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LA VIE DONC...

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La vie donc
n'est jamais au centre
et c'est dans les banlieues de la pensée
que s'invente le monde.
Le désir que voulez-vous
défait les draps,
ce qui n'est pas comblé
bouge comme l'amour
et ne demandez pas au vent
de se tenir dans la cage.
 
Voyez vos villes
leurs banlieues sont brutales
comme la soif
au bord du puits.
 
Voyez le matin
comme il brise l'ombre
pour gagner sa clarté.
 
Voyez vos mains
comme elles tremblent
autour de vos chagrins.
 
Ne cherchez pas la beauté
dans la colère
mais la vérité
que vos gestes
longuement
ont bâtie.


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JEAN-PIERRE SIMEON

 

 

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JOHN BATHO3

Oeuvre John Batho


RENCONTRE

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L'été longe ses haies vives,
pique un verger au revers de sa veste.
Dans ses cheveux, un pré s'est endormi.
Le moineau, tout surpris, y cherche ses petits.
Sous l'enclume du ciel jaillissent des rousseurs,
arrosant, de leur jus, le dos des chemins.
Barbouillés de résine, pris en flagrant délit
de chahut fastueux,
les pins rattrapent les oiseaux
qu'ils avaient lancés trop loin.
Le clapotis de leurs aiguilles
invoque la mer
qui, là-bas,rutile et patauge,
enfant doré dans les flaques vermeilles.
Toi, je ne te connais pas encore.
Mais, déjà, à l'angle de mon corps et de la terre,
s'épaissit comme un double de moi,
une autre ombre,
légère et lumineuse.
Une autre ombre
que je pourrai bientôt franchir,
qui accueillera ma veille et mon repos.
Prophétique, l'air rassemble nos deux souffles,
tisse dans nos gestes des tuniques solaires,

avant,

bien avant la Rencontre.


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BRIGITTE BROC

 

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MATERNITE,

 

 

LETTRE DE FERNADO PESSOA A MARIO DE SA-CARNEIRO

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14 mars 1916

Je vous écris aujourd’hui, poussé par un besoin sentimental — un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je n’ai rien à vous dire. Seulement ceci — que je me trouve aujourd’hui au fond d’une dépression sans fond. L’absurdité de l’expression parlera pour moi.

Je suis dans un de ces jours où je n’ai jamais eu d’avenir. Il n’y a qu’un présent immobile, encerclé d’un mur d’angoisse. La rive d’en face du fleuve n’est jamais, puisqu’elle se trouve en face, la rive de ce côté-ci ; c’est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n’abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n’est pas de quai où l’on puisse oublier. Tout cela s’est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore.

En ces jours de l’âme comme celui que je vis aujourd’hui, je sens, avec toute la conscience de mon corps, combien je suis l’enfant douloureux malmené par la vie. On m’a mis dans un coin, d’où j’entends les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu’on m’a donné, ironiquement, un jouet de fer-blanc. Aujourd’hui 14 mars, à neuf heures dix du soir, voilà toute la saveur de ma vie.

Dans le jardin que j’aperçois, par les fenêtres silencieuses de mon incarcération, on a lancé toutes les balançoires par-dessus les branches, d’où elles pendent maintenant ; elles sont enroulées tout là-haut ; ainsi l’idée d’une fuite imaginaire ne peut même pas s’aider des balançoires, pour me faire passer le temps.

Tel est plus ou moins, mais sans style, mon état d’âme en ce moment. Je suis comme La Veilleuse du Marin, les yeux me brûlent d’avoir penséà pleurer. La vie me fait mal à petit bruit, à petites gorgées, par les interstices. Tout cela est imprimé en caractères tout petits, dans un livre dont la brochure se défait déjà.

Si ce n’était à vous, mon ami, que j’écris en ce moment, il me faudrait jurer que cette lettre est sincère, et que toutes ces choses, reliées historiquement entre elles, sont sorties spontanément de ce que je me sens vivre. Mais vous sentirez bien que cette tragédie irreprésentable est d’une réalitéà couper au couteau — toute pleine d’ici et de maintenant, et qu’elle se passe dans mon âme comme le vert monte dans les feuilles.

