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CANDLES IN BABYLON...Extrait

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L'un après l'autre
ils tombent, s'en vont-

tous ceux qu'on désirait
vraiment garder. Etres.
Choses qui furent plus que choses.

Le chien, le chat,
la poupée à la robe de soie,
le canif rouge :
ceux-là furent les premiers à partir.

Puis père, mère,
sœur , frère,
femme et mari.
Maintenant l'enfant.

L'enfant a grandi,
l'enfant est parti,
l'enfant a dit,
Ne me touchez pas, ne m'appelez pas,

vos lumières se sont éteintes,
Je ne vous aime pas,
Ne vous aime plus.

De loin l'enfant
jette son ombre longue :
il fait noir.
Et ils sont petits.

Le monde est fragile,
veiné de craquelures,
prêt à voler en éclats. Maintenant

le vieil homme monte
sur une barque,
descend en ramant la rue inondée.
Vieille femme, elle s'élève

jusqu'à l'œil du clocher.
Se métamorphose, devient
le battant de la cloche.

Le tintement commence.


.

 

 

DENISE LEVERTOV
Traduit de l’anglais par Raymond Farina

 

 

.


ENTRE LA PIERRE ET LA FLEUR

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Au lever du jour, nous nous éveillons pierres.

 Rien, sinon la lumière. Il n'y a rien sinon la lumière contre la lumière.

 

La Terre : paume d'une main de pierre.

 

L'eau silencieuse dans sa tombe calcaire.

 L'eau encerclée, humble langue humide qui ne dit rien.

 La terre élève une vapeur. Des oiseaux sombrent volent, boue ailée.

 L'horizon : tous ces nuages dévastés.

 Une plaine énorme, sans rides.

 L'Henequen, indice vert, divise les espaces terrestres. Le ciel déjà sans lisières.

 

 

 Quelle est cette terre ? Quelles violences germent sous sa peau pétrifiée, quelle obstination de feu

déjà froide, d'années en années, comme de la salive s'accumulant, se durcit et s'aguise en piquants ?

 Une région qui existe avant que le soleil et l'eau ne hissent leurs drapeaux ennemis, une région de pierre

créée avant la double naissance de la vie et de la mort.

 Dans la plaine la plante s'installe, en vastes plantations militaires.

Armée immobile, face au soleil giratoire et aux nuages nomades.

 L'Henequen, vert et enraciné, pousse en raquettes larges et triangulaires :

c'est un jet d'alfanges végétales. L'Henequen est une plante armée.

 De ses fibres remonte une soif de sable. Il vient des règnes du dessous, il pousse

jusqu'en l'air, et en plein élan, son jet se retient, changé en une huppe hostile,

verdeur qui se termine en pointes. Forme visible de la soif invisible.

 

*L'agave est véritablement admirable .

Sa violence est quiétude, sa quiétude symétrie. Sa soif fabrique la liqueur qui l'étanche :

c'est un alambic qui distille pour lui même.

 

Au bout de vingt cinq années, s'élève sur lui une fleur, rouge et unique. Une tige sexuelle

la dresse, flamme pétrifiée. Puis, elle meurt.

 

 

 

Entre la pierre et la fleur, l'homme : la naissance qui nous conduit à la mort, la mort qui nous conduit à la naissance.

 

L'homme,

pluie persistante sur la pierre,

et fleuve entre les flammes,

et fleur qui vainc l'ouragan,

et oiseau semblable au bref éclair :

l'homme entre ses fruits et ses oeuvres.

 

L'Henquen, verte leçon de géométrie, sur la terre blanche et ocre.

Agriculture, commerce, industrie, langage.

 C'est une plante vivace et c'est une fibre, c'est une action en bourse et c'est un signe.

 C'est le temps humain, temps qui s'accumule, temps qui se dilapide.

 Le soleil et la plante, la plante et l'homme, l'homme, ses travaux et ses jours.

