Tout commence par un refus
des voix impératrices,
de la réalité poisseuse
Fureur
Insoumission
Non, je ne dirai pas
les cailloux pointus du chemin
avec nos traces d'escargots
verre brisé, papiers salis
Je sais pourtant le goût
des pointillés du quotidien,
dérisoires et lumineux:
claires nuances de l'herbe,
imperceptibles frissons des pétales,
rayons où dansent les poussières
fascinant le regard.
Mais je cherche plus haut,
l'extase, peut-être,
la rumeur immense de l'air
J'appelle le chant pur,
le lyrisme royal et bâtisseur
Je ne veux pas
du fragmenté, du provisoire
et de
l'ellipse
Mots éclatés,
territoires explosés,
inaboutis
vous me déchirez cependant d'une étrange douleur,
ou douceur
Mais je ne veux pas
non,
je ne veux pas de vos chants de sirènes
Je veux le rythme large et la symphonie totale,
le Verbe créateur, et séducteur,
qui propulse l'imaginaire au coeur triste du réel
Je n'ai pas besoin de vérités,
et d'aspérités
Mon chant ne sera pas le miroir de ce monde
en proie aux civilisations
blessé
décortiqué
J'ai besoin d'appeler par les mots un autre monde
fabuleuse utopie,
vie essentielle
où grouillent les temps attendus
Je veux l'extraordinaire et l'enchantement
même au prix du mensonge
mais le mensonge n'est-il pas le possible,
le rêvé dans l'intensité
les masques, peut-être, sont créateurs
Paysages éclatés,
petits morceaux de vie,
griffures, zébrures
Comme je vous refuse
Car je cherche l'ampleur et la démesure
un souffle enfin sans retenue,
sans dérision
un abandon aux grandes forces de l'esprit qui balayeront
tous ces débris du monde,
affiches,
esquilles d'os,
mots solitaires sur la page
Oh je voudrais apprendre
le seul langage qui vaille mieux que le silence
la parole musique
la parole univers
déroulant ses fastes et ses mirages,
non pas transparente,
ni aérienne
mais pétrisseuse et recréatrice
qui revendique l'absolu, et l'invente
avec des rêves de pacotille
la parole lucide et pourtant illusionniste
Car l'illusion n'est-elle pas la vérité encore à naître
la gestation tenace
Les sarcasmes ne me retiendront pas
J'ai la force d'un volcan terrifié par sa propre lave
emportant nos nouvelles structures,
nos textes fracturés
J'ai dans le sang le mouvement des étoiles
Je suis un autre lieu
un pays noir où les lames de fond
débarrassent la mer
de ses fossiles et de ses pieuvres
L'excès,
plutôt que la sobriété,
l'envol,
plutôt que la résignation
Oui, j'aime vivre
et chanter la vie large
et le vent, et l'espace
sans oublier
ce qu'on peut nommer
COLETTE GIBELIN
Oeuvre Min woo Sung