Voilà pourquoi le Prince ne régna point. Cette phrase est totalement absurde. Mais je sens en ce moment que les phrases absurdes donnent une intense envie de pleurer.

Il se peut fort bien, si je ne mets pas demain cette lettre au courrier, que je la relise et que je m’attarde à la recopier à la machine pour inclure certains de ses traits et de ses expressions dans mon Livre de l’intranquillité. Mais cela n’enlèvera rien à la sincérité avec laquelle je l’écris, ni à la douloureuse inévitabilité avec laquelle je la ressens.

Voilà donc les dernières nouvelles. Il y a aussi l’état de guerre avec l’Allemagne, mais, déjà bien avant cela, la douleur faisait souffrir. De l’autre côté de la vie, ce doit être la légende d’une caricature quelconque.

Cela n’est pas vraiment la folie, mais la folie doit procurer un abandon à cela même dont on souffre, un plaisir, astucieusement savouré, des cahots de l’âme — peu différents de ceux que j’éprouve maintenant.

Sentir — de quelle couleur cela peut-il être ?

Je vous serre contre moi mille et mille fois, vôtre, toujours vôtre.

 

 

P.S. J’ai écrit cette lettre d’un seul jet. En la relisant, je vois que, décidément, je la recopierai demain, avant de vous l’envoyer. J’ai bien rarement décrit aussi complètement mon psychisme, avec toutes ses facettes affectives et intellectuelles, avec toute son hystéroneurasthénie fondamentale, avec tous ces carrefours et intersections dans la conscience de soi-même qui sont sa caractéristique si marquante…

Vous trouvez que j’ai raison, n’est-ce pas ?

 

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Fernando PESSOA

http://www.deslettres.fr/lettre-de-fernando-pessoa-a-mario-de-carneiro/

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ferdinand siméoni

Photographie Ferdinand Siméoni

 

EXTRAITS DU LARGE...Extrait

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Tu me parlais d'île,
d'une lumière sans pareille,
des multiples couleurs
d'oiseaux inconnus
et du bonheur qui se donne
dans son lit de sable et d'écume
tandis que d'autres se meurent…

Et tout cela venait mordre ton cœur
en le plongeant du même coup
dans l'insondable vérité
de tout ce qui demeure
par-delà violence et douceur,
au-delà de nos jeux
et de nos pleurs.

 


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 BERNARD PERROY

 

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BERNARD3

L'EBLOUI

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Je ne sais d’ici que le lent ravitaillement des heures
Et le chant incessant écharpant le silence
Je ne sais d’ici que l’ongle des sentiers qui écosse la plaine
Et la mer au lointain qui lisse ses bas bleus
La paresse des îles
Le rouet de tes yeux
L’indolence des palmes
L’insolence des cieux
Tu es cet ébloui revenu du silence
Tu es ce murmuré dans le soir silicieux
Tu as repris l’espace comme on reprend la chance
Avec au cœur l’espoir d’un ultime voyage
Tu es cet ébloui qui se joue des naufrages
Tu me l’avais promis
Le bonheur s’est posé
Le bonheur s’est posé
Comme une sentinelle
Il a franchi le gué
Il a passé le feu
Et retroussé là-bas l’étang aux tourterelles
Les jours sont devenus patients
Dans son écrin d’azur
La mémoire se prélasse
Pas un souffle de vent
Aux jupes des terrasses
J’entends battre ton cœur
Au poignet du printemps
Je ne sais d’ici que le lent ravitaillement des heures
Je vis à quelques pas du silence
Juste à hauteur d’oiseau
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SYLVIE MEHEUT
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OISEAUX

