme aux aguets. Contre la disparition menaçante de toute communication entre littérature et société, ce qui est une évidence pour tout écrivain intègre dans un environnement bourgeois. Contre la perspective de rester seul avec le mot (« le mot ne fera qu’entraîner d’autres mots, la phrase une autre phrase »). Contre l’inquiétante tentation de devenir complice des dangers mortels auxquels le monde s’expose par l’adaptation, l’aveuglement, l’acceptation, l’habitude, l’illusion et la trahison.

 …

 

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CHRISTA WOLF

 

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guy denning,

Oeuvre Guy Denning

CANTATE POUR UNE FLEUR

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Cri qui perça le tout       de bout en bout

l'indicible douleur de la gitane

voix qui contient l'alpha et l'omega et le reste

va et vient continu depuis le grand silence du début

 

La lumière diffuse s'est figée      en goutte

                             graine d'inaudible

musiques     danses      peintures      récits

résonance condensée du premier pouls

avant de s'incarner

de se déployer dans les bras de l'immensité

                             puissance de tout ce qui a été dit et pas dit

Le pouls du monde vibration qui

             déborde de chaque point du corps

             pour que tu puisses l'entendre

                             la pensée alors n'a plus de lieu où se tenir

Frisson amoureux à la naissance du monde

phonème au diapason de l'espace

joie intense originelle qui annule les discordances

 

et les murs se retirent     loin

L’enthousiasme     du tout fait l'un

                             tourbillon qui engloutit le temps

                             laisse les scories en surface

Et les montagnes redeviennent montagnes

et les rivières redeviennent rivières

 

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NIKOS LYBERIS

 

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VLADIMIR MUKHIN2,

 

 

 

Oeuvre Vladimir Mukhin

FRAGMENTS...Extrait

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Il n’y a plus d’ombre. Une seule larme où tremble un monde.

Si peu de miel à cette heure que les ruches s’emplissent de cris absurdes.

Ai-je grandi ? Je suis seul sur cet équilibre de pierres d’où j’embrasse tout le décor. Mais qui a brossé tant de verdeur ? Je suis seul. Le peuplement du soleil envahit jusqu’à mon nom. J’ai grandi. Je suis heureux.

La lumière tisse son châle de frissons.

Le moment où l’esprit s’habille de stupeur. Moi, rendu aux traces, à l’arête de la pierre. Moment trop aiguisé pour que la parole en sorte indemne.

Ces tons de rose sur les façades lointaines, sur l’arête du mont, ces traces sur la neige, brindilles de pattes autour d’un peu de terre découverte, ces haies d’oiseaux sur la route, ouvrent une porte dans le froid et nous restons sur le seuil, incapables d’entrer, retranchés de ce monde où nous avions pris pied en conquérants. La distance soudain nous refoule à laquelle nous restons aveugles.

L’hiver nettoie, sa rudesse laisse mieux apparaître les constantes du paysage. Ce vertige éternel lisible dans le sommeil de la vigne.

Ceux qui n’oublient pas les incessantes mutilations infligées à cette terre rendent volontiers hommage à la cinglante nudité du ciel. Là-haut, le soleil tourne sa bague et attend d’inhumer les morts, leur monnaie liquéfiée dans la gorge. L’herbe bleue murmure une autre condition. Le chemin n’est pas fermé.

Nommer cette joie serait l’égarer.

Cette lumière n’est pas faite pour l’opulence, elle irait ainsi jusqu’à l’écœurement. Elle est faite pour la nudité.

 

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PIERRE-ALBERT JOURDAN

 

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SERGE FIORIO,2

Oeuvre Serge Fiorio

http://www.sergefiorio.canalblog.com

 

