Dans ma maison de Geronimo
personne ne sait comment j'apprivoise le jour
ni avec quelle violence je l'agrippe
et le défie
pour l'épingler finalement sous mes paupières
Personne ne connaît le nom de l'oubliette
d'où je remonte
le coeur en pendule au bout d'une corde
pieds et mains bras et jambes
dans un désordre si inconcevable
qu'il faut reconstituer le puzzle à chaque coup
...
A qui parlons-nous lorsque nous nous taisons
Dans ma maison de Geronimo
je garde un troupeau de silence
que parfois je mène boire à la mer
Qui vient paître trop près de mon silence
sera fusillé dans toutes mes langues étrangères
...
Pardonnez-moi
Pardonnez mon sommaire petit violon
c'est parfois à cela que l'on voudrait réduire l'histoire
et expliquer notre solitude
...
Je n'ai pas le coeur assez bien accroché
il est suspendu à un trapèze d'oiseau dans une cage
et boit à petites gorgées dans un goutte à goutte
C'est pour cela que je n'avance pas
...
Le monde en feu la misère la vie allégée de rien
et pourtant la vie doucement belle
dans le lointain de nous
sans notre regard sur elle
Serions-nous moins inquiets
si le monde augmenté du poids de deux brebis
pouvait en être bouleversé
...
On peut tenir debout longtemps
même avec ses disparus à l'intérieur de soi
il suffit de s'aménager le ventre le coeur la tête
il suffit de meubler les endroits trop vides
sous peine d'égarement de prostration
il suffit de donner une chambre à chaque fantôme
de fermer à clé
et jeter la clé dans la mer
On peut aussi siffloter des airs connus
ou courir les bois comme une biche
à la tombée du jour
...
Et pourtant vient le matin l'oiseau qui pépie
le vent tiède et les bourgeons
la lumière qui filtre à travers les persiennes
le souvenir d'un petit ruisseau
pour s'y laver les jambes
de menues choses qui pourraient sauver le jour
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MARIE HUOT
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