Je connais des mots doux, des mots d’écoliers
Des veillées qui tardent à mourir à s’éteindre dans le carreau des feux, la cheminée pâlit de ses charbons manquants
La soirée traîne de ses voiles en crépon noir
Si la nuit noire dehors tombe et éteint tout par son effet domino
Où fuit-elle en si peu de vacarme ?
Je distingue à peine l’ombre de la lune qui veut vivre
Il se peut que le jour s’achève alors qu’il avait peine à débuter
Dans les pluies grasses et larges de nos oublis
Ce sera ce jour où chacun peine à trouver où se terrer
A trouver son rythme, sa voix, sa voie, ses gestes
Se défaire de ses secrets, de ses alcôves
Tenir enfin la dragée haute
Au désespoir qui pend et qui luit
Se tenir droit contracté ; se dire de tenir
Se dire
« vivant » après tout ! ou « vivant » finalement
et le nœud de pendu qu’il nous tend, uriner dessus
plonger dans l’espérance sans faille
et tu pulses vers moi tes désirs enfin
tes désirs sans faim, tes désirs sans fin
je titube enfin de tes clairières
on dirait donc que ton corps serait vivant
que la peau même saignerait si on la coupe
si seuls, nous allions mourir
unis, allons-nous enfin vivre ?
seul dans cette nuit totalement noire
Le bruit des espaces naturels est mon seul compagnon
On dirait que tu viendrais
Accompagner ces derniers sursauts, les ultimes battements d’un cœur déserté
Les traces des vies comme les sentes des baves d’escargots
Tu t’es trainée là
Tu as tendu la main / je t’ai vu aussi mourir finalement
Je n’étais donc pas seul à l’extinction
L’aube viendra t elle ?
dans son fouillis de fleurs et de lumières
L’aube ? La lumière ? recommencer ? réapprendre ? refaire ?
"Que le poème aille se glissant
Dans la bouche ouverte des mourants !
Qu’il y ait le cri : « Que la Terre est belle ! »
Pas besoin des fleurs
D’ailleurs !"
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ARMAND ROBIN
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