SONA JOBARTEH AFRICA FESTIVAL

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À la naissance de Sona Jobarteh (à Londres), la kora était encore aux mains des hommes. Seulement voilà, la petite fille avait pour cousin le fameux korafolà Tunde Jegende, et très vite elle brille sur cette harpe-luth mandingue. Aujourd’hui, elle est la plus célèbre des virtuoses africaines. Elle apprend aussi le violoncelle, le piano et la harpe au Royal College of Music de Londres. Elle participe à divers projets orchestraux, joue notamment avec l’Irish Chamber Orchestra et le Royal Philharmonic Orchestra. Elle est également membre de l’African Classical Music Ensemble. En 2008, elle réalise son premier album acoustique « Afro Soul ». « Fasiya », son dernier CD, est sorti récemment – avec Sona à la kora, à la guitare‚ à la basse, aux percussions et à la calebasse. Et bien sûr, au chant. Pionnière, elle l’est aussi dans un tout autre domaine : c’est elle qui a écrit la première musique de film africaine, pour Motherland d’Alik Shahadah, un long métrage qui a remporté une moisson de prix.

http://www.sonajobarteh.com/

POURTANT JE M'ELEVE

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Vous pouvez me citer dans l'histoire
Avec vos mensonges amères et tordus, 
Vous pouvez m’enfoncer dans la boue
Mais, comme la poussière, je m’élèverai.
Mon arrogance vous perturbe-t-elle? 
Pourquoi sombrer dans la tristesse?
Parce que je marche comme si j'avais des puits 
Pompant leur pétrole dans mon salon.
Tout comme les lunes et les soleils, 
Avec la certitude des marées,
Tout comme les espoirs toujours vivaces, 
Je vais encore m’élever.
Désirez-vous me voir brisée?
Tête inclinée, regard baissé? 
Les épaules tombantes comme des larmes. 
Affaiblie par mes pleurs inspirés.
Mon orgueil vous offense-t-il? 
Si dur pour vous à supporter?
Parce que je ris comme si j’avais des mines d'or 
Creusées dans mon arrière-cour.
Vous pouvez m’abattre avec vos mots, 
Me cisailler avec vos yeux, 
Me tuer avec votre haine, 
Mais, comme l'air, je m’élèverai.
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Ma sensualité vous bouleverse-t-elle? 
Est-il vraiment si surprenant 
Que je danse comme si je cachais des diamants 
A la jointure de mes cuisses?
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Sortie des huttes de l'histoire honteuse
Je m’élève 
Extraite d’un passé enraciné dans la douleur 
Je m’élève 
Je suis un océan noir vaste et bondissant, 
Montant et enflant je résiste à la marée. 
Laissant derrière les nuits de terreur et de peur 
Je m’élève 
Vers une aube infiniment claire 
Je m’élève 
Apportant les cadeaux offerts par mes ancêtres, 
Je suis le rêve et l'espoir de l'esclave. 
Je m’élève 
Je m’élève 
Je m’élève.
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MAYA ANGELOU
Traduction : Mathilda & Samuel Légitimus
Cette traduction n'est pas libre de droit
© Collectif James Baldwin,
collectifbaldwin@free.fr
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ARTURO RIVERA VARGAS2

Photographie Arturo Rivera Vargas

LETTRE D'AMADOU HAMPÂTE BÂ A LA JEUNESSE

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Six ans avant sa disparition, l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâécrit une lettre dédiée à« La Jeunesse », pleine de force et de vigueur. Celui qui a côtoyé Théodore Monod à l’Institut Français d’Afrique Noire, et a occupé les sièges de l’UNESCO, livre là ses derniers engagements, son combat pour le multiculturalisme et la paix. Une belle leçon de vie, chargée d’espoir à l’heure où le Mali se déchire de nouveau.                       

 

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Mes chers cadets,

Celui qui vous parle est l'un des premiers nés du vingtième siècle. Il a donc vécu bien longtemps et, comme vous l'imaginez, vu et entendu beaucoup de choses de par le vaste monde. Il ne prétend pas pour autant être un maître en quoi que ce soit. Avant tout, il s'est voulu un éternel chercheur, un éternel élève, et aujourd'hui encore sa soif d'apprendre est aussi vive qu’aux premiers jours.

Il a commencé par chercher en lui-même, se donnant beaucoup de peine pour se découvrir et bien se connaître, afin de pouvoir ensuite se reconnaître en son prochain et l'aimer en conséquence. Il souhaiterait que chacun de vous en fasse autant.

