Emmenez-moi dans d’autres contrées, les miennes sont avariées, corrompues de chapelles outrageuses depuis que des nuits accablantes les gagnent hâtivement et s’éternisent blousant les aurores qui se perdent saccagées d’anathèmes et d’injures. Emmenez-moi loin des hosannas sombres et le chant fatigant des muezzins, ils génèrent l’hystérie des charlatans qui appellent à lapidation des femmes alors que l’éminence civilisée marchande encore des frontières à la barbarie de la barbe et de la burqa. Emmenez-moi, là où le soleil du soir nappe le rideau de la mer de tons vermeils sans fermer ses confins, loin des désopilants ballets de dévotions absurdes que composent des duplicités elle-même dupées. Emmenez-moi, là où la lune câline les corniches faisant au bord de la mer des flots blancs comme des neiges éternelles.
Emmenez-moi, là où le genre humain ne se plie pas à la morale du commerçant ni ne succombe aux rayons trompeurs de l’or ni ne fléchit devant les ardeurs des slogans et réclames. Emmenez-moi, là où l’Homme n’est plus un arrière-produit gratuiciel, digitalisé pour faciliter son transfert vers la consommation dans un ordre numérisé. Emmenez-moi là où les silhouettes ne sont pas froissées dans des dogmes définitivement établis par les prieurs du chaos, tueurs des printemps...
Emmenez-moi, là où l’exécution du supplice de feu ne se fabrique pas contre les théorèmes par l’autorité axiomatique d’une schizophrénie collective ; là où l’ordre pédant ne tague pas les lutrins afin de ravitailler la racaille de barbouzes et malandrins.
Emmenez-moi, là où aimer n’est pas indice de démence ; là où l’amour se rajoute d'instinct à la fureur des baisers. Là où les lèvres des amants s’entremêlent sans répit afin que s’amenuisent les chagrins. Emmenez-moi là où l’ode des lèvres chatoyées exige plus de marge aux effluves du vin pour mieux semer la joie.
Emmenez-moi, là où les femmes refusent les cocktails d’instances et fuient la corruption des accoutrements de luxe tirés des vils animaux. Emmenez-moi, là où les muses ne tombent pas dans les strates de l’oubli à force d’attendre, comme des Pénélope crétines, les tendresses engourdies par la froideur des idylles asphyxiées.
Emmenez-moi aux rivages lointains où l’odeur fumante des rochers sent la pointe acre mais délicieuse des moules, là où l'enivrement rajoute de l'extase aux quolibets que j’adresse à ma misérable vie dont je me suis entiché pitoyablement sans l’implorer de me réserver la moindre indulgence. Emmenez-moi dans les domaines où l'arbre est sacralisé et que tout par les fleurs se nomme et je saurai que je suis arrivéà bon port. Sinon, laissez-moi avec mes mots à la métrique, ils me procurent l’ivresse de l’essor et me gardent de sommeiller comme un oiseau crédule dans un coin obscur du passé.
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DJAFFAR BENMESBAH
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Oeuvre Djaffar Benmesbah