À la faveur de la nuit
Noir comme on dit nuit
noir comme on écrit ce soir
sans plume sans encre et sans souci
noir profond et radieux
la lueur en fin de ligne
lumière enfin
lumière aux mains
soleil en tête
et voie lactée
liberté qui suit
dans nos pas croisés.
Profondément sombre
mais sans ombre pourtant
la vie coule au fond
des marges perdues.
La nuit règne ici
comme à ses plus beaux jours
la vie passe ainsi du noir au blanc
du blanc au gris
avec ses beaux dégradés
ses effacements
ses estompes
ses repentirs
la vie gravée au fil des heures.
Noir d'animal
noir d'ivoire et de bitume
noir d'ébène et de fumée
noir de peine et de suie
noir de toujours
durant la nuit qui finit
quand le jour se lève
dans sa robe du soir.
Il n'y a plus d'ombre ici
plus d'ombre plus de plis
la page est lisse et nue
sans tache sans écrit.
Rideaux tirés rideaux fermés
fenêtres closes et portes verrouillées
rien n'entre ici rien n'envahit
que l'ombre que le silence
un frôlement d'ailes à la vitre embuée.
[...]
Une histoire sans lune ce soir
une histoire inventée
une histoire insensée
de paroles perdues dans le vent
une histoire sans fin qui commence
ce matin et ne finira pas demain
une histoire à ne pas raconter dans vos beaux livres d'images.
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ROLAND GIGUERE
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