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Channel: EMMILA GITANA
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COMME DANS UN JARDIN...

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Ils étaient là, tous les deux devant cette tombe où leur mère " reposait ". Comme dans un jardin ensoleillé en Septembre, ils lui rendaient visite, se retrouvaient et parlaient. Sans tabous, ils évoquaient leur vie passée sous le même toit, celle qui n'appartenait qu'à eux seuls,  parfois, ils s'adressaient à leur  mère en souriant, et tout à coup ils étaient trois. Ils sublimaient ce moment et le vivaient naturellement, avec une simplicitéétonnante...Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas échangé, sans témoin, des propos si fraternels et rien n'aurait pu interrompre cet instant . Il avait été le petit frère de l'enfance et elle le considérait toujours comme tel, il semblait aimer ce statut qui lui donnait la possibilité d'abandonner ses habits d'adultes  et de se laisser guider. Il redevenait un peu un enfant à ses côtés et elle reprenait ,inconsciemment, son rôle d'ainée.  Ils rejoignaient un univers qui leur avait été réservé pendant des années. Apaisés, sereins,  ils oubliaient presque les lieux , et personne ne s'en offusquait. Ce jardin de fleurs, ces photos, ces statues, ces allées bien rangées devenaient familiers . Ils ont touché, ensemble, la pierre réchauffée par le soleil, comme un au revoir à leur mère, ont regretté l'absence de leur soeur, qu'il fallait épargner et l'ont associée à leur geste.  Elle a repris sa canne, il l'a aidée, elle, la grande soeur, en lui tenant la main devant un obstacle, puis sont partis, ont repris séparément le cours de leur vie. Mais ils savent que ce lien tissé qui les unit reste inaltérable...

 

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JOSIANE

 

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AMOUR FRATERNEL

Amour fraternel - Artiste anonyme

 

 

 


AURELIEN...Extrait

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« Qui a le goût de l’absolu renonce par là au bonheur...
…Pourtant, si divers que soient les déguisements du mal, il peut se dépister à un symptôme commun à toutes les formes, fût-ce aux plus alternantes. Ce symptôme est une incapacité totale pour le sujet d'être heureux. Celui qui a le goût de l'absolu peut le savoir ou l'ignorer, être porté par lui à la tête des peuples, au front des armées, ou en être paralysé dans la vie ordinaire, et réduit à un négativisme de quartier ; celui qui a le goût de l'absolu peut être un innocent, un fou, un ambitieux ou un pédant, mais il ne peut pas être heureux. De ce qui ferait son bonheur, il exige toujours davantage. Il détruit par une rage tournée sur elle-même ce qui serait son contentement. Il est dépourvu de la plus légère aptitude au bonheur. J'ajouterai qu'il se complaît dans ce qui le consume. Qu'il confond sa disgrâce avec je ne sais quelle idée de la dignité, de la grandeur, de la morale, suivant le tour de son esprit, son éducation, les mœurs de son milieu. Que le goût de l'absolu en un mot ne va pas sans le vertige de l'absolu. Qu'il s'accompagne d'une certaine exaltation, à quoi on le reconnaîtra d'abord, et qui s'exerçant toujours au point vif, au centre de la destruction, risque de faire prendre à des yeux non prévenus le goût de l'absolu pour le goût du malheur. C'est qu'ils coïncident, mais le goût du malheur n'est ici qu'une conséquence. Il n'est que le goût d'un certain malheur. Tandis que l'absolu, même dans les petites choses, garde son caractère d'absolu… »

 

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LOUIS ARAGON

 

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PHIL CHARPENTIER R

Oeuvre Philippe Charpentier

 

 

TENORS-MEMOIRES...Extrait

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"Et je l'interrogerai encore,
et nous dialoguerons jusqu'à la transparence des horizons
où plongent
les piliers de nos prières."

"Midi passe, les ombres vont revenir

Je professe la refonte des yeux,
je donne à voir au regard du monde
l'incroyable paix qui est à l'œuvre
dans la veille martiale de ma voix.

Je bats
la pierre du jour
pour qu'éclosent à sa pointe d'éclat
les germes de possibles demains,
moi
l'éphémère,
l'éternel,
un scintillement."

 

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LEOPOLD CONGO-MBEMBA

 

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LEO2

 

 

VOUS M'AVEZ APPRIS A TISSER LE TEMPS...

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Vous m'avez appris à tisser le temps sur mes doigts d'enfant qui sentaient encore l'encre des porte-plumes et la craie des ardoises. Votre école était buissonnière parce qu'elle ne cherchait pas àéteindre ce feu qui pétillait dans nos yeux et qui poussait nos rêves à courir le monde, à battre la campagne, sur les pas de notre imagination, au rythme de la ville qui nous étouffait...

Les enfants du quartier n'étaient pas riches. Certains portaient des blouses grises, couleur de cour, couleur des murailles qui nous entouraient. D'autres portaient des blouses bleues, couleur du ciel au-dessus des marronniers qui frissonnaient dans les courants d'air. Ils étaient tous imprégnés par des odeurs de lessive, de mouchoir repassé, de cartable sec et de crayons taillés ; par des effluves de brillantine et de savon de Marseille. Nos billes en terre et les couvercles bombés de nos capsules de Coco Boer avaient la couleur et l'exotisme des filles qui raisonnaient dans la cour mitoyenne.

