L’image conservée par mes yeux apprivoise le temps. Elle s’éternise comme une brume recouvrant le jour. L’illusion d’être ce que j’ai été prolonge le refuge de tendresse que tu incarnes. L’intemporel s’accomplit d’un amour sublimé. Hier est à l’abandon dans les débris de notre histoire. Face à moi, l’orgie de lumière balaie la mémoire pure. J’ai les yeux qui piquent et le cœur décroché de toute tentation. Je m’abstiens du vide, il n’est pas plus profond que l’absence de sens. La blessure grondante n’est pas à l’abri du pire. Sans toi, l’air divague et les mots emportent les silences cachés.
L’impasse du désespoir laisse entrevoir quelques lucioles dans le silence des nuits solitaires. L’amour balance de la passion à l’évidence sans jamais toucher terre. J’ai appris la durée avec l’heure qui sonne avant de trébucher dans l’infini miroir du monde. J’ai vu l’oiseau cueillir le ciel dès l’aube naissante. J’entends l’arbre instruire ses racines du souffle nourrissant de la lumière. L'aurore n’a rien d’autre à dire que la faim qui la trésaille. Un instant, hier n’est plus qu’un infime soubresaut. La présence à la vie est entière et plénière. La connivence de l’absolu ne connaît que l’absolu. Mais en même temps sa souveraineté est une fin du monde. Je remarque que les cigales mettent jusqu’à sept ans pour sortir de terre et ne vivent que trois semaines. Choisir l’excès est une excellence, c’est une courte échelle à l’éphémère. L’existence au bonheur impossible ne manque pourtant pas de truculence. Il y a ce qui nourri et ce qui lacère. Entre les deux, le désir se confronte à la volonté. Je te vois comme je t’ai vu. Une amarre est restée sur le port, un parfum iodé colle encore le cordon ombilical. Tu dors et te réveilles dans l’abécédaire de ma chair.
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BRUNO ODILE
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