 Depuis les siècles des siècles, tu tournes et te retournes, au trot obstiné d'un animal humain :

tes jours sont long comme des années, et d'années en années tes jours marquent le chemin. 

 

Non l'horloge du banquier ou celle du chef : le Soleil est ton patron, et ton journal c'est la sueur,

rosée de chaque jour, qui dans ton calvaire quotidien devient une couronne transparente,

- bien que ta face ne soit essuyée par aucun linge de Véronique, ni celui de la photographie du grand

patron en tournée que multiplient les cartels : ta face est le soleil usé du centième, de l'universel visage

à moitié effacé;

 

tu parles une langue que ne parlent pas ceux qui parlent de toi depuis leurs chaires,

et jurent par ton nom

en vain, les tuteurs de ton futur, les décideurs de tes os.

 Ta langue est arbre de racine et d'eau, système fluvial souterrain de l'esprit,

et tes paroles vont -déchaussées, sur la pointe des pieds- d'un silence à un autre.

 Tu es frugal et résigné, et tu vis comme si tu étais un oiseau, d'une poignée de pinole

dans une jarre d'atole;

 tu marches et tes pas sont la bruine dans la poussière;

tu es propre comme un cerf, tu marches vêtu de coton, et ton pantalon et ton chemise raccomodée

sont plus blancs que les nuages blancs.

 Tu t'enivres avec des liqueurs lunaires;

la haine te remonte à la tête, comme une fusée, et pareil à elle, brûlé, tu t'effondres.

 Tu parcoures les saisons, rivé là, et vas du portique à l'autel, avec les genoux ensanglantés

, et le cierge qui s'élève dans ta main coule en gouttes de cire qui te brûlent.

 Tu es courtois et cérémonieux, réservé et un peu hypocrite; comme tous les dévots,

tu es capable de modeler avec une pierre le visage du schismatique et de l'adultère.

 Tu allonges ta femme dans le hamac, et la couvre avec une couverture de battements;

 A deux heures, un instant, tu suspends le travail et la conversation, pour écouter,

merveille répétée, l'oiseau, horloge ailée, donner l'heure.

 Tu es juste et tendre, prévenant avec tes porcs et tes fils:

 comme l'épi de maïs, ton Dieu est fait de nombreux saints et il y a beaucoup de siècles dans ton année.

 Un dindon est ton unique fierté, et tu l'as sacrifié un jour de copal et tu nous a guéri;

 tu arroses la pluie de fleurs jaunes, gouttes de soleil, sur la tombe de tes morts.

 Ce n'est pas le rythme obscur, le renouveau de chaque jour et la mort répétée de chaque nuit qui t'amène à la terre.

 

 

C'est l'argent et sa ronde, l'argent et ses numéros creux, l'argent et son cortège de spectres.

 L'argent est une fastueuse géographie : montagnes d'or et de cuivre, fleuves d'argent et de nickel, arbres de jade et l'épais feuillage de la monnaie.

 Ses jardins sont aseptisés, son printemps perpétuel est congelé, ses fleurs sont des pierres précieuses

sans odeur, ses oiseaux volent avec des ascenseurs, ses saisons changent avec l'aiguille de l'horloge.

 

La mort est un rêve dont ne rêve pas l'argent. L'argent ne dit pas : tu es. L'argent dit : combien.

 

Avoir beaucoup d'argent est pire que de n'en avoir pas.

 Savoir compter n'est pas savoir chanter.

 Joie et peine ne s'achètent ni ne se vendent.

 La pyramide nie l'argent, l'Idole nie l'argent, le sorcier nie l'argent,

la vierge, l'enfant et le Saint nient l'argent.

 L'analphabêtisme est une sagesse qu'ignore l'argent.

 L'argent ouvre les portes de la maison du roi et ferme celles du pardon.

 L'argent est le grand prestidigitateur : il fait s'évaporer tout ce qu'il touche,

ton sang et ta sueur, ta larme et ton idée.

L'argent te réduit à néant.

