Quantcast
Channel: EMMILA GITANA
Viewing all 4542 articles
Browse latest View live

INFINIMENT BLEU

$
0
0

La mer        le temps 

longuement ondoient 

allant  l'amble des figements de la terre métamorphique

Les rochers pensent 

en fabulant Rodin 

 

J'en perçois lointainement  la scansion 

comme l'être aux mondes 

les palpitations        les envolées 

d'un vaste poème 

au Grand Bleu

 

J'aurai confié   mon âme 

aux champs des baleines

un jour 

l'espace d'un éclair

depuis tant  d'années lumières 

 

Par les solitudes   les grands espaces 

qui inspirent    qui  préservent 

 le  souffle 

la vie

je me rends  

sans l'ombre d'un doute

 

Il est quelque part 

ailleurs

un au-delà de nous  duel  

profondément bipolaire et fou

 

 

.

 

 

CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC

 

 

.

 

 

CRIS10

 

Photographie Emmila


LE DERVICHE DES MOTS...Extrait

$
0
0

Je suis la mystique du sel

l’asile du poème

le poème de tous les poèmes

dans un encrier de coquelicots

 

 

je suis le feu tapi dans la pierre

si tu es de ceux qui font jaillir l’étincelle

alors dis ta parole et brise-toi

murmure la lettre waw

 

 

.

 

 

AHMED BEN DHIAB

Collection : Levée d’ancre
https://www.editions-harmattan.fr 

 

.

 

waw2,

LE DERVICHE DES MOTS...Extrait II

$
0
0

J’ouvre

sur celui qui est né de lui-même

dans l’eau du papillon

double cri des abricots

 

j’ouvre

sur la gazelle rouge

et la main

du calligraphe

dansant

autour du noun

pour la lune sacrifiée

 

j’ouvre

sur le sourire

de la défunte

chant de rosée humaine

qui engendre la nuit

de magiques syllabes

 

j’ouvre

sur le chemin

nimbé de paroles ailées

sur le croissant improbable

et l’étoile gémellaire

tatouée sur le front d’un nouveau-né

 

j’ouvre

sur la main

qui pense

le pourpre l’encore et le poème

et les rires de ma première enfance

 

 

.

 

 

AHMED BEN DHIAB

Collection : Levée d’ancre
https://www.editions-harmattan.fr

 

 

.

 

miniature persanne2,

Oeuvre Habib Allah

DUEL

$
0
0

Ton corps  demande le divorce

Il insiste et s'impatiente 

Refuse-le lui          soit catégorique

Ne  lui concède rien qui serve le naufrage

 de la volonté des âmes 

 

Ressaisis-toi  et mène - le tambour battant 

qu'il sache ce qu'il endure    selon  l'esprit

en Esprit 

quand  de perdurer  et croiser   par les flots

en gagnant

Eau-Delà

 

Donne-lui la cadence 

La fuite effrénée que l'on engage  

sur  la voie sans issue

ici-bas

te l'impose 

 

Que le choc soit frontal 

comme l'appel au saut    au vol libre 

fulgure la  conscience

Qu'il laisse l'empreinte  du sort 

le vaisseau démembré     l'épave 

aux mille récits de mer

au corps - mort

 

Propulsé  dans les airs

en l'instant  de te  quitter 

à travers les bleuités

et les fumées blanches  de l'embrun

musique ta vie 

 

Tu n'as plus grand chose à perdre

l'inélucable n'aura jamais été un pari 

et ne transige  point 

Mais une date

une échéance aléatoire

l'unique vérité tangible

de matière   in - animée

 

J'ai dans le coeur 

un chant et hisse et Oh 

matelots 

*Leurs  alcools        leur absinthe

Ô Ciels des  marins  

débondent nos  choeurs envoilés 

 

Légendes et mythes 

manquent aux mondes hagards 

qui s'égarent 

le Temps du Rêve

s'éloigne  et flambe 

 

*Pascal       aide-moi

Est-ce une pensée        un penser  aléatoire 

qui sommeille  dans le tourbillon des étoiles

Jean         serais-je   à la croisée des chemins

sur *la Longue Route 

de la *Nuit Obscure  

 

.

 

 

CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC

 

*Pascal ( Les Pensées ) 

*Jean de La Croix ( La Nuit Obscure  ) 

*Bernard  Moitessier ( La Longue Route )

*Les Poètes Maudits  

 http://marin56.canalblog.com/archives/2020/06/16/38374161.html

 

.