Après cette quête difficile, il entreprit de nombreux voyages à travers le monde : Afrique, Proche-Orient, Europe, Amérique. En élève sans complexes ni préjugés, il sollicita l'enseignement de tous les maîtres et de tous les sages qu'il lui fut donné de rencontrer. Il se mit docilement à leur écoute. Il enregistra fidèlement leurs dires et analysa objectivement leurs leçons, afin de bien comprendre les différents aspects de leurs cultures et, par là même, les raisons de leur comportement. Bref, il s'efforça toujours de comprendre les hommes, car le grand problème de la vie, c'est la MUTUELLE COMPRÉHENSION.

Certes, qu'il s'agisse des individus, des nations, des races ou des cultures, nous sommes tous différents les uns des autres ; mais nous avons tous quelque chose de semblable aussi, et c'est cela qu'il faut chercher pour pouvoir se reconnaître en l'autre et dialoguer avec lui. Alors nos différences, au lieu de nous séparer, deviendront complémentarité et source d'enrichissement mutuel. De même que la beauté d'un tapis tient à la variété de ses couleurs, la diversité des hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde. Combien ennuyeux et monotone serait un monde uniforme où tous les hommes, calqués sur un même modèle, penseraient et vivraient de la même façon ! N'ayant plus rien à découvrir chez les autres, comment s'enrichirait-on soi même ?

A notre époque si grosse de menaces de toutes sortes, les hommes doivent mettre l'accent non plus sur ce qui les sépare, mais sur ce qu'ils ont de commun, dans le respect de l'identité de chacun. La rencontre et l'écoute de l'autre est toujours plus enrichissante, même pour l'épanouissement de sa propre identité, que les conflits ou les discussions stériles pour imposer son propre point de vue. Un vieux maître d'Afrique disait : il y a « ma » vérité et « ta » vérité, qui ne se rencontreront jamais. « LA » Vérité se trouve au milieu. Pour s'en approcher, chacun doit se dégager un peu de « sa » vérité pour faire un pas vers l'autre...

Jeunes gens, derniers-nés du vingtième siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu’elle fait peser sur l'humanité et passionnante par les possibilités qu'elle ouvre dans le domaine des connaissances et de la communication entre les hommes. La génération du vingt et unième siècle connaîtra une fantastique rencontre de races et d'idées. Selon la façon dont elle assimilera ce phénomène, elle assurera sa survie ou provoquera sa destruction par des conflits meurtriers. Dans ce monde moderne, personne ne peut plus se réfugier dans sa tour d'ivoire. Tous les États, qu'ils soient forts ou faibles, riches ou pauvres, sont désormais interdépendants, ne serait-ce que sur le plan économique ou face aux dangers d'une guerre internationale. Qu'ils le veuillent ou non, les hommes sont embarqués sur un même radeau : qu'un ouragan se lève, et tout le monde sera menacéà la fois. Ne vaut-il pas mieux essayer de se comprendre et de s'entraider mutuellement avant qu'il ne soit trop tard ?

L'interdépendance même des États impose une complémentarité indispensable des hommes et des cultures. De nos jours, l'humanité est comme une grande usine où l'on travaille à la chaîne : chaque pièce, petite ou grande, a un rôle défini à jouer qui peut conditionner la bonne marche de toute l'usine.

Actuellement, en règle générale, les blocs d'intérêt s'affrontent et se déchirent. Il vous appartiendra peut-être, ô jeunes gens, de faire émerger peu à peu un nouvel état d'esprit, davantage orienté vers la complémentarité et la solidarité, tant individuelle qu'internationale. Ce sera la condition de la paix, sans laquelle il ne saurait y avoir de développement.

La civilisation traditionnelle (je parle surtout de l'Afrique de la savane au sud du Sahara, que je connais plus particulièrement) était avant tout une civilisation de responsabilité et de solidaritéà tous les niveaux. En aucun cas un homme, quel qu’il soit, n'était isolé. Jamais on n'aurait laissé une femme, un enfant, un malade ou un vieillard vivre en marge de la société, comme une pièce détachée. On lui trouvait toujours une place au sein de la grande famille africaine, où même l'étranger de passage trouvait gîte et nourriture. L'esprit communautaire et le sens du partage présidaient à tous les rapports humains. Le plat de riz, si modeste fût-il, était ouvert à tous.