 Entre tous nous construisons le palais de l'argent : le grand zéro.

 Non le travail : l'argent est le châtiment. Le travail nous donne de manger et dormir.

L'argent est l'araignée et l'homme la mouche. Le travail fait les choses.

L'argent suce le sang des choses.

 Le travail est le toit, la table, le lit; l'argent n'a ni corps, ni tête, ni âme.

 L'argent assèche le sang du monde, il fait tourner la tête de l'homme.

 Escalier d'heures, de mois et d'années en haut duquel nous ne rencontrons personne.

 Un monument que ta mort amène à la mort.

 .

 

*(ndt : Agave (du grec agauê: admirable))

 

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 .

 

OCTAVIO PAZ

 Traduit de l'espagnol par E. Dupas

 

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Henequen

 

 

 

UNE VIE BOULEVERSEE...Extrait

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...

En moi un immense silence, qui ne cesse de croître.
Tout autour, un flux de paroles qui vous épuisent
parce qu'elles n'expriment rien.
Il faut être toujours plus économe de paroles insignifiantes pour trouver les quelques mots dont on a besoin.
Le silence doit nourrir de nouvelles possibilités d'expression.

...

 

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ETTY HILLESUM

 

 

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flowers

LA CHUTE...Extrait

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Les hommes ne sont convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines, que par votre mort. Tant que vous êtes en vie, votre cas est douteux, vous n'avez droit qu'à leur scepticisme. Alors, s'il y avait une seule certitude qu'on puisse jouir du spectacle, cela vaudrait la peine de leur prouver ce qu'ils ne veulent pas croire, et de les étonner. Mais vous vous tuez et qu'importe qu'ils vous croient ou non : vous n'êtes pas là pour recueillir leur étonnement et leur contrition, d'ailleurs fugace, pour assister enfin, selon le rêve de chaque homme, à vos propres funérailles. Pour cesser d'être douteux, il faut cesser d'être, tout bellement.
Du reste, n'est-ce pas mieux ainsi? Nous souffririons trop de leur indifférence. "Tu me le paieras!" disait une fille à son père qui l'avait empêchée de se marier à un soupirant trop bien peigné. Et elle se tua. Mais le père n'a rien payé du tout. Il adorait la pêche au lancer. Trois dimanche après, il retournait à la rivière, pour oublier, disait-il. Le calcul était juste, il oublia.A vrai dire, c'est le contraire qui eût surpris. On croit mourir pour punir sa femme, et on lui rend la liberté. Autant ne pas voir ça

....

 

 

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ALBERT CAMUS

 

 

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camus

LES MOTS EN TROP

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 Par perfidie, j'ai décidé en ce jour,

mardi 24 juin,

d'assassiner quelques mots.

L'Amitié est condamnée au bûcher, pour hérésie;

la potence convient à l'Amour, pour illisibilité;

et la vile garrotte ne serait pas mal

pour l'apostasie de la Solidarité;

la guillotine, comme l'éclair, doit frapper la Fraternité;

la Liberté mourra lentement et avec douleur,

la torture est son destin;

L'Egalité mérite la pendaison

pour s'être prostituée dans les pires bordels:

l'Espoir est déjà mort:

la Foi subira la chambre à gaz;

le supplice de Tantale,  inhumain,

est réservé au mot Dieu.

Je fusillerai sans pitié la Civilisation

pour acte de barbarie;

Le Bonheur boira la cigüe

Reste le mot "Je".

Pour celui là, si triste, pour son atroce solitude,

je décrète la pire des peines :

il vivra avec moi jusqu'à la fin.

