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Channel: EMMILA GITANA
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MEMOIRES SANS VISAGES & AUTRES TEXTES...extrait

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J’ai les yeux hagards d’avoir trop regardé les soleils tristes des déserts
Et j’ai roulé dans une détresse de chardons
Le port, je le refuse
Si j’ai mené les barques noires sous la lune, c’était par pur délire
de naufrage
Rien n’a sombré, que moi-même, et ce centre brûlant du vide,
sphère de vent, géologie morbide
J’ai les stigmates de l’absence, je me cherche dans les varechs,
dans les cactus, les ammonites et le gypse
Quel geste me rendra le jeu de vivre parmi les coquelicots fragiles
Et les rires ?

 

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COLETTE GIBELIN

 

 

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art-pierre-pierre-bonnard2

Oeuvre Pierre Bonnard

 


TIENS BON POETE

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Tiens-bon poète
Tiens-bon
Ils ont pourri la Terre
Jusqu’à l’os des rivières
Et tout s’en va en pourriture
Je porte leur pourriture d’argent
Aux banques du désespoir
Je porte leur pourriture de chômage
Au bureau du désespoir
Tiens-bon poète
Tiens bon
La vie disparaît
Déserte l’air
L’eau
La terre et même le feu
Tout est empoisonné
Même l’amour
Même l’amour
Les gonds du monde grincent
Pathétiques violences sans remords qui nous assiègent
La bonté est vaincue
Tiens bon poète
Tiens bon
Les guerres se donnent la main
Emportent tout l’homme
Broutent toutes les misères
Dévastent toutes les patiences
Je me souviens de l’enfance
Je garde l’enfance au plus profond
J’agite un drapeau d’enfance
Poète
Pour ce qu’ils ont tué
Pour ce qu’ils ont pollué
Pour ce qu’ils ont détruit
Témoigne
Témoigne
Je porte plainte
Je monte à la barre
Et j’ouvre grand le tribunal de l’univers
Et j’appelle au secours la conscience du poète
Poète tiens-bon
Tiens bon

 

 

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ERNEST PEPIN

 

 

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igor morski2

Photographie Igor Morski

 

BABEL, BABYLONE...Extrait

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Je dirai un jour prochain la haute magie des maisons de terre
Je dirai leur charme naturel
Je dirai leur climat
Je dirai leur douceur de rosée
Je dirai la grande rosace
Et sa fraîcheur termitière
Je dirai la région divine en elles


ni poux
ni belles
ni poubelles
ne vicient
l’air
du bon dieu

 

Car des bondieuseries occupent nos têtes
Mais le paysage n’en a cure
Il n’est même pas païen
Il n’est même pas chrétien
Et pas même musulman
Il est infini à la mesure
De l’amour qui nous consume

Vivre savamment
Mourir avec le sourire
Quelle rime triste
J’éclaterai ma tête contre leurs bons mots
Eux qui m’ont dépouillé de tout espoir
De toute quête
De toute métaphore

La poussière l’océan les étoiles
Ulysse Aladin Niels
Les rivages les côtes l’horizon me sont refusés à jamais
On ne me dira même pas Juif errant
Ni coolie indien ni sale Chinois
Je suis la dernière figure de l’homme
Je suis le trépassé de Lampedusa
Je suis le fusillé de Ceuta et de Melilla
Je suis le naufragé de Gibraltar de Malte de Sicile
Je suis le vendeur à la sauvette de Rome de Venise
De New York et du Trocadéro
Je suis la manière noire de Vienne

Je
suis
la
der
nière
fig
ure
de
l’hom
me

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NIMROD

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Bahram Dabiri

Oeuvre Bahram Dabiri

 

 

JOËLLE GARDES...HOMMAGE

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Parfois une vitre invisible la coupe du monde et des autres
la sépare de ses émotions
Si elle cherche à rassembler les événements de sa vie elle ne trouve que des étiquettes sur des boîtes vides

Glacée figée derrière la vitre du désespoir elle ne perçoit ni les battements de son cœur
ni le sang dans ses veines
ni l’obstination de la pensée

Invisible le travail du vieillissement
la chute des images dans l’oubli inaudible

Séparée des autres
dévorée goutte de temps après goutte de temps
Elle se redresse et rassemble ses forces contre la journée.