 

cris1

Photographie Emmila

BUDDY GUY - BORN TO PLAY GUITAR

LES ILLUSIONS D'OPTIQUE - POST SCRIPTUM

$
0
0


Vivre est traverser les pièces d’un musée des choses hétéroclites. On se retourne sur des galeries où les tableaux sont alignés en désordre, les souvenirs accrochés aux cimaises comme des silhouettes, les vivants devenus des portraits et le temps qui a passé, un catalogue d’images fixes et les tableaux d’une exposition, sans compter les cadres vides. Pourquoi les humains s’attardent-ils au passé, c’est à dire au temps ou ce qui leur en est resté ? Pourquoi nous penchons-nous sur les images ? La réponse est unique : Le Regret. Le regret d’un état qui n’a jamais été ; c’est d’ailleurs ce qui définit la nostalgie. On soupire d’avoir perdu des choses qu’on n’a jamais possédées. Sinon, comment le simple fait du temps les a-t-il fait disparaître ? Lorsque la mémoire les rend à nouveau présentes, c’est une illusion d’optique. Le regret est l’espérance que l’on retourne comme un gant.
On en voit, des choses dans les musées et il s’en passe de belles. Des gens tout nus sont découpés et s’en délectent. Leurs yeux de suppliciés se révulsent dans l’assomption masochiste du martyre. Cet athlète - au fait qu’est-ce qui tient le pagne à sa taille ? Il ne manque plus que l’érection au tableau – jouit de la fourche qui lui perfore le torse. Celle-là se pâme qu’on lui tranche les seins. Rubens a saisi Saint Just à l’instant où il ramassait sa tête. Lui, il aura droit au double miracle et sera décapité deux fois, la deuxième, moyennant le tiret, en Thermidor… Les miracles ne font que prolonger la souffrance. Dehors, la ville est noire comme un Vlaminck. Ça sent le crime et la poisse. On devine du lubrique sous la couche flasque de la suie. Le vice est dans la ville tel qu’il est sur les toiles pieuses du musée. Le Regret et le crime sont liés comme Caïn à Abel.
Il arriva que le Regret prit la forme d’un œil. C’était du surréalisme avant l’heure, une de ces boules noires qu’on trouve flottant dans les paysages de Magritte.... - « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn », ça, c’est Victor Hugo qui le dit. Pas Magritte dont les portraits ne regardent jamais personne, au point que lorsque ils sont devant un miroir, celui-ci les réfléchit de dos, depuis notre place à nous, soit l’arrière. Ce qui a déçu Caïn et ce qui l’a rendu agressif, c’est que cet œil ne le regardait pas, lui, en particulier. En fait, au-delà d’un personnage de la Bible, pour parler comme si la Bible était un roman, ce regard semble nous viser comme la Joconde qui nous suit du regard, ou qui paraît nous suivre, mais ne vous voit pas nous mêmes. Pour Mona Lisa, on n’existe pas ; pour l’œil, Caïn n’est rien du tout. « Ceci n’est pas un œil » aurait ajouté Magritte, ou un œil sans regard. En effet, qu’est-ce qu’un œil sans visage ? – Un ballon ou un yoyo pendu au bout d’un fil. Ne pas confondre non plus l’œil de Caïn avec celui de Polyphème. Ce n’est pas qu’il soit unique : il louche. Sans cette loucherie, rien n’a de sens. On se rassure un avec des illusions d’optique. Des hallucinations quelques fois. L’œil de Caïn est celui du nourrisson de Winnicott qui « hallucine le sein de la mère ». Un Réel hallucinant est ce que voit l’œil, mais c’est le nôtre, il ne faut pas chercher plus loin, infiltré jusque dans le réduit de la tombe. Avait-il passé la muraille du sépulcre, ou espionnait-il Caïn par le trou de la serrure ? Il est accroché au mur comme l’image du regret. A côté de la douleur d’avoir perdu son frère, le souvenir de l’avoir tué n’est presque rien. Ceci n’est qu’une histoire et non le dossier en instruction d’un procès... Ou alors c’est un procès qu’il se fait à lui-même, lui, l’assassin, le juge et en fin de compte, la victime. Quiconque n’ a pas perdu un frère ne peut se l’imaginer, quiconque n’a pas tuéà la longue son image avec l’oubli, n’a pas crevé l’œil de Caïn, c’est à dire l’abcès que forme le regret avec le pus de la culpabilité. L’humain est une énigme imbécile qui finit avec des Caïn par centaines dans le cimetière d’Omaha Beach où ils s’étaient entre-massacrés avec leurs frères d’un autre camp. Cette histoire d’œil et de persécution en est l’allégorie paranoïaque : La paranoïa est un équivalent agressif de la nostalgie.

 

 

.

 

 

JEAN CAMILLE

 

 

 

.

