J'ai tant et tant rêvé de trouver un arbre qui fût le mien, enraciné dans un coin d'herbe. Rêvé l'ombre paisible d'un feuillage lent qui bouge : rester là, assis pour un temps, le dos collé contre le tronc. Un arbre, faute d'une maison à soi. Un arbre seul contre lequel se tenir seul, adosséà l'écorce, face à l'horizon grand ouvert, et la route, le chemin, le temps. Les vertèbres soudées à l'obscurité solide de ce tronc où la vie pousse obstinément. Au-dessus, la lumière, agitée et sonore : son ciel vert et vivant.
Mes seules racines sont de papier : des livres, des pages accumulées, des lettres que je ne me résigne pas à jeter, des timbres découpés recueillis dans des boîtes. De mon arbre, n'existe que le feuillage, des feuillets pour des chants articulés par d'autres : ils se posent, puis s'envolent, ils ont de gais plumages et font des nids très haut perchés.
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JEAN-MICHEL MAULPOIX
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