Toi, femme aux mains de poignante douceur, lèvres offertes comme fardées au pinceau rouge du vin des noces de Cana, je salue en ta chair la naissance du monde, toutes saveurs du sel, ton parfum de fourrure, l'appel sourd de la terre, sa promesse de source, son octroi de froment.
Toi, femme qui inventes la prosodie de mes paroles, toi par qui mes songes prennent corps ; tu as flétri mes cauchemars dans tes flancs de longue houle.
Avant toi, rien, jamais, ne m'avait suggéré que le poème est la pâture pour faire éloge ou récuser ; que sa voix, on la doit à la vie, vie plurielle vie plus nombreuse que les abeilles de l'aurore. Tu m'as appris par ton regard à percer le brouillard du banal : les lieux en ont gagné une évidence toute neuve. Depuis toi, je ne saurais m'imaginer seul dans la ville des miroirs, des mosaïques et des masques ; de l'anneau d'or : ville et mer mariées, ce lieu de vertigineuse merveille qui donne le mensonge en exemple.
« Tu danses dans mon cœur » ; ainsi certains Amérindiens, m'as-tu dit, nomment l'amour. Malheur à qui est sans désir : il ne saura rien de ta chorégraphie quand tu cisèles, en silence, l'invite.
Certes, entre nous, le plein partage est impossible. Mais nos dialogues sans soliloque ! Mais la mémoire de tes mains, tes grains de beauté conviant aux baisers ! Certains matins la tiédeur de la brise, un beau rectangle d'herbe drue, l'ombre qui glisse sur le pech comme le drap de lin bleu sur tes seins ; femmes de Kobanê arme à la main pour être libres...
Je nais au long de notre vie, le temps s'y cadence en tendresses
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FRANCOIS LAUR
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Oeuvre Francis Picabia