L'homme s'identifiait à sa parole, qui était sacrée. Le plus souvent, les conflits se réglaient pacifiquement grâce à la « palabre » : « Se réunir pour discuter, dit l'adage, c’est mettre tout le monde à l’aise et éviter la discorde ». Les vieux, arbitres respectés, veillaient au maintien de la paix dans le village. « Paix ! », « La paix seulement ! », sont les formules-clé de toutes les salutations rituelles africaines. L'un des grands objectifs des initiations et des religions traditionnelles était l'acquisition, par chaque individu, d'une totale maîtrise de soi et d'une paix intérieure sans laquelle il ne saurait y avoir de paix extérieure. C'est dans la paix et dans la paix seulement que l'homme peut construire et développer la société, alors que la guerre ruine en quelques jours ce que l'on a mis des siècles à bâtir !

L'homme était également considéré comme responsable de l'équilibre du monde naturel environnant. Il lui était interdit de couper un arbre sans raison, de tuer un animal sans motif valable. La terre n'était pas sa propriété, mais un dépôt sacré confié par le Créateur et dont il n'était que le gérant. Voilà une notion qui prend aujourd'hui toute sa signification si l'on songe à la légèreté avec laquelle les hommes de notre temps épuisent les richesses de la planète et détruisent ses équilibres naturels.

Certes, comme toute société humaine, la société africaine avait aussi ses tares, ses excès et ses faiblesses. C'est à vous, jeunes gens et jeunes filles, adultes de demain, qu'il appartiendra de laisser disparaître d'elles-mêmes les coutumes abusives, tout en sachant préserver les valeurs traditionnelles positives. La vie humaine est comme un grand arbre et chaque génération est comme un jardinier. Le bon jardinier n'est pas celui qui déracine, mais celui qui, le moment venu, sait élaguer les branches mortes et, au besoin, procéder judicieusement à des greffes utiles. Couper le tronc serait se suicider, renoncer à sa personnalité propre pour endosser artificiellement celle des autres, sans y parvenir jamais tout à fait. Là encore, souvenons-nous de l'adage : « Le morceau de bois a beaucoup séjourné dans l’eau, il flottera peut-être, mais jamais il ne deviendra caïman !

Soyez, jeunes gens, ce bon jardinier qui sait que, pour croître en hauteur et étendre ses branches dans toutes les directions de l'espace, un arbre a besoin de profondes et puissantes racines. Ainsi, bien enracinés en vous-mêmes, vous pourrez sans crainte et sans dommage vous ouvrir vers l'extérieur, à la fois pour donner et pour recevoir.

Pour ce vaste travail, deux outils vous sont indispensables : tout d'abord, l'approfondissement et la préservation de vos langues maternelles, véhicules irremplaçables de nos cultures spécifiques ; ensuite, la parfaite connaissance de la langue héritée de la colonisation (pour nous la langue française), tout aussi irremplaçable, non seulement pour permettre aux différentes ethnies africaines de communiquer entre elles et de mieux se connaître, mais aussi pour nous ouvrir sur l'extérieur et nous permettre de dialoguer avec les cultures du monde entier.

Jeunes gens d'Afrique et du monde, le destin a voulu qu'en cette fin du vingtième siècle, à l'aube d'une ère nouvelle, vous soyez comme un pont jeté entre deux mondes : celui du passé, où de vieilles civilisations n'aspirent qu'à vous léguer leurs trésors avant de disparaître, et celui de l'avenir, plein d'incertitudes et de difficultés, certes, mais riche aussi d'aventures nouvelles et d'expériences passionnantes. Il vous appartient de relever le défi et de faire en sorte qu'il y ait, non-rupture mutilante, mais continuation sereine et fécondation d'une époque par l'autre.

Dans les tourbillons qui vous emporteront, souvenez-vous de nos vieilles valeurs de communauté, de solidarité et de partage. Et si vous avez la chance d'avoir un plat de riz, ne le mangez pas tout seuls. Si des conflits vous menacent, souvenez-vous des vertus du dialogue et de la palabre !

Et lorsque vous voudrez vous employer, au lieu de consacrer toutes vos énergies à des travaux stériles et improductifs, pensez à revenir vers notre Mère la Terre, notre seule vraie richesse, et donnez-lui tous vos soins afin que l'on puisse en tirer de quoi nourrir tous les hommes. Bref, soyez au service de la Vie, sous tous ses aspects !

