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ABDELLATIF LAÂBI...Extrait

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Je me sens sur cette charnière de l’être entre vie et mort, entre un soleil qui se meurt et un autre dont le lever est confisqué, entre deux planètes, deux humanités qui se tournent le dos, deux langues qui se parlent tellement dans ma bouche qu’elles me font bégayer, entre folie d’espoir et retour de bâton du désespoir. Que d’entre ! Mais tout cela donne un être vivant, pas plus. Le fait d’être sur une charnière me rend attirantes toutes les autres et me met sur leur chemin. Car, de par le monde, il n’y a pas que l’Orient et l’Occident. Tant de continents humains manquent à notre plénitude .

 

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ABDELLATIF LAÂBI

 

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laâbi


JOURNAL, LE 10 MAI DE 2017

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Trois pierres. Une pour le ruisseau dolent. Une pour le vif-argent de l’intuition. Et la dernière qui veille sur le sommeil du sage. Trois ruisseaux dans la pente qui saisit nos vies furtives. Au pied de la lettre. Trois lettres. Une pour la bien-aimée. Une autre pour les amis du passé que la mémoire regroupe dans la pierre. Dans la vasque du jardin où le ciel est vaste comme un petit lutin. Trois lutins qui portent les nouvelles. Et dans la lettre du jour qui vient, le propos de la beauté s’épanche comme un baiser volé. A la pluie. Au vent. A l’éternité. Trois éternités, la première pour aimer dans l’instant. Une autre pour la musique qui peuple les fragrances du plaisir. Puis la dernière pour quitter la scène au bout de mille nuits. Trois nuits pour t’aimer, t’enlacer et nommer les trois anges que caresse ton épaule.

 

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© PATRICK CHEMIN

(2017)

 

 

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claude monet

Oeuvre Claude Monet

PALETTE ÉGORGÉE

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Tu possèdes tes géographies intérieures
que tu sèmes pêle-mêle
lors de souterraines insomnies
sur une palette égorgée.
Marges blanches
d’où fuse un orchestre d’anges
les continents que tu façonnes
n’ont ni crépuscules ni nuits.
Ruelles d’exil
les arbres rougissent de leurs feuilles
et rêvent d’oiseaux d’avant la naissance
d’horloge sorcière
à ensevelir le temps.
Tu t’enrichis de jardins charnels
visibles sur fond de toile
hélant d’autres arbres
perdus sur l’axe de la durée.
Exploratrice de l’extrême
tu prends d’assaut l’infini.

 

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NOHAD SALAMEH


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Tejo Verstappen,,,

Oeuvre Tejo Verstappen

UN JARDIN SUR LA MER

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Je sais un lieu de haute lice
Où la livrée du matin joue
À robinsonner sous les lys
Près des falaises d’amadou
Où le déhanchement des îles
Grise la Manche qui s’exile
Sous son chapelet de Corfou
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Je sais un lieu de haute sphère
Où les sternes vont poinçonnant
Le nonchaloir évanescent
D’un archipel bagué de mousse
Où la veine bleutée du vent
Sur les voiles des barcaroles
Jette la clé de ses vingt ans
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Je sais un lieu d’étreintes folles
Où pour l’ongle d’un souvenir
La mer au large s’émeraude
Et encorbelle de plaisir
Les lys les îles et les roses
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SYLVIE  MEHEUT
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alexandre bonade Dinard2

Oeuvre Alexandre Bonade

MOI...NOUS

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Moi n'existe pas si le nous est absent
La racine du racisme c'est la négation de soi-même, renier un alter ego de l'espèce humaine est un rejet de l'humanité, ne peut s'affirmer être humain un vivant qui se réclame d'une identité autre qu'humaine.
Le rejet de son semblable est le propre de l'inculture, la grande dérive de ce monde est le monopole des cultures, la culture d'un peuple est un air commun à chaque humain, ça circule, s'il n'est pas respiré, l'étouffement est assuré.

