-Tondisa bomoyi nanga na bandoto…
[-Remplis ma vie de songes…]
Carlito Lassa
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Au milieu de mille images,
ton visage apparaît.
J’étreins la visite qui précède ton corps
et je remplis la maison qui t’attend
de chants d’accueil.
Le feu de mes appels
a brûlé leurs yeux,
les voyants sont devenus aveugles.
Et sur la natte de vérité,
les cauris qui ont roulé
se sont trompés.
- Ils prédisent des douleurs
quand mon cœur fleurit.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Je ne clame plus ton nom,
il résonne entre mes seins
dans le désarroi du sang.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant :
- J’ai parfumé ma bouche,
je chante mes vœux.
J’ai rassemblé la beauté et l’amitié,
pour la fête qu’ont éveillée tes mains.
Que le vent s’empare de mon chant,
et l’ébruite jusqu’en cette contrée
qui te retient captif.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Suis ma voix et
remonte mon haleine,
jusqu’à ce que tu atteignes la source
d’où jaillissent mes appels.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Ma vie est toute dans cette voix,
il n’est tenu en réserve
que la chaleur de la terre
qui va t’accueillir.
Mon sang et mon âme s’offrent
dans cet appel.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Dans le bégaiement de la langue de l’oracle,
sensibles aux suppliques des cœurs meurtris,
j’ai entendu les morts
répondant à la détresse des vivants.
J’ai vu,
approchant l’enfant qui garde leur âme,
les morts rendant visite
aux orants.
- Je crois à la pluie qui répond aux appels
des terres que calcine la soif.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Je sais le songe
éclaircissant la nuit des veuves,
er versant dans leur sommeil
la vague sanguine des eaux maritales
dans le ressac des souvenirs.
Je sais dans le vent,
l’orpheline qui frissonne et se glace,
qui du père perdu sent la caresse
et entend la voix.
Mais à toi,
mes appels et mes prières vont,
comme au tombeau le message et la foi
des martyrs.
Et la terre demeure sourde…
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Tes mains me ressusciteront
de la mort qui est devenue mienne,
parce que je veille sans trahir
la momie de ton absence.
Envahis mon corps
de baisers purs de tes lèvres,
rafraîchis-moi
où j’ai brûlé des soifs de l’attente,
et réchauffe cette part
que givre l’angoisse.
Mon corps,
comme la terre de ton règne…
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Approche tes yeux
quand lumière nue et offerte,
je ne suis plus que puissance.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Brûle mon ventre !
embrase dans ton feu
le cri de mes seins !
Et portée aux crêtes de l’haleine,
tisse de lanières de ton étreinte,
à même mon corps,
mon habit d’offrande.
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Que n’as-tu pas encore atteint
les confins de la terre ?
Arrête ta quête et retourne tes pas…
Ecoute le chant de N’déye,
écoute mon chant.
Dans l’abandon,
la femme seule est soleil de convoitise
du jour des hommes,
ils brûlent de sa lumière.
Et dans l’enfer de leurs regards
elle devient la proie
- mille fois réchappée,
mille fois fusillée.
Et dans la tourmente de leur nuit,
elle, chair d’une étoile nue,
déchirée des griffes de leurs rêves.
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LEOPOLD CONGO MBEMBA
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