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Channel: EMMILA GITANA
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DON DE L' EBRIETE...Extrait

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La clarté toujours nous parvient du ciel ;
c’est un don : non éparse entre les choses
mais très au-dessus, elle les occupe
et telle est sa tâche et telle est sa vie.
Ainsi se lève le jour ; ainsi la nuit
ferme la vaste chambre de ses ombres.
C’est là un don. Et qui change les êtres
et les rend moins créés ? Quelle haute voûte
les contient en son amour ? La voilà,
il est encore tôt, elle nous entoure
tout comme toi en tes vols, elle plane,
elle s’éloigne et, encore lointaine,
il n’est rien de plus clair que son élan !
Ô clarté assoiffée d’une forme,
d’une matière afin de l’éblouir
et de brûler elle-même en son œuvre.
Comme moi, comme tout ce qui attend.
Si tu as emporté toute lumière,
que pourrai-je encore attendre de l’aube ?
Et, cependant – c’est là un don –, ma bouche
attend, mon âme attend, et tu m’attends,
ivre poursuite et ma seule clarté,
mortelle comme l’étreinte des faux,
mais étreinte jusqu’au bout sans pitié.

 

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CLAUDIO RODRIGUEZ

Traduit par Laurence Breysse-Chanet

 

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Werner_Hornung_02,

Oeuvre Werner Hornung

 

 

 

 


COMME UN SOUFFLE DE ROSEE BRUISSANT...Extrait

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Roule les étoiles dans ta main,
jette-les au loin, au fond
de ton esprit, où elles brûlent
et se dissipent en poussière d’or
colorant les galaxies.
D’où vient l’odeur d’une rose jaune,
et quel est le lien entre
cette senteur frêle, orangée,
qui s’épuise, voluptueusement,
quand elle expire,
et l’alchimie des astres
en travail de calcul dans ta cervelle
où se concentre l’essence de la lumière,
l’opulent désastre de tous les mondes,
perçu à travers les feux des nombres
aspirés par les Trous noirs,
que conserve avec eux la fine pointe
de ta pensée ?

 

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JEAN MAMBRINO

 

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Jimmy Lawlor,2

Oeuvre Jimmy Lawlor

 

LAISSER PARTIR...Extraits

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Cela ne revient pas, cela
ne revient jamais, cette illusoire
certitude, ce juste équilibre
ce rêve maternel de complétude :
jamais !

Cela ne revient pas, cela
ne revient jamais, ce merveilleux
miracle, cette fusion unique
ce rêve commun et construit :
aimer !

Et pourtant, cela nourrit
ton cœur en secret.

...

Ne cherche pas à combler le manque
il te constitue. Ne cherche pas à ignorer
le manque : tu le constitues.
Être au monde – voilà ce qui compte
et voilà ce qui disparaîtra.
Le monde existe quand tu le perds.

Ne cherche pas à scruter le vide
il a tes yeux. Ne cherche pas à voiler
le vide : tu le restitues.
Aimer le monde – voilà ce qui survivra.
Le monde répond quand tu l’oublies.

 

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ALAIN SUIED

 

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Kalyn Hawkins2

Photographie Kalyn Hawkins

 

 

 

 

 


 

ELEGIE POUR LA REINE DE SABA

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Tombe le boubou. Au coup sec de la syncope
Fuse le buste transparent sous la chasuble noire, striquée d’or vert consonant au cimier
Dont la jupe est ouverte sur les flancs, sur les jambes vivantes.
C’est le deuxième mouvement
Qui germe dans le sol quand battent les plantes des pieds
Secoue les hanches, et c’est la montagne volcan qui tangue, cambre les lombes
Pour exploser, la gorge éclose, dans l’éclat serein du Printemps, le parfum sombre du gongo, la terre de la chair.
Puis sous le ciel délié diaphane, s’ouvrit le mouvement des pollens d’or.
Ce sont deux danses parallèles, regardant respirant l’haleine de la brise.
Mais pivotant avançant l’un vers l’autre, l’onde tremblante nous saisit
Nous poussa l’un vers l’autre : toi ondulant
Les bras les mains, comme une corbeille de fleurs signant l’offrande, et moi
Autour de toi, la tornade de sable ardent en saison sèche, le feu de brousse.
Brusquement, d’un coup de reins je fus jeté loin
T’abandonnant, bien malgré moi, à ton attente vide.
Et tu courus à moi dans une trémulsion de la nuque à tes talons roses
Descendant bas si bas, sur tes genoux à mes genoux
Chantant le chant qui m’ébranle à la racine de l’être :
« Dis-moi dis-moi mon Sage mon Poète, ô dis-moi les paroles d’or
Qui font poids et miracle dans mon sein.
Que ton rythme et la mélodie en disposent les sphères dans le charme du nombre d’or ! »
Retourné soudain, je t’atteins en coup de vent, et nous fûmes debout, et face à face
Comme lune et soleil, mains dans les mains, front contre front, nos souffles cadencés.
De nouveau tes genoux fléchis au bout des longues jambes et galbées
Nerveuses sous l’ondoiement des épaules, oh ! le roulis rythmé des reins
Je dis les labours profonds du ventre de sable.
Je me souviens de mon élan à ton appel, jusqu’à l’extase
Des visages de lumière, quand tu reçus, angle ouvert cuisses mélodieuses
Le chant des pollens d’or dans la joie de notre mort-renaissance.