 

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KAMEL YAHIAOUI

 

 

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Lahrach Abdesslam2

 Oeuvre Lahrach Abdesslam

 

ILS CASSENT LE MONDE

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Ils cassent le monde
En petits morceaux
Ils cassent le monde
A coups de marteau
Mais ça m’est égal
Ca m’est bien égal
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Une plume bleue
Un chemin de sable
Un oiseau peureux
Il suffit que j’aime
Un brin d’herbe mince
Une goutte de rosée
Un grillon de bois
Ils peuvent casser le monde
En petits morceaux
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
J’aurais toujours un peu d’air
Un petit filet de vie
Dans l’oeil un peu de lumière
Et le vent dans les orties
Et même, et même
S’ils me mettent en prison
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez
Il suffit que j’aime
Cette pierre corrodée
Ces crochets de fer
Où s’attarde un peu de sang
Je l’aime, je l’aime
La planche usée de mon lit
La paillasse et le châlit
La poussière de soleil
J’aime le judas qui s’ouvre
Les hommes qui sont entrés
Qui s’avancent, qui m’emmènent
Retrouver la vie du monde
Et retrouver la couleur
J’aime ces deux longs montants
Ce couteau triangulaire
Ces messieurs vêtus de noir
C’est ma fête et je suis fier
Je l’aime, je l’aime
Ce panier rempli de son
Où je vais poser ma tête
Oh, je l’aime pour de bon
Il suffit que j’aime
Un petit brin d’herbe bleue
Une goutte de rosée
Un amour d’oiseau peureux
Ils cassent le monde
Avec leurs marteaux pesants
Il en reste assez pour moi
Il en reste assez, mon cœur

 

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BORIS VIAN

 

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boris vian

Boris Vian

 

SILENCE

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Le silence est un lit pour le chant du monde.

Il est rempli de sons (les amoureux et les solitaires le savent)  dans la ville comme à la campagne.

Le silence, c’est avant tout se taire, un état d’esprit, un moment de l’en-soi, quand cesse la course et le contrôle. Le silence est vagabondage possible (mais non obligatoire !) de la pensée.

J’ai besoin de silence. Tous, nous en avons besoin, même si certains ne le savent pas, même si certains ne le trouvent jamais, la faute aux conditions extérieures, intérieures, cela dépend sans doute.

Il nous faut penser. Quelque chose en nous l’exige. Cela relève peut-être de notre dignité, de notre humanité. Toujours est-il qu’il nous faut tendre ce lit blanc et net du silence pour percevoir et concevoir le temps, l’espace, nous dans ce temps et cet espace. Il nous faut le silence pour nous déployer.

Le chant, lui, c’est la beauté brute, en dehors de tout jugement, de tout esthétisme. Chant, écriture, peinture, tout repose sur un socle de silence. Les enfants le savent d’instinct. Ils sont bruyants quand ils jouent, jusqu’à cet instant que tous nous avons observé un jour ou l’autre. Ils s’arrêtent, concentrés, absorbés tout entiers dans l’observation intense de la serrure du buffet, de cette pierre, de quelque chose qu’on n’identifie peut-être même pas. A cet instant, quoi que ce soit, c’est le plus important au monde.

Et puis c’est fini. Ils retournent au jeu, au mouvement, au bruit. Les enfants passent du silence aux cris sans transitions, sans truchement, ils n’ont besoin de rien.

Certains perdent cela ensuite. Sans doute notre mode de vie hyper-bavard et hyper-connecté y est-il pour beaucoup. En offrant très tôt l’accès au monde des textos, à la tribu des pairs virtuels, nous fermons la porte qui donne sur les trajets solitaires vers la liberté. En imposant des itinéraires intellectuels, en enfermant les esprits dans le carcan de « programmes », nous fermons la porte à l’exploration en compagnie d’un livre, d’un film, d’une musique, en bande ou en solitaire.

L’amitié elle-même repose sur le silence. Elle n’est pas un like sur Facebook. L’amitié, ce sont des heures ensemble où la parole et le silence dessinent des motifs spécifiques sur les trames de la mémoire et du cœur.

Le silence est à l’origine de tout ce que nous devenons, il naît de la solitude mère autour de laquelle tout se construit.

A notre mort, la solitude et le silence se résorbent. C’est presque rien, à peine une ride à la surface du monde. Elle s’efface de d’elle-même, et ce qui reste, c’est le silence des autres, troublé peut-être par le vide et la blessure du chagrin mais rendu très vite à sa densité, à sa qualité aussi.

Après avoir traversé la journée, je retrouve le silence comme on arrive au port, j’y ai des repères familiers – de petits sons posés sur le drap propre de l’achevé– et je circule sous les arches très privées de ma pensée, au milieu de fragments, de mots, de phrases, d’images, de presque-souvenirs, du juste-vécu, libre et flottant.

Ce silence-là est récurrent, nécessaire lui aussi, et j’ai appris à attendre sa venue. C’est une respiration lente, elle rend possible la traversée du chaos ordinaire.