 

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Qualche volta un vetro invisibile divide dal mondo e dagli altri
la separa dalle sue emozioni
Se lei cerca di riunire gli eventi della sua vita non scopre che delle etichette su scatole vuote

Congelata dietro il vetro della disperazione lei non raccoglie né il battito del suo cuore
né sangue nelle sue vene
né ostinazione del pensiero

invisibile il lavoro dell’invecchiamento
la caduta delle immagini nell’oblio inaudito

Separata dagli altri
goccia divorata dopo la caduta del tempo

Lei si alza e raccoglie le sue forze contro la giornata.

 

 

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JOËLLE GARDES

Traduite en italien par Luigia Sorrentino

http://poesia.blog.rainews.it/2017/04/joelle-gardes-histoires-de-femmes/

 

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joelle-gardes

Joëlle Gardes

 

HOMMAGE A LA TUNISIE...Extraits (2015)

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Je me souviens des bouquets de jonquilles serrées en une grosse tête jaune
des tabounas dans des paniers d’osier sur le trottoir et des œufs durs pour les accompagner
de la baie largement ouverte et la seule violence était celle de la lumière derrière la brume
de l’avenue de fleurs sous le tournoiement bruyant des martinets
du pavillon sur pilotis au bord de la plage
des graines du marchand qui criait à la sortie du lycée, « Je suis là, j’ai besoin de sous »
des arrivages inattendus de bananes
du pétrole bleu dans le poêle au milieu de la maison
du chameau qui faisait tourner la noria
de l’épicier-droguiste qui n’avait qu’un mot «ça manque »

 

Et maintenant rien ne manque et surtout pas le sang.

 

 

...

 

Autrefois et aujourd’hui les tapis lavés dans l’eau salée l’odeur des beignets et celle de l’ambre dans la boutique obscure les portes cloutées et les bougainvillées fleur blanche au cœur de la fleur mauve sur le blanc des façades le bruit de l’eau dans le narguilé le thé dans les verres dorés l’abeille qui bourdonne sur le gâteau gluant
Aujourd’hui comme autrefois et malgré la folie des hommes le bleu immobile
mouvant*

 

*Extrait légèrement modifié de "Dans le silence des mots"

 


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JOËLLE GARDES

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TUNISIE

 

MON AMOUR

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La vérité, pour se dire,
Embrasse tes lèvres.
Le soleil, pour briller,
Doit, chaque jour, se lever,
Des rayons de ton ombre.
Les étoiles, en colliers, se bousculent sans nombre,
Pour venir, assoiffées, boire, à ton cou, les coupes de lumière
Sans lesquelles elles ne seraient que constellations sombres.
Quand leurs ailes se déploient,
Les oiseaux imitent ta voix,
Pour chanter mon amour pour toi,
Ses peines et ses joies.
Les dunes, en courbes, s’échinent dans tous les sens,
Pour imiter tes hanches qui, à chaque pas, dansent.
Jalouses de toi, toutes les mers, en colère, divaguent
Et des fléaux de leurs vagues,
Fouettent rageusement les cieux
Qui ont caché, dans l’écrin de tes yeux,
Les diamants les plus précieux.
Et moi, mon amour,
Depuis toujours,
De tous les joyaux de la terre,
C’est ton cœur que je préfère !

 

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© MOKHTAR EL AMRAOUI

 « Le souffle des ressacs »

 

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DUNES

Dunes désert

JACKY MICAELLI...UMAGGIU

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Jacky Micaëlli

 

 

...

Cependant ce que je sais, et dont je peux témoigner, c’est que cette voix est unique, qu’elle vous bouleverse, et que quand elle vous surprend sur les bancs d’une église ou sur un strapontin, quelque-chose d’indéfinissable se joue, de l’ordre du viscéral, de l’intime résonance ; que quand sa note décroche dans le vertigineux abîme d’un mélisme hérité de nos plus anciennes traditions (et que beaucoup aujourd’hui négligent), c’est la voix de l’enfant affamé qu’on entend, le berger qui, avec son chien, a perdu son unique compagnon et qui pleure, et tout un territoire, dans l’espace et le temps. Ainsi, au-delà du récit des heures, des péripéties d’une carrière, des vicissitudes d’une personnalité trop entière dans un univers de compromis, ces instants passés avec elle m’ont fait comprendre ce qu’elle fait vraiment quand elle chante: faire vivre une identité (au-delà même des textes), une identité forcement complexe puisque méditerranéenne, et où chaque note, chaque inflexion de voix, est généalogie. ( Jean-Marc Graziani - Voix de corps- https://assomusanostra.wordpress.com/2017/09/11/jacky-micaelli-voix-de-corps-par-jean-marc-graziani   )

 

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Une voix, une voix qui vient de si loin
Qu'elle ne fait plus tinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée 
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.

Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau 
Elle ne parle que d'été et de printemps.
Elle emplit le corps de joie, 
Elle allume aux lèvres le sourire. 

Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles, 
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.

Et vous ? Ne l'entendez-vous pas ? 
Elle dit "La peine sera de courte durée"
Elle dit "La belle saison est proche."

Ne l'entendez-vous pas ?

Robert Desnos - Contrée (1936-1940)

 

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J

Jacky Micaëlli par Antoine Giacomoni

 

 

 

A LA RECHERCHE DES PAS PERDUS...

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A Mila, Emma et Cesare

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Toi, l’enfant de mes enfants,
Toi qui, pendant ces premiers jours,
ne connaît des seins que la voie lactée,
un soir je t’apprendrai
à marcher dans les étoiles filantes
sans écraser les vœux qui les accompagnent.


Un jour je t’apprendrai
à saisir dans le vent
les verbes qui soignent leurs sujets
comme des rois bien aimés
et bercent leurs compléments directs
comme des enfants choyés.


Un matin, je t’apprendrai même
à forger le sens profond de l’insensé
avec la réponse des astres cueillie sur la rosée,…
avec les reflets tombés de tes exclamations
sur le bord d’un poème à composer.

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MAURICE COUQUIAUD

 

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BIENS ÉGAUX

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Je suis épris de ce morceau tendre de campagne, de son accoudoir de solitude au bord duquel les orages viennent se dénouer avec docilité, au mât duquel un visage perdu, par instant s’éclaire et me regagne.  De si loin que je me souvienne, je me distingue penché sur les végétaux du jardin désordonné de mon père, attentif aux sèves, baisant des yeux formes et couleurs que le vent semi-nocturne irriguait mieux que le main infirme des hommes.  Prestige d’un retour qu’aucune fortune n’offusque.  Tribunaux de midi, je veille.  Moi qui jouis du privilège de sentir tout ensemble accablement et confiance, défection et courage, je n’ai retenu personne sinon l’angle fusant d’une Rencontre.

     Sur une route de lavande et de vin, nous avons marché côte à côte dans un cadre enfantin de poussière à gosier de ronces, l’un se sachant aimé de l’autre.  Ce n’est pas un homme à tête de fable que plus tard tu baisait derrière les brumes de ton lit constant.  Te voici nue et entre toutes la meilleure seulement aujourd’hui où tu franchis la sortie d’un hymne raboteux.  L’espace pour toujours est-il cet absolu et scintillant congé, chétive volte-face?  Mais prédisant cela j’affirme que tu vis;  le sillon s’éclaire entre ton bien et mon mal. La chaleur reviendra avec le silence comme je te soulèverai, Inanimée.

 

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RENE CHAR

 " Fureur et Mystère "

 

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RENE CHAR

REFLETS

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Et le théâtre d’ombres, qu’en penses-tu,
Juste les silhouettes agrandies de lumière portée,
Le noir pour la nuit et le blanc du drap
Où tu caches ta peur quand tu ne dors pas
Le Montreur que l’on ne montre pas
Les fils disparus, dissimulés le long des ondes,
Ton téléphone intelligent sonnant le rappel,
Quand tu cours, un chien dressé, ventre à terre, et
Fais tes contes,
Ceux du héros Don Quichotte en compas sur sa selle et sa lance
Vierge d’ailes, les moulins immobiles sur leurs farines,
Le guerrier romain, le navire qui vient du Nord,
N’annonçant rien de de bon, la Diseuse des aventures
Empoisonnées,
Tout danse, mais
Aucun Chevalier ne s’arrête pour vous racheter
D’une partie d’échecs ou de dés
Les spectateurs se lèvent et les huées,
Vous partez, les unes après les autres,
La dernière éteindra derrière elle
La rampe
S’il vous plait
Qu’on revienne à l’obscurité et au silence
Qu’on range les poupées
Alignées, qui ne peuvent parler
Ni dire ce qu’elles ont vu