 

cain-henri vidal tuilerie2

Sculpture " Caïn " Henri Vidal

CASIDA DE LA MUCHACHA DORADA

$
0
0

  

 

.

 

 

La muchacha dorada
se bañaba en el agua
y el agua se doraba.

Las algas y las ramas
en sombra la asombraban
y el ruiseñor cantaba
por la muchacha blanca.

Vino la noche clara,
turbia de plata mata,
con peladas montañas
bajo la brisa parda.

La muchacha mojada
era blanca en el agua,
y el agua, llamarada.

Vino el alba sin mancha,
con mil caras de vaca,
yerta y amortajada
con heladas guirnaldas.

La muchacha de lágrimas
se bañaba entre llamas,
y el ruiseñor lloraba
con las alas quemadas.

La muchacha dorada
era una blanca garza
y el agua la doraba.

 

 

.

 

 

FEDERICO GARCIA LORCA

 

 

 

 

 

TRISTAN CABRAL...HOMMAGE

$
0
0

les nuits d’été ferment si mal
qu’il suffirait que l’on se taise
pour que nos mains soudain
se remplissent d’étoiles...

Tristan Cabral

...

 

les jours tombèrent
                      et les yeux traversés de tant d'éclats de mer
                      j'ai dressé vers le ciel mes mains ensanglantées
                      

et puis j'ai mis le feu à toutes les fontaines
                      j'ai jeté des étoiles à la tête des fleuves
                      j'ai recouvert de neige le cœur des primevères
                      j'ai volé leurs couleurs à toutes les saisons
                      et j'ai roulé la pierre que retenaient les anges

 

mais qui m'a entendu nager dans les eaux fortes
                      qui pourrait retrouver mes ongles sur la pierre
                      qui hante comme moi la blessure capitale ?

 

j'ai faim
                      j'ai faim de choses étrangères
                      j'ai faim de hurlements plantés comme des clous
                      j'ai faim de la fraîcheur insensée des miroirs
                      faim d'un nouveau partage
                      de mille mains avides pleines d'objets brisés
                      faim de parures inertes et de noms oubliés

 

                           mes mains ont forme de ma soif
                                        et j'ai des bras multiples grands comme les révoltes
                      je peux m'abattre n'importe où
                      à n'importe quelle heure
                      et mon corps imminent s'envenime de sel

 

je roule par le travers des bouées
                      à portée de fusil des derniers poissons libres
                      mais qui pourrait m'entendre sur ces pavés crispés
                      où des fous se répondent

 

                         je trace des hurlevents au fond de mon naufrage
                      je m'accroupis en sang sur les vagues ouvertes
                      j'ai enterré mes mains loin des terres habitées
                      mais ces yeux attardés qui coulent dans mes yeux
                      qui les fera s'ouvrir
                      qui m'accompagnera sur la nef des fous ?

 

.

 

 

TRISTAN  CABRAL

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tristan_Cabral

 

.

 

cabral2

Tristan Cabral

 


ROBERT CUFFI...Extrait

$
0
0

Je n’entrerai jamais au fond de cette cage. Le merle gris parle du vent, et je cherche ton reflet dans ce jardin ou dans la ville. L’olivier est mouillé de cette fin d’automne, j’écris mon livre lent, désolé, comme un feu qui s’éteint. Je me suis accordé sur une note basse, en oubliant mes torches et mes rages. La guitare va s’engorger, en épongeant l’hiver.
Je retarde des mots, je me plaindrai plus tard, j’aurai toujours raison.
Je vais distribuer les cartes, une nuit Caraïbe, un pont de pierres dans les Alpes, un citron vert d’Espagne et la lune s’effondre.
Il me faut dire quelque chose, quelques mots chauds, quelques odeurs de coquillages, un aboiement dans la saison brutale.
J’ai l’écorce irriguée des ces larmes d’enfants quand je deviens un père un peu plus grand qu’avant.
Maintenant, je verse dans l’hiver, le rouge gorge, épure, échappe aux dents du chat, Gaspard La Nuit rate son coup.
Je tiens l’amour contre ma bouche, équilibré dans le bonheur.
Les éclats du temps pourri, je vais en faire une chanson, pour une fièvre d’enfant triste, un mouvement d’eau, une ouverture du silence.
Ces mots broyés comme la craie laissent des traces sur les doigts quand je deviens frileux.
Il peut neiger sur la tanière, j’ai des amours enchevêtrées et moins de givre aux cadenas.
Je vais déverrouiller, et débouler, et dérouiller le haut-parleur du paysage désenfumé.
Je n’entrerai jamais au fond de cette cage, je ne ferai qu’attendre la peur de perdre tout un chant.

