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Pour retraverser tant d’années, il suffit parfois d’une colline à redescendre : sitôt la rivière atteinte, votre pas d’homme a disparu ; un pied d’adolescent casse les roseaux secs, froisse les poésies, les feuilles mortes et dessine au sable de la rive la même empreinte jadis noyée par les grandes eaux. Quelques larmes de moins, le sentiment plus aigu d’une ignorance illimitée, les désordres du sang domptés ou mués en puissance continue – tout cela n’est que nuances et n’introduit pas de différence profonde entre la rêverie ancienne et la nouvelle, au bord de la même eau sans profondeur sous sa carapace de reflets miroitants. Qu’est ce que ce monde veut dire ? Et s’il n’a pas de réponse à nous donner, pourquoi feint-il sans trêve un discours ? Maintenant comme jadis, cette fuite et cette présence simultanées à mes pieds de l’eau perpétuelle murmurent indéfinissablement quelque chose et je sursaute quand le merle me scande (c’est bientôt la nuit) une question indubitable.
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GUSTAVE ROUD
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