 

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LEOPOLD SEDAR SENGHOR

 

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CHRISTAN CAROLINA

 

 

 

QU'IL Y AIT DES AUBES SOUS NOS EPAULES

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Qu’il y ait des aubes sous nos étoffes
que ces étoffes soient notre peau
que cette peau soit ce qui nous sépare de nous-mêmes
son inépuisable geste

qu’il y ait sous notre peau le voile de cendre
le jour
la nuit
qui muent sans nous

et que la douleur soit si violemment nue

ce que nous essayons en vain d’attraper
c’est l’ignorance même de l’épure
la voix presque absente
la forme de voix

je suis ce que je tiens de moi
ma salive
mon pas
l’étage de ma bouche

et pour voir
ces deux yeux
que je ne vois pas
voici que les couleurs s’avivent
au-dessus de notre sommeil
l’air et le temps sont sans parole
seuls

au plus profond de nous
chante une porte ouverte

 

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 PIERRE VAVASSEUR

 

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porteouverte2

 

 

 

 

 

POEME DE CAMPAGNE III

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Si un soir,
Non
Si tous les soirs
Vous sentez que votre visage
A été souillé par du purin
Que votre main
N’a pas serré un seul bonjour
Que votre sourire
N’a pas fleuri
Dans un autre sourire
Dites-vous
Que vous avez trop cherché
L’amitié du jour,
L’amitié des chiens domestiques
Ou l’amitié des champs de maïs.
La nuit distribue ses lits
Le vôtre est au clair de lune
Avec les renards bleus
Et les chats sauvages
Griffez, chassez, copulez
Et ne rodez pas autour des fermes
Le piège pourrait se refermer
Derrière vous
Et ce serait pire
Que le purin, les bonjours et les sourires.

 

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DAVID DUMORTIER

 

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Monserrat Gudiol5,

Oeuvre Monserrat Gudiol

LE CORPS UTOPIQUE - LES HETEROPIES...Extrait

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Peut-être faudrait-il dire aussi que faire l'amour, c'est sentir son corps se refermer sur soi, c'est enfin exister hors de toute utopie, avec toute sa densité, entre les mains de l'autre. Sous les doigts de l'autre qui vous parcourent, toutes les parts invisibles de votre corps se mettent à exister, contre les lèvres de l'autre les vôtres se mettent à exister, contre les lèvres de l'autre les vôtres deviennent sensibles, devant ses yeux mis-clos votre visage acquiert une certitude, il y a un regard enfin pour voir vos paupières fermées.

L'amour, lui aussi, comme le miroir et comme la mort, apaise l'utopie de votre corps, il la fait taire, il la calme, il l'enferme comme dans une boîte, il la clôt et il la scelle. C'est pourquoi il est si proche parent de l'illusion du miroir et de la menace de la mort; et si malgré ces deux figures périlleuses qui l'entourent, on aime tant faire l'amour, c'est parce que dans l'amour le corps est ici."

 

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MICHEL FOUCAULT

 

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CHET BAKER - Almost blue


EN PLEINE NUIT

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En pleine nuit tu demandes ta route
Et l’on te montre les étoiles

Lève la tête
Pense à l’enfant qui grimpait dans les arbres
Pour savoir si le ciel se rapprochait de lui

Le vrai chemin s’ouvre aux sommets
A la parole fleurissante
Au regard qui augmente l’espace

Tu as du souffle maintenant
Tu as trouvé ta lampe
Tu vas gravir le monde et contempler

 

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MARC BARON

 

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AU CIEL

 

 

LES PARADIS PERDUS N'EXISTENT PAS

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Les paradis perdus n’existent pas.
Le paradis est une chose qui se perd tous les jours,
comme se perdent tous les jours la vie,
l’éternité et l’amour.