 

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LEILA ZHOUR

https://melimelodesmots.wordpress.com/ 

 

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SILENCE

 

 

 

BRUN

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Brun est fasciste mais brunes sont les femmes du sud, ocre est convivialité et marron a la douceur vernie des fruits du marronnier qui déformaient mes poches dans mon enfance.
L’histoire a chevillé dans nos mémoires une idée de morositéà la couleur de la terre, peut-être parce qu’on y ensevelit nos morts. Les obsèques ont pour armoiries le gris et le noir, teintés de la terre en hiver – c’est toujours une forme d’hiver que mettre en terre le corps de ceux qui furent. La nudité, le froid, les arbres dénués de leur parure après l’enchantement flamboyant de l’automne, tout dans l’hiver tire le brun vers le noir de la nuit et de l’oubli.

On peut se demander pourquoi le brun sied-il si bien aux méchants ? Pourquoi le sombre si semblable à une inhumation a-t-il séduit les fascistes ? Brun est presque noir. Il est austère, il a la rugosité sans fioriture de la bure et du travail ; brun ne promet une dureté sans tendresse à nos imaginaires et le brun fasciste a été porteur d’une promesse mensongère de probité et de tradition, un faux rempart dressé devant le rouge que l’espoir révolutionnaire faisait bouillir dans la marmite plébéienne.

Dans l’esprit des gens, était-il une valeur refuge ? Les tuniques brunes les renvoyaient-elles à la noble aspiration de la Réforme, laquelle ne faisait que reprendre un combat plus ancien encore ? Car avant Luther, il y avait eu l’Italie. On parle de l’or bien sur, mais le brun a aussi ses lettres de noblesses, et la bure franciscaine les lui avait données. La robe marron avait la beauté et la grandeur d’un désir transcendant. Elle s’était, par sa simplicité, détachée des prétentions de pureté d’ordres plus blancs, mais plus salis aussi. Pauvres les moines, pauvre le textile, donc brun.
Brun est la couleur de la misère et approcher de la pauvreté par le biais d’une authentique ascèse, c’était déjà une forme de sainteté.

Il y a des excès, bien sur. A trop en faire on tombe dans l’exhibitionnisme mais rien, malgré tout, n’a jamais éradiqué la vérité brune de la poussière sur le corps desséché des miséreux à travers les âges.

Les anonymes et les sans-noms ont aussi leurs grâces pourtant. Compensation sans titre, certes, mais universelle. Les grecs ne s’y étaient pas trompés. Ils avaient prêtéà la terre l’un de leurs dieux les plus turbulents, un bouc à la robe couleur de sol. Pan, double dévergondé de la fière Perséphone en quelque sorte, qui s’emploie à faire pousser de la terre non pas ce qui nourrit sagement, mais ce qui enivre jusqu’à la folie. De l’ocre jusqu’au marron foncé, il a entretenu dans les plis de la terre antique la foule des nymphes, des dryades et des satyres, consommant la vie sans soucis d’ordre ni de raison. Nul richesse pour Pan, seulement une existence à pleine main avec, les jours de fêtes, Dionysos à sa table tirant son meilleur vin de ceps noueux. L’âme de la terre s’épanouissait sous les pas d’un dieu fou dont le seul luxe avait la couleur pourpre des vins qui ravissent et le corps et l’esprit.
Par quelle miracle la vie brute devient-elle l’essence de la joie, de la fête, de l’art de vivre ? Le rêve sans doute. L’homme sans haute naissance œuvre au plus simple et invente l’Art quotidiennement. Bruns sont les meubles les plus simples, bruns sont les bancs pour les invités, brunes sont les tables dressées pour le repas, que l’or des vernis conduit jusqu’aux portes de la blondeur.

Brun devient chaleur et depuis nos premiers pas, nous savons que marron n’est pas une seule couleur mais cette infinité de teintes sur laquelle nous posons nos mains, qui accueille nos affaires, qui nous entoure et nous protège.

Marron les souvenirs parfumés à l’encaustique avec, dans un rai de lumière, la danse des poussières en suspension. La puissante cire qui ressemble au miel transforme le meuble sombre en artefact brillant et doux au toucher. Marron est une couleur tactile plus que toutes les autres. Elle évoque la rampe de l’escalier usée par des centaines de mains, la commode et son grain irrégulier vibrant sous la pulpe des doigts et son trésor de foulards. Marron, c’est toutes ces textures, les raccords parfois fatigués entre les planches, le parquet qui grince, les lattes dont on sait lesquelles sont disjointes, lesquelles sont encore solides sous les pieds. C’est aussi ces efforts de réparations sur l’objet auquel on tient, sur le meuble qui n’a de valeur que dans notre cœur.