Certains d'entre vous diront peut-être: « C’est trop nous demander! Une telle tâche nous dépasse ! ». Permettez au vieil homme que je suis de vous confier un secret : de même qu'il n'y a pas de « petit » incendie (tout dépend de la nature du combustible rencontré), il n'y a pas de petit effort. Tout effort compte, et l'on ne sait jamais, au départ, de quelle action apparemment modeste sortira l'événement qui changera la face des choses. N'oubliez pas que le roi des arbres de la savane, le puissant et majestueux baobab, sort d'une graine qui, au départ, n'est pas plus grosse qu'un tout petit grain de café...

 

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AMADOU HAMPÂTE  BÂ

 

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GERALDINE GABIN

Oeuvre Géraldine Gabin

http://www.farfart.blogspot.com

 

 

PERMIS DE SEJOUR 1977-1982...Extrait

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Mais je découvre ce que je savais déjà : c'est mourir avant l'heure que de faire des économies de vie. Le bonheur (du moins le mien), ce n'est pas de gagner du temps : c'est de savoir le perdre. Pouvoir écouter patiemment la longue confidence d'un inconnu bavard. Se mettre en retard de son propre travail pour donner un coup de main ou d'esprit à quelqu'un qui en a besoin. Donner impulsivement l'objet qu'on aimait bien à quelqu'un à qui ça fait plus plaisir de l'avoir qu'à vous. Et (aussi) prendre son temps, muser dans l'air du temps, traîner gaiement, bayer aux corneilles (oiseaux charmants, d'ailleurs, dont je ne sais pourquoi les ignorants prétendent qu'ils « croassent », corneilles joueuses dont on a grand tort de dire du mal, voltigeurs joyeux qu'on calomnie trop aisément).
Dans la biologie-physique-et-chimie de l'être humain, une saine économie, c'est de ne pas faire d'économies. Calculer sa dépense est un mauvais calcul. Qui craint de se dépenser se tarit.

 

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CLAUDE ROY

 

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vivre


DE L'EDUCATION...Extraits

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Mais qu'arriverait-il si nous nous débarrassions des obstacles qui barrent la route à l'intelligence, tels que l'autorité, les croyances, le nationalisme et tout esprit hiérarchique ? Nous serions des personnes ne subissant le joug d'aucune autorité, c'est-à-dire des êtres humains en rapports directs les uns avec les autres, et alors, peut-être, y aurait-il de l'amour et de la compassion.
Ce qui est essentiel dans l'éducation, comme en tout autre domaine, c'est d'avoir des personnes compréhensives et affectueuses, dont les coeurs ne sont pas remplis de phrases vides, de constructions de l'esprit.

....

C'est parce que nous sommes si desséchés nous-mêmes, si vides et sans amour que nous avons permis aux gouvernements et aux systèmes de s'emparer de l'éducation de nos enfants et de la direction de nos vies ; mais les gouvernements veulent des techniciens efficients, non des êtres humains, car des êtres vraiment humains deviennent dangereux pour les États et pour les religions organisées. Voilà pourquoi les gouvernements et les Églises cherchent à contrôler l'éducation.

...

Tant que nous prendrons le succès pour but, nous ne serons pas affranchis de la peur, car le désir de réussir engendre inévitablement la crainte d'échouer. Voilà pourquoi l'on ne devrait pas enseigner aux jeunes le culte du succès. La plupart des personnes recherchent le succès sous une forme ou une autre, que ce soit sur un court de tennis, dans le monde des affaires, ou en politique. Nous voulons tous être parmi les premiers, et ce désir ne cesse d'engendrer des conflits en nous-mêmes, ainsi qu'entre nous et nos voisins. Il mène à la compétition, à l'envie, à l'animosité et finalement à la guerre.

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Avoir un esprit ouvert est plus important qu'apprendre ; et nous pouvons ouvrir notre esprit, non en le bourrant de connaissances, mais en étant conscients de nos pensées et de nos sentiments, en nous examinant attentivement nous-mêmes, en percevant les influences qui nous entourent, en écoutant les autres, en observant les riches et les pauvres, les puissants et les humbles. La sagesse n'est pas le fruit de la peur et de l'oppression ; elle surgit lorsqu'on observe et comprend les incidents quotidiens, dans les relations humaines.