Vous m'avez appris à aimer les dictées, autant que les leçons de choses, et nous effeuillions les mots avec ce même amour, cette même curiosité qui nous poussait à disséquer le cœur des fleurs. Vos yeux brillaient quand vous vous appliquiez à prononcer les consonnes finales, et vous saviez très bien que cette petite tricherie qui n'échappait qu'aux étourdis, nous inciterait toute notre vie à ne pas oublier d'écrire ces lettres muettes, au seul souvenir de votre sourire au coin des lèvres.

 

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JEAN-PIERRE GUENO

"Chère école. Mémoires de maîtres, paroles d'élèves"

 

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Ecole-primaire

 

 

LE LIVRE DU PARTAGE

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" Penser le partage - disait un sage - c'est mettre en cause la morale et le droit; c'est, aussi, mettre en question les notions de bonheur et de malheur; c'est, encore, faire le procès de l'humanité, de la vie et de la mort.

" Tout est à partager et rien n'est partageable: le sort de l'homme, comme celui du monde. Sue cette difficulté, inhérente  sa nature-même, se fonde, peut-être, la réciprocité du don. "

Et il ajoutait: " Et pourtant, exister c'est s'ouvrir progressivement au partage; c'estpartager la vie avec la vie, la joie avec la joie, la douleur avec la douleur, la mort avec la mort; l'instant, en somme, avec l'instant. "


Le partage ne serait-il, en soi, qu'arbitraire appropriation ?

En naissant, je m'approprie la vie; en mourant, je fais main-basse sur la mort; je m'empare, à mon insu, de l'au-delà.

Une action ne peut se juger que dans sa plénitude; un sentiment, également. Nos comportements nous sont propres. Nous agissons, comme si nous avions le droit d'agir de la sorte. Nous nous mouvons, comme si nous étions seuls à nous déplacer.

De nos penchants ou de nos répulsion, infiniment diverses sont les motivations. Le motif est personnel.

Nous pesons sur les hommes, de tout notre poids de raison, de sensibilité, de complexité ou d'indifférence. Il faut nous accepter tels que nous sommes. Ainsi, se nouent nos rapports avec autrui. Ainsi, opèrent le temps et l'éternité auxquels nous sommes soumis.

Peut-on dans ces conditions, envisager, avec sérénité, le partage d'un bien déterminé : or, argent, amour, conviction, idéal, idée ? Et quelle valeur accorder à un don qui, d'office, exclut l'équitable partage ? Il comblera l'un et décevra l'autre, sa valeur étant toute subjective.

Nos richesses ne sont rien tant qu'elles n'ont pas obtenu l'aval de tous.

Là réside la difficulté. Elle provient, non pas de la nature du bien mais de sa destination, en dépit du choix; car le juste partage s'appuie sur a même capacité de jouissance du bien reçu; il implique une même idée de ce bien, un même intérêt pour lui.

Mais qui saurait estimer, à son vrai prix, ce qu'il possède? Ne rien posséder, c'est, aussi, posséder ce rien. Le rien, comme le tout, ne se partage pas, n'étant jamais qu'un rien ou un tout dans l'infini du tout et du rien dont nul, à aucun moment, ne parviendra à prendre la mesure.

L'impossibilité du partage serait-elle due à nos différences?

Partagez un amour, vivre à deux la même vie, n'est en définitive, que vivre dans sa complétude, sa part d'amour et de vie. Nous n'avons, à travers l'autre, affaire qu'à nous-même. Le partage est à cette condition; c'est pourquoi il est, à sa bas, illusoire.

L'autre nous rend à nous-même et vice-versa.

Partager un lit, un repas, n'est jamais qu'obtenir, pour soi, une place dans un lit ou une part de repas; mais cette place consentie, cette part de nourriture varient nécessairement selon notre corpulence ou le degré de notre appétit. Un lit, un repas, comme une existence, ne se partagent jamais par moitié.

L'échange n'est pas le partage; car, au contraire de celui-ci, il implique la connivence.

Dans un échange, nous donnons moins ou davantage que nous ne récoltons. Cela ne saurait être autrement.

Le livre en est la parfaite illustration.

On ne partage pas un livre, ne fût-ce qu'à cause de la diversité des approches qu'il suscite.

Le livre nous renvoie à un seul livre: celui de notre lecture.

Nous n'aurons, l'ayant lu, rien partagé, mais gardé tout pour nous ou tout accordé sans contrepartie.

....

Il disait enfin : " On ne peut se servir que de mots connus; c'est pourquoi tout livre que l'on écrit est un livre déjà lu "

Et il ajoutait : "Écrire est, peut-être, désespérément détruire le même ouvrage, obsédé par le livre que l'on ne fera jamais.

 

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EDMOND JABES

 

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PART2

 

 

 

 

 

AU CALENDRIER DES ENFANTS...