Ainsi perdons-nous également l’âge
qui semblait croître
et pourtant diminue chaque jour.
car le compte est à l’envers.
Ou ainsi se perd la couleur de ce qui existe,
en descendant comme un animal bien dressé
marche par marche,
jusqu’à ce que nous soyons sans couleur.

Et comme nous savons au surplus
que les paradis futurs non plus n’existent pas,
il ne reste alors d’autre issue
que d’être le paradis.

 

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ROBERTO JUARROZ

 

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serge fiorio1

Oeuvre Serge Fiorio

http://www.sergefiorio.canalblog.com

NO EXISTEN PARAISOS PERDIDOS

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No existen paraísos perdidos.
El paraíso es algo que se pierde todos los días,
como se pierden todo los días la vida,
la eternidad y el amor.

Así tambien se nos pierde la edad,
que parecía crecer
y sin embargo disminuye cada día,
porque la cuenta es al revés.
O así se pierde el color de cuanto existe,
descendiendo como un animal amaestrado
escalón por escalón,
hasta que nos quedamos sin color.

Y ya que sabemos además
que tampoco existen paraísos futuros,
no hay más remedio, entonces,
que ser el paraíso.

 

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ROBERTO JUARROZ

 

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serge fiorio1

Oeuvre Serge Fiorio

http://www.sergefiorio.canalblog.com

 

 

 

 

 

OSTINATO...Extrait

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Se forcer à ne voir du monde que la beauté est une imposture où tombent jusqu'aux plus clairvoyants, et à qui la faute sinon au monde lui-même dont ce siècle finissant aura révélé par une somme inouïe de forfaits qu'à moins de fermer les yeux on ne peut désormais le souffrir qu'aux dépens de la rectitude du jugement ni le regarder de face qu'en limitant à l'extrême son angle de vision. C'est qu'au vu ou au su de tant d'atrocités commises et qui se perpétuent de toute parts comme les stigmates d'un mal absolu, le simple fait de vivre doué chacun d'une faculté d'assimilation presque inépuisable, laquelle a valeur de foi et pas forcément de mauvaise foi pour peu qu'on garde bien présents à l'esprit que tout sur cette terre de tout temps s'est édifié sur des ruines, que louer la beauté de ses formes naturelles ne saurait effacer la noirceur de ses crimes ni servir de témoignage à sa décharge.

 

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LOUIS-RENE DES FORÊTS

 

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werner hornung

Oeuvre Werner Hornung

 

 

AGNES SCHNELL...Extrait

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C’était une saison lente
à ciel d’ébène
d’où naissaient des jours sournois.

C’était une saison de silence
d’ombres pétrifiées
de passages étroits.

Chacun déchirait ses psaumes
se dépouillait soudain
de ses mots de ses songes
et courait avec le vent
vers la grève où tout recommençait.

Les yeux fermés
on marchait vers l’écho.

C’était une saison lourde
aux rives incertaines
une saison sans rambardes
où l’infini côtoyait le banal.
En gouttes d’encre
on partageait l’intime.

On avait le regard presque apprivoisé
et nos rêves pour seul viatique…

 

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AGNES SCHNELL

 

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ANDREW WYETH,,

Oeuvre Andrew Wyeth

 

 

GRIS LUMIERE...Extrait

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Ignorant de ma fin et de mon commencement, j’écris aveuglément

pour apprendre de l’encre des signes

ce qui ordonne et croise

la trame des images et la chaîne des mots

 

j’écris pour que la blancheur irrévocable

qui ajoure et cerne les mots saisis par l’encre

se souvienne du souffle qui les assemble

en les mêlant à l’air qui me traverse.

 

Je veux qu’entraîné par la nappe de silence

qui sourd et s’étend quand la page se détache de moi

soient abolis regrets, désirs, attente

et que, même fragment, l’écrit s’achève

dans le deuil blanc qui le suit, alors

je serai libre, écrire serait naître.

 

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JEAN-PIERRE BURGART

 

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ecriture2,

 

DONNY HATHAWAY - I Love You More Than You'll Ever Know


POEME DE L'OLIVE

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Ce temps des olives. Je ne connais rien de plus épique.


De la branche d'acier gris jusqu'à la jarre d'argile, l'olive coule entre cent mains, dévale avec des bonds de torrents, entasse sa lourde eau noire dans les greniers, et le vieilles poutres gémissent sous son poids dans la nuit. Sur les bords de ce grand fleuve de fruits qui ruissellent dans les villages, tout notre monde assemblé chante.


