"Je dirai :
viens, quitte ton vêtement de tempête
l’amour n’est rien que ce lieu de déchirure ;
laisse ta robe de solitude : errer n’est pas à deux,
et t’emporte en silence, le vent torride des mots.
Le bonheur est oubli : s’y enfouit la chevelure de ton rêve
présent, oublie tout sauf cette île où s’innerve la vie.
Laisse ta tunique et ta guerre, la paix
est le tracé de ta mémoire sur le corps de la femme neuve,
laisse-la poser sa tête sur tes ardeurs, regarde-la, fulgurance
en sa marche vers toi qui monte comme la mer, et s’apaise
à tes combats ; laisse-la sommeiller un instant à la cime de tes lames,
sauvage glissant en des contrées aveugles où tu es roi.
Tu diras :
l’amour n’est pas aux cieux, mais à la terre,
mon épouse souterraine, et si tu pleures ta patrie est la mienne,
ma soeur interdite, ma sans-racine, nous avons à devenir
ce qui nous fit belluaires d’un espoir sans nom et sans âge,
le seul miracle est cet amour qui va de vague en vague,
et d’âme en âme, par-delà les silencieuses voyelles de nos noms.
Laisse ton rêve te rejoindre ; carpelle de la même fleur,
tu courais dans les champs quand elle naissait.
Jadis plantés ensemble dans des régions exsangues d’étoiles,
nous devînmes cette absence qui terre les peuples en détresse,
mais ne s’effeuille la rose au doigt du Prince : va, donne, hisse
les voiles et repars ; au large oeuvre en vous une rose et renaît à toi sans épines. "
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CLAUDINE HELFT
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