Pour l’enfant aux cernes mauves, au front plissé, qui baisse les yeux sur les cauchemars de sa nuit
et pour l’autre qui joue à la marelle, insouciant,
Pour la maison de l’homme persévérant que les prochaines bombes détruiront
et pour son champ d’orangers,
Pour le jeune homme qui n’ose plus trouver celle qui éclairera sa vie
et pour l’époux qui cherche sa compagne parmi les ruines
Pour les frères et cousins que les paroles des puissants jettent les uns contre les autres
et pour celui que de l’hélicoptère, on mitraille dans sa voiture
nous résisterons.
Pour les gens de la moyenne, obsédés d’argent et tremblants de peur,
que les spoliateurs ont enfermé dans leur individu, coupé de leur liens
et pour ceux qu’on engraisse avec des marchandises,
Pour le travailleur détrôné de son emploi
qui a perdu les chemins fraternels de la vie sociale
et pour ceux que les chiens de garde mordent dans la rue,
Pour celui qu’on a décrété«étranger », qu’on a exclu, cerné de haine,
Et pour celui que les souteneurs de l’ordre expulsent ou refoulent aux frontières
nous résisterons
Nous ne laisserons pas les ennemis blesser nos enfants, violer nos demeures ni prendre notre sol,
et nous lutterons pour qu’ils ne réduisent pas en esclavage nos frères les hommes.
Pour eux, nous résisterons,
mais pour eux, nous ne ferons pas payer le sang par le sang,
nous saurons vaincre nos peurs et trouver les voies du pardon,
nous aurons à nouveau l’audace de donner,
nous imaginerons, créerons, trouverons de nouveaux et modestes passages
Pour eux nous relierons ensemble nos fragilités,
Lents balancements des avoines folles,
sourire mouillé de l’enfant que son père console,
Oiseau revenu pour chanter d’un très long voyage,
Jeune plan de tournesol qui déjà, tendrement, croit vers le soleil,
Odeurs d’orangers, chaleur du buis rouge,
Enfant fragile que le maître avec attention accompagne et éduque
Sexe qui délicatement s’ouvre pour donner naissance et que la vie ait lieu,
Et ma main qui tremble pour écrire ce poème où je voudrais dire le passé et l’avenir.
Que toutes nos fragilités fleurissent
et nous les relierons,
car c’est ainsi que les femmes et les hommes vivent.
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