Brun nous accompagne tout au long de notre vie, discret, presque invisible. Le revendiquer pour d’autres gloires, c’est une forme de trahison. Il a la saveur de l’utile, du quotidien. C’est le bois, la magie de l’ébénisterie dans nos vies. Brun n’est pas loin de l’or si on y songe. C’est la terre transmuée par l’homme.

C’est la couleur de notre humilité et du partage que la nature consent à faire avec nous.

 

 

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LEILA ZHOUR

https://melimelodesmots.wordpress.com/

 

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Paul gauguin2

Oeuvre Paul Gauguin


JOURNAL, LE 15 MAI 2017

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Ce que vit le papillon. Ce que vit l’eau dans le temps du ruisseau. Ce que vit le pèlerin qui a perdu son chemin distrait par le babil des dieux. Ce que vit la parole dans la pierre. Ce que vivent les disparus en mer. Ce que vit celle qui est abandonnée par la possibilité physique de peindre. Ce que vit le pont qui enjambe deux civilisations. Ce que désirent les peuples liés dans la redoute de la pauvreté. Ce que vit le papillon. Je ne sais pas. Je n’en sais rien. Je sais le temps furtif de l’eau qui enseigne toutes choses et le passage. Que le pèlerin devient la pierre. Perdue en mer. Je sais l’aquarelle et la conscience des pigments. Je sais la pauvreté immobile et redoute le terme. Ce que vit le papillon, je le saurai quand je serai passé dans l’interstice.

 

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© PATRICK CHEMIN

(2017)

 

 

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camomille,-papillon,

 

 

LES ENFANTS

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à Vénus Khoury-Ghata

Tous les enfants, vous le savez, sont des navires
qu’un proverbe pareil aux brises les plus douces
conduit, syllabe après syllabe, au continent
où les pingouins dorés murmurent des poèmes.
 
Tous les enfants, vous le savez, sont des bouleaux
qui dans la nuit, en demandant pardon, écartent
leurs branches, leur écorce, et vont, jusqu’au vertige,
danser sur la grand-place, au milieu des poulains.
 
Tous les enfants, vous le savez, sont des comètes
venues nous rendre hommage au nom d’un autre azur,
d’une autre vérité, d’une autre fable ; et nous,
 
adultes par défaut, saurons-nous les convaincre
de s’attarder ici le temps d’un bref bonheur,
avant de repartir chez les étoiles folles ?

 

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ALAIN BOSQUET
 

 

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bosquet

L'ÂME INSURGEE...Extrait

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Pourquoi crier à l’impossible quand le possible est déjà là, prêt à entrer, qui n’attend plus que vous pour s’accomplir en vous accomplissant ? Il n’y a pas un homme qui puisse vivre heureusement de ses instincts bestiaux, enfermé dans son corps, incarcéré dans son opacité muette, rivé stupidement sur son nombril. On y suffoque, on s’y étouffe, on s’y éteint – et la haine enragée gravite, comme un soleil mort, autour de cette viande inhabitée. Réapprenez à lire et sauvez-vous de là ! Laissez parler en vous la langue qui libère. Relevez le grand I de l’Imagination : c’est le bâton magique qui vous déshallucinera, la verge de la vraie lucidité. Vous n’êtes pas des huîtres ! Ouvrez votre silence à la conversation de l’ineffable et vous saurez étonnamment de quelle immensité intérieure votre réalité est faite, insérée aux deux bouts dans l’infini. Son appétit de point final est une duperie ; l’apparence est un leurre et les idées, presque toujours faites sur des idées, ne disent rien qui vaille. La confidence des poètes vous en convaincra : il ne se passe rien dehors, tout se passe dedans. Ils ne font pas la poésie, ils n’en sont pas les auteurs, car ils sont une oreille avant d’être une bouche et ce sont eux, au contraire, qui sont faits par la poésie, comme un premier maillon entre elle et vous. Sans elle, ils ne sont rien ; avec vous, ils sont tout. Le verbe qu’ils conduisent a son génie en vous. Ne le tuez donc pas. 

 

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ARMEL GUERNE

 

 

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guerne2

 

 

 

 

 

 

DE LA NECESSITE DU POEME - DEBUT DE LA PREFACE

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Dès mon enfance,

Sous le pommier

Je promenais mon rêve,

Je devenais printemps.