Il y a d'abord les blondes chansons des jours clairs et le basson des vieilles femmes, et celle qui détonne, et tous ceux des vergers crient : « Oh là, oh, là, quel mal d'oreilles », crient à en faire sonner la colline et les derniers, là-haut, vers les bois sauvages, lèvent les bras pour montrer qu'ils ont entendus. Il y a la limpide clarinette des jeunes filles et les garçons à peine mûrs qui chantent comme des scies, mais, tout ça, tant bien marié que c'en est comme du petit lait et des sorbes. De ce temps, Virgile est là dans les olivettes avec sa palme, se promenant à petits pas, un mot doux pour chaque chose, l'âne gris qui se frottes les poils dans les chardons, la mule un peu folle qui fait les quatre cents coups pour le cheval de Marius, et le cheval ne la regarde même pas; la verdelette petite herbe qui sera le blé; le poil en brosse des haies mortes avec une fleur rouge au cœur, une fleur dont on ne sait pas le nom parce qu'il y a tant d'épines et qu'on ne peut pas la prendre. Il y a Virgile et ce bel habit de fil de lin, une chose tant propre qu'on voudrait avoir le cœur fait de ça : un coup de savon, un plongeon au ruisseau, et net et beau, plus de soucis. Si l'air est âpre c'est tant pis. Ça c'est le temps de la cueillette, le temps où l'on trait l'arbre comme on ferait pour traire une chèvre, la mais à poignées sur la branche, le pouce en l'air, et puis, cette pression descendante. Mais, au lieu de lait, c'est l'olive qui coule.


Après, il y a la chanson rouge et noire qui gémira dans le bourg tout au long des nuits, sans arrêt, sourde, comme souterraine. De grands coups tapés au fond de la terre comme un volcan qui tressauterait, cognant de son poing de feu contre la paroi de roche. Une longue plainte avec une tête de fer pointue ondule et vrille l'oreille, entre, et tout son serpent gémissant vient se lover dans la courgette du crâne, sous le bonnet de coton. Alors, comme on écoute, là-bas, dans le fin fond des caveaux, dans toute cette éponge de caves et de cuves sur laquelle le bourg est bâti, sonne la grave mélopée d'un chant qui vient de l'enfer. Ça, pour la pleine nuit, mais, à l'heure de chien et chat, on a dit aux petites couturières : « Ne passez plus par la ruelle de la Vieille-Boucherie » - ou bien : « N'allez pas à la rue Sans-Nom. » - Ah, va, sitôt qu'on a dégrafé le ciseau et qu'on s'est epeluché des fils blancs, sitôt sur la place, les voilà agglutinées bras à bras, à se chuchoter et à rire, et à pouffer, et à se pousser, et se chatouiller, et se dire : « On est grandes quand même. » Tant que d'une à l'autre, l'élan venant comme d'une eau balancée, les voilà dans l'ombre à tâter les murs; les voilà sur la pointe des pieds. La rue sent la vieille bête sauvage. C'est comme une bauge chaude où dort le crique-croque qui écrase les petites filles en s'y roulant dessus à la façon des vieux sangliers. Le cœur leur remonte à la gorge et, tout d'un coup... Ah, tout d'un coup, une porte claque, un jet de vapeur, un ruissellement de lumière. Là-bas, au fond, des hommes nus tout luisants, de grandes vis luisantes aussi qui descendent du plafond et s'enfoncent dans la terre, des hommes nus cramponnés à des barres comme des désespérés et qui tirent avec tout l'arc de leurs reins. Un grand chant grave, chaud et poisseux leur souffle son haleine de lion, et les voilà comme des hirondelles éparpillées, toutes en cris.
C'est le temps du pressoir, le temps où, autour du pressoir, la dure peine écrase l'homme sous ses chaînes. Dans l'ombre Dante frappe de son poing sec sur un grand chaudron de cuivre.

