Il faut revenir exalter la peau mûrie de longues pensées inachevées. Il faut reconstruire la halte dans laquelle on a tout abandonné : l’épreuve et ses ruisseaux de peine, l’échec et ses tourbillons aiguisés comme les bords tranchants d’une falaise. L’innocence ne connaît pas le malaise des jours meurtris. Désarmer, on l’était déjà bien avant l’existence. Une vie entière àécouter en soi les oracles lointains, les troubadours de l’excellence et, si peu de murmures revenus de là-bas. Nulle part l’écho fragile d’un cœur solitaire. Nulle part l’impuissance avouée de l’aveuglement. Un seul monde pour des millions d’affamés. Une seule terre pour des milliers de bouches ouvertes.
Il est nécessaire de faire et de tout dire, de recommencer, de répéter le chemin recouvert de désirs avortés. Tout commence dans l’ombre des forêts, dans l’obscurité de la sève de nos rêves les plus secrets. L'odeur herbeuse s'éveillant après le frais passage de la pluie printanière, nous rappelle la promesse des fleurs et le velours des couleurs calfeutrées au fond de nos poitrines.
Rien ne guérit, tout se soigne : la hache des heures chagrines perd son manche dans l’eau pure de nos sources cachées. Depuis si longtemps, nous pouvons croire à la joie paisible de ce corps qui est le nôtre. Dans l’invisible couleur du temps, nous sommes tous semblables. La distinction s’opère dans le lent parcours de la lumière. Une étincelle puis une autre illuminent peu à peu le fond de nos rétines où s’est assoupit le monde. Il est des jours où l’éclair nous emporte plus loin que notre passé et où la vie se répète sans compter.
Vivre sans pourquoi nous dit Alexandre Jollien, voilà la raison qui abdique face à la volupté de ne plus être assiégé par le regard des autres et l’espoir de vivre titillant la perfection. Demain commence aujourd’hui. Demain, c’est une multitude d’échos dans les brouillons de vie immédiate, dans un présent déjàéculé par la puissance des projections. C’est parce que je suis imparfait qu’il m’est toujours possible d’entrevoir le sourire d’un autre monde. La vie me retient dans l’éphémère de ses paroles et je claque comme une feuille blanche sous un coup de fouet.
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