On entre en son poème

comme en un monastère de mousses et de fougères,

d’eaux souterraines et de pluies

de lumière qui n’en finissent pas de tapisser nos âmes,

si, du moins, nous acceptons d’accueillir en nous ce murmure très bas,

d’une assurance inouïe.

Entre la feuille et l’arbre
réside la Présence.

Et c’est à raison qu’elle nous livre, dès lors, sans détour sa profession de foi :

Ma vérité est végétale,

Mon église, un nénuphar.

… et qu’elle nous révèle le lieu secret de sa méditation :

Emmitouflée d'amour

j’héberge du silence.

 

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JEAN LAVOUE

Début de la préface au recueil de Christine Guenanten

"De la nécessité du poème"

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bernard jean caron2,

Oeuvre Bernard-Jean Caron

LE PREMIER AMOUR DU MONDE

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Le soleil est venu
Et reparti cent mille fois
Depuis le jour du premier jour
Du premier amour
Le premier amour du monde?
C'était... quand?
Et d'abord, comment se sont retrouvés
Comment se sont retrouvés
Le Ciel et l'Océan?
Il a pris sa main sans le savoir
Sans savoir où les menait la peur du premier soir
Il a pris son corps contre le sien
Sans savoir qu'un deuxième matin
Renaîtrait des cendres du premier matin
Ils ne savaient pas que d'autres jours
Suivraient le premier jour
Ils ne savaient pas que la naissance
La naissance engendre la vie
Et d'abord comment pouvaient-ils savoir
Comment pouvaient-ils savoir

Puisque les mots n'existaient pas
Puisque les mots n'existaient pas
Comment pouvaient-ils savoir
Que l'Amour s'appellerait l'Amour?
Ils ne savaient pas qu'ils inventaient
La vie et la mort et la lumière du mois de mai
Ils ne savaient pas que leurs enfants
Peupleraient la terre d'autres enfants
Ni que leurs cœurs allaient faire marcher le temps
Et ce soir en marchant
En marchant à contretemps de nos vingt ans
Nous faisons ce qu'ont fait longtemps
Longtemps des millions d'amants
Et je prie en pensant
A ce premier amour du monde
Que jamais ne vienne le jour
Du dernier amour.

 

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SERGE REGGIANI

 

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Bertalan Karlovzsky,

Oeuvre Bertalan Karlovzsky

 

 

UNE JOURNÉE BIEN REMPLIE... Extrait

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Beauté, ce grand espace tout noir
Où l’homme s’avance les yeux fermés
Un bouquet de coquelicots jeté sur l’épaule
Ce mauvais air qu’on souffle sur les âmes
Le bruit des songes qui épouvante le monde
Jamais ne me feront oublier, Beauté,
Ton regard trop brillant, ta gorge blanche, tes bras.
La terre me retient d’une main tremblante
Car la mort est un dur voyage pour l’homme seul
Quand Dieu se fait vieux
Et n’est plus fidèle aux rendez-vous qu’il donne.
Déjà le radeau de la chance se soulève
Le vent de la chance tourne
L’abîme me prend par le bras, l’abîme
Me fait la courte échelle pour toucher
L’enclume des batailles luisante d’usure
Au fond du ciel tout bleu dans son auge
Dans sa perfection de ciel distrait et pur
Qui perd comme un gant une saison pour une autre.

Encore un peu de sang
Et la première violette charbonne
Sur l’obscure patience des forçats
Porteurs de chaînes dans le matin d’été
Lâchant leur salive noire entre deux jurons
La résine tiède des lèvres
Une goutte et puis une goutte encore
Dans la morsure du fer
Une goutte entre les dents de la lime
Une goutte pour creuser les ténèbres.
Il donne encore un peu de sang
Une goutte et puis une autre goutte
Pour étouffer la poussière d’orage
Qu’on avale à la fin d’un long jour de feu
Et la vie se démène autour des chevilles nues
Le soleil rit dans les montagnes pleines de pavots jaunes
Au-delà des mauvaises herbes où brillent
Les outils, les colonnes du silence.
Donne encore un peu de sang
Et cela fera une journée bien remplie.