 

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ALEXO XENIDIS

 

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alexo

 

ANDREE CHEDID...Extrait

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Pour un coin d’eau de traces et d’herbe verte
Où l’oeil serait nu le cœur de rosée
Les mains feuilles ouvertes

Je vais
Aile au soleil
Marchant pour l’étoile
Son odeur de résine et de rêve d’enfant

C’est la route des fables la route des genêts
Que bordent les noirs sourires d’enracinés

Voici l’île la fleur la découverte

Voici l’oiseau chanteur
Voici les lendemains

Les mensonges aux yeux de mouettes.

 

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ANDREE CHEDID

 

 

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chedid

PIERRE DHAINAUT

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" Idéologie, sublimation, comment de toute façon les éviter ? Si la poésie fait corps avec l’histoire, individuelle et collective, elle la traverse aussi. Tantôt nous voulons coïncider avec cette histoire, tantôt nous en évader, à tout prix.

 

La poésie ne consiste pas dans le seul dévoilement de sa nature : elle se désincarne alors. Elle ne consiste pas davantage en une incarnation qui exigerait qu’on lui sacrifie tout, qui l’ ampute et l’alourdit.

 

Traquée, la poésie fatalement se dérobe. Nous ne procédons que par force : textes qui ont la prétention d’être ainsi des poèmes, écrivains qui osent s’ appeler des poètes. Or la poésie n’existe pas, elle n’existe pas du moins comme pour nous y soumettre ou pour la soumettre, nous puissions abstraire. Son nom déjà n’est-il pas un obstacle ?
Elle nous surprend, nous la surprenons parfois.


Est-ce le réel ? Est-ce l’image ? Est-ce le langage ? Est-ce le silence ? Questions insolubles. En mettant l’accent ici puis là, nous sommes victimes inévitablement de ette conception, particulière à l’Occident, qui veut trancher, qui n’admet qu’ un sens: elle postule toujours l’innocence et l’unité, mais en quelque sorte a rebours.
Hier naïfs, actuellement crispés. Nous avons fui, nous piétinons : la belle affaire!
Prétendre après Breton que la poésie « porte en elle la compensation parfaite des misères que nous endurons » me paraît aussi néfaste, aussi faux, que de proclamer à la suite de Denis Roche : « Poésie, c’est crevé. » Accepter, renoncer : dilemme absurde. Nous ignorons la relation, cette oscillation qui donne vie à la houle, au souffle.
Que serait le temps sans l’éternité ? La poésie n’est pas plus l’éternité que le temps. De même, elle n’est pas plus le réel que l’image, le langage que le silence : elle nait de leurs rapports. Parfois donc, pourquoi pas sans cesse ? Les poèmes et les poétes ne sont pas seuls en cause. Tous, nous devrions apprendre à respirer.


Sommes-nous vraiment pauvres ?
Encombrés par les idées d’une civilisation qui entre oui et non ne nous a pas laissé le choix, nous étouffons.

 

Autant que des ombres, les mots sont des flammes. Les ombres ont été trop denses, les flammes trop légères : artificiellement nous avons séparé. Déchiré. La langue est semblable à l’air dont a besoin l’oiseau, dont il se joue: son vol, une connaissance, et pourquoi le poème n’en serait-il pas une aussi? L’ oiseau ne s’évade pas, prétendrons-nous qu’il est captif ?


La poésie ne nous sauve pas, elle éveille :

il n’y a point de malédiction, manque et plénitude ne sont pas des réalités indépendantes.

 

Je n’attends rien du parti pris (la nostalgie, l’avant-garde). Autant que de l’aveuglement je me méfie de la lucidité.