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Au calendrier des enfants-l'été s'arrête à la porte
de l'école
-les oiseaux pensent qu'il s'en va douce-
ment avec la lumière
---il est des pays où tout ça
ne veut rien dire

tu commences à guetter les arbres
-savourant les
premières pommes
-tu suis feuille à feuille les ors
les pourpres et les bruns
--cette musique qui joue
en sourdine sous la respiration ralentie de la terre

sous ta capuche le matin sent plus fort
-un parfum
de champignon terreux
---des noisettes plein les
poches
-une cupule entre les dents--tu voudrais
partir comme l'oiseau
--ou comme le vent

est-ce que le vent vieillit aussi ?

 

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LUCIE PETIT

http://www.chemindemots.be/

 

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LUCIE

 

 

 

 

LES SEPT PRENOMS DU VENT...Extrait

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Tout est perdu de ce voyage d’oubli et voici les couleurs
De prusse en prune un long couloir de lune
Elles sont femmes comme les vagues qui s’enroulent
Elles donnent du son au lent dessin du monde elles éclatent
D’ambre en pourpre un doigt bagué de soufre
Mangues ouvertes telles des cuisses et odorantes
Elles donnent sel et sens et courent sur les yeux sur
Le pavé des sources sur l’horizon des corps et des arbres
De chrome en garance une mer de réglisse
Elles donnent des épices au regard qui tombe avec le soir
Et dévalent du vent jusqu’aux branches des mains quand
Elles rendent tous les visages reconnaissables ou neufs comme
Vincent inventant les étoiles les blés le soleil infaillible
De sable ou d’or tout un ciel d’héliotrope
Elles se souviennent du jour où un homme a bâti sa maison
Sur la terre les portes les fenêtres et le seuil et le toit mais
Rien ne l’habitait les murs étaient tracés mais leurs veines
Opaques il y fallait un auvent brique un autre fauve ou perle
Un bouquet indigo une poutre cerise il y fallait la joie car
D’émeraude en turquoise des oreilles chartreuse
Elles font venir l’eau écarlate dans le puits sans fond du désir
Et les joues les lèvres les dents même tout prend saveur
Quand elles envahissent la plage ses graviers nus son silence
Quand l’azur devient miel tournant safran quand les pommes
Bleuissent comme une orange dans les doigts d’orage de Paul
Quand Vincent fait éclater sa maison jaune sous un ciel Klein
De mauve en jade une jachère lasse
Et que dire de ce tilleul sous l’absinthe de cette tourterelle
La douceur opaline de son chant roucoulant sous la pluie
Lavande du soir quand elle ramasse ses ailes ardoise et vole
Vers ce cheval qui danse isabelle et foule l’herbe rouille
Avec l’air de l’attendre pour achever le long dessin du soir
De vermeil en topaze un nuage corail
Même la mer s’invente depuis le matin ces envols de cobalt
Ou d’anis quand le ciel pose ses tourments sur la pointe paon
Des vagues de midi juste avant le saphir le pétrole ou
Cette pente véronèse qui corrompt la lumière viride
De rose cassis ou cramoisie la framboise d’un sein
Le vent aussi espère les pigments qui beurrent les forêts
Où il cache ses parfums de crépuscule ses hanches lilas
Ses doigts musqués qu’il passe dans les cheveux des arbres
De cinabre en pistache des lèvres magenta
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ALAIN DUAULT


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Yasmina Alaoui & Marco Guerra - Body Art by Catherine La Rose (45)

Photographie Yasmina Alaoui, Marco Guerra

 

PAMPHLET CONTRE MOI-MÊME

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Il est vrai que, bien vite, il me faudrait reconnaître l'outrecuidance.

Pamphlet contre moi-même.

Si rien ne se fait que contre quelqu'un, quelque idée ou quelque chose, encore importe-t-il que la personne, l'idée, la chose aient, pour l'esprit ou le corps en mouvement, de la précision.

Mais ce serait un nuage et non un pushingball bien dur, bien net, bien exaltant que j'aurais désignéà mes propres coups de poing, de tête, de cœur.

