Goût d’étrange, saveur d’inconnu, soif brûlante
d’ailleurs, ce ciel nouveau qui t’obsède et tourmente
t’offrira-t-il, parmi la paix des palmeraies,
les délices des yeux et des sens ignorées
que l’art habile et vain des villes te refuse ?
Quelle, parmi le flot de lumières diffuses,
au cœur d’une nature encore inviolée,
quelle tente de vent libre et calme gonflée,
– immobile steamer chargé de ta fortune,
conque de lys fragile où s’annonce la lune, –
berçant ton rêve au seul rythme du pur silence
qui se confronte avec le grand cri qui s’élance
de ton intérieur, apaisera ta peine,
ô cœur d’enfant qui veux défier la Sirène
afin de t’affranchir des liens de la terre
et d’étancher ta soif que rien ne désaltère ?
Oiseaux migrateurs, nomades de l’azur
et du calme vert des forêts tropicales,
que de mers encore, hélas ! et que d’escales
avant de trouver le port heureux et sûr !
Cependant, vainqueurs du vent et de l’espace,
le dôme nouveau des palmiers entrevus
au seuil lourd d’Ailleurs des beaux cieux inconnus,
refait votre espoir et double votre audace !
Ah ! j’ai tant de fois envié votre sort
pourtant menacé de chute et de naufrage
pour n’avoir aimé que l’incessant mirage
des ciels et des flots, loin de l’appel des morts !
Et si l’horizon qui limite ma vue
n’avait en ses flancs les premiers de mon sang,
si j’oubliais que ce terme florissant
garde les tombeaux dont ma race est issue,
j’aurais déjà pris ma place dans la barque
qui mène au-delà des fleuves et des mers
pour ne plus cueillir que des fruits moins amers
avant que fût consommé le jeu des Parques !
Et j’aurais connu, comme vous, des matins
parés chaque jour des fleurs d’une autre terre ;
battant l’océan d’un nouvel hémisphère,
mon rêve aurait fait quels somptueux butins !
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JEAN-JOSEPH RABEARIVELO
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