...
Le monde, oui, dans sa beauté cruelle,
je ne veux pas le dire
Si je me tais, c'est colère et défi,
incandescence
Pourtant je pourrais dessiner les dentelles du possible,
ombres chinoises sur l'écran du réel,
le rêve, suraigu,
d'une île de soleils éblouis,
sans férocité
L'amour, s'il existe, je pourrais le dire
L'énigme au coeur du vivre,
comme un ver dans le fruit,
je pourrais l'approcher
Cette parole surgie de nulle part,
brûlante et sauvage
Cette parole d'origine, je pourrais la tenter
Un longue attente
une gestation douloureuse mais lumineuse
Et soudain les mots sortent, explosent, déchirent le silence
comme un nouveau-né qui ne sait pas encore
que les cris les plus vifs,
toujours,
tombent dans le vide,
et meurent,
même si l'écho les répète, infiniment
Tu parles, mais qui entend ?
Qui acccepte le don de vivre,
les étincelles du désir ?
Pas même toi
Qui cherche l'aube pour s'envoler ?
L'aube n'est pas l'envol,
ni l'éveil
Elle est errance et brûlure
Désillusion
L'aube, je ne veux pas la dire
Et pourtant je pourrais, je pourrais
Mais il faudrait ne pas se laisser traverser
par le silence des étoiles
Et surtout,
il faudrait apprivoiser la foudre patiemment,
dans l'espoir insensé
que toute parole recommence le monde
.
COLETTE GOBELIN
407ème Encres vives
.
Oeuvre Jean-Paul Surin