MATTHIEU CHEDID - LAMOMALI - MANITOUMANI

QUATRIÈME ANNONCE/CUARTO ANUNCIO

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Tout ce qui parvient à toucher le ciel
Se transforme en cette simultanéité qui courbe les âmes
Les autres ne font que porter la pourriture des vagues,
L’angoisse des objets.
Oui, ceux-là mêmes que nous commençons à connaître
Quand l'ombre se multiplie en ardeurs
Quand vivre c’est comme démêler les eaux
Ou voir comment la ride enceinte
Bouge dans le pré chaque année.
Le couteau n’entre pas, mais ôte toute l’eau qu’il y a dans les jours
Jusqu’à ce que dans ce fond ne reste que la vieillesse
Rien que cette conciliation qu’acquiert la langue
En se posant sur le brouillard.
Nous serons délogés des cercles
Les mânes de sel rassembleront toute la colère de nos yeux
Nous irons entendant des litanies comme celles du faune qui firent
Éclater en sang les oreilles des animaux dans le zoo
On se cache derrière une cendre pour voir passer les jours
Voir passer des colombes qui ressemblent au jour des morts dans les îles
Bois dans les bourgades, où les araignées brouillent la résurrection
Reviens tel le père des stries vers chaque embouchure
Reviens après avoir tout vu
Reviens avec un masque qui n’est ni l’air ni le feu
Reviens gavé par tant de litanies, sur le point de dynamiter le faune
Revêts les arbres d’un tourment vierge
Apaise les baleines avec des chardons et des rétines décollées
Reviens tel l’enfant loup qui entrait
Avec un plateau plein d’un liquide bleu
Dans la pièce qui n’avait pas de sol, rien que les murs et le plafond
Et revenir c’est toujours comme si nous avions été coupés de ce mimétisme
Maintenant il faudra que les arbres cherchent un autre nom pour la mort
Et les envols ne pourront rien clarifier
Tout creux de malheur doit être habité liquidement
Et liquidement nous habitons ce qui va venir
Comme si on nous concédait pour l’ultime fois d’entendre la bête sèche et opaque :
Que le jour nous étions libres
Que la nuit un ressort sinistre nous unissait.
Un miroir lévite dans les cimetières :
De sorte que les tombes du bas se déplacent vers le haut
De sorte que les tombes du haut se reflètent vers le bas
Et les gens font et défont des valises.

 

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RODRIGO VERDUGO PIZARRO
Traduction de Denise Peyroche


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Rabee Kiwan _

Oeuvre Rabee Kiwan

Peintre Syrien

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Todo lo que llega a tocar cielo
Se convierte en esa simultaneidad que curva las almas
Los otros sólo llevan la podredumbre de las olas,
La angustia de los objetos.
Sí, esos mismos que empezamos a conocer
Cuando la sombra está repetida de ardores
Cuando vivir es como desenredar las aguas
O ver cómo la arruga embarazada
Se mueve en el potrero cada año.
El cuchillo no entra, pero saca toda el agua que hay dentro de los días
Hasta que en ese fondo no hay nada más que la vejez
Nada más que esa conciliación que adquiere la lengua
Al posarse sobre la niebla.
Nos desalojarán de los círculos
Las ánimas de sal reunirán toda la cólera de nuestros ojos
Andaremos oyendo letanías como las del fauno que hicieron
Reventar en sangre los oídos de los animales en el zoológico
Se esconde uno detrás de una ceniza para ver pasar los días
Ver pasar palomas que se parecen al día de los muertos en las islas
Bebe en los villorrios, donde las arañas desordenan la resurrección
Vuelve como el padre de las rizaduras a cada desembocadura
Vuelve después de haberlo visto todo
Vuelve con una máscara que no es ni el aire, ni el fuego
Vuelve harto ya de tantas letanías, a punto de dinamitar al fauno
Viste a los árboles de un tormento virgen
Apacigua a las ballenas con cardos y retinas desprendidas
Vuelve como el niño lobo que entraba
Con una bandeja llena de un líquido azul
A la pieza que no tenía suelo, sólo las paredes y el techo
Y volver es siempre como si nos cortaran de ese mimetismo
Ahora los árboles tendrán que buscarle otro nombre a la muerte
Y los vuelos no podrán esclarecer nada
Todo hueco azaroso se debe habitar líquidamente
Y líquidamente habitamos lo que va a venir
Como si nos concedieran por última vez a la bestia seca y opaca oírle:
Que de día éramos libres
Que de noche un resorte siniestro nos unía.
Un espejo levita en los cementerios:
De modo que las tumbas de abajo se trasladan hacia arriba
De modo que las tumbas de arriba se traslucen hacia abajo
Y la gente arma y desarma maletas.