 

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MARIA MERCEDES CARRANZA

 

 

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Ori Gersht

Oeuvre Ori Gersht

REVEILLES TOI AMOUR

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Bonjour buon giorno guten morgen

réveille-toi amour et prends note

uniquement dans le tiers monde

quarante mille enfants meurent par jour

dans le placide ciel dégagé

flottent les bombardiers et les

vautours

quatre millions d'êtres ont le sida

la cupidité dépouille l'Amazonie

 

buenos dias good morning

réveille toi

sur les ordinateurs de la grand mère

ONU

on ne peut plus mettre plus de cadavres du 

Rwanda

les fondamentalistes décapitent des

étrangers

le pape prêche contre

les préservatifs 

Havelange strangule Maradona

 

bonjour monsieur le maire

forza italia buon giorno

guten morgen ernst junger

opus dei buenos dias

good morning hiroshima

 

réveille toi amour

l'horreur se lève

 

.

 

 

 MARIO BENEDETTI

traduit de l'espagnol par E. Dupas

 

 

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regard2

 

MARIO BENEDETTI

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Chaque fois qu'ils nous donnent des cours

d'amnésie

comme s'ils n'avaient jamais existé

les yeux combustibles de l'âme

ou les lèvres de la peine orpheline

chaque fois qu'ils nous donnent des cours

d'amnésie

et nous pressent d'effacer

l'ivresse de la souffrance

je suis convaincu que ma région

n'est pas le divertissement d'autres

 

dans ma région il y a des calvaires

d'absence

des souches futures/des banlieues

de deuil

mais aussi des candeurs

de hanche

des pianos qui tirent des larmes

des cadavres qui regardent même depuis

leurs vergers

des nostalgies immobiles dans un puits

d'automne

des sentiments insupportablement

actuels

qui refusent de mourir là dans

l'obscurité

 

l'Oubli est empli d'une mémoire

qui parfois ne convient pas 

aux souvenirs

et il faut tirer les rancoeurs par

le bord

au fond l'Oubli est un grand

simulacre

personne ne sait ni ne peut (même

le voulant) oublier

 

un grand simulacre rempli de 

fantômes

ces pélerins qui errent vers

l'oubli

comme s'ils faisaient  le chemin

de Compostelle

 

le jour ou la nuit où

l'Oubli éclatera

explosera en miettes ou crépitera/

les souvenirs atroces et

d'emerveillement

casseront les barreaux de feu

tireront enfin la vérité au monde

et cette vérité sera qu'il n'y a pas 

d'Oubli

 

 

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MARIO BENEDETTI

 Traduit de l'espagnol par E. Dupas

 

 

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Christian Schloe12,

Oeuvre Christian Schloe

LENTEUR ET PLAISIRS DE LA PROMENADE, LA LIBERTÉ DE L'ÂNE...Extrait

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 Sur les chemins ombragés de l'été, parsemés de tendres chèvrefeuilles, avec quelle lenteur nous avançons ! Moi, je lis, ou je chante, ou lance des poèmes au ciel. Et Platero mordille l'herbe rare des haies à l'ombre, la fleur poussiéreuse des mauves, les épines-vinettes jaunes. Il est plus de temps arrêté qu'en train d'avancer. Mais je le laisse...

 

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"Por los hondos caminos del estío, colgados de tiernas madreselvas, ¡cuán dulcemente vamos! Yo leo, o canto, o digo versos al cielo. Platero mordisquea la hierba escasa de los vallados en sombra, la flor empolvada de las malvas, las vinagreras amarillas. Está parado más tiempo que andando. Yo lo dejo..."

 

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Juan Ramón JIMENEZ

Platero y Yo, LVII "Paseo"

 

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anon


YARDANI TORRES-GUILLAUME LEROY- OBLIVION ASTOR PIAZZOLA

HIERARCHIES...Extrait

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Le temps, me dit-il, c’est le cœur…
Longue portée des mots, longue portée
du cœur ?... J’ai beau savoir aussi que le cœur ne
dit pas ses clôtures et n’avoue pas de fautes,
j’allais me répétant le temps : « le temps, me disait-
il, c’est le cœur »… L’oiseau communicatif des
mots appréhende l’espace, or voici que soudain,
sous sa voûte certaine, je me suis vue nue à même
la nudité du temps – vieux cœur à cœur tenace
compris par l’horizon.

