J’ai vu le gueux manger la terre
quand la graine tombait du ciel
jetée là
par de monstrueux avions
venus d’occident
la graine jetée aux chiens noirs
était blanche et blême l’enfant
piétiné
j’ai entendu sous un soleil atroce
le corps des pauvres claquer
au vent et claquer des dents
au gré des blancs claquer
comme un étendard famélique
percé de trous
j’ai vu trop souvent
ce geste terrible des doigts joints
portés aux lèvres
pour signifier la faim
mais jamais je n’ai vu non
au grand jamais ni entendu
ventre repu claquer au vent
ni rentière brûler ses coupons
sur le front d’occident je n’ai connu
que chansons à boire rires graveleux
et cliquetis de fourchettes s’étrillant
j’ai rencontré l’homme blanc
au pied des caféiers et bananiers
des gisements filons et mines
il pissait son vin à grands flots
en remerciant son dieu
dans des nuages de poussière dorée
j’ en témoigne
et ma chanson aussi
on se la répétait
à la chicotte ou à la crosse
au gourdin et aux poings
je me la répétait
et mon corps hurlait
lorsque les coups pleuvaient
l’homme blanc frappait
murmurée sans fin
ma chanson a voyagé
elle m'accompagne dans ma quête
quand pas à pas
je vais vers les franges lumineuses
de mes espaces lointains
ma petite chanson vous dit que pourtant
il y a sur terre autant de joie que de larmes
des chants des rires de la danse et de l'amour
une certitude d’amour
comme jamais homme n’en pourra imaginer
et qu'il ne faut pas désespérer
c'est vers les confins que la vie déborde
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CHRISTIAN ERWIN ANDERSEN
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Oeuvre Tchoba