Si je me déclarais à moi-même mon propre ennemi, j'espère que, devenu d'un coup champ de bataille et point de mire de toutes mes forces disponibles, j'aurais enfin sensation d'unité, quitte à la déclarer détestable, à la combattre et à en triompher peut-être, à la troquer sûrement contre quelque nouvelle.
Or j'ai peur qu'il s'agisse non de guerre mais de grandes manoeuvres. Ubu, capitaine Bordure, je vous envie, qui aviez le bonheur de crier : " Vive la Pologne, car sans la Pologne il n'y aurait pas de Polonais. "
Après tant de méditations essayées il faut tout de même bien, si je ne puis me conclure, que je tente au moins de me résumer.
Moi-même?
à la fois dompteur et fauve.
Dompteur, mais se réjouissant de son effroi, complaisant pour ses nerfs.
Alors, à quoi bon faire l'envieux et quelles excuses donner au désir de muscles dociles, de doigts précis, de cœur exact et bien rangé?
Voilà pour le compteur; quant au fauve, il n'est pas trop méchant, ni capable de le devenir. Si le dompteur aime les drinks et le poivre, le désespoir métaphysique et les caresses qui le retournent comme un gant, le fauve, lui, se nourrit de pervenches.
Moi-même?
Un dompteur, un fauve?
Un fauve dompté?
Un dompteur fauve?
Moi-même?
Ou plutôt un petit tas d'os, de volontés inconciliables, de papilles à jouir, d'organes à percevoir.
Dans la journée, sous prétexte d'ordre, l'intelligence coupe les plus vigoureuses branches, les plus touffues, les plus salutaires. Critique et destruction. Elle fait une roue sans plumes et n'accepte de s'endormir qu'après avoir éparpillé toutes les petites chances de bonheur.
La nuit il y a le prolongement des rêves.
Ce prolongement est à la fois un secours et une raison de désespérer.
Secours , parce que l'esprit fait le seul voyage capable d'enrichir. J'entends que, grâce aux rêves, j'ai appris à douter de ce qui est facile à voir, à prendre, à sentir, à manger, à embrasser, et grâce aux rêves j'ai appris à chercher mon bonheur en d'impondérables sensations, bouquet dont je permets de rire.
Raison de désespérer, parce que le sommeil dont on a coutume de dire qu'il est l'image de la mort, réservant les surprises des rêves, après une nuit de cauchemars ou d'amours extra-terrestres, il ne m'est guère possible de croire que la mort puisse être une évaporation, une descente au néant. J'ajoute que d'ailleurs la notion du néant a pour moi toujours été inconcevable. Peut-être est-ce encore une lâcheté et que, n'ayant pas trouvé mon compte dans les aventures humaines qu'il me fut donné de parfaire, je m'obstine à penser que l'agrégat qui porte mon nom (petit tas d'os, volontés inconciliables, papilles à jouir, organes à percevoir, l'intelligence le jour, les rêves la nuit) ne peut se dissiper avant d'avoir brillé de quelque éclat.
J'avoue d'autre part que, si je tiens à la vie tant que je la juge précaire, je la trouve fort négligeable dès que je l'imagine projection terrestre d'une marche éternelle.
Pour mémoire je signalerai mon orgueil, l'orgueil qui me pousse à me croire digne de porter un jugement, de condamner, de me condamner moi-même.
Humilité, direz-vous, et non orgueil. Disons humilité, s'il vous plaît, mais l'orgueil peut devenir la pire forme d'humilité. N'est-ce pas M. de la Rochefoucauld, maintenant qu'il n'y a plus de sottes gens, mais rien que de sots métiers?
Donc, certain orgueil persuadé de son pouvoir de décider, et me déclarant apte à tirer parti du bien et du mal, du beau et du laid, et me donnant aussi la méfiance de tous les systèmes — Tzara, vous aviez raison et l'absence de systèmes est encore un système — en un même instant et sans les concilier jamais, assemble scrupules et cynismes.
Scrupules et cynismes, oui, mes amis, nous ne nous y reconnaissons plus et pourtant nous avons un bel esprit critique, nous crevons d'esprit critique. Et c'est pourquoi nous tente toute chose qui porte en soi sa fin et ses raisons.
L'intelligence, dans la journée, les rêves, la nuit. Mon intelligence sait que la nuit vaut mieux que la journée, car la journée n'a fait que détruire et s'acharner contre ce que, sans se rendre compte, la nuit avait construit, pour la joie ou la tristesse.
Il fallait marcher longtemps avant de voir le mur qui fermait le cul-de-sac. Nous avons fait demi-tour. Mais retrouverons-nous cette naïveté, les surprises qu'elle nous réserve, dont chacune est poésie?
Pour l'heure nous essayons encore des jeux. Jeux de sexe, jeux de main, jeux de vilain.
Mais n'a-t-il point tort celui qui, luttant et jouant contre soi-même, risque, après le combat, en vérité par trop singulier, de ne trouver plus que la place de soi-même et non soi-même.
" Je sens deux hommes en moi ", écrivait Jean Racine à la fin de ses jours. Cette phrase est devenue le vers d'un cantique, et ce cantique le chantent les enfants des églises. Mais quelle multiplication depuis le catéchisme de mes dix ans! Ce n'est pas deux ni trois, mais une multitude que je sens en moi. Duquel s'agit-il de triompher? Il y a trop d'ennemis pour que je sois victorieux d'aucun.
à nouveau tout de même j'annonce : Pamphlet contre moi-même.
J'agite ce titre en panache, en drapeau. Suis-je suivi?
J'ajoute... et contre quelques autres. Or n'est-ce point encore une lâcheté qui m'engage à parler de quelques autres. Ces quelques autres, les plus sympathiques de mes amis et de mes ennemis, si je leur prête attention c'est que je les fais symboles de ces diverses étincelles dont je souhaite qu'un jour l'éclat commun donne l'illusion d'une grande flamme.
J'espère une grande flamme? Moi-même.
Le tout serait de savoir si l'on a raison de prétendre que le bruit de la mer est fait de celui de toutes les gouttes d'eau.
Pour l'heure il s'agirait de battre la mer, de battre moi-même et ceux qui me ressemblent.
Et pourtant nous sommes des animaux dignes de pitié, encore que brillants, habiles aux coquetteries, grimaces, mauvais tours envers soi et les autres, jeux d'esprit et, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, jeux de sexe et même jeux de cœur lorsque la saison s'y prête.