 

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GABRIELLE ALTHEN

 

 

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coeur

 

AGNES SCHNELL...Extrait

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Il suffirait de si peu…

Un claquement de doigts
un envol soudain
un songe pétrifié.

Il suffirait
d’une main à demi fermée
de la nudité d’une pluie d’été
du resserrement de la nuit.

Il suffirait de
tendre les mots pour broyer
pour arracher les voiles
pour rejoindre le fleuve
et s’y perdre

sans amarre
sans promesse
sans mots pour héler

juste avec au ventre
le creux tel un nœud
coulant…

 

.

 

 

AGNES SCHNELL

 

.

 

AGNES

IMAGINE

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imagine l’immense,
mer ou plaine
de grands vaisseaux isolés
ou des arbres que traverse le vent

imagine la crue
la crue d’un fleuve ou d’une âme
et cette eau qui bouillonne
et ce vent qui la froisse

imagine des êtres passant
hélant les autres ou la poésie
crevant de chagrin
pour des rendez-vous manqués

imagine des passages ouverts
puis sans issue soudain
et partout des guetteurs
de l’effondrement

imagine un ciel renversé
l’ombre des marées
les mots grattés à vif
pour les réduire au silence

imagine la transparence…

Tes songes alors t’arrachent
et t’embarquent
dans une étreinte infinie.

 

 

.

 



AGNES SCHNELL

 

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photographie Clarence J Laughlin2

Photographie Clarence J Laughlin

SI DIEU ETAIT UNE FEMME

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" Et si Dieu était une femme? demande Juan Gelman sans se troubler le moins du monde.
Ah ça, si Dieu était une femme il se pourrait que les agnostiques et les athées
nous n'eussions pas dit non avec la tête et dit oui avec nos tripes.
Peut être eussions nous approché de sa divine nudité pour baiser ses pieds,
 point fait de bronze, son pubis
 point fait de pierre, ses seins point fait de marbre et ses lévres point faites de plâtre.
 Si Dieu était une femme
 elle ne s'installerait pas lointaine, au royaume des cieux
 mais elle nous attendrait aux portes de l'enfer avec ses bras jamais fermés,
 sa rose point faite de plastique et son amour point fait d´anges.
Ah, mon Dieu, mon Dieu si pour toujours et depuis toujours tu étais une femme,
 quel beau scandale ce serait,
 quel heureux splendide impossible prodigieux blasphéme."

 

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MARIO BENEDETTI

 

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Harmonia Rosales

Oeuvre Harmonia Rosales

LE FIGUIER

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 Parce qu'il est rugueux et laid
parce que toutes ses branches sont grises,
j'ai pitié pour le figuier.

Dans ma villa il y a cent beaux arbres :
pruniers ronds

droits citronniers

et orangers aux bourgeons lustrés.

Au printemps,
tous se couvrent de fleurs
autour du figuier.

Et le pauvre semble si triste
avec ses branches tordues qui jamais
ne s'ornent de bourgeons serrés.

Alors,
chaque fois que je passe à ses côtés
je dis, en procurant
à mon accent la douceur et l'allègresse :
"C'est le figuier, le plus beau
des arbres de mon jardin."

S'il m'écoute,
s'il comprend la langue que je parle,
quelle douceur si profonde  se nichera
dans sa sensible âme d'arbre !

Et peut être la nuit,
quand le vent évente sa palme,
engourdi de joie, le figuier lui raconte :
"aujourd'hui l'on m'a dit que j'étais beau."