 

Pourquoi des poètes ? Que la question reste en suspens, peu m’importe : nous n’avons que trop de réponses. Perdons notre fausse assurance, ou notre honte, et nous inventerons un art d’écrire, un art de vivre aussi bien, qui échappe à l’essence et à l’ordre.
Le rien subversif. »

 

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PIERRE  DHAINAUT

 

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DHAINAUT

 

 

BRUNO RUIZ...Extrait

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Je veux vivre une éternité de chat dans la soie des corbeilles, avoir des yeux immenses et verts, la souplesse du corps, l’agilité dans les pattes. Je veux dormir des heures entières dans les herbes, ronronner dans les bras de celle que j’aime, dormir sous ses broderies, rêver sur le mur quand le jour descend. Je veux me faire les griffes sur la bêtise des hommes, atteindre des cimes et m’incliner devant l'envol de l’oiseau. Je veux jouer avec les souris, m’enrouler aux balustrades, me frotter aux arbres, reconnaître mes maîtres, me cacher sous le lit quand j’ai peur. Je veux être un chat pour qu’on me caresse l’échine, me lisse les moustaches, me gratte la gorge, me chatouille les plumets. Je veux miauler pour n’être compris que de ceux qui m’aiment, miauler de trop attendre, de trop chercher, de trop de colère. Miauler pour montrer que je suis là, adopté dans les jambes du monde et parler enfin le langage du silence.

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BRUNO RUIZ

http://sitebrunoruiz.free.fr

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mila2,

EMOTIONAL BLUES MUSIC

LE TOUCHER OU L'ENIGME DE LA CARESSE...Extrait

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"La caresse "transcende le sensible". Le corps caressé-caressant n'est plus celui de la physiologie. Ce n'est pas le corps-chose des anatomistes ou des médecins. Mais ce n'est pas non plus le corps exhibé de l'artiste dansant, ni l'organisme soumis aux contraintes du travail, ni la silhouette courbée aux ordres des pouvoirs. C'est un corps autre, à la limite du dicible et du pensable. Curieusement obscur et lumineux à la fois, jamais entièrement présent, toujours en devenir, comme en deçà du monde des choses. Ainsi le philosophe tente-t-il d'approcher son statut paradoxal, sans pour autant le figer dans une vérité morte. "

 

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EMMANUEL LEVINAS

 

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henri deparade2

Oeuvre Henri Deparade

 

 

 

 

 

 

 


LE MARRONNIER

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Pose ton front contre le coeur

du marronnier, prête l'oreille

au trajet de la sève, à cette

force qui forge

l'oiselet dans le ciel-du fer

incandescent crissant

près du soleil-,écoute

le grand dire du bleu:

 

que tout nuage est une feuille,

feuille aussi l'hirondelle,

jusqu'à cette étincelle

sur les traverses de l'orage,

jusqu'à l'étoile,

 

Tout naît de l'arbre et de sa course

à l'aplomb de la terre,

de son cheminement sans griffes

parmi la lave et le cortex,

sous le lichen et sous la mousse,

sous le plumage et sous le derme,

en telle profusion

 

que tu ne parles de langage

que le murmure de la branche

et de l'écorce où pulse un verbe

qui s'émerveille d'être sang.

 

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LIONEL-EDOUARD MARTIN

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Marronnier

AU CLOU ROUILLE DU SOIR

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Lumière
à la vie brève, comme l’est un jour de décembre, aux heures sans douceur, à moins qu’elles fussent de neige et de silence tamisé,

où toute branche délestée d’oiseau ne tremble que du poids sans couleur de l’attente dans laquelle s’infiltre et remonte la crue inexorable de la nuit.

On observe cette heure dont on ne sut que faire, dont les fleurs de givre s’accrochent aux barbelés des mots et aux ronces de la mémoire, essayant de comprendre en quoi ce qui finit allège de sa solitude tout ce qui a déjàéchu. Ces coulisses d’un temps d’où l’on ne revient pas.

On est au bord de rien, comme aussi bien au bord de tout l’imprévisible,
un fagot de sarments, des morceaux de bois sec dont certaines brindilles peuvent se rallumer à la moindre étincelle de la pensée.

 

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MICHEL DIAZ

 

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EVGENI BAZELEVSKI2

Evgeni Bazelevski

 

AUX LISEURS DE POEMES

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D'abord il vous faudra du temps , beaucoup de temps.
Du loisir. Du silence en vous et autour de vous. Du silence
Coupé d'ardoises sur les toits, ou de cigales, dans le sud.
De longs moments de solitude pour n'être pas seul loin des autres
Et des mains, pour toucher les mots. Il vous faut écouter profond
Un cheminement de racines, voir des éclats parmi les feuilles
Guetter une démarche aisée ou non, qui n'est qu'à soi
Respirer le parfum des corps, l'odeur des genêts, des lavandes,
Et piéger, dans ce qui est dit, le gibier terré sous les mots.