 

.

 

 

MARION LUBREAC

$
0
0

Un arbre remarquable a poussé en couronne autour de mes cheveux de cendre et d’eau, Il me ceint de frais le front, aux lagons bleus des univers pétris de soleil blancs. Je respire la fragrance des nuages écheventrés de nuages en filigranes. La terre est mon ancrage. Je respire les flammes de pluie. Les pieds nus, j'avance.
Mes orteils savourent l'instant. Je goule la melisse la badiane et la mauve sauvage.
Demain sera un jour nouveau où les enfants indigo ouvriront le soleil pour en semer les graines en chacun de vos cœurs. Demain sera un monde libre sans plus d’entrave aucune.
Gigantesque et superbe, une fleur écureuil à crevassé l’écorce du temps pour germer son espoir de lumière.

 

.

 

 

MARION LUBREAC

 

 

.

 

igor bitman

 

Oeuvre Igor Bitman

UNE SORCIERE COMME LES AUTRES

$
0
0

S'il vous plaît
Soyez comme le duvet
Soyez comme la plume d'oie
Des oreillers d'autrefois
J'aimerais
Ne pas être portefaix
S'il vous plaît
Faites-vous léger
Moi je ne peux plus bouger

Je vous ai porté vivant
Je vous ai porté enfant
Dieu comme vous étiez lourd
Pesant votre poids d'amour
Je vous ai porté encore
A l'heure de votre mort

Je vous ai porté des fleurs
Vous ai morcelé mon coeur

Quand vous jouiez à la guerre
Moi je gardais la maison
J'ai usé de mes prières
Les barreaux de vos prisons
Quand vous mouriez sous les bombes
Je vous cherchais en hurlant
Me voilà comme une tombe
Et tout le malheur dedans

Ce n'est que moi
C'est elle ou moi
Celle qui parle
Ou qui se tait
Celle qui pleure
Ou qui est gaie

C'est Jeanne d'Arc
Ou bien Margot
Fille de vague
Ou de ruisseau

C'est mon coeur
Ou bien le leur
Et c'est la soeur
Ou l'inconnue
Celle qui n'est
Jamais venue
Celle qui est
Venue trop tard
Fille de rêve
Ou de hasard

Et c'est ma mère
Ou la vôtre

 

Une sorcière
Comme les autres


Il vous faut
Être comme le ruisseau
Comme l'eau claire de l'étang
Qui reflète et qui attend
S'il vous plaît
Regardez-moi je suis vraie
Je vous prie
Ne m'inventez pas
Vous l'avez tant fait déjà
Vous m'avez aimée servante
M'avez voulue ignorante
Forte vous me combattiez
Faible vous me méprisiez
Vous m'avez aimée putain
Et couverte de satin

 

Vous m'avez faite statue
Et toujours je me suis tue

Quand j'étais vieille et trop laide
Vous me jetiez au rebut
Vous me refusiez votre aide
Quand je ne vous servais plus
Quand j'étais belle et soumise
Vous m'adoriez à genoux
Me voilà comme une église
Toute la honte dessous

Ce n'est que moi
C'est elle ou moi
Celle qui aime
Ou n'aime pas
Celle qui règne
Ou qui se bat

 

 

C'est Joséphine
Ou la Dupont
Fille de nacre
Ou de coton

C'est mon coeur
Ou bien le leur
Celle qui attend
Sur le port
Celle des monuments
Aux morts
Celle qui danse
Et qui en meurt
Fille bitume
Ou fille fleur

Et c'est ma mère
Ou la vôtre

 

Une sorcière
Comme les autres



S'il vous plaît
Soyez comme je vous ai
Vous ai rêvé depuis longtemps
Libre et fort comme le vent
Libre aussi
Regardez je suis ainsi
Apprenez-moi n'ayez pas peur
Pour moi je vous sais par coeur

J'étais celle qui attend
Mais je peux marcher devant
J'étais la bûche et le feu
L'incendie aussi je peux
J'étais la déesse mère
Mais je n'étais que poussière

J'étais le sol sous vos pas
Et je ne le savais pas

 

Mais un jour la terre s'ouvre
Et le volcan n'en peut plus
Le sol se rompt
On découvre des richesses inconnues
La mer à son tour divague
De violence inemployée
Me voilà comme une vague
Vous ne serez pas noyé

Ce n'est que moi
C'est elle ou moi
Et c'est l'ancêtre
Ou c'est l'enfant
Celle qui cède
Ou se défend

 

 

C'est Gabrielle
Ou bien Aïcha
Fille d'amour
Ou de combat

C'est mon coeur
Ou bien le leur
Celle qui est
Dans son printemps
Celle que personne
N'attend
Et c'est la moche
Ou c'est la belle
Fille de brume
Ou de plein ciel

Et c'est ma mère
Ou la vôtre

Une sorcière
Comme les autres

S'il vous plaît
Faites-vous léger
Moi je ne peux plus bouger

 

 

.

