Ceux qui n’ont pas prêté l’oreille au cœur d’une forêt au moins une fois dans leur vie risquent un jour d’être surpris par leur appel. Je ne l’ai pas été, car j’entends leur voix depuis chaque seconde d’infortune. Ne pas s’éloigner de la route nous a-t-on répété, ne pas s’éloigner de la route, mais la peur n’est-elle pas le danger ?
Ainsi quitter le goudron du chemin, quitter les marées noires figées sous nos pas, pour retrouver d’autres sentiers qui connaissent notre route, même si celle-ci ne se lit sur aucune carte visible. Une langue végétale nous liera à notre instinct en mouvement, et d’autres feuilles parleront.
Car il y a des herbes folles dans les allées de la mémoire. Les arbres y poussent des gémissements qui ressemblent à des paroles humaines… Mais la parole ne peut être qu’humaine… Quoique. Les hommes ne parlent plus vraiment, ils stagnent à la surface de leurs hantises orgueilleuses et de leur superbe dépravation. Ils s’en délectent, en font des livres où les phrases charrient des cadavres à qui aucune résurrection n’est promise. Pourquoi les morts ne seraient-ils pas vivants, et les vivants encore plus, même si trop souvent plus d’un fait le mort ?
Le spectre d’une sale histoire hante les langues. Ce spectre qui s’avance dans le carré du combat, c’est la somme de nos peurs amassées depuis les gestes inconscients de la terreur. Et les imaginaires sont salis par les traces de ce spectre, puisqu’il s’immisce dans les coulisses de notre vie, tel un assassin qui ressasse sa peine, insatisfait du mal fait, affamé de méfaits, savourant les détails des crimes en une obsession précise, malsaine comme toutes les autres. Et on veut nous faire croire que la vie perd aux points, ça insiste, lourdement sur nos consciences.
Mais le vent continue de fredonner notre espoir dans les frondaisons des peupliers, et les autres arbres savourent nos complaintes en souriant. Les forêts offrent une ferveur selon l’écoute qu’on leur prête. Elles s’avancent en nous telle une ville inversée, sans hommes ni fumées, où le terreau nous pousse à créer face à la fuite qui court dans l’esprit des rues. Dans le bruissement des feuilles résonne cet espoir qui n’est pas un vain mot. L’espoir y demeure une forme de rêve lucide, et volontaire. Sans apparats ni artifices, il se donne dans sa nudité la plus vérace, et se voile de nos illusions qui soudain peuvent servir à quelque chose.
C’est ainsi que les forêts nous regardent et sentent surtout notre présence souvent inhumaine, puisque notre absence se fait de plus en plus humaine. Les forêts ne nous jugent pas et enfantent nos rêves les plus obscurs ou nos cauchemars les plus évidents. Les forêts sont là où nous ne sommes plus, et nous n’allons plus là où elles nous appellent. Nous n’allons plus nulle part, hormis dans la prison de notre mépris, alors que notre âme veut faire corps avec le monde.
Les forêts m’appellent vraiment. Je les entends car je les écoute. Combien de fois suis-je passéà côté de leur invisible invitation ? Le nombre m’effraie, tout comme les chiffres en tous genres. Seuls les mots m’interpellent, faisant vibrer ceux qui me façonnent. Les muets et les criards, les doux ou les revanchards, les présents aussi bien que les absents. Le langage des arbres veut venir jusqu’à nos oreilles, pour toucher notre âme avec l’espoir qui les distingue si bien des autres vivants. Leur prière supplie nos volontés, inlassablement, puisqu’elles sont si souvent mauvaises. Croire avec ce que nous avons dans la tête, dans le cœur et dans le ventre nous donnera l’alchimie de la foi. Qu’il manque un tiers de cette trinité, et le pouvoir n’agira pas. L’intelligence, le sentiment et la sensation exauceront en un seul acte le salut de nos crânes.
Car il y a des herbes folles dans les allées de la mémoire. Les arbres y poussent des gémissements qui ressemblent à des paroles humaines… Mais la parole ne peut être qu’humaine… Quoique. Les hommes ne parlent plus vraiment, ils stagnent à la surface de leurs hantises orgueilleuses et de leur superbe dépravation. Ils s’en délectent, en font des livres où les phrases charrient des cadavres à qui aucune résurrection n’est promise. Pourquoi les morts ne seraient-ils pas vivants, et les vivants encore plus, même si trop souvent plus d’un fait le mort ?
Le spectre d’une sale histoire hante les langues. Ce spectre qui s’avance dans le carré du combat, c’est la somme de nos peurs amassées depuis les gestes inconscients de la terreur. Et les imaginaires sont salis par les traces de ce spectre, puisqu’il s’immisce dans les coulisses de notre vie, tel un assassin qui ressasse sa peine, insatisfait du mal fait, affamé de méfaits, savourant les détails des crimes en une obsession précise, malsaine comme toutes les autres. Et on veut nous faire croire que la vie perd aux points, ça insiste, lourdement sur nos consciences.
Mais le vent continue de fredonner notre espoir dans les frondaisons des peupliers, et les autres arbres savourent nos complaintes en souriant. Les forêts offrent une ferveur selon l’écoute qu’on leur prête. Elles s’avancent en nous telle une ville inversée, sans hommes ni fumées, où le terreau nous pousse à créer face à la fuite qui court dans l’esprit des rues. Dans le bruissement des feuilles résonne cet espoir qui n’est pas un vain mot. L’espoir y demeure une forme de rêve lucide, et volontaire. Sans apparats ni artifices, il se donne dans sa nudité la plus vérace, et se voile de nos illusions qui soudain peuvent servir à quelque chose.
C’est ainsi que les forêts nous regardent et sentent surtout notre présence souvent inhumaine, puisque notre absence se fait de plus en plus humaine. Les forêts ne nous jugent pas et enfantent nos rêves les plus obscurs ou nos cauchemars les plus évidents. Les forêts sont là où nous ne sommes plus, et nous n’allons plus là où elles nous appellent. Nous n’allons plus nulle part, hormis dans la prison de notre mépris, alors que notre âme veut faire corps avec le monde.
Les forêts m’appellent vraiment. Je les entends car je les écoute. Combien de fois suis-je passéà côté de leur invisible invitation ? Le nombre m’effraie, tout comme les chiffres en tous genres. Seuls les mots m’interpellent, faisant vibrer ceux qui me façonnent. Les muets et les criards, les doux ou les revanchards, les présents aussi bien que les absents. Le langage des arbres veut venir jusqu’à nos oreilles, pour toucher notre âme avec l’espoir qui les distingue si bien des autres vivants. Leur prière supplie nos volontés, inlassablement, puisqu’elles sont si souvent mauvaises. Croire avec ce que nous avons dans la tête, dans le cœur et dans le ventre nous donnera l’alchimie de la foi. Qu’il manque un tiers de cette trinité, et le pouvoir n’agira pas. L’intelligence, le sentiment et la sensation exauceront en un seul acte le salut de nos crânes.
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RICHARD DALLA ROSA
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Photographie François Trinel