Animaux qui voudraient bien être sauvages, mais doivent se résigner aux consolations de quelques doubles somnambules et nocturnes puisque, le jour, dans leur état dit normal, ne les surprennent plus jamais la résurrection de quelque désir ou une peur assez profondément ressentie pour durer et ne sembler point, après quelques minutes, mosaïque de simulacres.
N'ont rien révélé ni le sang répandu, ni les matins froids, ni les après-midi au goût de cendre, ni les nuits sans sommeil, ni le désordre aujourd’hui roi par le monde.
Animal, je suis, hélas! un animal raisonnable.
Mes congénères ont tout combiné pour mon agrément et ma commodité. Toutes les terres de ce globe ont été découvertes. Il m'est trop facile d'excuser mes volontés meilleures, jamais réalisées, en disant, par exemple, que telle est l'organisation du monde que j'aurais pu aller très loin sans partir jamais.
Heureux Anacharsis qui visita la Grèce.
Cette peur de gâcher tout, en réalisant quoi que ce soit, nous condamne à des attitudes. On m'accuse et je m'accuse d'attitude. Mais je vous le demande, ce que vous appelez attitude, cette manie de faire des gestes et des déclarations — gestes et déclarations dont tous ceux qui ne feraient pas les mêmes se soucient au reste, suivant la formule, autant qu'un poisson d'une pomme —, je vous le demande, ces attitudes par quoi nous essayons de nous laisser prendre à ce dont chacune d'elles est symbole, n'y ayant point été spontanément portés, ces attitudes, ne comprenez-vous pas qu'elles nous rendent dignes d'une pitié dont, au reste, nous ne voudrions pas un seul instant. Ce que le passant baptise pose est souvent, chez celui en qui le spectateur la constate, plus naturelle qu'une brutalité.
Certes la vie nous eût été plus douce si les questions du choix ne s'étaient posées. Mais ce choix n'ayant pas été initial, ni le sacrifice de certaine partie de nous-même à certaine autre résolu inconsciemment, comme il se doit faire pour que l'équilibre existe et continue au moins un temps d'exister, doués de trop de désirs pour accepter d'être sainement asservis à quelqu'un d'eux, nous connaissons mille regrets, avant d'avoir consenti pleinement à une seule possession. Et même, lorsque nous voulons nous distraire, nous savons trop le peu que valent nos essais. L'ennui dont longtemps fut rapetissé le sens a repris sa haute taille et, nous hantant, à nouveau il nous dépasse. Nul des divertissements qu'on nous propose ou que nous nous proposons ne saurait en avoir raison.
Alors quelle excuse inventer pour chaque virevolte? Je me suis dit qu'il me fallait aller quérir aux sources mêmes les documents pour acquérir le droit de mépriser. Mais le mépris s'est-il jamais soucié des raisons bonnes ou mauvaises, et n'est-ce point hypocrisie que chercher quelque explication à ces sacrifices, sans doute inutiles, consentis à ce que nous méprisons le plus. Cependant, Pascal lui-même, s'il eût vécu en ce siècle, Pascal, au lieu de rouler en carrosse et de connaître le loisir, s'il eût à subir tant d'odieuses contraintes mécaniques, contempler les nouvelles combinaisons de corps, de produits chimiques et pharmaceutiques, de plantes, prétextes à ce qu'on nomme vices, et dont l'époque doit à son ennui d'essayer sans cesse quelque nouvel arrangement (les ressources de l'imagination, en cette matière, ne sont d'ailleurs pas, comme chacun sait, illimitées), Pascal lui-même — que je prends ici comme simple exemple de la plus parfaite intelligence et de son merveilleux complément, l'inquiétude —, Pascal lui-même contraint à de perpétuelles surenchères, n'eût-il point, avant la fameuse nuit (" Joie, pleurs de joie... ", etc.), cherché tout comme les petits camarades quelque courant d'air humain, si rare par ces temps de calorifère, de maquillage, d'ersatz.
L'univers, ou ce qui nous est donné d'en voir, semble, à dire le vrai, promettre depuis quelques années un trop beau spectacle pour que nous ayons le courage de nous retirer. Cette curiosité donnée comme raison d'une perpétuelle attente ne fut-elle pas d'ailleurs de tout temps aussi plausible, et n'y a-t-il pas eu au long des siècles des hommes qui se disaient, comme moi aujourd’hui, que s'ils n'étaient pas résignés à de simples bonheurs et cependant acceptaient de continuer à vivre, c'est qu'ils espéraient le miracle d'une harmonie prochaine? Aussi parfois suis-je bien forcé de croire que seules ma déception passée, ma lâcheté présente et l'impuissance à renoncer où je demeure malgré tout me poussent à forger encore des rêves. Mon intelligence pourtant est grande et claire. C'est en elle que j'habite, c'est d'elle que je vois. Mais les vitres tristes qui la défendent contre le froid et le chaud, la pluie et le soleil, condamnent à l'anémie mon corps et mon cœur. C'est, perpétuel, derrière l'intelligence et ses frontières, un exil. Nous voulons vivre. Nous n'avons pas la sensation, nous n'avons pas la certitude de vivre.
On empoisonna mes quinze ans avec certain petit : " Je pense donc je suis. " Je sais que je pense. Mais suis-je? Mon intelligence est grande pourtant, claire. C'est en elle que j'habite, c'est d'elle que je vois. Là est ma faute.
Si j'écoutais la voix souterraine qui toujours a raison de mes raisons, à l'instant, je m'agenouillerais.
PRIèRE
Mon Dieu, mon intelligence est grande, claire. Mais parce qu'en elle j'ai voulu habiter, parce que d'elle j'ai voulu voir, j'ai gâché tout et tous, moi-même et les autres.
Blancheur des draps, par quoi, mon Dieu, essaient de vous figurer sur leurs murs blancs les benoîts, les naïfs, les saints, blancheur des draps, aux jours de brioche, d'eau bénite, de buis, de fiançailles, de pardon, et de mort douce, blancheur des draps blancs, et qui ne le savent, ô vous, mon Dieu, pardonnez-moi.
Mon Dieu...
Mais quel rictus déjà creuse cette bouche.
Si je retrouve ou crois retrouver Dieu, est-ce pour la seule joie de me vouloir Lucifer. Encore les attitudes. La paix, mon intelligence! Silence, littérature. Je ne suis pas un esprit fort. Je ne suis pas un bel esprit. Il faut recommencer:

PRIÈRE
Mon Dieu...
Hélas! il faut encore me taire, car si je veux parler de Dieu, si j'ai un tel besoin de le prier, c'est qu'un goût du blasphème déjà me tente et cherche à me faire supérieur à la notion même que mon effroi, certains jours de trop grande misère humaine, fut bien contraint d'avoir de Dieu.
Si mon intelligence grande et claire dispose des tempêtes essentielles, c'est pour, sortie du péril, se mieux recomposer et jouir de sa grandeur, de sa clarté.
Si d'autre part je renonce à toute intelligence, c'est que, m'expliquant par quelque instinct confus ou quelque élan vital, je flatterai mon corps, mon tempérament, leur prêtant des ressources qu'ils n'ont certes point.
Alors?
Si je suis victorieux de moi, ou si j'ai durant quelques minutes l'impression de l'être, ma victoire est une simple victoire à la Pyrrhus.
La bataille achevée, la comédie finie, je suis seul, les mains vides, le cœur vide.
Je suis seul.


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RENE CREVEL

 

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rene

 

 


CE PETIT POINT ...ROUGE

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Quand je dis amour
je dis ce petit point   rouge
dans la poitrine
cette perle rubis
au coin des lèvres
fièvre du ciel
mot embrasé
jusqu’à la gorge
amour défait
point de suture

l’air est si pur

 

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MARIA DOLORES CANO

reveusedemots.blogspot.com

 

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Encre 11'maria dolores cano

Encre Maria Dolores Cano

L'ORDRE ANIMAL DES CHOSES...Extrait

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Le cri rauque de la mouette, [...] ou la prosodie lancinante et aiguë de la chouette, ou la respiration bruissante du hibou, ou la mélodie ronde, hyperlittéraire du rossignol, ou le sifflement du merle, ou le babil de la grive, ou le gazouillis du rouge-gorge ont un rapport avec tout le corps de l’oiseau, non seulement avec les organes vocaux mais aussi avec la forme et la taille des ailes, la couleur du plumage, la position adoptée au moment du chant, la hauteur de cette position et peut-être même la nature de l’arbre et la forme de la branche sur laquelle se pose le chanteur. Ils ont à voir avec le rapport entre l’ombre et la lumière, la façon dont il évolue au cours de la journée, avec la légèreté et l’humidité de l’air, avec l’intensité du vent. C’est la variabilité de ces rapports qui, s’ajoutant aux caractéristiques vocales de chaque oiseau, définit tour à tour la nature du son. C’est pourquoi dire trille, ou cri, ou sifflement, ou gémissement, ou plainte, ou pépiement, ou bourdonnement ne signifie que proposer une abstraction, un allusion vaine, une approximation : chaque oiseau a son chant, mais chaque chant a ses variations, ses nuances, sa partition. En outre chaque voix singulière est en syntonie avec les autres voix, et dans cette syntonie le son prend son intensité, sa forme, son rythme. Il devient chœur mais sans se perdre en lui. Dans le timbre particulier que chaque oiseau apporte au chœur il y a la mémoire du vol, du vol qui, en débarrassant les corps de leur matière terrestre, les a remplis d’air, les a rendus solidaires de l’air, légers dans l’air. 
Si la langue terrestre appartient aux hommes, avec le poids du sens, c’est aux oiseaux qu’appartient la langue de l’air, avec la légèreté qui est au-delà de tout sens. C’est cet au-delà que nous appelons harmonie. Une harmonie non déchiffrable. Nous ne pouvons traduire aucun son de cette harmonie dans notre langue humaine : chaque traduction n’est qu’une demande de relation que l’homme adresse à la nature. Il s’y flatte de pouvoir accéder – à travers l’écoute et la traduction de la langue animale en langue humaine – à l’énigme de la nature, au moins à son seuil, à son apparence. 
[...]

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ANTONIO PRETE

 

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chouette-hulotte

 

 

 

 

D'HIER...Extrait

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Les herbes coupées

                                           bleues dans l'herbe.

Le poirier qu'il faudrait émonder.

Sur un fil

des étoffes rendues à leurs couleurs.

Dans une lavande

                                    les réseaux de l'épeire,

une guêpe agrippée.

Un livre de Chénier,

                                      ces deux trois vers

qu'il laissait parfois sans suite

comme

      où dort la solitude amante des ombrages.