 

 

ANNE SYLVESTRE

 

 

.

  .

LES ENFANTS DU CIEL-PERPETUATION

$
0
0

 

Aujourd'hui, 10 novembre 2019, je suis allé au cimetière, rendre visite à Pierre et Angèle.
Il n'y a pas leurs noms sur le tombeau de famille, seule la famille très proche sait qu'ils sont là.
Un jour prochain, je signalerais leur présence par une plaque, car ces deux enfants disparus trop tôt n'ont jamais cessé de tourmenter mon cœur, et je n'ai jamais cessé de penser à eux!
Ce sont mes enfants pour ainsi dire, ils sont partis si jeunes!
L'un, Pierre, à l'âge de treize ans et quelques jours, l'autre, Angèle, à l'âge de huit ans et demi!
Ces enfants, pourtant, j'ai grandi dans leur souvenir, toujours, j'avais deux ans, trois ans, on me parlait déjà d'eux, ils étaient à l'époque des frères, des sœurs plus âgés.
Mais désormais le temps a passé, c'est eux qui sont devenus mes enfants, mes petits amours, et pourtant, en réalité et pour l'état-civil, ce sont mon oncle et ma tante, le petit frère et la petite sœur de mon père!
Ils sont passés si vite dans cette vie! Mais si je disparais, qui pensera encore à eux?
Qui se souviendra de leur si courte existence?
Aussi, aujourd'hui, en prenant la plume, j'ai le trac, pour la première fois dans ma vie d'écrivain: je me demande si j'arriverais à les évoquer convenablement, si j'arriverais à les faire vivre, à prolonger leurs années si peu nombreuses!
Ils n'ont que moi désormais, moi et ceux à qui j'adresserai ce texte, s'il est estimé suffisamment pertinent pour parvenir jusqu'à eux.
D'habitude pour sauver ou prolonger une vie, les secours sont nombreux, les gens s'affairent, s'entraident, mais, là, je suis seul! Tellement seul!
Pas si seul pourtant, je suis avec eux, avec eux deux, comme nous l'avons toujours été depuis que je suis né.
Pourquoi ai-je attendu l'âge de soixante-trois ans pour enfin remplir ce devoir nécessaire?
Pourquoi avoir pris tant de risques de disparaître avant, quand je roulais sur les routes d'Espagne, seul, la nuit, en toutes saisons, par tous les temps, pour rejoindre des dizaines de fois le Maroc, et que des dangers permanents me guettaient alors, pas seulement pour moi, mais pour la mémoire de ces deux enfants qui m'attendaient?
Mais aujourd'hui, Pierre, Angèle, mes amours, ne vous inquiétez plus! Je suis là! Pour vous!
Et si aucun éditeur n'accepte ce texte, si aucun éditeur n'accepte de faire partager au monde votre vie, je ferais en sorte de me nourrir plus frugalement encore et je payerais l'impression de ce livre pour vous perpétuer.

 

.

 

 

CHARLES VERSINI

Pierre Versini: 1932- 1945

Angèle Versini: 1934- 1943

 

 

.

 

 

CHARLES

 

ET SOIS CET OCEAN... Extrait

$
0
0

il y a longtemps que je ne vis plus ici
je ne prends plus le bras de la pluie pour sortir
et que pourrais-je dire des étés invisibles où je sauvais la mort sur les restes du jour

certains jours je mettais des années de côté
et mes yeux repoussaient à chaque démesure
je donnais des oublis au fond des parcs sombres
et j’ai su quelquefois ressembler à ma voix

j’ai même accompagné les invasions secrètes
et des blessures m’ont fait la peau
quand on fêtait les guerres
je me joignais aux grands défigurés

je marchais dans ma chute
je ne changeais jamais les murs
et parfois j’ai confié mon visage à l’abîme
surtout ces temps de chien où j’étais mis à prix

je n’avais de pitié pour les terres habitées
et quand les jours ne m’allaient plus
je mettais mon passé pour traverser vos rues
je n’avais plus que mon silence à vous donner

il y a longtemps que je ne vis plus ici
l’oiseau s’est séparé de son vol inutile
alors après ma mort
ne fouillez pas mes poches

vous n’y trouveriez rien qu’une barque fantôme

 

 

 

.

