L'étoile n'a jamais donné de nom à la fourmi pas plus que l'oiseau n'a appelé« arbre » cette fontaine frémissante d'ombre où son vol s'apaise. Ils ne sont que présences, présence de lumière, de chant, de feuilles, d'infimes traces. Nous seuls, prononçons leurs noms. Quand nous disons plaine, l'étendue nous répond, vallée, la courbe se creuse en nous, rivière, une allée d’eau nous désaltère. En les nommant ils nous rejoignent et nous délivrent de sentiments indicibles qui demeureraient à jamais clos. Nous tissons ensemble leur image comme l'enfant les balbutie à la proue de sa mère, s'émerveillant de cette musique de syllabes si bien ajustées entre elles. Avec sa bouche, les mots ailés se posent doucement sur chaque chose, les épousent avec ferveur, rencontre après rencontre. Un pressentiment murmure en lui, comme il a murmuré en chaque être, au moins une fois, un bref instant. Il fut atteint par le désir de s'élancer à son tour, libre, à l'unisson vers tout ce qui chante obstinément la beauté du monde, dans le pressentiment de l'hymne voiléà l'amour.
.
HENRI GUERIN
.