Il est des soirs
où ta vie te parvient
de si loin
qu’elle semble un écho
las de se répéter.
Le familier devient alors
étrange et si vide
que fuir te paraît
la seule façon de vivre.
Tu partages ton coin de désert
avec l’étranger de passage.
Il a su entendre
en même temps que toi
le bruit du ressac
la mer lointaine.
Tu partages avec celui
qui te parle à peine.
Sa langue a d’autres courbes
et même des ailes
que la tienne a oubliées.
Il sait ton besoin de silence
il sait la vague qui brûle tes rêves
il a connu la même.
Il sait les ponts soudain traversés
pour une touffe d’herbes sauvages
parce qu’elle ressemble à une autre
d’une autre terre
d’un autre temps.
Il sait les cartes étalées
et l’œil qui hésite
qui ne peut reconnaître le lieu le murmure
et l’impatience qui grandit
dans l’oubli des origines.
Il devine alors
que l’eau des sources et la terre
et tous ces gestes multipliés
sans cesse répétés
couvrent à peine
l’appel du fleuve
qui bat en toi.
D’autres n’ont pas résisté.
Elles ont écouté l’appel
elles ont répondu au fleuve.
L’étranger
est trop présent déjà
et son regard te dérange
ainsi que sa voix.
Venue de nulle part
tu rêvais d’un quai
toujours désert
toujours humide
où rien ne t’attendait
tu rêvais de branches mortes
et de nids désertés.
Tu rêvais…
ce ne fut que rêve unique !
AGNES SCHNELL