 

 

TRISTAN CABRAL

Nîmes - 12 mai 1980

 

.

 

CHARLES MERYON,2

Oeuvre Charles Meryon

 

 

LES POETES

$
0
0

 

Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié
ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède
.
Celui qui chante se torture
Quels cris en moi quel animal
Je tue ou quelle créature
Au nom du bien au nom du mal
Seuls le savent ceux qui se turent
.
Machado dort à Collioure
Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours
.
Au-dessus des eaux et des plaines
Au-dessus des toits des collines
Un plain-chant monte à gorge pleine
Est-ce vers l'étoile Hölderlin
Est-ce vers l'étoile Verlaine
.
Marlowe il te faut la taverne
Non pour Faust mais pour y mourir
Entre les tueurs qui te cernent
De leurs poignards et de leurs rires
A la lueur d'une lanterne
.
Etoiles poussières de flammes
En août qui tombez sur le sol
Tout le ciel cette nuit proclame
L'hécatombe des rossignols
Mais que sait l'univers du drame
.
La souffrance enfante les songes
Comme une ruche ses abeilles
L'homme crie où son fer le ronge
Et sa plaie engendre un soleil
Plus beau que les anciens mensonges
.
Je ne sais ce qui me possède
Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède

 

 

.

 

 

LOUIS ARAGON

 

 

.

 

SUR LE RETOUR ET TOUT AUTOUR

$
0
0

 Bruno Odile est né au bord du Rhône et a grandi entre le chant des cigales et le cerceau des fruitiers en fleurs, au cœur d’une colline coiffée d’étoiles et de pins d’Alep.

Adolescent, il a pleuré la mort de Marcel Pagnol; devenu adulte, il a ensuite croisé le fer avec la réalité sociale et culturelle d’un environnement campagnard où le pain et le muscat traînaient sur toutes les bonnes tables de la région.

Son existence fut troublée par le suicide d’une de ses deux sœurs et quelques années plus tard par un terrible accident de la route qui le laissa démuni d’une partie de ses fonctions d’autonomie...

blog de l'auteur:
http://brunoodile.canalblog.com/

 

.

 

Je suis dans un épanchement à la jointure du passé. Des bouffées de sève reprennent place dans l’égorgement de mes pensées où, excisées, elles s’épuisent sous la lame affûtée de l’écrasement.

Je ne me retournerai plus, c'est inutile et ça fait mal. Alors, j'oublie, doucement. Je taris les souvenirs trop encombrants comme on pipe de vulgaires fumées oisives. Et je bois aux flaques de l’averse printanière qui a laissé son empreinte sur le sol ému par sa nourrice providentielle.

J’efface toutes déceptions au profit de la grâce du jour. C'est douloureux mais l’effroi de mes renoncements n’a rien à envier aux mouvements qui peu à peu mènent l'esprit vers son propre impensé.

Le printemps revient toujours,
chassant l'hiver et balayant l’automne.
Alors je partirai.
Je m’en retournerai dans mon terrier,
dans mon lit enchevêtré de mille sommeils.
J’y gagnerai ma liberté comme l’on gagne sa vie à ne savoir qu’en faire et j’irai me promener dans le désert comme une puce sur le dos d’un chameau.

J'ai appris la douleur en apprenant à respirer. Très tôt, j’ai su que l’abandon et la résignation pouvaient être fatals. J’ai dû frotter la patience sur le long fusil de la réalité avant de pouvoir ressusciter dans la cartouche de trop.

Grave et ribaude,
la vie accompagne le délabrement des mots tendres.
Le temps est de la terre,
il la remplit d’air comme un ballon que l’on gonfle.

Partout, le leurre est persistant. Dessinant des ombres plus lentes sur les bas-côtés, il clame la rouille sous la main rêveuse.

Je ne sais pas écrire joli ni beau, c'est une défaite. Ou pas. J'ai peur de lâcher prise, je sens le vide qui rôde. Nul doute, l’effondrement viendra. Il faudra fuir les lettres stigmatisées qui fanent sur la pointe du crayon.

Il faut échapper à l’écriture qui n’est qu’un précipice.

L’écriture est comme moi,
elle marche vers l’effacement.
Elle se momifie puis cède à la poussière.

Je touche la vie et ressens la mort.
Je touche à la sève maternelle et me replie sous la trame chaude de ma peau. J’aimerais bien pour une fois percevoir le senti de l’extérieur de ma chair. Mais la contrainte de l’arrachement ne parvient pas à me soumettre au premier chiffre du jour.

