Chair pétrifiée de l’Amérique,
hallali de pierre éboulée,
rêve de pierre, notre rêve,
pierres du monde avec leurs pâtres ;
pierres qui se dressent d’un coup
afin de s’unir à leurs âmes !
Dans la vallée close d’Elqui,
par pleine lune de fantôme,
nous doutons : sommes-nous des hommes
ou bien des rochers en extase !
Les temps reviennent, fleuve sourd,
et on les entend aborder
du Cuzco la meseta, marches
grimpant à l’autel de la grâce.
Sous la terre tu as sifflé
pour le peuple à la peau ambrée;
ton message, nous le dénouons
enveloppé de salamandre;
et dans tes brèches, par bouffées,
nous recueillons notre destin.
Nous avons marché tels les fils
qui ont perdu signe et parole
le Bédouin ou l’Ismaélite
ou les blocs lancés par la fronde,
vagabonds de la déchéance,
grains piétinés de vigne sainte,
jusqu’au jour où nous revenons
à nous, comme amants se retrouvent.
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GABRIELA MISTRAL
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