L’heure vient peu à peu
Parmi les heures toutes pareilles
L’heure unique, l’instant
Le Pont imperceptible entre le Temps et l'Éternité
Parmi les Sœurs qui passent devant toi
Si transparentes, pareillement silencieuse
A quoi la reconnaîtras-tu,
Quel signe dans ses yeux vers tes yeux dirigé…
Quand ton enfant sera devenu lui-même
Tu ne reconnaîtras pas ton enfant
Quand mon poème sera devenu lui- même
Tu ne reconnaîtras pas mon poème
Tu chercheras dans ses yeux étrangers
tous les regards que tu avais semés,
dans ses larmes celles que tu as versées sur lui
dans son cœur le battement de ton cœur
dans ses bras la chaleur que tes bras lui ont donnée,
Et chaque jour tu diras
Voici que mon fils est un étranger pour sa mère
Voici que je lui suis devenue étrangère.
Je chercherai mes paroles dans les paroles qui naîtront de lui,
Parmi les murmures, les silences, les cris,
Qu’il fera naître dans ceux qui le liront
Les murmures ineffables de mes ramures
Et le silence des plaines à l’infini de mon silence,
Et je dirai, fermant les paupières comme une dalle sur ma tombe,
Voici que je ne reconnais pas ces paroles
Voici que mon poème est étranger pour son père
Voici que de lui à moi, de moi à lui,
Le silence des étrangers règne en maître s’étend comme un champ de mort.
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JEAN EL MOUHOUB AMROUCHE
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