C'était un collecteur de mots. Il allait par les rues du village et devant chaque porte demandait des phrases, des images, des silences. Oui des silences car il pensait que les mots étaient posés dans le vase des silences. Il allait dans les jardins et caressaient les plantes et susurrait des secrets aux différentes fleurs. C'était un secret différent pour chacune. Il était amoureux des ruisseaux et à chaque période de l'année il comparait leurs courants aux variations de la parole. Et parfois la sécheresse le faisait tantôt pleurer tantôt rire aux éclats, car il n'est rien qui demeure. C'était un collecteur de mots, il avait de grands trésors, un peu partout dans la vaste poche de son pantalon-mémoire. Pourtant il ne gardait rien pour lui, il était follement épris du partage. Il partageait les plus précieux, les plus rares mais aussi les mots de tous les jours. Il ne parlait pas au nom des autres, non les autres parlaient par sa voix et se reconnaissaient. C'était un collecteur des mots, un diseur de bonne aventure, un conteur de la vie dans la tristesse ou la joie. On pensait qu'il était un peu fou mais il avait sa place au sein du village. Un soir il est monté dans une étoile et c'est pourquoi il est fréquent certaines nuits d'entendre tomber des mots du ciel. Des phrases, des fragments, des poèmes, des silences. Peu importe, il faut tendre l'oreille dans l'obscurité. Il y a toujours suffisamment d'espoir et de vertiges dans cette nuit des mots
.
© Patrick Chemin
- 2010 -
.
Oeuvre Katzuhiko Fukuoji