Dans mon atelier d’écriture,
l’expression se maintient
à l’extérieur du monde qui m’infiltre.
Mon corps se réduit au toucher des mots,
à l’aspect tactile de la pensée.
Ma main et ma langue
puisent aux signes récurrents.
Tous les codes s’entremêlent et s’interfèrent.

Dans ce délabrement, il ne s’agit plus de faire le vide mais de l’être. Le mouvement de l’histoire est fugitif. Il braconne aux douces noces qui exauçaient nos rêves les plus intimes.

La fiction omniprésente chute dans l’illisibilité et dans une mutité forcée. Le mot n’est alors qu’un résidu défait de sa trace originelle, étouffé de son sens premier. La parole avale le bruit des gares traversées, absorbe la substance ferreuse et choit comme une popeline de soie.

Notre corps transite par la matière puis nos peaux se lavent à la fenêtre du ciel et de la mer. Seuls, nos os conservent le secret de la poudre. La poussière s’empale aux muscles de la lumière. L’air nous agite et nos frissons tombent comme des feuilles séchées. La marche du monde s’aguerrie des marches funèbres.

Je voltige à des altitudes où il n’y a plus d’air. L’apesanteur est une fausse sensation. Ce qui est lourd demeure un corset de plomb.

Les yeux, les mains et la bouche restent des enclumes et je ne sais pas dire le poids qui me plaque au sol.

Je respire les scories embourbées sous la passion et mon cœur invente d’autres allégories plus légères.

Mais rien ne se dissipe vraiment. La présence en ce monde demeure une buée que rien ne fait disparaître.

 

 

.

 

 

BRUNO ODILE

" Le souffle et la sève ", extrait

Tous droits réservés ©

 

.

 

 

 

MALOU PICTURES2

 

Photographie Malou Pictures 

 


DES BAS DE LAINE

$
0
0

 

Pépins d’un même fruit, maillons d’une même chaîne humaine, nous cherchons tous la corde pour se pendre, la corde qui nous lie et nous ligote, du A de l’alphabet au Z de l’azur. Le corps de Sisyphe ne cesse pas de vieillir, ses gestes de s’user. Il ne cesse pas de pousser la même pierre, le dos courbé par les années, les mains de plus en plus saignantes, la pierre de plus en plus pesante, le ciel de plus en plus haut et la falaise plus basse. Il n’y a pas assez de rêve pour ma soif d’auteur. Le temps éponge sur les pages mon droit de bafouiller. Mes doigts ont beau se tacher d’encre, mes droits d’auteur ont mauvaise mine. Chaque matin me ramène à la faim.
Personne n’est né du Saint-Esprit, mais d’un sexe dans l’autre. Personne ne descend d’un dieu. C’est un veau d’or que les peuples adorent. Ils tricotent des bas de laine pour les morts et des mitaines pour les mains éclopées. Du moulin à café au moulin à parole, je broie du noir, le café noir des mots, les raclures de vie, les ratures, les épluchures, les restes de poubelles où se battent les rats. Ma souris farfouille derrière l’écran. C’est là que se prépare la fosse commune des livres. Déjà les algorithmes remplacent les voyelles, une mémoire virtuelle remplace les souvenirs de brosse. J’ai quitté les trottoirs pour des sentiers boueux, les néons pour la lune, des milliers d’hommes pour des milliards d’insectes, le foin en cash pour la monnaie-du-pape, le froid des lampadaires pour la chaleur des arbres, bêtise des culs-de-sac pour l’intelligence des terriers. J’écris la nuit à la lueur d’un cierge. Sa lumière éclaire à peine quelques lignes. J’écris et je m’endors. Je m’éveille quand les enfants ont peur et tiennent par la main une poupée de chiffon. C’est alors que j’embrasse les fées et caresse les anges. Leurs ailes translucides éclairent les cachots. J’ai mal aux éclopés, aux sourds, aux amputés. On a beau changer de chaise roulante, en améliorer le modèle, trop d’infirmes restent assis pendant que d’autres dansent.

 

 

.

 

 

 

JEAN-MARC LA FRENIERE

http://lafreniere.over-blog.net/

 

.

 

Gabriela Bartosik

Oeuvre  Gabriela Bartosik

 

AUX PAYS DE SES SOURCES

$
0
0

J’aimerais refleurir au pays de ses sources
Et n’être plus que mousse entre ses doigts de lierre
À son flanc de nigelle épingler mes bruyères
Veiller sur son sommeil comme une abeille douce

Voyeur ensorcelé par le parfum des mers
Voyageur intrépide emportant dans sa course
Les farfadets de feu escortant la Grande Ourse
Et le corset d’onyx d’une abeille légère

Est-ce Venise au loin - Est-ce Constantinople
Qui déjà se profilent sous le loup de l’été
Quand argentiquement le soir sur la jetée

Soulève nonchalant l'étole de Canope
Et qu’une nef blonde la grand-voile dressée
Glisse sur l’horizon comme une abeille morte

 

 

.