 

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JUANA DE IBARBOUROU

Traductiona E. Dupas

 

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marie marinier2

Oeuvre Marie  Marinier

http://www.mariemarinier.com/galerie-3--galerie-3.html

LE CORPS DU POEME

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La fleur s’ouvre au soleil et, quoique dans la même espèce le nombre de pétales parfois varie, il n’y a jamais rien à lui ajouter ou à lui retrancher pour lui donner la perfection. Le lézard, le serpent, le cristal, le galet, le filet d’eau qui coule de la roche sont de si éclatantes réussites que rien ne les pourrait améliorer. Ainsi doit être le poème (quand on considère qu’il est sorti de la période de travail, et que l’on a décidé de la montrer et possiblement de le publier). Il doit se présenter comme un poisson dans l’eau, comme un jeune oiseau ravissant. Ce ravissement que nous sommes en droit d’exiger de lui, il peut nous le procurer par sa figure étrange ou par sa simplicité, par un éclat baroque ou par une beauté brute, par une sorte de dénuement dépoli même. N’importe comment. Tout cela est dans la nature et tout cela peut être merveilleux. Mais le poétique et le merveilleux sont inséparables de cette fraîcheur qui fut appelée «édénique », et dont l’univers est prodigue avec une généreuse innocence.

Ajoutons que c'est un état fragile que l'émerveillement. La page qu'on donne à lire peut le détruire ou le fortifier par sa seule apparence. Ainsi faut-il considérer qu'un poème, qui est notation de la voix par la main, ne saurait être plus à son avantage que manuscrit. La machine n'est qu'un pis-aller [...]. Car le poème, au dernier état comme au premier (le papillon comme la chenille), doit nous émouvoir par son aspect de corps vif

 

...

 

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ANDRE PIEYRE DE MANDIARGUES

 

 

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fatat_bahmad8

Oeuvre Fatat Bahmad

 

 

 


LA CHASSE

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Prenez-garde animaux à poils et à plume, la chasse, aujourd’hui est ouverte !
Sachez que les chasseurs ne chassent que par plaisir et non par faim, et n’ont donc pas de limites à vous trucider.
La chasse est la rencontre nauséabonde de la mort d’un être et du petit plaisir malsain d’un individu qui tue, non pour se nourrir, pour se protéger, pour faire de l’argent ou par accident, mais pour jouir de la prérogative de donner la mort.
Le chasseur traque, fusille, piège par jeu, et abaisse ainsi l’homme à un degré de cruauté dégradant.
Comment les reconnaitre, me demandez-vous ?
Je ne sais pas.
Certains paraissent anonymes, simples passants à travers champs ou forêts.
D’autres, plus faciles à identifier, sont gros, en forme de poire, le visage bien carré, sanguin, cramoisi, rougeaud, le ventre bien en avant, les oreilles détachées, toujours vêtu kaki.
Les chasseurs vous diront qu'ils régulent la Nature. Ils ne cherchent qu’ à défendre leur joujou de la communion avec la nature, le fusil à la main.
Leur sens esthétique est tel qu’ils jouissent d’admirer le bel oiseau suspendre son vol et s’offrir en vrille au chien qui l’attend.
C'est en totale violation démocratique qu'un influent lobby de chasseurs phagocyte un quarteron d'hommes politiques contraints à la génuflexion. Election oblige !
Montaigne écrivait « Je hais entre autres vices, la cruauté, et par nature et par jugement, comme l'extrême de tous les vices : mais c'est jusque à telle mollesse, que je ne vois pas égorger un poulet sans déplaisir, et entends impatiemment gémir un lièvre sous la dent de mes chiens, quoique ce soit un violent plaisir que la chasse. »

 

.

 

 

Emile Eymard

 Le bois vert et la cendre

 

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Zone-naturelle-protégée

 

 

 

PUISQUE BEAUTE IL Y A....Extrait

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...

 

nous disent les arbres

 

ce que la terre
contient de passé
et ce peu de futur

 

dans l'embrasure
du sinistre

 

il n'y a plus
de musique
à nos fenêtres

 

des moustiques
dans l'embrasement des trilles

 

les grincements des invectives
des plissements d
de pierre
de mon gosier d'oiseau
j'écris

 

 ...

 

Notre aventure, de ne vivre pas autre chose que nous maintenir, accepter, puis

traverser, et faire en sorte à ne pas perdre pied, se tenir entre les sombres parfums et

les ombres mobiles qui nous respirent.

