Je suis assise à une table étrangère, j’écris.
Ce dimanche, les mots ne veulentpas sortir de chez eux et
se mêler au brouhaha, ils ne veulent pas prendre
de risque.
Je n’ai de remèdes ni pour la société ni pour moi-même
ni pour la vie.
Dehors dans le jardin de la steppe, sur les terres arides qui
s’étendent jusqu’aux pieds des montagnes,
le soleil d’hiver brille.
Les nuages sont remplis d’un sentiment tout neuf de liberté,
les champs de blé chatoyants sont dans l’attente.
La nature, sans mémoire,
ressemble à un enfant qui résiste pour ne pas aller
se coucher.
Le soleil s’invite insolemment dans les intérieurs ;
« Voilà un autre dimanche ! » dit-il. Cela fait partie de ces jours
qui s’écoulent sans laisser de traces, où il n’y a rien d’important
à signaler – c’est ce que tu crois –
des années plus tard, tu vas te rendre compte du résidu
qu’il a laissé.
Les dimanches sont faits
pour être dilapidés car ce n’est qu’ainsi que l’on
peut oublier le gaspillage des autres jours.
...
ASLI ERDOGAN
Traduction Esin Soysal-Dauvergne
aux éditions Les bilingues, Meet éditeur