 

 

 SYLVIE MEHEUT

 

 

.

bachmann-constantinople-sainte-sophie-bosphore

Oeuvre Adolphe Bachmann

 

CE MAL ANDALOU

$
0
0

Ce mal andalou
Aussi tenace , aussi fou
Qu une entaille qui nous vide
A force de nous complaire dans une solitude
Qui nous habite et nous guide
Notre âme devenant un oasis réduit
Aux lambeaux de sang et d amour qui nous détruit
Des lieux qui renaissent en nous
Ces maux qui rapiècent nos corps désunis
Que de lourds silences ont sacrifié , ont tuméfié
Pour en faire des lots épris
Du jeu des mains qui sauvent puis s enfuient
Ce chant andalou aussi tenace
Que la lumière en cascade ,
Que les tresses dans leur embuscade
Que la démarche d une femme longeant les murailles
Jetant l ambre sur l ombre
Alimentant mon coeur de débris et de cendres
Faisant de moi prisonnier d une vision sombre
D un désir intraitable , flou et inguérissable
Comme le sont les calendes de la fin
Les supercheries du destin
Les lignes de ta main me condamnant au lointain
Le mal andalou aussi insatiable aussi fou
Que l enfant qui naît en nous
Mais que nous ne pouvons ni suivre , ni dompter
Et qui se meurt à chaque fois
Même si le monde était à notre portée
Pour nous réduire au poison de la colère et à l eau du regret
Prisonniers de nos cris et de nos écrits qui nous tuent

 

 

.

 

 

ABDLILAH JORIO

 

 

.

 

Nasser-Edine Boucheqif

Oeuvre Nasser-Edine Boucheqif

 

LES ORIENTALES ...Extrait

$
0
0

"Tandis que l'étoile inodore
Que l'été mêle aux blonds épis
Emaille de son bleu lapis
Les sillons que la moisson dore,
Avant que, de fleurs dépeuplés,
Les champs aient subi les faucilles,
Allez, allez, ô jeunes filles,
Cueillir des bleuets dans les blés !"

 

.

 

VICTOR HUGO

 

.

 

bleuets dans les blés

 

DIEU, LE SILENCE ET MOI....Extrait

$
0
0


Ma maison d’autre mer est restée in-accostée
Mes rêves encore y naviguent dans une eau de sel
Mes yeux gouttent comme une mémoire de source et de regards perdus
J’ai du sable et des fissures de pierres dans le flot escarpé d’une enfance qui s’enfonce
Je piétine une obscurité de décennies qui grésillent comme des branches de palmier

Au matin, mon âme se perd dans de petits jours où les boutons d’or sont en exil
Dans la cadence apatride du cœur, j’arpente l’aigre du destin
Je palpe le cri mort du vent dans l’oued, je ploie les rides tristes d’un regard dépoli
Dompteur de chauves souris et de rêves interdits, j’accoutume l’oubli

Mes rêves naviguent encore
Et si le sel se noie, je me souviens la règle sur les doigts et le cri de la craie
Encore je me souviens de la couleur des joies et du partage des rires

Avant qu'on ne déterre le verbe partir et le rouge du sang
J’aimais l’ombre et la tanière des mots
J’aimais le vent et les cyprès

Loin de ma maison d’autre mer
J’ai vu valser les chrysanthèmes
D’hier à aujourd’hui, j’ai vu courir la vie
Et ceux qui en partent comme l’on divorce d’avec le jour
Encore mes rêves naviguent entre la pluie et l’insomnie.

Près de ma maison d’autre mer
Le temps trahit l’enfance
Il n’y a pas de retour
L’ivresse des prières déclame la mort
Jusqu’à la fin, il me faudra fissurer la pierre
En extraire des graviers de mémoires

Courir, écrire, me taire, sur les moiteurs de l’aube
Courir, écrire, se taire
Ne rien oublier n’efface pas la frontière

Je marche sur des cadavres de rêves oblitérés
Les territoires de l’exil enfantent la nostalgie
Mes yeux gouttent comme une mémoire de source et de regards perdus.

 

 

.

 

 

JEAN-MICHEL SANANES

5 Juillet

 Éditions Chemins de Plume

 

 

.

 

Krylov Porfiri Nikitich3

Oeuvre Krylov Porfiri Nikitich 

 

Viewing all 4542 articles
Browse latest View live




Latest Images