Il y a des chosesqui semblent autres ou ressemblent à d'autres ; l'orchidée qui a l'air d'un papillon ou la pierre du ruisseau qui ressemble à un crâne. Et cet air ou cette ressemblance suggère à l'esprit une autre idée que celle d'une simple analogie formelle, même lorsqu'il en est ainsi non par nature mais par hasard. Celui qui découvre un petit caillou semblable à un crâne le ramasse, le regarde et le met de côté autrement qu'il ne le ferait pour une pierre qui ne ressemblerait à rien, qui serait seulement jolie. Celui qui se trouve en plein champ devant un roc l'air absorbé par ses pensées, même s'il sait fort bien que les pierres ne pensent pas, ne laisse pas d'en rapporter une étrange impression qui l'habitera un certain temps.
Ce qui précède montre qu'en percevant soit des êtres vivants, soit des choses, et en effectuant quelque labeur ou en exécutant quelque action, l'homme ne les isole pas de tout le reste. Entre l'être et l'apparence, il y a un jeu d'affinités et de parentés qui arrive à son comble lorsque l'un vaut l'autre, lorsqu'une chose peut être appelée du nom de l'autre, si bien qu'on les nomme toutes deux ensemble, unies par leur sens. Lorsqu'en nommant une orchidée on nomme un papillon, ou inversement, on désigne une chose qui dépasse l'être et les apparences de chacun, comme il advient toujours dans toute union.
.
MARIA ZAMBRANO
.