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JIDDU KRISHNAMURTI

 

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Brooke Shaden Photography5,

Brooke Shaden photography

 

 

NOTE UNIQUE

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Le monde est à ses rêves
Au plus serré des doigts
C’est le mur qui sans trêve
L’isole à jamais de toi

Il n’est rien que des songes
Le tien est de croire prendre
Quand tout te fuit par le sien
Quand le tien même te fuit

Les arbres et leurs sèves
Sont à d’autres forces
Plus dure que leur rêve
Il n’est pas d’écorce

Tu les poursuis en vain
Ils poursuivent leur rêve
Tu cours tu n’atteins rien
Tu es le mauvais élève

Passe comme le vent
Passe comme la vie
A peine soulevant
Le poids d’une chenille.

 

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MAX POL FOUCHET

 

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serge fiorio 7,

Oeuvre Serge Fiorio

http://sergefiorio.canalblog.com

 

MAX-POL FOUCHET

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Nous étions la marelle et la pierre et l’enfant
Le rire et les courses le livre et la courbe et la craie
La tuile le gué la rivière les sautes du vent
Aux transparentes carènes ce maigre brûlis d’herbes

Qu’un peuplier sur l’espace un doigt sur les lèvres
A jamais taise le secret dans le rouissage du jour
Perdons-le dans la neige le sable la verdeur vivons
Comme si nous ne savions rien des fumures du labour

Sur le tour des saisons monte la poterie des collines
Des taillis de la nuit les chiens ont levé le jour
Au tableau de l’école un enfant dessine le ciel
Roule une pierre
un oiseau crie
nous avons oublié.

 

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MAX POL FOUCHET

 

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la_marelle___paris_1960

Photographie Gérald Bloncourt

http://www.bloncourt.net/

IL A PLU

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Il a plu
Il a plu,
Ça m'a plu
Je dois dire,
De verser
Mes versets,
Oui, d'écrire;
Que mon encre
Pose l'ancre
En mon sein,
Et recueille
Sur mes feuilles
Mon dessin.
.
                                                        Il a plu,
Je n'ai plus
En mes charmes,
Le moignon
D'un oignon,
Une larme;
Plus un rire,
Un sourire
Ne reluit,
Tous tués,
Dilués
Dans la pluie.
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Il a plu,
Et l'afflux
De mes lettres
M'a déduit
Et enduit
D'un mal-être.
Soyons franc:
Sous ma tran-
che d'écorce
Se relaient
D'autres plaies,
D'autres Corses !
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Il a plu,
Mais dessus
Mon squelette,
Rien n'égoutte
Tristes gouttes
De ''La Quête'' !
Cette grêle
Oui, que Brel
Nous fit part !
Tous ces trains
Ce ''chagrin
Des départs''
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SIMON DEMURU-ANTONA
extrait de
" L'enfant de la lune "
Vous pouvez commander le recueil sur
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justynia kopania

Oeuvre Justinya Kopania

LES FEMMES ETERNELLES

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Je suis la dangereuse et la très douce. Celle qui tourbillonne mais ne change jamais. Je suis la puissance et l’innocence, la tempête et l’embellie. Le printemps tenace et le sang sur la neige. L’amante aux gestes lents, aux yeux plein de lumière. Celle que l’on révère et celle que l’on brûle comme sorcière. La clémente et la très lointaine. Celle qui murmure des secrets.
Je bouscule tous vos plans d’un grand rire, j’éparpille vos lois, et en tremblant je vous offre une rose. Je suis la nostalgie au fond de votre cœur. Je vous attends depuis l’aube du monde, je veille sur chaque heure de votre sommeil. C’est mon sourire qui vous a portés jusqu’à ce jour et qui vous fait croire en la vie. Je suis votre destin, je fais tourner la roue.
Je suis la Femme. Une brise de rien du tout sur l’océan de vivre. Un grand tracas d’amour qui monte jusqu’aux étoiles.

 

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JACQUELINE KELEN

 

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Jamil Naqsh12,

Oeuvre Jamil Naqsh

 

 

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