C’était il y a très longtemps – écoute, amer amour de l’autre monde
— C’était très loin, très loin – écoute bien, ma sœur d’ici
— Dans le Septentrion natal où des grands nymphéas des lacs
Monte une odeur des premiers temps, une vapeur de pommeraies de légende englouties.
Loin de nos archipels de ruines, de lianes, de harpes,
Loin de nos montagnes heureuses.
— Il y avait la lampe et un bruit de haches dans la brume,
Je me souviens,
Et j’étais seul dans la maison que tu n’as pas connue,
La maison de l’enfance, la muette, la sombre,
Au fond des parcs touffus où l’oiseau transi du matin
Chantait bas pour l’amour des morts très anciens, dans l’obscure rosée.
C’est là, dans ces chambres profondes aux fenêtres ensommeillées
Que l’ancêtre de notre race avait vécu
Et c’est là que mon père après ses longs voyages
Était venu mourir.
J’étais seul et, je me souviens,
C’était la saison où le vent de nos pays
Souffle une odeur de loup, d’herbe de marécage et de lin pourrissant
Et chante de vieux airs de voleuse d’enfants dans les ruines de la nuit.
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OSCAR VLADISLAS DE LUBICZ MILOSZ
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Oeuvre Berthe Morizot