 

recouvrer le secret de ce qui nous repose

             (la vie peut-elle prétendre à plus de limpidité ?)

 

que ces moments qui nous aident, à un peu moins de faiblesse, à un peu d'air comme de l'amour

              (ce calme est-il seulement possible à trouver ?)

 

 

.

 

 

NATHALIE RIERA

sur

http://lapetiteblessure.over-blog.com/

 

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bavella,

ZOHRA MRIMI

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On m' a appris à souffrir
Mais pas à vivre
Alors j' ai ouvert un livre
Je n' ai retenu qu' une seule phrase
Les livres sont faits d' eau
De précieux mots
On écarte tout ce qui retarde cette traversée
Je m' en vais rejoindre l' hiver
L' histoire glisse sur ce grand désert vêtu de Blanc
Sur terre
Gèle la misère

 

.

 

 

ZOHRA MRIMI

 

 

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jungho-lee-

 

Oeuvre Jungho Lee

PUISQUE BEAUTE IL Y A...Extrait

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...

 

Dans la voix du poète, comme une peur de mourir de sécheresse. Et puis ce regard qui cherche à déserter ce qui l'envahit.

                               La page encore trop habitée.


Et lorsque la rage est d'être seulement une tendance qui fait fureur, ayant perdu son art de faire remuer et nous salir les lèvres.

 

Et lorsque les gestes d'offrir et d'accueillir sont totalement bannis.

 

Davantage que lire un poème, lire un poète nous ouvre la plus libre des routes, malgré les enclos.
Et ce que nous avons à craindre de cette ouverture véhémente : son souci de pacifier ou de rendre solidaire ce qui en nous demeure en proie à l'indéterminé, l'équivoque, l'honteux, l'entortillé ; ce qui en nous est douceur et démesure, félicité et futilité, ratures et rictus.

 

Ce que j'aime entendre d'un poème : des notes d'air et de basalte ; des désirs de disculpations, des virevoltes de danseurs ; des déserts de cailloux ; notes noires et blanches de nos joies.

...

 

 

.

 

 

NATHALIE RIERA

 

 

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Joseph Stashkevetch

Photographie  Joseph Stashkevetch

 

NATHALIE RIERA...Extraits

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Je suis l’amour dans la poussière des routes, mon esprit
n’a que lavandes et embruns pour sentiers.
Je suis l’amour comme vous. Vous savez, lorsque l’on
se choisit  pour se dire ce que nous n’avons encore dit
à personne.
Vous savez que je suis l’amour comme vous, alors
 pourquoi le fer et le fiel


...



Nous sommes l’amour inhérent.
Je me rafraîchis aux ombres claires, à l’eau du cœur,
à la fraîcheur de l’alliance.
Avec toi, rive. D’où l’on peut encore s’inventer l’amour
du prochain, le jaune du citron, le hâle des seins
et des reins, l’espoir et ses motifs de pampres.
Ma rive inhérente, où le poème est encore de la brume
sur la cime. Et c’est très bien.


...

 


Le parcours du poème n’est pas de se réduire à une secrète recherche d’harmonie,
 ni de consigner le malheur, ou s’adonne à la fuite de ce qui nous désespère.
 En poésie, il y a ce mur couvert de lierre,
 ou cette branche esseulée qui porte encore le poids des fruits,
 ou cette rosée des yeux,
ou cette blancheur incantatoire du chemin
 où nous marchons sans jamais cesser de nous retourner,
 ou ce parfum de fleurs balbutiantes, tout cela qui participe de notre présence
 au monde, parmi le clair et l’abrupt.

Alors pour quelle raison écrire, si ce n’est pour alléger la lumière et que les mots s’effacent.

 

 

.

 



NATHALIE RIERA

" Puisque beauté il y a "

éd. Lanskine, 2010 in Elegeia et autres chants de soleil (Carnet de campagne I)




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nath

 

 

 

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