Il n’y a plus d’ombre. Une seule larme où tremble un monde.
Si peu de miel à cette heure que les ruches s’emplissent de cris absurdes.
Ai-je grandi ? Je suis seul sur cet équilibre de pierres d’où j’embrasse tout le décor. Mais qui a brossé tant de verdeur ? Je suis seul. Le peuplement du soleil envahit jusqu’à mon nom. J’ai grandi. Je suis heureux.
La lumière tisse son châle de frissons.
Le moment où l’esprit s’habille de stupeur. Moi, rendu aux traces, à l’arête de la pierre. Moment trop aiguisé pour que la parole en sorte indemne.
Ces tons de rose sur les façades lointaines, sur l’arête du mont, ces traces sur la neige, brindilles de pattes autour d’un peu de terre découverte, ces haies d’oiseaux sur la route, ouvrent une porte dans le froid et nous restons sur le seuil, incapables d’entrer, retranchés de ce monde où nous avions pris pied en conquérants. La distance soudain nous refoule à laquelle nous restons aveugles.
L’hiver nettoie, sa rudesse laisse mieux apparaître les constantes du paysage. Ce vertige éternel lisible dans le sommeil de la vigne.
Ceux qui n’oublient pas les incessantes mutilations infligées à cette terre rendent volontiers hommage à la cinglante nudité du ciel. Là-haut, le soleil tourne sa bague et attend d’inhumer les morts, leur monnaie liquéfiée dans la gorge. L’herbe bleue murmure une autre condition. Le chemin n’est pas fermé.
Nommer cette joie serait l’égarer.
Cette lumière n’est pas faite pour l’opulence, elle irait ainsi jusqu’à l’écœurement. Elle est faite pour la nudité.
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PIERRE-ALBERT JOURDAN
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Oeuvre Serge Fiorio
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