" En créant dans mon coeur les images du rêve,
je m'exerce sagement à l'état de mort et de dieu,
où les parfums subsistent, à peine reconnaissables. "
Louis CATTIAUX - Poèmes -
M.C.O.R _ La Table d'Emeraude
J'eus un frère, magnifique, dont le regard vert résonnait de voix et de visions ! A l'âge de 20 ans, il sombrait, si près des rives de mon enfance, dans une terrible maladie : La Schizophrénie. Elle le tint et le tiendra quarante deux années durant, sans répit. Vers lui, ce texte, en passant, en chemin qui me mène, me précipitant et courant sur les brisées de l'angoisse !
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Schizo _ Tonique
La transe__locution
La Trans__location
Agréent au vent
A l'extrême et à l'absolu d'un sombre pathos
Seyant à l'air d'un temps
Honni__ Soit à contre-courant du flot
Qui mal y pense
Confinant à la désespérance
Elle te va comme un gant
Mon vieux et te colle
A la peau
D'une gestuelle hybride
Marin __ Toi
Le dos argenté
Qui t'abreuve d'éther
Et de l'absinthe
Intarissable des vagues
Communes et juste très acides
Sans fumée ni blanche
Tu t'enivres d'embruns
Te commuant en
Écrivailleur pas très original Poètereau
Presque maudit
Dont on ne lâcherait
Aucun mot d'amitié
Sur un espace virtuel
Tu __ Répercutant alors
Un mutisme assourdissant
Le livre demeure résolument caché
Un fatras peut-être ex __centrique
Perclus de folies
Au plus dense du délire
Épistolaire
Témoin vertigineux
d'un esprit tombé
En déshérence
Sanitaire avérée
Ainsi
Mentalement et lourdement affecté
Par les aléas
D'une traverseé en eau trouble
Noyé au coeur du devoir
Une eau fétide
Hélas vint à bout
Du rebelle que tu fus
Mais qu'importe
Le vocable insane
L'association numineuse
Et claire à la fois
Que je nous destine
Sans ambage vaut bien le détour
Tonique et Schizo
Schizotonique
Frère __ Comme toi
Mon aîné disparu
Qui passa qui erra
Quarante deux
Longues années
Dont les plus belles
Dans les geôles
De cette terrible maladie
Que l'on dit mentale
Tellement blessante
Et je vais
Courant les bordées
De la solitude
De l'absence silencieuse
Où le cri seul vainc l'écho abyssal
De l'amer et de la panique
A l'appel des centres
Concentrationnaires
J'arpente ce que longuement
Tu gravis
Jour après jour
Chaque nuit
Schizo-Frère-de-Sang
Dont je panse l'aurorale douleur
Aux tréfonds de la Chimio
Pharmacologie _ Frère
Aux vertus hallucinatoires
Très légales et cadrées
Mais sais-tu _ Compagnon
D'aventure Mon ami
__ Mon frère
Combien ta vision des choses
Et le sable pulvéral
Sur lequel tu te mouvais en chemin
Engendrait de vérités
Liait de mains franches
Aux racines du Ciel
Quand tu souriais au monde
Je veux dire
Ces mondes qui t'eurent jeté
Comme un paria _ un SDF
Au seuil de l'hiver
Sur le pavé de l'angoisse
Ainsi que tant d'autres
Depuis Artaud
Sur son navire pirate
Solennellement mystique
Âmes irrémédiablement perdues
En transit__ Transies
Le temps d'une sordide
Et létale escale
Je pense à Nous
Mon Frère__mes frères
Lorsque cette schizotonie
Qui me frappe aujourd'hui
Reflète comme un maléfice __ autant de psychés
Les désordres et les forfaits
De l'obscur mené des appareils cyniques
Une nature immature
Par trop humaine
Et systé__matique
Guide dans l'ombre
Encore et toujours
Le mythe de la caverne
Cavernes où la Vérité
Se décline et se conjugue
Par clans et cloaques
Tuant la fidélité
A l'aune de l'éphémère
Depuis le crépuscule des soupirails
Sans aube Des néons
Et des strapontins pour jalons
Des tours aux généreuses vitrines
Des corridors où se croisent
Et s'ignorent les robots
Des voitures et des plans
Ostensiblement tonitruants
Océan-Mer
Que serais-je sans l'immensité
Qui étouffe qui apaise
Le mal au Monde
Des Enfants
Au coeur des vagues phoniques
__ Schizo-frène-étique
Comme Toi __Je creuse l'abîme
Sans fond de la nuit obscure
Et te rejoins
Mon Frère
Humblement __sans détour
Pour n'avoir jamais su
Ici bas Arriver
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CRISTIAN-GEORGES CAMPAGNAC
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Antonin Artaud