Le terme irlandais pour les fées est "sheehogue" [sidheog], un diminutif de "shee", comme dans "banshee". Les fées sont le "deenee shee" [daoine sidhe] (peuple féérique).
Qui sont-elles? "Des anges déchus, pas assez bons pour être sauvés, pas assez mauvais pour être perdus" disent les paysans. "Les Dieux de la terre," dit le Livre d'Armagh. "Les Dieux de l'Irlande païenne," disent les experts irlandais, les "Tuatha De Danaan (le Peuple de Dana) qui, quand ils n'ont plus été vénérés et nourris d'offrandes, ont rétréci dans l'imagination populaire, et ne mesurent plus que quelques paumes, à présent."
Et je vous dirai, en vérité, que les noms des chefs des fées sont les noms des anciens héros Danéens, et que les endroits où ils aiment à se réunir sont des scépultures Danéenes, et que le Peuple de Dana était aussi nommé slooa-shee [sheagh sidhe] (les hôtes féériques), ou Marcra shee (la cavalerie féérique).
D'autre part, il y a bien des preuves attestant qu'ils sont des anges déchus.
Considérez la nature de ces créatures, leurs caprices, leur manière de rendre le Bien par le Bien, et le Mal par le Mal, le fait qu'ils ont tous les charmes sauf la conscience - c'est cohérent. Ils s'offensent si vite du fait que vous parliez trop d'eux, et ne vous avisez pas de les nommer autrement que "nobles", ou daoine maithe, qui se traduit pas "les bonnes gens", mais il est si facile de leur faire plaisir, ils feront de leur mieux pour écarter toute infortune si vous laissez une coupelle de lait à leur attention, la nuit, sur l'appui de la fenêtre. Dans l'ensemble, la croyance populaire nous dit presque tout d'eux, comment ils ont été déchus, sans toutefois être damnés, car leur malignitéétait entièrement sans méchanceté.
Sont-ils les "Dieux de la terre?" Peut-être! De nombreux poètes, ainsi que tous les mystiques et les auteurs occultes, de tous ages, de tous pays, ont déclaré que derrière le visible se trouvent quantité d'êtres conscients, qui ne sont pas célestes mais terrestres, qui n'ont pas de forme fixe mais qui en changent à volonté, que ce soit par leur caprice ou par la volonté de l'observateur. Vous ne pouvez pas lever la main sans en influencer des foules, et sans que des foules ne vous influencent. Le monde visible constitue à peine la surface. En rêve, nous les rejoignons, et nous jouons avec eux, et nous les combattons. Ce sont peut-être des âmes humaines en attente--ces créatures du caprice.
Ne croyez pas que les fées soient toutes petites. Tout est capricieux chez elles, même la taille. Elles semblent prendre la taille est la forme qui leur plait. Leurs occupations principales sont les banquets, le combat, l'amour, et la plus belle musique. Elles ne comptent parmi elles qu'une seule espèce travailleuse, le Leprechaun--le cordonnier. Peut-être usent-elles leurs chaussures à force de danser. Prés du village de Ballisodare, il y a une petite femme qui a vécu sept ans parmi les fées. Quand elle est revenue à la maison, elle n'avait plus d'orteils--elle les avait perdus à force de danser.
Elles ont trois grands festivals dans l'année--la nuit d'avant Mai, la nuit d'avant le milieu de l'été, la nuit d'avant Novembre. La nuit d'avant Mai, une fois tous les sept ans, elles combattent partout, mais surtout dans la "plaine de Bawn" (où que ce soit), de sorte que la récolte, les plus beaux épis, leur appartiennent. Un vieil homme m'a dit qu'il les avaient vu se battre une fois; elles ont déchiré en deux, par le milieu, le toit d'une chaumière. Si quelqu'un d'autre avait étéà proximité, il aurait juste vu un grand vent faisant tout tourbillonner dans l'air sur son passage. Quand le vent fait tourbillonner la paille et les feuilles sur son passage, ce sont les fées, et les paysans enlèvent leurs chapeaux et disent, "Dieu les bénisse".
La nuit d'avant le milieu de l'été, quand les feux de joie sont allumés sur chaque colline en l'honneur de Saint Jean, les fées sont on ne peut plus gaies, et il leur arrive parfois d'enlever de belles filles pour les épouser.
La nuit d'avant Novembre, elles sont on ne peut plus mélancolique, car, selon le vieux calendrier Gaelique, c'est la première nuit de l'hiver. Cette nuit, elles dansent avec les fantômes, et le Pooka est de sortie, et les sorcières tissent leurs sortilèges, et les filles dressent la table au nom du diable, de sorte que l'ombre de leur futur amoureux puisse passer par la fenêtre et venir manger. Aprés cette nuit, les mûres ne sont plus bonnes, car le Pooka les a gâtées.
Quand elles sont en colère, elles paralysent hommes et bêtes avec leurs fléchettes de fées.
Quand elles sont heureuses, elles chantent. Bien des pauvres les ont entendu, ont dépéri, et sont morte, par amour pour ce chant. Bien des beaux airs antiques d'Irlande leurs appartiennent, et ont été capturés par des oreilles indiscrètes. Aucun paysan sage ne fredonnerait "La jolie fille trait la vache" prés d'un refuge de fées, car elles sont jalouses, et n'aiment pas entendre leurs chansons interprétées par des lèvres malhabiles. Carolan, le dernier des bardes irlandais, a dormi sur un de ces refuges, et depuis lors les chants féériques sont entrés dans sa tête, et ont fait de lui le grand homme qu'il fut.
Meurent-elles? Blake a vu les funérailles d'une fée; mais en Irlande on les dit immortelles....
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WILIAM BUTLER YEATS
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Oeuvre M. Diaz