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ALBERT AYGUESPARSE

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CHAMPS2

 

DESNOS...Extrait

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A René crevel

 

je suis passé dans une rue étrange
où des enfants blonds compissaient leur langes

à la porte d’un restaurant
un écriteau était collé :


ICI ON PEUT APPORTER SON MANGER

à la porte d’un hôtel meublé
un écriteau était collé :


ICI ON PEUT APPORTER SON AMOUR

 

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ROBERT DESNOS

 

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amour

 

 


UN COEUR QUI BAT

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Merci Adélita mia

 

Lorsque le coeur éclot dans le berceau du temps,
Comme une goutte d'eau jaillissant de la source,
Un lever de soleil, des bourgeons éclatants,
Sur la vie au long fleuve, un vaisseau prend sa course.

Lorsque le coeur frémit sous le souffle du vent,
Poussant tous les ruisseaux merveilleux de l'enfance,
Au regard d'une mère, on voit briller souvent
Une perle, une larme, au miroir d'espérance.

Lorsque le coeur explose aux rayons de l'été,
Ainsi qu'un soudain feu brûlant l'aube première,
Rien ne peut remplacer la douceur, la beauté,
D'une âme qui s'allume à la même lumière.

Lorsque le coeur s'endort au côté de la nuit,
Poursuivant son chemin sur les ailes du rêve,
Il voudrait, dans le ciel, saisir l'éclair qui luit,
Naviguer sur la vague et l'océan, sans trêve.

Lorsque le coeur s'éteint, tout consumé d'amour,
Sur le dernier bateau redescendant la voile,
Très doucement, le soir ferme les yeux du jour,
Et, dans le firmament, scintille une autre étoile !

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DOMINIQUE SIMONET

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temps2

LE CRI DU BUTOR

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Maintenant que la jeunesse
S'éteint au carreau bleui
Maintenant que la jeunesse
Machinale m'a trahi
Maintenant que la jeunesse
Tu t'en souviens souviens-t-en
Maintenant que la jeunesse
Chante à d'autres le printemps
Maintenant que la jeunesse
Détourne ses yeux lilas
Maintenant que la jeunesse
N'est plus ici n'est plus là
Maintenant que la jeunesse
Sur d'autres chemins légers
Maintenant que la jeunesse
Suit un nuage étranger
Maintenant que la jeunesse
A fui voleur généreux
Me laissant mon droit d'aînesse
Et l'argent de mes cheveux
Il fait beau à n'y pas croire
Il fait beau comme jamais
Quel temps quel temps sans mémoire
On ne sait plus comment voir
Ni se lever ni s'asseoir
Il fait beau comme jamais
C'est un temps contre nature
Comme le ciel des peintures
Comme l'oubli des tortures
Il fait beau comme jamais
Frais comme l'eau sous la rame
Un temps fort comme une femme
Un temps à damner son âme
Il fait beau comme jamais un temps à rire et courir
Un temps à ne pas mourir
Un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais
Tant pis pour l'homme au sang sombre
Le soleil prouvé par l'ombre
Enjambera les décombres

 

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LOUIS ARAGON

 

 

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sergefiorio

Oeuvre Serge Fiorio

http://sergefiorio.canalblog.com/

COLETTE LEINMAN...Extrait

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Savoir si quelqu’un d’autre
parfois se débat comme
le prolongement des digues
contre l’assaut suicidaire des vagues

savoir qu’il se laisse couler
dans l’aleph des mots étendus
en débâcle
en tous sens
longs à venir

 

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COLETTE LEINMAN

 

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ombre-et-lumiere

 

ESPERANCES...

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Parce que j’ai mal à l’âme du père clandestin qui peine dans un ghetto de Paris, avec des larmes qui irriguent à flots silencieux les fontaines où se régénèrent les pulsions mondaines. Parce que j’ai des douleurs au dos de la femme de ménage qui abroge sa silhouette vibrante et attendrie dans les arrière-salles des boulevards culinaires et bombesques, quand le maquignon sirote le bon vin, la main décidée sur les cuisses d’une vierge que lui a rétrocédé l'impuissance des ventres creux. Parce que je souffre d'une entorse au pied de cette fille de l’abandon déchirant des apatrides, marcheuse dans Pigalle comme une éructation de livraison d’où s’évaporent les détresses en même temps que les frissons soudains des rançonneurs impulsifs et fougueusement impatients de gicler en instincts sonores. Je pleure des yeux d'enfant éclaboussé de musiques mortes, riche d'indigences mais rayonnant comme une feuille de colère teintée d’espérances.

 

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DJAFFAR BENMESBAH

 

 

 

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gala dittmar2

Oeuvre Gala Dittmar

https://www.galadittmar-photographie.com

 

 

 

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LUZ CASAL - PIENSA EN MI

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