 

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RODRIGO VERDUGO PIZARRO

http://www.recoursaupoeme.fr/rodrigo-verdugo-pizarro/choix-de-po%C3%A8mes-de-rodrigo-verdugo-pizarro

 

 

 

LES ARMES DE LA GUERISON....Extrait

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Insanes histoires de la vie,
Toutes voix tues
Reste le bruit éternel du sang.
Debout sur les désastres des guerres
Brillent les vains débris du monde,
Le ciel rempli de fantômes d’aurore.
Cachée dans les brouillards des villes,
La peur fait bouger les engins du rêve

Un doigt déchiffre la langue morse
Des fièvres profondes,
La litanie des oracles perdus

Tout va se refaire sous nos pas
Au seul cri du matin
Et les ruines s’illuminer d’aube.
Aube, première aube toujours déchirante,
Qui construit la journée avec le néant.

 

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ALBERT AYGUESPARSE



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Gaspar David Friedrich2

 Oeuvre Gaspar David Friedrich


COLETTE GIBELIN...Extrait

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Nous cherchons ce lieu de vertige où les rumeurs de la vie s’irisent de lumière, ce lieu de nulle part, oiseau fulgurant et avide, étrange et mauve, aux ailes déployées vers l’absence et le rêve.

 Chasseurs entêtés de l’ailleurs, nous flottons, îles de solitude au-dessus des grands fonds où grouillent tant de présences que le regard évite.

 Ici, le monde est plein. Le monde craque, éclate, pourrit. Le monde étincelle et jaillit. Ici.

 Le silence nous lance le cri des fontaines. Ici. Nous ne l’entendons pas,
insensés que nous sommes, obstinés à ne pas comprendre qu’il n’y a d’autre ailleurs que ce présent déjà perdu, ce météore éblouissant.

 

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COLETTE GIBELIN

 

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marie laurencin2

Marie Laurencin

LES MOTS SONT DES CHIENS D'AVEUGLE...Extrait

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Voici l'arbre
royal et solitaire
en son ultime déploiement
de fin du jour

Le vent qui le traverse
y fait trembler les yeux
d'une lumière de larmes

L'été s'y jette à corps perdu
l'été rayonne comme un paon
Et l'arbre dit que tant de ciel
sans pesanteur
ne saurait être que
l'analogie de Dieu

Je caresse son écorce
Sous mes doigts une fourmilière
charrie sa crasse de cadavres

A mes pieds une pie ouverte
laisse voir son cœur
noir et racorni

Et l'arbre dit que nous sommes les frères
du rat de la mouche de l'hyène du scorpion

Vienne la nuit qui n'est parfois
que la lente montée d'une eau sans transparence
A marée haute on y peut voir
des essaims d'étoiles se greffer aux branches

Et l'arbre dit qu'il n' a plus rien à dire
qu'il n'est plus temps
et que c'est à l'oiseau posé depuis longtemps
sur la plus large la plus ancienne de ses épaules
d'avoir réponse à tout

L'oiseau
nul ne l'a jamais vu
A peine connaît-on de lui que les trois notes
d'un S.O.S. intarissable

L'arbre se tait
On dit qu'il souffre de son âme

 

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SERGE WELLENS

 

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arbre2

SERGE WELLENS...Extrait

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Du fond d'un trou de mémoire
je regarde passer le ciel
où rien ne se passe vraiment
qu'un léger très léger frémissement
pareil au rêve inhabité
d'une eau dormante

Je cherche désespérément
le visage d'un mot nécessaire
qui se défaisant me défait
Il me reste la lenteur
obstinée de son refus d'être
Pour un peu de temps encore
le sillage d'une trace.

