A la mémoire de François-Xavier Verschave et pour que la Grande Mort reste rêvée, rêvée seulement..
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"Je t’offre ce dossier afin que nul ne meure, ni les morts d’hier, ni les ressuscités d’aujourd’hui.
Je veux ma voix brutale, je ne la veux pas belle, je ne la veux pas pure, je ne la veux pas de toutes les dimensions. Je la veux de part en part déchirée, je ne veux qu’elle s’amuse car enfin, je parle de l’homme et de son refus, de la quotidienne pourriture de l’homme, de son épouvantable démission. Je veux que tu racontes."
Frantz Fanon
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De nos âmes versées dans les rues
De l’éternité assoupie aux portes
De l’absurdité stagnante
De l’autre côté de la lagune
De l’ignominie nue, que plus nul tromperie n’habille
De la parole de bouche qui se meurt…
Des ailes liées qui battent saccade l’élan nié
Du silence, clos en dehors
Quand les bêtes sauvages, lâchées,
dans la plus grande des grandes absences,
nous punirent d’aimer
Du vide aussi et de la nuit enfin
Qui bourre nos ventres et nos yeux et nos cœurs
Qui habite nos rêveries éternelles
La nuit qui visite le grand fleuve morne penchéà nos pieds
Où dorment ces tessons de grande Etoile
Danse de lumière dans l’incarna sirupeux de l’obscur
La nuit qui ne rassasie pas et dont nous avons encore faim.
Oui
Le soir de la voix est là.
Où sont convoquées nos humanités en d’horizons lancinants
Où s’ouvrent, la mesure en vacance, nos visibilités confuses
Qu’est-ce cela?
La paume de la main donne le sein au front qui
mange le grand œil gauche du dos qui s’écoule
Lentement
Et ceci?
De Rouge, le Blanc et le Bleu entachés.
De rouge, nos cœurs vêtus.
Aînée de l’Église au visage du diable
Soûlée de l’amer lapée sur les larges berges de nos yeux
Titube, titube, titube…
Écoute, nous te baptisons:
Indicible
Pénultième bouche du discours errant.
Case puante de lois abortives de foi
TITUBE donc, sépulcre du cri retenu
Titube vampire de mille vies flétries
Titube.
Au banquet des si hautes convictions révulsées
Dis notre hilarité triste
Et si baguenaudant, l’amertume en trophée, tu trébuches
Milles dents noirs pour applaudir
Assurément.
«… Laissez nous tranquilles…»
«... Laissez nous tranquilles…»
«…»
Que nous voici réveillés de notre éveil
Tirés, enfin, de cette turbulente insomnie
Espoir! Soleil menteur
Edifice raidi au vent traître du dedans
Sartre! Sartre!
Ne viens pas, cette nuit encore,
Jouer de notre salive et de notre sueur.
Musique sans amarre, en l’épaisse chair des cœurs absents.
Nous ne bâtirons plus, entends-tu?
De verbe et de feu.
De verbe et de feu seulement, fugaces zombies.
Nous rentrons la crécelle et le bois
Nous sommes las
Bourgeonne, sur le fil tendu de chaque unique,
belle et pure, l’ivraie aigre-doux
Fuligineuse.
A fleur du grand blanc lit d’immondice
immense
naissent nos envers
Nous avons l’amnésie du rire
Nous ne dansons plus que la mort
Nous regards arides
Nous Nègres noirs.
Voici
Yao dit
Oui
Yao dit
Mais, entendez vous cela?
Yao dit.
A longueur de journée, Yao dis
Et tous les autres enfants «non accompagnés»
réfugiés dans le ventre du serpent disent
DEMAIN, TOUT DE SUITE
Et ils peignent votre monde en poussières muettes
aux senteurs ténues de leurs petits matins en feu.
Demain…
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SKA
France, 15 octobre 2005
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