À mes filles
Vous me lirez lorsque je serai mort et ce sera bien ainsi
Car tout ce que j'ai écrit je l'ai écrit dans cette ombre paisible
Juste à côté de vous dans le silence heureux
Où les mots se laissent entendre dans une clarté
Qui n'existe que là
Et lorsque vous me lirez ce sera comme si une voix glissait
De l'autre côté des futaies et venait vous rappeler
Qu'il existe une autre manière de parler donc de vivre
Et que le monde n'est pas cette fête triste qu'on en fait
Pour vous empêcher de vivre toute la vie qui vous appelle
Ne laissez jamais la poésie
N'être qu'une image ou un mot
Regardez-la toujours
Se dessiner à l'horizon comme une aurore
Sur le désert qu'elle va fertiliser
Ne lui donnez pas la forme d'un visage venu du passé
Mais d'une musique
Sur laquelle vous danserez votre vie
En ne laissant rien retomber
De ce qui en vous demande à vivre
Lorsque vous l'entendrez et que cette voix vous paraîtra la vôtre
Qu'elle vous ramène à ce qui en vous souffre de sommeiller
- Le plus beau -
Qu'elle vous donne le désir de l'embraser
Puis qu'elle se perde dans le silence d'où elle est venue
Car c'est à vous
Qu'appartient le royaume
Ne laissez jamais personne
Ecrire à votre place
Le poème de votre vie
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EMMANUEL GODO
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