La paresse attend la nuit.

Le temps ouvre ses heures,

                                                 les referme

aussi juste et calmement que le font les fleurs.

Le jour en coupole arrondit mes épaules.

 

.

 

JEAN-LUC STEINMETZ

 

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D'ÂGE EN ÂGE DES OISEAUX NICHENT

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D'âge en âge des oiseaux nichent

 

dans un arbre généalogique.

 

Et d'autres, familiers de l'origine du monde,

 

dans l'arbre ambigu

 

de la science du bien et du mal.

 

 

 

Dans les jardins de mars

 

des anges aux épaules nues

 

fantasment des incarnations

 

et d'autres mises au monde

 

chez des vierges de décembre.

 

 

 

Ailleurs en d'autres saisons

 

des tempêtes s'en prennent à des forêts

 

dont les arbres rentrent leur feuillage

 

entre les épaules,

 

leur salive dans les racines.

 

 

 

Plus tard il neige sur le livre

 

et sous la neige le titre prend feu.

 

Le chant premier de l'ouvrage

 

devient le sombre chant d'une fiction,

 

puis il pleut sur le feu et le livre s'éteint.

 

 

 

Et d'arbre en arbre, de branche en branche,

 

d'oiseau mouillé en oiseau brûlé,

 

de jardin en forêt, de strophe en strophe,

 

et de vers en vers, le poème s'embrouille :

 

il lui fait déclarer forfait.

 

 

 

 .

 

 

ANDRE SCHMITZ

 

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COREY HARRIS

PENDANTQUE ME REVIENT L'ODEUR DES FOINS...Extrait

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Nous dépendons de deux ou trois mots

Ils tissent autour de nous une étoffe protectrice

Contre le froid de l'indifférence

Si peu de mots pour vivre

Notre mendicité ne fait que commencer

Les rêves se frottent à nous

comme des chats familiers

Comme eux ils s'enfuient

Sans que nous puissions les retenir

Pour ne pas rester nus

Nous avons besoin de mots

 

.

 

COLETTE ANDRIOT

 

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EL SACROMONTE DE GRANADA 1962...Extrait


ECORCES...Extrait

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L'arbre
Tient dans le vent

Malgré le vent

Arbre tendu
Parfois à l'extrême

Lui aussi sera brisé

Ce sera son seul cri

Échappé de tous ces silences

De toute cette vie
De toute cette chair du monde

En lui
Recueillis si densément

Quand chaque jour nous recousons
Nos vies moisissantes

Sur les gerçures ouvertes de la mort

 

.

 

LIONEL JUNG-ALLEGRET

 

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casse2

 

 

IRIS

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                    Iris est perchée sur des escarpins luxueux, sans lesquels elle n'aurait pas cette façon de marcher qui invite à la suivre . Elle n'hésite pas à montrer ses jambes galbées par le biais d'une jupe fendue plus qu'il le faudrait, ou d'une robe noire courte  à la limite de la décence. Il serait  difficile pour une autre femme de se vêtir ainsi sans qu'un brin de vulgarité ne pointe . La grâce dont elle est dotée pourrait être l'héritage d'un sang royal qui la fait évoluer avec souplesse et sans bruit. Pas franchement belle, une chevelure brune entretenue, l' allure soignée et consciente de son pouvoir de séduction, elle joue de ce privilège tout naturellement. Les hommes la désirent, les femmes l'admirent en silence. Discrète, elle ne supporte pas les conflits , et n'entrera pas dans une histoire sentimentale compliquée.  Elle intrigue et s'en moque; le soir , Iris  délaisse ses escarpins vertigineux,  enfile de vieilles chaussettes confortables, un jogging détendu, attache ses cheveux, cajole un moment son chien  et n'a d'yeux que pour les siens.

  Plus tard, lovée dans son fauteuil, chaussée de petites lunettes rondes , elle entre dans la lecture. Une lampe cocotte diffuse une douce lumière orientée vers les pages.  La nuit sera l'amie d'Iris trés longtemps et Saphir, son labrador , restera à portée d'une caresse éventuelle. Toutes les intrigues, tous les genres, lus dans le plus grand silence, la nourrissent, elle fait partie de la race des mangeurs de mots, et possède ainsi une immense culture . On s'aperçoit rapidement qu'elle sait, mais qu'elle n'étale pas . Elle peut également étonner en tricotant  des effets trés élaborés pour les enfants, en s'occupant du jardin, et en réalisant quelques recettes appréciées . Elle connait le bon vin, et le partage volontiers, tout autant qu'une orange pressée.  Le bruit qu'elle fait en croquant une pomme en dit long sur le plaisir que cela lui procure, elle ferme les yeux et nul ne sait ou s'envole sa pensée.  Elle aime le couple qu'elle forme avec tout le monde, mais elle aime par dessus tout son indépendance.

Iris est multiple.

.

 

JOSIANE

 

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iris6

LA SEULE PORTE...Extrait

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 Cet homme sans pain,

celui-là sans lumières

et cet autre sans voix
correspondent au corps de la patrie,
à la blessure et à son sang ligaturé.

 

 

 

Rien n'est à nous, bien sûr, mais ici nous vivrons.

 

 

 

De la nostalgie
de ce que nous avons cédé ou de ce que nous avons
cédéà la nostalgie nous vivrons.