Vous aurez à déjouer des ruses, des malices.
Le coeur se prend aux orphéons, à la mémoire des musiques
Aux mouvements bien cadencés des grandes parades, pas un bouton
Qui manque aux guêtres ! Et des guirlandes.
Vous dépisterez ceux qui vont
Semer leurs herbes dans d'autres traces, et le grain pourri de la mode
Il faudra le mettre aux issues. Tout cela prend beaucoup de temps.
Pour aller à la découverte
Votre radar s'appelle un don. Mais en échange, donnez-lui
Le partage de votre vie, captez l'appel des voix lointaines
Votre écho : le premier mot fut dit par vous.

Il n'y a pas de mot clé. Il n'y a pas de Sésame
Ni caverne, ni porte. Pas de coffres plein de joyaux
Les dictionnaires sont des univers où la réalité des mondes
Se tait, chuchote, ou meurt. Pas de mots clés, pas de serrures
Mais des racines de chaque mot poussent des forêts pour les vents
Et les pluies, pour les orages et les fleuves
Les océans et les nuages. Les mots sont des graines qu'on vend
à quelques-uns sur des marchés, des cris, une semence.

Je ne recherche pas l'enchevêtré dans l'arabesque des paragraphes
Un tracé indéfiniment repris enregistré dans tous les sens
Une calligraphie par sa répétition devenue fascinante et folle
Une rature sans espoir étouffant le blanc du papier
Je ne jette pas, comme aux chats, la pelote de l'illisible
Ne dévide pas pour du vent un fil d'Ariane inépuisé
Ne reprends pas pour m'y complaire un ressassage de vieillardes
N'obscurcis rien, n'explique rien. Je dis des choses machinales
Un mouvement de sang que nul n'entend. C'est tout.

 

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PIERRE SEGHERS

 

 

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NATURE

 

POURQUOI DES POETES EN TEMPS DE MANQUE ?

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" La poésie de nos jours est-elle un sujet d'étonnement ? De dérision plutôt. Non pas aux yeux des autres : à ceux d'abord des poètes. L'écriture, son agonie.
Ne fallait-il pas découvrir les pièges où la poésie facilement se laissait prendre ? Ce mythe de l'innocence ou de l'unité grâce auquel les poètes ont pu vivre en ces temps du manque, ou survivre, angélisme, a-t-on dit, respectant, perpétuant le schéma reli­gieux : poésie, paradis. Le poème avait mission de purifier, il le pouvait, ses mots parti­cipaient à l'être et tendaient vers le chant.
La Grèce de Hôlderlin n'est point la Grèce, et si nous le lisons, s'il nous attire, nous sommes avant tout sensibles à ce qui brise en lui ce chant. Nos yeux, plus rien ne les voile, aucune image, mais sur quoi s'ouvrent-ils, se ferment-ils ?
C'en est fini des illusions : persisteraient-elles, du moins nous savons à quoi nous en tenir, nous l'affirmons. N'est-ce pas notre ultime illusion?
La poésie, de Hôlderlin jusqu'à Breton, c'est elle qui jugeait, la voici qui passe en jugement. Des sciences (ou ce que l'on baptise ainsi) la condamnent : sublimation poé­tique, idéologie poétique, etc. Rien de neuf dans ces accusations, mais quel poète a résisté suffisamment pour ne pas les reprendre à son compte ? Seraient-elles en partie justes, elles n'en sont pas moins accablantes, elles entravent.
Et chanter ? Pourquoi ferions-nous confiance aux mots ? La langue en effet nous trompe, elle nous oblige à dire ce qu'il lui plaît : nous venons après, nous intervenons si peu.
Qui se vantera d'avoir déjoué tous les pièges ? Personne n'échappe à la lèpre, mais la plus corrosive, ne serait-ce pas ce regard exclusivement critique ?
Ruinée, la poésie. J'allais dire : en ses fondements. Lesquels ? Qui peut répondre ? Toutes les réponses traditionnelles nous semblent caduques : alibis, fantasmes et men­songes... S'agit-il d'une libération?-J'en doute. Au jeu dangereux de la négation, n'avons-nous pas perdu jusqu'à nos dernières forces?
Que se passait-il naguère encore ? Le surréalisme a remplacé le symbolisme, il n'a point tué la poésie, il espérait la rendre, au contraire, à sa vocation : le rêve et l'imagi­nation, les mots qui font l'amour, disait-il. Nous en sourions, quand nous ne nous acharnons pas contre eux.
Contre nous.
Qui renonce à la poésie se mutile. Et qui l'accepte aveuglément s'égare.
Irons-nous plus loin dans le nihilisme ? Est-ce possible ? Impossible en tout cas de revenir en arrière. Serait-ce inéluctablement l'impasse ?
N'aurions-nous pas commis une erreur ? Avec Hôlderlin les poètes ont glorifié la poésie ; avec Bataille ils l'ont injuriée. Rimbaud fit les deux. J'évoque en fait mes propres hésitations. J'appartiens à une génération qui n'a point commencé par la révolte, elle hérita. Aux déceptions de ce monde j'ajoutais celles d'un autre monde : telle que je l'avais définie, la poésie me dominait, j'étais sa victime. De toutes les mys­tiques, la plus éprouvante. J'obéis ensuite au mouvement inverse, obligatoire : j'ai contribuéà lui ôter les masques, je montrais sa vanité. Et de la même façon je me suis usé. La louange et le blasphème se ressemblent, nous n'avons pas à leur livrer toutes nos forces. Haut ou bas, quoi qu'il en soit, nous parlons trop de la poésie, nous fai­sons d'elle un absolu, nous l'isolons. Nous persistons à penser en termes dualistes : elle est pure, elle est impure. Erreur, bien sûr, à peu près générale."

