Cocotte en papier !
Aigle des enfants,
Aux plumes de lettres,
Sans nid,
Sans ami.
Des doigts encore trempés de mystère
Te font naître en un froid
Crépuscule d'automne, alors que meurent
Les oiseaux et que le bruit de la pluie nous fait aimer la lampe,
Le cœur et le livre.
Tu ne vis que quelques minutes
Dans le frêle château
Des cartes qui s'élève en chantant
Comme la tige d'un lys,
Là, sans yeux et sans ailes, tu songes
Que tu aurais pu être
L'acrobate grotesque qui sourit
Pendu à un fil,
La silencieuse nef sans rameurs ni voilure,
Le lyrique
Vaisseau-fantôme du craintif insecte
Ou bien le triste petit âne
Dont le souffle moqueur des enfants
Fait un nouveau Pégase.
Mais au milieu de ta méditation
Tu mets un grain d'humour
Faite d'écorce de la science
Tu te ris du destin
Et cries : "Jamais ne meurt Blanche-Neige
Ni le Petit Poucet.
Eternel est le matin, éternelle
La source de la rosée."
Tu le dis, bien sûr, sans en croire un mot,
C'est pour que les enfants ignorent
Qu'il fait de l'ombre au-delà des étoiles,
De l'ombre dans ton château.
Au milieu de la table, quand s'écroule
Ton nid bleu, tu as remarqué
Le milan qui te guette avidement :
C'est un nouveau-né,
Fleur d'écume sur l'eau
De la souffrance humaine.
C'est ainsi, oiseau-clown, que tu finis
Pour renaître ailleurs.
C'est ainsi, oiseau-sphinx, que tu rends ton âme
D'oiseau-sphinx aux limbes.
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FEDERICO GARCIA LORCA
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