 

 

Avec la lanterne magique du fils qui n'est pas revenu
nous découvrirons
un chemin sans détour.
Près de cela, qui est quelquefois moins que triste,
sous un arbre, et nus s'il le faut,
nous mourrons.

 

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ROBERTO SOSA

 

 

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porte

 

 

 

L'HÔTE INSOLITE

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Je ne dilapiderai pas le silence. Mon corps
j'en connais les parages et les raccourcis
et j'en aime les éclats et les défaillances ;
je ne l'habite pas par plaisir mais il me suffit.


Je ne dilapiderai ni le silence ni l'espace
lourd de mon corps et des projets
démesurés qui me peuplent et m'exaltent.
De mes doigts gourds de palper les mémoires
j'adhère à toutes sortes de projets
de joie et d'espérance.


Profonde et claire,
la voix qui me répète proclame la vie.


Je ne dis pas ce que nous avons perdu.
Tu sais cela aussi bien que moi, ces vermisseaux
insistants et résolus, te le répètent
si tu prends la peine de tendre l'oreille.


Mais je te dirai ce que nous avons gagné :
un arpent de monde, concret, localisable,
et un prisme de couleurs pour le contempler.


Ferme les yeux et tu le verras comme je le vois.


Je ne dirai pas ce qu'il y a sous chaque mot.
Il a déjà plu et ce qui reste de l'après-midi
sera plus intime et plus clair.


Fuyons toute verbosité.
Disons seulement l'essentiel :
les mots grandir et aimer, et le nom
le plus utile et le plus simple de chaque chose.


Délimite mon espace, mais n'attends pas
que je renonce à ce que j'aime.


Regarde le vent prendre la forme des bégonias,
regarde-le nettoyer vitres et rideaux
aiguiser les angles vifs du crépuscule.


J'ai une pierre dans les mains.


Chaque nuit
elle tombe dans le puits profond du sommeil
au matin, je la retire, trempée de vie.


Je ne garde rien qui appelle la mémoire
du vent exaspéré et des noms du silence.
Je viens d'une longue saison de pluies sur la mer
calme des années, rien ne me pousse à me retourner.


Tu me connais, ne suis-je pas celui qui aime
la vie pleinement et par-dessus toute richesse,
l'extase et le tourment, le feu et la question.


À l'appel de la vie, je vis, et pose ma main
à plat sur ce ponant que le ponant magnifie.


Le sang coule solennellement en chaque chose.
Désormais tout est chemin. Je jure de vivre.
Tous deux ne faisons plus qu'une seule
colonne de clarté, je pense à l'urgente
nécessité de combattre les mirages,
d'abandonner la plage des heures
où le soleil de plomb tombe sur le sable
annihile les volontés, d'établir de nouveaux chemins, jalonnés de présages.


À présent, ce risque est tentant.


Nul besoin
de spectateurs furtifs, de gens qui approuvent
chaque geste et en souligne l'habileté.
Nous coupons le pain à chaque instant.


Inoffensifs
et téméraires, nous aimerons la vie
qui se transforme et se parfait, noble
et lente, noble et obstinée.


Nous irons très loin, enchaînés au pur hasard
des horizons qui jamais ne ferment
à clé la stimulation du paysage.

 

.

 

MIQUEL MARTI I POL

 

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UN CIEL OUVERT EN TOUTES SAISONS...Extrait

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 Quand vous serez tout simplement là, lancées dans notre monde, dressées sur notre planète rocheuse ; prenez soin de vos âmes, suivez le meilleur du présent, oubliez le temps sur le fil au-dessus du néant. 
 
J’entends sonner les secondes. Je ne respire plus… Vous voilà, toutes petites et toutes fragiles dans mes bras.
 
Depuis, j’ai beau faire, j’ai beau ne pas faire : toutes mes sensations dépendent des vôtres. Je suis comme cette branche que le vent courbe, que la lumière éclaire. 
 
Bonheur de ne plus être seul depuis votre naissance. 
 
[...]
 
Chaque jour est un appel, une révélation.
 
Chaque jour s’enflamme dans le moindre pli du ciel, dans un fragment de lune, n’importe où et même maintenant quand les nuages font les gros yeux aux étoiles de mer.
 
Et c’est toujours à vous qu’ils s’adressent ces oiseaux, ces arbres, ces fleurs et ce lièvre qui, sous une rafale de pluie, traverse le chemin. C’est pour vous qu’ils amassent du soleil pour l’hiver, ces feux d’écume sur les plages.
 
Maintenant un rayon de soleil touche la fenêtre, vous dormez encore.
 
Près des vagues hautes, sous le regard avide des mouettes, des marins déplient les filets. Les poissons aux écailles fragiles se nourrissent de légendes. 
 
Au loin, quand les cloches d’une église sonnent, quelqu’un qui était très malade ressuscite dans une chambre. Une barque prolonge l’ombre d’un saule sur la rivière. Une rose prononce un vœu sur la cendre. Un homme et une femme, se tenant par la main, s’engagent dans une ruelle pleine de hasard. Toutes les fontaines se mettent à fredonner dans toutes les villes du monde. 
 
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PASCAL BOULANGER


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KOHN

Oeuvre André Kohn

 



 

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