 

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JEAN GIONO

 

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serge fiorio6,

Oeuvre Serge fiorio

http://www.sergefiorio.canalblog .com

JE T'ECRIS

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Je t’écris pour te dire que je t’aime
que mon coeur qui voyage tous les jours
— le coeur parti dans la dernière neige
le coeur parti dans les yeux qui passent
le coeur parti dans les ciels d’hypnose —
revient le soir comme une bête atteinte

Qu’es-tu devenue toi comme hier
moi j’ai noir éclaté dans la tête
j’ai l’ennui comme un disque rengaine
J’ai peur d’aller seul de disparaître demain
sans ta vague à mon corps
sans ta voix de mousse humide
c’est ma vie que j’ai mal et ton absence

Le temps saigne
quand donc aurai-je de tes nouvelles
je t’écris pour te dire que je t’aime
que tout finira dans tes amarrés
que je t’attends dans la saison de nous deux
qu’un jour mon coeur s’est perdu dans sa peine
que sans toi il ne reviendra plus

Quand nous serons couchés côte à côte
dans la crevasse du temps limoneux
nous reviendrons de nuit parler dans les herbes
au moment que grandit le point d’aube
dans les yeux des bêtes découpées dans la brume
tandis que le printemps liseronne aux fenêtres

Pour ce rendez-vous de notre fin du monde
c’est avec toi que je veux chanter
sur le seuil des mémoires les morts d’aujourd’hui
eux qui respirent pour nous
les espaces oubliés

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GASTON MIRON

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serge fiorio1

Oeuvre Serge Fiorio

http://www.sergefiorio.canalblog.com

LE MOUVEMENT DU MONDE...Extrait

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Je t’attends au bout du monde
ou à son commencement,
tandis que les semences sèchent au soleil
qui ne se lève pas
et que les mots se perdent dans un vers
sans poids ni mesure.

Tu es celle qui ne vient pas :
promesse de l’amour qui emplit
les miroirs, éclat
des ténèbres qui obscurcit
le cristal.

Et quand je regarde par la fenêtre,
comme si tu venais du bout de la rue,
seul le soir s’esquive au coin du trottoir
qui t’a vu partir
avec les yeux humides du matin nu.

Ombre, cendres et ruine
viennent à chaque printemps ; mais toi
tu reviens seulement de je ne sais où,
alors que je n’attends pas
et là où je ne suis plus.

 

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NUNO JUDICE

 

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Montserrat Gudiol (110),

Oeuvre Monserrat Gudiol

EPAULE...Extrait

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Fleurs des talus sans rosée, pitoyables au voyageur, qui le saluez une à une, douces à son ombre, douces à cette tête sans pensée qu’il appuie en tremblant contre nos visages, signes, timide appel, caresse à l’homme qui ne sait plus rien des hommes sinon ce murmure d’une voix sans lèvres et le frôlement des suppliantes ombres, vous tout autour de l’année comme une couronne de présences, la petite étoile du faux fraisier sous sa frange de neige noircie (un papillon nu s’est trompé de soleil et vacille comme une feuille morte), l’épi du sain foin rose, la scabieuse de laine, bleue comme le regard de mon ami perdu, la sauge, la sauge de novembre refleurie et la brunelle, vous que je nomme et vous que je ne sais plus nommer, ô toi parfum du pâle œillet charitable, changeur de rêves, dénoueur des plus sombres sommeils, vous d’aujourd’hui, de cette minute même sous mon regard, campanules haletantes, humiliées, compagnes de mon ombre solitaire, consolatrices, voyez, cette ombre sur vous n’est plus seule, accueillez mon bonheur d’une heure, ne riez pas de mon bonheur ! Un visage près de mon visage, une épaule nue à mon épaule ; la fauve croupe des chevaux qui tirent, le pas des chevaux parmi les pierres, et derrière nous jusqu’aux nuages, pesante et solennelle, fleurie d’une toute petite fille, la craquante charge de froment !
Non, laisse le fouet pris au collier. Les taons suffisent, et ce soir fourmillement de mouches que je tisonne en vain d’une tige de coudre avec toutes ses feuilles. Doucement, la route est longue. Calme ce cheval fier qui est à toi et que j’aime, avec son chiffre à l’encolure (l’année où tu es devenu dragon), ses jarrets au bord de la danse et du bond ployés sans cesse, ses naseaux traversés soudain par le soleil comme une sombre rose de sang. La route est lente. A gauche, à droite, ne vois-tu pas le pays qui se penche et nous salue, debout dans sa vêture d’or ? Tout le pays debout au long de notre marche comme la foule au flanc d’un cortège, la forêt voleuse de javelles, l’auberge endormie, le chant pur des pavots de soie ! Et ces chênes maintenant qui te lancent tour à tour le même filet d’ombre aux mailles de feu.

 

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GUSTAVE ROUD

 

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g-roud-1940

Gustave Roud ( 1940 )

 

 

KRISTINA KOOPER " EMANUEL "

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