Pensées vers Agnès
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Crois-tu que le bleu de l'encre
couvrira les cris ?
Crois-tu que l'encre
couvrira le gris ?
C'est dire qui fait mal.
C'est mettre en mots
cette longue nécessité
cette respiration hachée
jamais apaisée.
C'est dire
les angles morts
les poussées les passages de travers
l'encore informe
qui fait mal.
C'est crever les ombres
éprouver les figures
enfanter le chant
supporter la lenteur du silence.
C'est s'abandonner
à la pulsation intime
au grand soulèvement
qui déchire
qui nous pressure et fait mal.
Ma langue accroche un peu plus
désormais.
J'ai trop porté mes mots
en mon poing serré
on entend mon coeur y battre
à chaque soubresaut
à chaque orage.
C'est contre les baillons
et les cordes
que j'écris
contre la rouillure qui résiste
contre le sans issue imposé
pour la brèche dans le mur
pour le rouge à l'âme
pour la main porteuse
avec l'aube et ses morsures
avec le parchemin de la terre
non encore déchiffré
pour l'empreinte des brumes
pour l'errance de l'enfoui
pour l'argile attentive
contre l'inquiétude imposée
pour le chant qui ébranle.
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AGNES SCHNELL
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