...

 

 

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PIERRE DHAINAUT

 

 

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poesie

LES PHARES

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Rubens, fleuve d'oubli, jardin de la paresse,
Oreiller de chair fraîche où l'on ne peut aimer,
Mais où la vie afflue et s'agite sans cesse,
Comme l'air dans le ciel et la mer dans la mer ;

Léonard de Vinci, miroir profond et sombre,
Où des anges charmants, avec un doux souris
Tout chargé de mystère, apparaissent à l'ombre
Des glaciers et des pins qui ferment leur pays ;

Rembrandt, triste hôpital tout rempli de murmures,
Et d'un grand crucifix décoré seulement,
Où la prière en pleurs s'exhale des ordures,
Et d'un rayon d'hiver traversé brusquement ;

Michel-Ange, lieu vague où l'on voit des Hercules
Se mêler à des Christs, et se lever tout droits
Des fantômes puissants qui dans les crépuscules
Déchirent leur suaire en étirant leurs doigts ;

Colères de boxeur, impudences de faune,
Toi qui sus ramasser la beauté des goujats,
Grand cœur gonflé d'orgueil, homme débile et jaune,
Puget, mélancolique empereur des forçats ;
 
Watteau, ce carnaval où bien des cœurs illustres
Comme des papillons, errent en flamboyant,
Décors frais et légers éclairés par des lustres
Qui versent la folie à ce bal tournoyant ;

Goya, cauchemar plein de choses inconnues,
De foetus qu'on fait cuire au milieu des sabbats,
De vieilles au miroir et d'enfants toutes nues,
Pour tenter les démons ajustant bien leurs bas ;

Delacroix, lac de sang hanté des mauvais anges,
Ombragé par un bois de sapins toujours vert,
Où, sous un ciel chagrin, des fanfares étranges
Passent, comme un soupir étouffé de Weber ;

Ces malédictions, ces blasphèmes, ces plaintes,
Ces extases, ces cris, ces pleurs, ces Te Deum,
Sont un écho redit par mille labyrinthes ;
C'est pour les cœurs mortels un divin opium !
C'est un cri répété par mille sentinelles,
Un ordre renvoyé par mille porte-voix ;

C'est un phare allumé sur mille citadelles,
Un appel de chasseurs perdus dans les grands bois !
Car c'est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage
Que nous puissions donner de notre dignité

Que cet ardent sanglot qui roule d'âge en âge
Et vient mourir au bord de votre éternité !

 

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CHARLES BAUDELAIRE

 

 

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phare

 

 

 

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