 

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SERGE WELLENS

 

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trou

 

L'ARBRE ILLUSIONISTE

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Couronné du chat
qui vit dans son ombre
l'arbre au bord de la rivière
l'arbre aux cent bras
aux mille mains
s'ébroue
s'étire
se rengorge

Car c'est le jour enfin
le jour soudain
qui le constelle
charriant roulant brisant
dans sa rumeur de pépiements
des pépites impondérables

Alors le spectacle commence

Regarde
une mésange bleue
entre dans l'une de ses manches
et c'est un merle en habit de soirée
qui sort d'une autre

Penche-toi comme il se penche
vers son image entre deux eaux
tu verras comment il change
ses feuilles en ablettes
son feuillage en Ophélie

Moi qui te parle je l'ai vu
faire disparaître des nuages
plus vastes que des continents
rompre la course du soleil
dérouter des constellations

La nuit
quand le vent le traverse
on y entend courir des trains
(il m'est arrivé d'y prendre
l'express pour Kautokéino
en Laponie où jamais rail ne fut posé)

C'est ainsi que tout lui est bon
pour se donner en spectacle
Il cabotine sous l'orage
comme s'il l'avait inventé
il enseigne à la pluie
des discours insensés
il prétend servir au soleil
d'obscures leçons de pudeur

Et je ne parle pas
de sa petite partenaire
très évidemment nue
sous sa robe taillée
dans un essaim de guêpes.

 

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SERGE WELLENS

 

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Dalma Bruno Grdovic

Oeuvre Dalma Bruno Grdovic

 

 

ARMEL GUERNE...Extrait

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Ici, où le silence nous a rendu le pas des heures du jour et de la nuit, nous marchons heureusement de saison en saison sans quitter un instant la communion immense de la création, cette prière qui vit en nous, silencieuse, et qui nous rend à notre état vivant de créatures. Sans aller jusqu'à l'humilité, certain éclat de la
modestie supprime les barrières et ouvre sur les dimensions universelles pour la joie comme pour la gravité. Les fleurs et les moucherons de l'herbe me parlent souvent d'une terrible colère du ciel. J'écoute. Que peut-on dire? Les animaux ont parfois un tel reproche dans leurs yeux, quand ils nous regardent avec tendresse!

 

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ARMEL GUERNE

 

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mark briscoe3,

Oeuvre Mark Briscoe

 

L'ÂME INSURGEE...Extrait

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« Le poète, je vous l’ai dit, n’a pas la vie facile dans ce monde et ses besoins, pour exister, n’ont rien d’épisodique ou de professionnel. Il est vouéà l’essentiel. Donc à la pauvreté matérielle. Une existence entière à préserver dans tous ses lieux, ouverte à ses passions, conquérant son intégrité. L’ampleur indispensable de l’espace et du temps, la solitude, le silence et la continuité. Les questions à poser vraiment ; la réponse à attendre de tout. Un travail où l’on entre une fois pour toutes pour ne plus le quitter, pour n’en jamais sortir avant qu’il soit fini, achevé. Un enrichissement profond qui rejette à mesure tout l’accessoire, tout le surplus intellectuel, la vanité, l’épate, l’encombrement de la mémoire et de tous les chemins d’accès, bref, ce qui n’est pas absolument la nourriture salutaire. Et le contrôle rigoureux, la vérification constante de tout cela sur tous les faits et gestes, à chaque instant de chaque jour. Un combat, s’il faut l’appeler de son nom, qui ne se ralentit jamais une fois qu’il est engagé, s’enhardissant de tous les héroïsmes aussi naturellement qu’une plante, en croissant, s’enhardit dans son vert. Car la grandeur, lentement, sûrement accordée à un rythme cosmique, élargit peu à peu son aire intérieure et le confort de son logement. Rien qu’une vie et rien qu’un lieu pour tout cela, c’est peu ! Mais une fois chez elle et bien à l’aise, elle commence ses aménagements, ouvre l’œil à de nouveaux regards plus vifs, plus pénétrants, éteint les complaisances, ferme l’oreille aux bruits satisfaisants de la musique et doucement, tendrement, l’habitue à l’écoute plus simple de l’ineffable, assouplit délicieusement les muscles orgueilleux de l’orgueilleuse intelligence pour l’exercer, loin de ses jeux futiles, aux pratiques du bond, du vol, de la plongée, afin de franchir l’apparence, de l’enjamber, de la tourner et de poursuivre, par-delà, sa chasse périlleuse – et parfois bienheureuse – de la réalité substantielle.
C’est vrai, on ne peut parler ce langage qu’à ceux qui le savent déjà, ou qui sont sur le bord, ou qui veulent y être. Il est peut-être vrai aussi qu’ils ne sont pas nombreux : on le dit, en tout cas, et les autres le croient ; mais comment le savoir si personne n’essaie ? Et puis surtout, que nous importe ànous ? Les autres sont des morts, un nombre seulement, des impersonnes qui sont nées mortes dans leur époque dont elles ne toucheront jamais le vrai moment du doigt ; de mornes effigies qui se figurent – oh ! non pas être : cela se sent – mais avoir, avoir une vie parce qu’un temps les véhicule et les agite, parce qu’elles ont un matricule et connaissent le numéro ; d’impossibles médailles frappées sur une face à l’image de l’homme et sur l’autre de rien, façonnées de ce néant auquel elles appartiennent. La prolifération grouillante du non-être. Un modelage de l’absence certifié copie conforme. Et parce qu’il est vrai que les institutions que les hommes se sont données, jusqu’aux églises qu’ils se veulent à présent, ne font toujours appel qu’au pire de nous-mêmes et jamais au meilleur, on comprend que l’humanité soit démoralisée et ne puisse jamais apprendre ce qu’elle vaut, tout près de quelles plénitudes elle promène son vide, devant quelles félicités immensément impatientes elle accable son cœur d’ombres sordides et d’amertumes imbéciles – incapable dedans de s’inventer, incapable dehors de sentir son péril. Car la violence, évidemment, est le seul exutoire de ce mutisme intérieur. 
...
On ne devrait jamais l’oublier, la vie n’est pas un état mais un risque, et qui s’ouvre toujours plus. Grandiose. Une conquête qui n’en finit pas. Un voyage – au sens où Schubert l’a certainement vécu – mais un voyage incertain et dur, à la mesure de ceux, et de ceux-là seuls, qui sont capables de marcher.
Il vaut donc mieux, croyez-moi, ne pas trop se fier aux ruminants intellectuels qui vivent à la ferme, engrangeant le foin et la paille de leurs savoirs récoltés. Les hommes de cabinet, laissez-moi vous le dire, ne font pas de bons compagnons de route.

