Captifs de l'étrange machine
Qui nous mène de vie à trépas
En quel lieu de ce corps en fonction
De ce sang qui déambule
Se fixe l'être
Bâti d'élans de songes de regards
Qui parle les langues du silence
Qui devance mots et pensées?
Qui prononce notre mort
Qui instaure notre vie
Qui présence ou absence
Dans la mêlée des vallées et des gouffres
Nous prodigue
Cette sarabande de rixes et de roses
Nous assigne
Ce pêle-mêle de discordes et d'harmonies?
Qui
tissant ensemble
tant de corps et tant d'âme
Nous imprègne de passé
Nous génère un avenir?
Plus loin que tes membres
Plus haut que ton front
Plus libre que racines
Tu t'émancipes de l'arbre de chair
Vers les récits du monde
Vers l'image inventée
Hors des marques quotidiennes
Où tu vécus fièvres et moissons
Soleils ou mélancolies
Tu t'élances
Une fois de plus
Débauchant l'espérance.
L'esprit s'aventure
Tandis qu'en sourdine
Le corps tout à sa trame
Poursuit de secrètes et mortelles visées
Spectateurs ahuris
Nous déchiffrons soudain
Sur nos peaux en nos charpentes
Les croquis de l'âge
Tout ce grené tout ce tracé
Tous ces naufrages
Que nous n'avons pas conduits
Ces mêmes érosions ces mêmes
Qu'aucune chair n'a jamais fuis
Le temps triomphe des temps
Soumis au projet sans failles
De l'impassible métronome
Le corps lentement se déconstruit
Tournant autour du pieu
Où s'embrochent nos destins
Il nous reste la parole
Faite d'argile et de souffles
Il nous reste le chant
Fortifié d'autres chants
Alluvions qui progressent
Vers l'horizon sans appel.
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ANDREE CHEDID
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Oeuvre Michael Parkes