Je ne suis qu’une disparition au milieu de ces océans évaporés : pas un oiseau dans le ciel ! Pas un cavalier en ronde ! Ni l’ombre d’un seul tambourineur qui devancerait une armée de mendiants et laverait dans un bac de sable un poème désabusé.
D’autres villes me résorberont que j’appellerai désert. Des villes inaccessibles pour qui veut comparer des civilisations grandies dans le complot et la guerre, où l’amour ne chasse pas la haine, où la haine n’explique jamais les maladies du corps et de l’esprit. Des villes sans arc de triomphe hormis leur bracelet de la Géante sur le chemin des prophètes, leur jour incommensurable de Pasteurs à la voix forte et leur hurlement plus qu’organique derrière la gangue du grand départ. Leurs portes hautes, leurs tapis à moitié consumés, leurs verrous et d’autres objets
à frôler
pour montrer à quoi ressembleraient le soleil et l’humus
dans la légende qui m’a façonné en déserts interminables sur les traces de Sindbad :
le maître des naufrages. L’explorateur de la cécité dans les mers en
surnombre qui ne
sut jamais pour quel désastre il propagea idiomes et mousselines.
Sindbad !
serais-tu capable de déplacer les montagnes
de mourir pour une idée
de gésir dans ces corps d’où monte l’invocation à Moula Baghdad
pour des communications de terreur
de construire un royaume avec sept cieux
autant de terres et de compagnons pour peupler
ton œuvre
de laver de la mort ces filles enterrées vivantes
leurs pères punis dent pour dent œil pour œil
mon corps est dallé de ce talion
Je n’ai rien à semer rien à récolter
Je gratte le lichen des fenêtres. Je ramasse les débris des chemins, fixant mes nostalgies sur des bivouacs de conquérants
dans les quadratures des portes
parmi des citadelles avides de talismans
les jours de vendredi
à l’heure d’ouverture de la trappe céleste
vers les déserts en girouette sur nos têtes
qu’annoncent les fauves hissant notre mort
leur bras s’emparant de nos cités de
sommeil avec un linge blanc de tumeur chaude
à triturer au faîte du mal
.
Le livre du désert (2), ABDELAZIZ MANSOURI
"À peine un souffle ", Le livre du désert (2)
.
Oeuvre Maher Naji