Vivent les hommes de plein vent ! »

 

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ARMEL GUERNE

 

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VENT

RIEN QUE CETTE LUMIERE

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Rien que cette lumière que sèment tes mains
Rien que cette flamme et tes yeux
Ces champs cette moisson sur ta peau
Rien que cette chaleur de ta voix
Rien que cet incendie
Rien que toi
Car tu es l’eau qui rêve

Et qui persévère
L’eau qui creuse et qui éclaire
L’eau douce comme l’air
L’eau qui chante
Celle de tes larmes et de ta joie

Solitaire que les chansons poursuivent
Heureux du ciel et de la terre
Forte et secrète vivante
Ressuscitée
Voici enfin ton heur

 

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PHILIPPE SOUPAULT

 

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prairie


VLADIMIR MAÏAKOVSKI...Extrait

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Est-ce vous
Qui comprendrez pourquoi,
Serein,
Sous une tempête de sarcasmes,
Au dîner des années futures
J’apporte mon âme sur un plateau?
Larme inutile coulant
De la joue mal rasée des places,
Je suis peut-être
Le dernier poète.
Vous avez vu
Comme se balance
Entre les allées de briques
Le visage strié de l’ennui pendu,
Tandis que sur le cou écumeux
Des rivières bondissantes,
Les ponts tordent leurs bras de pierre.
Le ciel pleure
Avec bruit,
Sans retenue,
Et le petit nuage
A au coin de la bouche,
Une grimace fripée,
Comme une femme dans l’attente d’un enfant
À qui dieu aurait jeté un idiot bancroche.
De ses doigts enflés couverts de poils roux,

le soleil vous a épuisé de caresses, importun comme un bourdon.
Vos âmes sont asservies de baisers.
Moi, intrépide,
je porte aux siècles ma haine des rayons du jour;
l’âme tendue comme un nerf de cuivre,
je suis l’empereur des lampes.
Venez à moi, vous tous qui avez déchiré le silence,
Qui hurlez,
Le cou serré dans les nœuds coulants de midi.
Mes paroles,
Simples comme un mugissement,
Vous révèleront
Nos âmes nouvelles,
Bourdonnantes
Comme l’arc électrique.
De mes doigts je n’ai qu’à toucher vos têtes,
Et il vous poussera
Des lèvres
Faites pour d’énormes baisers
Et une langue
Que tous les peuples comprendront.
Mais moi, avec mon âme boitillante,
Je m’en irai vers mon trône
Sous les voûtes usées, trouées d’étoiles.
Je m’allongerai,
Lumineux,
Revêtu de paresse,
Sur une couche moelleuse de vrai fumier,
Et doucement,
Baisant les genoux des traverses,
La roue d’une locomotive étreindra ton cou.

 

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VLADIMIR MAÏAKOVSKI

 

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surréalisme 2

Oeuvre ?

VOYAGE A TRAVERS UNE NEBULEUSE

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 Je ne peux remettre l’amour à un autre siècle
je ne peux pas
même si le cri s’étrangle dans ma gorge
même si la haine éclate crépite brûle
sous des montagnes grises
et des montagnes grises
Je ne peux ajourner cette étreinte
qui est une arme au double tranchant
d’amour et de haine
Je ne peux rien ajourner
même si la nuit pèse des siècles sur mes épaules
même si tarde l’aurore indécise
Je ne peux remettre ma vie à un autre siècle
ni mon amour
ni mon cri de libération
Non je ne peux ajourner le cœur.

 

 

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ANTONIO RAMOS ROSA

 

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Deedra Ludwig 2,

Oeuvre Deedra Ludwig

ETAT DES LIEUX

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Maintenant
Je laisse ma vie fuir son cours
Les heures filer dans mes doigts le sable s’entasser sous mes dents le vent
Vide façonner mes dunes y bâtir des escaliers à dévaler revenir
Aux sources du mal en avaler les boues
Dosant habilement les vins aux goût de bois
Les drogues licites des pharmacies leurs bulles opiacées leurs benzos
Car je sens qu’il ne vaut mieux pas que je reprenne conscience
Tout à fait
Ni que la colère flambe ni qu’elle prenne une perfection de symphonie
Giclant d’un seul envol de violons et de bois
Ni que je pense au feu qui me brûle de l’intérieur autant que
Je le vois à l’extérieur mordre la chair la mâcher
Semer ces cloques d’eau qui éclatent
Ni à ma peau comme la frontière de la guerre entre les deux
Qui se dévorent avant qu'ils ne proclament
que la peau du poète on l’aura
A coups sûrs
Pour en faire l’éventail d’une décadente élégante
Qui dira : Je l'ai eue, et fera une encoche sur son carnet de bal

Et la caresse sur la joue que me donnent mes amis me brûle
Aussi qu’adviendra t il de ceux que j’ai apprivoisés
Bah ils oublieront
Sauf le chat peut être
Voilàà quoi je tiens encore, à peine, plus que quelques doigts qui s’agrippent
Au rebord et je pense Je suis fatiguée

 

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ALEXO XENIDIS

 

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Pauline

 

 

PASSAGERE DE LA DUREE...Extrait

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Ce temps composé de fragments d'éternité

lorsque tu implosais en mille rayons de fruits

ce temps mitoyen et distant

pareil aux grilles du désert

où l'on attache les chevaux de l'eau

aux pieds en flamme.

 

Ce temps de presque rien

où tu vivais de fines embrasures

d'un brin de matin

d'un souffle de feuillage

fraîche vocalise dan la gorge.

 

Ce temps de nul temps

sans repères

ni boussole

où tu mourrais de morsures de fleur

en plein poumon

du chagrin de l'abeille

d'une griffure d'oiseau de sel

à même la joue.

 

Ce temps couleur de vent

tu voudrais l'emporter, amarréà ta chair

quand tu iras dormir dans un lit de cendre

semblable aux persécutés:

sans face ni profil

 

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NOHAD SALAMEH

 

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nohad

UN ROSSIGNOL DANS UN ARBRE...Extrait

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Une cabane
dans un arbre
se souvient de rires
d'enfants.
Elle fut construite
par des mains malhabiles
et par des cœurs
trop grands.
Des oiseaux y nichent -
souvent.
...

 

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DANIEL LEDUC

 

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leduc

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